R. Zenati (1983)

lundi 28 mai 2007.
 
Cette notice a été rédigée, en collaboration avec Louis-Pierre Montoy, pour le bulletin Parcours, Recherches biographiques, Algérie 1830-1962, n° d’essai 0, novembre 1983 (publié par l’Association de recherche pour un dictionnaire biographique de l’Algérie (1830-1962) présidée par Gilbert Meynier).

ZENATI (Rabah). Né à Taourirt-el-Hadjadj (Commune mixte de Fort-National) en 1877, mort à Constantine le 15 octobre 1952. Instituteur, naturalisé français en 1903, puis journaliste, cofondateur de la Voix des Humbles, fondateur et animateur de la Voix indigène (1929-1947), devenue la Voix Libre (1947-1952). Partisan acharné et lucide de l’assimilation.

Né dans une famille de petits fellahs, Rabah Zenati passe par l’École Normale de la Bouzaréa (1892-1895). Toute sa carrière d’instituteur se situe dans le département de Constantine : Aguemoune (Commune Mixte du Guergour), Ikhelidjen (Soummam - Mixte), puis Constantine de 1903 à sa retraite en 1928.

Il participe en 1922 à la fondation de la Voix des Humbles, bulletin de l’Association des Instituteurs indigènes dont il deviendra le secrétaire général en 1925, et en 1924 à la fondation de l’Amicale des citoyens français d’origine indigène, lancée à Constantine par le docteur Taïeb Morsly, et dont il deviendra vice-président en 1930.

Au printemps 1929, il quitte la Voix des Humbles pour fonder la Voix indigène, « journal d’union franco-musulmane et de défense des intérêts indigènes ». Le premier numéro de cet hebdomadaire parait le 13 juin 1929. Buts : le rapprochement, l’assimilation, une Algérie définitivement française. Associé à deux camarades de l’École Normale, Ammar Bendiab et Benelmouloud, et à Tchanderli, l’impérieux Zenati se brouille avec eux en juin 1931 et les remplace par d’autres collaborateurs, dont son fils Akli, avocat.

Jusqu’en août 1934, la Voix Indigène ouvre ses colonnes à toutes les associations musulmanes assimilatrices, dont le Cercle de l’Union, présidé par le Dr Bendjelloul. Celui-ci devenu président de la Fédération des élus musulmans du département de Constantine, Zenati met son journal à sa disposition pour soutenir ses projets, dont la proposition de loi Viollette. Le journal s’associe aux protestations contre la « circulaire Michel » au printemps 1933 (Zenati est élu secrétaire général du Comité de défense des libertés indigènes), puis soutient la grande délégation des trois fédérations d’élus que Zenati accompagne à Paris comme secrétaire en juin 1933, et le mouvement de démissions qui suivit son échec.

Les émeutes anti-juives d’août 1934 mirent fin à cette collaboration. Par crainte que le mouvement revendicatif musulman ne tourne au soulèvement xénophobe, Zenati prêcha l’apaisement. Le Dr Bendjellou) l’accusa de s’être vendu aux juifs puis à l’Administration. En août 1935 la Fédération des Élus se donna un organe officiel, l’Entente franco-musulmane, auquel Zenati déclara la guerre. Le désaccord politique était fondamental. Zenati affirmait la nécessité d’un choix clair entre l’assimilation et l’« association ».

Zenati condamna le Congrès musulman de juin 1936 dans lequel il voyait le comble de l’équivoque. Il abandonna le projet Viollette, espoir de « tous les trublions indigènes », et se rallia au projet Cuttoli de naturalisation automatique de l’élite, complété par l’octroi d’une représentation particulière à la masse. Il se rapprocha de l’Administration, et publia entre 1937 et 1940 de nombreux articles dans le Républicain de Constantine, d’Émile Morinaud. En 1938 il publie Le problème algérien vu par un indigène dans les Renseignements coloniaux, supplément à l’Afrique Française, qui fera l’objet d’un tiré à part, et, sous le pseudonyme de Hassan, Comment périra l’Algérie Française.

Pendant la guerre il ne cesse de mettre en garde contre le succès de la propagande allemande auprès des masses algériennes. Il publie en 1944 un roman Bou-el-Nouar, le jeune Algérien, en collaboration avec son fils Akli, bâtonnier de l’ordre des avocats à Guelma et qui continue de publier des articles avec lui. Le roman obtiendra le grand prix littéraire de l’Algérie.

Le 12 février 1947 il change le titre de son hebdomadaire qui devient la Voix Libre et paraîtra jusqu’au 6 novembre 1952. De plus en plus isolé, très seul depuis la mort de son fils Akli en 1949, il pressent nettement le drame qui vient : « l’Afrique du Nord est dans une situation révolutionnaire caractérisée [...] les dirigeants actuels de la politique algérienne entassent erreur sur erreur ». Il mourut désespéré en octobre 1952, officier de la Légion d’honneur, et de l’Instruction publique.

Louis Pierre Montoy et Guy Pervillé



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