Il convient avant tout de compléter et de préciser le titre de ma communication : mon propos n’est pas de vous proposer une réévaluation élaborée et achevée du bilan de la guerre d’Algérie, mais d’exposer ce que j’entends par ce mot, et quels sont les facteurs qui la rendent possible et nécessaire, trente-cinq ans après la fin de cette guerre.
J’ai choisi « réévaluation » de préférence à « révision » pour éviter tout risque de malentendu. On sait en effet que la loi Gayssot a fait un délit du « révisionnisme », en punissant la négation du génocide perpétré par l’Allemagne nazie contre les juifs, au nom de la vérité dûment établie par les travaux des historiens spécialistes de la question. Bien que cette loi prétende ainsi consacrer et défendre la vérité historique, elle a suscité un malaise chez les historiens (même les plus hostiles à la propagande négationniste) qui craignent une confusion des rôles entre l’histoire et la justice, aboutissant à faire définir la vérité par les tribunaux. C’est ainsi que récemment l’historien américain Bernard Lewis a été poursuivi et condamné pour avoir mis en doute, dans une interview au Monde [1], le bien-fondé de l’identification de la déportation des Arméniens par les Turcs en 1915 à un génocide. Quoi que l’on pense du fond de la question, ce précédent judiciaire fait craindre que d’autres groupes ne soient tentés d’imposer leur vision d’événements controversés, en faisant censurer les travaux des historiens qui leur déplaisent.
Déjà l’historien Charles-Robert Ageron a été accusé de « révisionnisme » (bien que sans poursuites judiciaires) pour avoir refusé d’admettre des nombres de victimes affirmés sans preuve suffisante et répétés sans examen depuis longtemps. A la fois par l’anticolonialiste Yves Benot, dénonçant dans un livre [2] les 45.000 morts algériens de mai 1945, les 6.000 morts de Haïphong en novembre 1946, les 89.000 morts de Madagascar en 1947, et par Le clin d’oeil [3], un bulletin défendant la mémoire des 150.000 harkis massacrés en 1962. La convergence d’accusations identiques, venant d’auteurs aux idées diamétralement opposées, aurait dû leur montrer leur commune erreur. Les historiens ne font que leur métier en refusant d’admettre les opinions de quelques témoins (si compétents et respectables soient-ils) comme valant une démonstration appuyée sur des documents probants, laquelle n’a jamais été faite. Et ils doivent évidemment adopter la même attitude, qu’il s’agisse de massacres coloniaux ou de massacres anticoloniaux. Ainsi, ceux qui croient défendre la vérité historique empêchent en réalité les historiens de l’établir.
La révision des idées reçues est en effet un devoir permanent des historiens qui savent que même leurs propres travaux ne sont que des approximations de la vérité, des résultats provisoires toujours susceptibles d’être révisés si des documents ou des arguments nouveaux l’imposent. Aujourd’hui, trente-cinq ans après la fin sanglante de la guerre d’Algérie, deux sortes de facteurs invitent à une révision de son bilan : la découverte de nouveaux témoignages et documents sur son déroulement, et les plus récentes manifestations de ses conséquences à terme.
L’apport de nouveaux témoignages résulte de la poursuite d’un mouvement de publications ininterrompu depuis 1962, venant d’acteurs et de témoins de tous bords et de tous niveaux. Même si nombre d’entre eux se répètent, et si de nombreuses lacunes subsistent, leur lecture systématique et attentive fait apparaître de nouveaux éléments du puzzle, à mesure que certains jugent le moment venu de s’exprimer ou de révéler tel secret qu’ils avaient d’abord tu. C’est ainsi que les motivations et l’évolution de la politique gaullienne ont été récemment éclairés par le livre d’Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle [4], par les Mémoires de Michel Debré, et surtout par ses Conversations avec le général de Gaulle [5].
D’autres éclairages nouveaux viennent de la consultation des archives publiques accessibles, tels que les documents relatifs aux délibérations du Comité Français de Libération Nationale d’Alger, sur la définition d’une nouvelle politique algérienne en 1944 [6], que ceux des archives militaires de Vincennes concernant l’Algérie de 1943 à 1946 publiés sous la direction de Jean-Charles Jauffret en 1990, et dont la suite est attendue depuis lors [7], bien que la majeure partie de ces archives soient ouvertes au public depuis juillet 1992. Signalons encore les documents du Comité des Affaires Algériennes (1960-1962) consultables par dérogation [8].
Cependant, un autre facteur nous incite à réviser moins les faits eux-mêmes que leur interprétation : l’éclairage a posteriori des événements passés par leurs conséquences les plus récentes nous fournit un début de recul historique, l’accélération de l’histoire aidant. Ainsi, la guerre d’Algérie devient explicable dans la durée comme d’autres conflits plus éloignés dans le temps, à la fois en amont par ses causes, et en aval par ses conséquences. C’est ce dernier aspect que je vais développer maintenant.
Durant les trente premières années de l’Algérie indépendante, la tendance prépondérante dans les milieux intellectuels français voyait dans le succès du nationalisme algérien la preuve de sa légitimité. L’impression que l’Algérie était un pays en bonne voie de développement justifiait ceux qui avaient combattu pour son indépendance ou l’avaient soutenue. S’ils étaient conscients des aspects négatifs de la révolution algérienne et du régime autoritaire qu’elle avait institué, ils en imputaient la responsabilité indirecte à l’intransigeance du colonialisme français qui avait empêché toute émancipation pacifique et démocratique du peuple algérien [9]. Ainsi, les partisans de la décolonisation pouvaient garder bonne conscience. « Pourquoi ceux dont le seul tort est d’avoir eu raison avant le autres devraient-ils s’excuser ? » écrivait le journaliste communiste Henri Alleg dans l’introduction de son histoire de la guerre d’Algérie publiée en 1981 [10]. Cette bonne conscience s’est encore manifestée récemment lors du colloque Mémoire et enseignement de la guerre d’Algérie organisé à Paris en mars 1992 par la Ligue de l’Enseignement et l’Institut du Monde Arabe.
Pourtant, depuis une dizaine d’années, se sont accumulés les symptômes d’une faillite matérielle, puis politique et morale, de l’Algérie indépendante. Depuis 1992, le pays est ravagé par une nouvelle guerre civile qui ravive les souvenirs de la précédente, particulièrement chez les rapatriés français et « français musulmans ». Ils voient se répéter sous leurs pires formes le terrorisme aveuglément xénophobe, et l’usage systématique de la plus cruelle violence contre les « traîtres » par les groupes islamistes armés ; mais aussi, et paradoxalement, la stigmatisation du « terrorisme » par un pouvoir militaire qui l’avait auparavant pratiqué et glorifié contre le « colonialisme » français [11].
Cette impression d’une répétition de l’histoire n’est nullement le propre des témoins français de la première guerre d’Algérie : elle est entretenue et exploitée par les propagandes des deux camps algériens en lutte pour légitimer leur cause en disqualifiant celle de leur adversaire. Les islamistes identifient le pouvoir militaire et les intellectuels francophones laïques (dont une partie le soutient) au « parti de la France » ou aux « nouveaux pieds-noirs » ; le pouvoir et ses partisans contre-attaquent en dénonçant les terroristes islamistes comme des « fils de harkis », et en revendiquant pour leurs propres groupes d’autodéfense le nom de « patriotes ». Ces propagandes contradictoires exploitent les mythes fondateurs de la nation algérienne sans se soucier de la vérité historique [12].
Cette impression de répétition est pourtant plus qu’un faux-semblant. Elle rend manifeste un véritable facteur de continuité entre les deux guerres d’Algérie : la perpétuation par la commémoration officielle d’une mémoire obsessionnelle de la « guerre de libération », exaltant sans discernement la rupture avec la France et l’usage systématique de tous les moyens violents contre les « colonialistes » et les « traîtres ». L’exemple du terrorisme anti-français, parfois occulté ou nié, est particulièrement révélateur. Plusieurs témoignages publiés en Algérie ont attesté que des ordres avaient été donnés « d’abattre un Européen, n’importe quel Européen, pourvu que ce soit un Européen » [13]. D’autres textes qualifiés de « récit » ou de « roman » ont prétendu justifier l’emploi d’une « méchanceté sans borne ni distinctions » contre des « ennemis inhumains », sans pouvoir cacher un racisme flagrant : « Des Espagnols aux casquettes molles tombaient, des Maltais aux tignasses pouilleuses aussi, des Italiens aux visages cauteleux [ ... ]. Ahmed tirait avec le sentiment de nettoyer les rues, de les débarrasser de toute cette faune parasite qui les encombrait » [14]. La publication de telles apologies du crime raciste au temps où le gouvernement algérien disposait du monopole de l’édition, de l’information et de l’enseignement, engageait gravement sa responsabilité. Pour qui avait pu lire ces lignes, la fureur xénophobe du GIA n’avait rien d’imprévisible. L’actuelle mise en cause officielle des fils de harkis détourne l’attention des véritables responsables. Au lieu de prôner l’éradication par tous les moyens du terrorisme islamiste, il aurait mieux valu ne pas commencer par en semer et en cultiver les graines. Comme l’a écrit l’historien algérien Mohamed Harbi : « L’idéalisation de la violence [ ... ] requiert un travail de démystification. Parce que ce travail a été frappé d’interdit, que le culte de la violence en soi a été entretenu dans le cadre d’un régime arbitraire, l’Algérie voit resurgir avec l’islamisme les fantômes du passé » [15].
L’exaltation de la violence fondatrice de l’Etat algérien est en effet inséparable de la culture politique algérienne, culture de guerre et de guerre civile non reconnue comme telle. Le système politique élaboré par le FLN de 1954 à 1962, et institué de 1962 à 1989, postulait l’unanimité nationale et l’imposait par la force. Toute divergence politique à l’intérieur du peuple algérien était niée en tant que telle et qualifiée de trahison au profit de l’ennemi extérieur, ce qui empêchait toute démocratie et livrait le pouvoir aux détenteurs de la force résolus à s’en servir. Comme l’écrit le politologue Lahouari Addi, ce système politique est fondé sur « le présupposé qu’entre Algériens il n’y a pas de conflits politiques. Il y a des conflits politiques entre Algériens et étrangers, ou entre Algériens patriotes et Algériens traîtres. Ce type de conflit n’a pas à être institutionnalisé, car les traîtres sont à exterminer physiquement, à « éradiquer », d’où le caractère sanglant de la crise actuelle » [16]. Tel est le véritable lien qui réunit la présente surenchère de violences réciproques et les massacres de « harkis » en 1962.
La guerre civile actuelle ne saurait s’expliquer uniquement en termes de culture politique. Elle résulte avant tout d’un problème objectif non résolu : comment faire vivre mieux une population qui s’accroît de plus en plus vite dans un pays aux ressources naturelles très limitées ? L’échec de la politique économique « socialiste » choisie par le FLN en 1962, flagrant depuis la chute des cours du pétrole en 1985, révèle après coup des erreurs fondamentales : surestimation des possibilités de l’économie étatisée, bureaucratisée, et de la rente pétrolière et gazière ; sous-estimation de la contradiction entre les limites des ressources en eau, des sols cultivables, de la production agricole, et l’augmentation galopante de la population. Ces erreurs semblent explicables par l’absence d’une véritable réflexion économique dans le mouvement national algérien, qui réduisait tous les problèmes de l’Algérie au seul problème politique, et croyait que sa solution commandait tout le reste. Au contraire des hauts fonctionnaires et hommes politiques français, qui concevaient le problème algérien comme essentiellement démographique, économique et social.
Ainsi, la faillite générale de l’Algérie nous invite à une relecture plus critique de l’histoire du mouvement national algérien, qui mette en évidence ses erreurs et ses fautes fondamentales, et qui cesse d’en imputer la responsabilité principale au « colonialisme » français. Même s’il reste permis de supposer qu’une autre politique française prévoyant et préparant beaucoup plus tôt la formation d’un Etat algérien (comme celle que Lyautey avait préconisée dès 1925 pour toute l’Afrique du Nord) aurait pu produire de meilleurs résultats, on doit constater que ceux qui ont rejoint ou soutenu le FLN en croyant contribuer à la naissance d’une Algérie libre et démocratique suivant le modèle français (comme Ferhat Abbas, et nombre d’intellectuels de culture française) se sont trompés, et qu’ils ont cautionné un système politique contraire à leur idéal sans pouvoir l’amender. Il est donc permis de penser que ceux qui ont refusé de reconnaître sa légitimité n’avaient pas nécessairement tort, qu’ils pouvaient avoir de bonnes raisons de s’y opposer. Les Français d’Algérie ont ainsi de bonnes raisons d’espérer que leurs compatriotes de France finiront par les comprendre un jour, et qu’ils cesseront de les traiter en boucs émissaires.
Mais faut-il pour autant inverser purement et simplement les idées naguère dominantes, en réhabilitant intégralement le « colonialisme » français et en accusant tous ses détracteurs ? C’est une tentation bien compréhensible, mais dangereuse : gardons-nous de l’histoire-fiction rétrospective. L’histoire véritable ne permet pas d’affirmer que de Gaulle est responsable de tous les maux actuels de l’Algérie et de la France [17], ni que sans sa « trahison » les deux pays seraient aujourd’hui unis, paisibles, prospères et heureux.
Le temps manque pour discuter à fond certaines idées considérées à tort comme des vérités par certains esprits nostalgiques de l’Algérie française. Par exemple, faut-il continuer à répéter que l’Algérie était une province française avant Nice et la Savoie, et aussi française que l’Alsace-Lorraine, alors que la masse de sa population était restée privée de la citoyenneté française jusqu’en 1944, voire jusqu’en 1958, et qu’elle avait refusé de renoncer à son statut personnel musulman ou coutumier pour acquérir cette citoyenneté ? Est-il pertinent de minimiser l’importance du nationalisme algérien en le présentant comme un phénomène minoritaire et tardivement importé, alors que presque toutes les nations d’Europe (à part la France et quelques autres) ont été créées par l’action de minorités organisées dont on pouvait également contester la représentativité ? Peut-on affirmer que la guerre d’Algérie était pratiquement gagnée en 1958 ou 1960, alors que nous voyons les groupes terroristes irlandais et basques soutenus par une partie de la population qu’ils prétendent représenter, poursuivre leur action depuis plusieurs décennies ?
A supposer que la guerre eût été alors gagnée, peut-on croire qu’il suffisait de vouloir l’intégration de l’Algérie à la France pour la réussir ? Rien n’est moins sûr. L’intégration a été décidée en 1944 par le Comité français de libération nationale, pour l’Algérie comme pour les autres colonies. Elle s’est heurtée à une contradiction insurmontable entre l’impératif politique d’égaliser très rapidement les niveaux de vie des Français et des peuples dépendants, et l’impossibilité pratique de le faire sans un transfert sans cesse croissant et toujours insuffisant de ressources métropolitaines, à cause de l’inégalité excessive des conditions économiques et démographiques [18]. Un demi-siècle d’application de cette politique dans les départements et territoires d’Outre-mer n’a pas suffi à développer leurs forces productives au même niveau que leurs capacités de consommation artificiellement entretenues par la métropole. La découverte du pétrole et du gaz sahariens à partir de 1956 aurait aidé à rééquilibrer les échanges franco-algériens, mais la France n’aurait pas pu les conserver pour assurer son indépendance énergétique sans assumer en même temps l’élévation du niveau de vie de l’Algérie en pleine explosion démographique. L’essor sans précédent depuis 1962 de l’émigration algérienne (et, plus largement, nord-africaine et africaine) vers la France, manifeste un échec de la politique gaullienne de décolonisation qui visait à l’empêcher pour préserver l’identité nationale, autant que l’insuffisance des politiques économique et démographique des Etats décolonisés. Mais l’immigration n’est pas la cause principale des graves difficultés économiques et sociales qui affectent la France (pas plus que les chocs pétroliers de 1974 et de 1979, compensés par le contre-choc de 1985) : celles-ci résultent, selon le prix Nobel d’économie Maurice Allais, des « politiques insensées qui ont été mises en oeuvre dans le monde occidental, en Europe, et tout particulièrement en France » depuis 1974 [19]. C’est parce que la France ne peut plus garantir l’emploi de tous ses habitants que sa capacité d’intégrer les nouveaux immigrants est remise en cause. L’indépendance de l’Algérie, et la décolonisation en général, ne sont pas les seules causes de la situation actuelle.
Gardons nous donc de faire appel aux pouvoirs publics pour leur demander de réprimer la « désinformation » anticoloniale, et d’imposer par une loi la réhabilitation intégrale de la colonisation française, en Algérie [20] comme ailleurs. Cette idée, qui paraît séduire plusieurs associations de rapatriés, suppose que l’opinion métropolitaine ait été délibérément trompée par des menteurs de mauvaise foi. La réalité est beaucoup plus complexe. L’opinion métropolitaine a été influencée, dans la longue durée, par des courants favorables ou hostiles à la colonisation [21]. Malgré l’ignorance, l’indifférence ou l’hostilité de la masse des Français, le « parti colonial » avait réussi à inspirer les décisions de tous les gouvernements républicains depuis 1879, et à faire « l’éducation coloniale de l’opinion » par une active propagande scolaire et extra-scolaire. Les sondages prouvent que le sentiment pro-colonial atteignit son apogée en France à l’issue de la Deuxième guerre mondiale, mais qu’il régressa rapidement par la suite en fonction des guerres d’Indochine et d’Algérie. Les revirements du parti communiste, de la « nouvelle gauche », et du général de Gaulle, n’expliquent par tout. Il faut également mettre en cause la soudaine perte de crédibilité de la propagande coloniale qui avait abusivement simplifié et déformé les problèmes pour mieux convaincre les Français que la colonisation était à la fois une bonne action et une bonne affaire [22]. La découverte brutale de réalités inconnues démentant les idées inculquées ouvrit alors les esprits aux propagandes anticoloniales.
Il ne faut donc pas condamner le conformisme anticolonial prépondérant depuis trente-cinq ans pour revenir à celui du « colonialisme » triomphant, mais diminuer l’ampleur des oscillations de l’opinion française entre les idéologies extrêmes, en critiquant également les idées reçues des deux côtés. Le devoir des historiens est (comme toujours mais plus que jamais) de rétablir la vérité historique occultée ou déformée, mais ils n’ont pas besoin que l’Etat leur dise quelle vérité ils doivent établir. L’absence d’une doctrine officielle sur la guerre d’Algérie, en France, est un avantage inestimable (que démontre a contrario le cas de l’Algérie). Les rapatriés et leurs enfants n’ont pas besoin d’imposer des directives politiques aux historiens : il leur suffit de faire eux-mêmes oeuvre d’historiens.
Guy Pervillé.
NB : Ce colloque a réuni en plus de la mienne les contributions de
Marc Agostino : Le cardinal Lavigerie et ses successeurs,
réflexions sur le catholicisme en Algérie.
Jacques Frémeaux : Royaume arabe et Algérie française.
Gérard Crespo : Algérie, colonie de peuplement ?
Jean-Charles Jauffret : Regards croisés : l’Algérie, les Français d’Algérie vus par les hommes du contingent (1954-1962).
Jean-Jacques Jordi : Avec les rapatriements, la page est-elle tournée ?
[1] Interview de Bernard Lewis dans Le Monde du 16 novembre 1996, et sa lettre complémentaire dans le numéro du ler janvier 1994.
[2] Yves Benot, Massacres coloniaux - 1944-1950 : la IVème République et la mise au pas des colonies françaises, Paris, La Découverte, 1994. La préface de François Maspero rappelle à deux reprises le « million de morts » de la guerre d’Algérie.
[3] Le clin d’oeil, bulletin d’information sur la cause des harkis, dirigé par Ahmed Kaberseli, n° 88 (août 1994), 89 et 90.
[4] Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Fayard, 1994 :voir notamment p. 52, sur les conséquences de la politique d’intégration.
[5] Michel Debré, Mémoires, t. 3, Gouverner, Paris, Albin Michel, 1988, et Conversations avec le général de Gaulle, mêmes éditions, 1993 (notamment pp. 20-22).
[6] Voir notamment les rapports du général Catroux (commissaire d’Etat aux affaires musulmanes et gouverneur général de l’Algérie) et du commissaire aux colonies René Pleven, aux Archives du Quai d’Orsay, volume 995, pp. 90-90 bis, et pp. 6061.
[7] La guerre d’Algérie par les documents, t. 1, L’avertissement (1943-1946), s. dir. J.-C. Jauffret, Vincennes, Service historique de l’Armée de Terre, 1990. Le tome 2 (1946-1954) est prêt.
[8] Archives nationales, Paris, F 60. Consulté notamment par le général Faivre pour son livre Les combattants musulmans de la guerre d’Algérie, Paris, L’Harmattan, 1995.
[9] François Maspero dénonce le « révisionnisme » prétendant qu’« il est sans conséquences pour un pays comme l’Algérie [ ... ] d’avoir subi pendant cent trente ans la négation de ses structures sociales, l’éradication de ses fondements culturels, d’avoir vécu une sorte de dissidence intérieure de tout un peuple, de n’avoir connu de l’Etat de droit que l’application du droit du plus fort [ ... ], d’avoir perdu un million des siens. Et que le cauchemar qu’elle vit aujourd’hui est non seulement totalement indépendant de son passé colonial, mais encore justifie ce passé ». Préface du livre cité d’Yves Benot.
[10] « Mais par quelle logique aberrante des hommes dont l’histoire a vérifié la clairvoyance devraient-ils être moins aptes que d’autres à tirer les leçons du passé, alors que ceux qui se sont trompés sur l’essentiel seraient, eux, parfaitement qualifiés pour tenter de justifier leurs propres erreurs ? ». Henri Alleg, préface à La guerre d’Algérie, Paris, Temps actuels, 1981, t. 1, p. 9. 11 Dans les Cahiers du Communisme de mars 1992, l’historien communiste Pierre Haudiquet me reprochait de reprendre « l’expression employée de 1954 à 1962 pour qualifier le combat des insurgés, le "terrorisme". Elle permettait à l’époque aux autorités de masquer la réalité de la guérilla, et notamment de la lutte typiquement paysanne. [ ... ]. Elle permet aujourd’hui de dénaturer cette lutte, en l’assimilant au terrorisme contemporain, sournois et terrifiant ».
[11] Dans les Cahiers du Communisme de mars 1992, l’historien communiste Pierre Haudiquet me reprochait de reprendre « l’expression employée de 1954 à 1962 pour qualifier le combat des insurgés, le "terrorisme". Elle permettait à l’époque aux autorités de masquer la réalité de la guérilla, et notamment de la lutte typiquement paysanne. [ ... ]. Elle permet aujourd’hui de dénaturer cette lutte, en l’assimilant au terrorisme contemporain, sournois et terrifiant ».
[12] Pour plus de détails, voir mes articles : « Mémoire et histoire de la guerre d’Algérie sur les deux rives de la Méditerranée » in Confluences Méditerranée, no 19, automne 1996 ; et « Histoire de l’Algérie et mythes politiques algériens : du “parti de la France” aux anciens et nouveaux harkis », à paraître dans le actes du colloque de l’Institut d’histoire du temps présent, sur La guerre d’Algérie et les Algériens (Paris, mars 1996).
[13] Dr Bensalem Djamel Eddine, Voyez nos armes, voyez nos médecins, Alger, ENAL, 1985,p.213.
[14] Abdelkader Ben Azzedine Ghouar, Cinq fedayine ouvrent le feu à Constantine, Alger, ENAL, 1986, pp. 93 et 195.
[15] Mohamed Harbi, L’Algérie et son destin, croyants ou citoyens, Paris, Arcantère, 1992,p.155.
[16] Le Monde, 29 novembre 1995, p. 16.
[17] Cf. le titre de Rivarol, no 2218, 28 octobre 1994 : « Invasion, islamisme, pourritique, crise institutionnelle... Responsable : de Gaulle ».
[18] Démonstration faite à l’époque par Raymond Aron, dans La tragédie algérienne et dans L’Algérie et la République, Paris, Plon, 1957 et 1958. Voir aussi la thèse de Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 1984, pp. 135-148, et celle de Daniel Lefeuvre, L’industrialisation de l’Algérie, 1930-1962, l’échec d’une politique.
[19] Maurice Allais avait condamné les accords d’Evian au nom du droit de tous les habitants de l’Algérie à l’autodétermination. Il condamne aujourd’hui l’ultralibéralisme économique dominant, notamment dans Le Figaro des 19 et 21 novembre 1996.
[20] Le colonel Abdelaziz Meliani, dans son livre Le drame des harkis, Paris, Perrin, 1993, p. 122, réclame la « création d’une commission d’historiens aux fins de rétablir la vérité historique sur la présence française en Algérie de 1830 jusqu’à 1962 » et dénonce la « vision manichéenne et simpliste imposée par les tiersmondistes pleurnichards, les idéologues marxistes d’une intelligentsia dévoyée et autres censeurs des années soixante ».
[21] Voir notamment sur le courant anticolonial : Marcel Merle, L’anticolonialisme européen de Las Casas à Marx, Paris, Armand Colin, 1962, et Charles-Robert Ageron, L’anticolonialisme en France de 1871 à 1914, Paris, PUF, 1973 ; sur le courant pro-colonial, Raoul Girardet, L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, La Table ronde, 1972, et Charles-Robert Ageron, France coloniale ou parti colonial ?, Paris, PUF, 1978.
[22] Que dire de tel manuel de géographie de 1930 présentant l’Algérie comme un prolongement de la France en omettant l’existence de la population musulmane, de La Dépêche de Constantine, se vantant en 1953 d’être lue par une population de trois millions d’habitants, ou de la propagande intégrationniste annonçant que la perte de l’Algérie condamnerait le cinquième des ouvriers français au chômage, alors que les ventes de la France à l’Algérie étaient de plus en plus payées par les contribuables métropolitains ? Faut-il parler de désinformation ou d’automystification ?