La France en Algérie, 1830-1954 (2012)

mercredi 14 mars 2012.
 

Guy Pervillé, La France en Algérie, 1830-1954, Paris, Vendémiaire, mars 2012, 525 p., 26 euros.

Ce livre est fondé sur des recherches que j’ai réalisées pour l’essentiel de 1980 à 1992. Il avait été rédigé pour les trois quarts à l’occasion de mon habilitation à diriger des recherches, soutenue le 15 janvier 1993 à l’Université de Paris I, mais je n’avais pas eu le temps de terminer sa rédaction au delà de l’été 1945. J’ai jugé utile de la reprendre là où je l’avais laissée pour aider à mieux comprendre les tragiques événements de mai 1945 et les origines de la guerre d’Algérie proprement dite (1954-1962).

Couverture La France en Algérie - 89.9 ko

Couverture La France en Algérie

Débarqués en Algérie en 1830, les Français ont colonisé le pays avec brutalité et méthode. Durant plus d’un siècle, ils ont refusé toute réforme qui aurait fait de ses habitants des citoyens à part entière. Au contraire, les gouvernements qui se sont succédés ont considéré cette colonie comme un réservoir d’hommes et de matières premières, et ce jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, qui a fait d’Alger la capitale de la France libre et un enjeu stratégique dans les relations entre les Alliés.

Dès lors, contraints de rechercher des solutions à une situation qu’ils avaient laissé pourrir, les dirigeants français ont tenté maladroitement de mener une politique de réformes, jusqu’à l’inéluctable déclenchement du conflit.

Guy Pervillé s’attache à analyser ici comment et pourquoi ces réformes n’ont pas vu le jour, en somme à quels intérêts, à quelles pesanteurs idéologiques, elles se sont heurtées.

Un angle d’étude novateur, sans concessions et sans parti pris, pour mieux comprendre la guerre qui embrasa l’Algérie à partir de 1954.

Guy Pervillé est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse-le Mirail. Il a notamment publié Pour une histoire de la guerre d’Algérie (Picard, 2002), Atlas de la guerre d’Algérie (Autrement, 2003, réédition 2011), La guerre d’Algérie, histoire et mémoires (Bordeaux, CRDP d’Aquitaine, 2008), et La guerre d’Algérie (PUF, Que sais-je ? n° 3765, 2007, réédition 2012).

-  Table des matières :

-  Avant-propos, p. 5.

-  Introduction, p. 9.

-  Le temps des choix fondamentaux, p. 21.

-  L’immobilisme de la Troisième République, p. 61.

-  L’Algérie française à l’épreuve de la guerre, p. 123.

-  Ambitions et atermoiements du CFLN, p. 183.

-  Le sursaut et les scrupules des années 1944-1945, p. 291.

-  La politique l’emporte sur la volonté, p. 361.

-  Le choix de l’immobilisme, p. 401.

-  Conclusion, p. 439.

-  Notes, p. 449.

-  Cartes, p. 493.

-  Sources, p. 499.

-  Bibliographie, p. 505.

-  Index des noms propres, p. 517.

-  Table des matières, pp. 524-525.

-   Voici un compte rendu un peu plus détaillé que la 4ème de couverture citée plus haut, emprunté aux sites www.decitre.fr/ et www.leslibraires.fr/ :

"Débarqués en Algérie en 1830, les Français ont colonisé le pays avec brutalité et méthode.

Durant un peu plus d’un siècle, ils ont refusé toutes les réformes qui auraient fait des habitants de ce territoire deux fois grand comme la France des citoyens à part entière, avant de rechercher maladroitement, dans le désordre de l’après-guerre, des solutions à une situation qu’ils avaient laissé pourrir. Cinquante ans après les accords d’Evian, ce livre extrêmement documenté est le récit sans concessions et sans parti pris d’un irrémédiable divorce.

Pendant cent trente ans, la politique française en Algérie a été une succession d’aveuglement devant la réalité, de réformes inabouties et de recours privilégié à la force. L’ouvrage retrace d’abord les circonstances dans lesquelles s’est exercée la colonisation française : une période marquée par les guerres européennes, qui ont conduit les gouvernements à considérer cette colonie comme un réservoir en hommes et en matières premières, et cela jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, qui fait d’Alger le centre de la France Libre et un enjeu stratégique dans les relations entre les Alliés.

Il analyse ensuite les projets de loi et de réformes qui se sont succédé depuis 1945 et la répression sanglante des émeutes de Sétif. Cette période, qui va jusqu’au déclenchement de la guerre d’Algérie en 1954, est encore méconnue, tant les historiens ont tendance à considérer ce qui s’est produit par la suite comme inéluctable. L’auteur s’attache au contraire à analyser comment les " hommes nouveaux " de la IVe République se sont trouvés confrontés à une situation de fait qui n’était pas encore forcément une situation de conflit, en quels termes ils ont essayé de résoudre la " question algérienne ", comment et pourquoi tous les projets de réformes mis en chantier n’ont pas vu le jour, en somme à quels intérêts, à quelles pesanteurs idéologiques, ils se sont heurtés. Un angle d’étude novateur, alors que le cinquantenaire des accords d’Evian va produire une offre éditoriale axée davantage sur les événements de la guerre et de l’indépendance."

-   Et le premier compte rendu, très bref, que j’ai trouvé dans la presse :

"Guy Pervillé retrace l’histoire d’une colonisation qui n’est jamais parvenue à instaurer une relation d’égalité entre une population berbère et arabo-musulmane et les nouveaux venus de France, mais aussi du pourtour méditerranéen qui allaient former la communauté pied-noir. Dès les débuts de l’entreprise coloniale, ni Napoléon III avec son projet de "royaume arabe", ni Jules Ferry qui était partisan de l’assimilation n’ont réussi à faire comprendre aux "colonistes" qu’il fallait instaurer un lien de confiance avec les autochtones, contribuant ainsi à générer un nationalisme qui ne pouvait que déboucher à, terme sur l’affrontement."

Les Chemins de la Mémoire, ministère de la défense - SGA-DMPA, juillet-août 2012, p. 15.

-   Enfin le premier compte rendu complet, qui complète heureusement le précédent en montrant tous les points essentiels du livre :

"La France avait-elle vraiment une politique algérienne ? Telle est la question que traite ici Guy Pervillé, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse, déjà auteur de nombreux ouvrages sur la guerre d’Algérie, et bien connu de nos lecteurs. Les théoriciens de la colonisation, dit-il, avaient défini quatre politiques : assujettissement, assimilation, association et autonomie. Mais les réalisations manquèrent de cohérence. Des formes d’assujettissement perdurèrent depuis les bureaux arabes jusqu’aux SAS, en passant par les communes mixtes. L’assimilation, doctrine prédominante, ne put concerner que les étrangers d’origine européenne et les juifs autochtones (décret Crémieux, et se heurta au manque d’émigrés métropolitains et à la croissance imprévue de la population musulmane. L’association (envisagée un temps par Napoléon III, avec son "royaume arabe") n’aboutit, en 1919, qu’à créer une demi-citoyenneté pour les indigènes. Quant à l’idée de l’autonomie, mise en oeuvre en 1901 avec la création des délégations financières, elle fut retournée contre nous par les nationalistes dès les années 1930. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, on se trouvait donc dans une impasse qu’aggrava le débarquement anglo-américain de novembre 1942 : "pour la première fois depuis 1830, le tête à tête des vainqueurs et des vaincus était brisé". Mais pour la première fois aussi, à Alger, capitale de la Franc en guerre, un gouvernement français esquisse une véritable politique de réformes, méconnue de nos jours, et que Guy Pervillé tire de l’oubli, en étudiant de façon très détaillée les mesures prises par De Gaulle et par le général Catroux en 1943 et 1944. Cependant, la volonté de changement est freinée par les atermoiements ; il en fut de même sous la IVème République jusqu’à l’adoption, en 1947, du statut de l’Algérie, instituant une Assemblée algérienne élue par deux collèges. Trop tard et trop peu dans la course de vitesse engagée par les nationalistes musulmans, y compris Ferhat Abbas, le plus modéré d’entre eux, d’autant que les événements de Sétif (mai 1945) avaient creusé une fracture entre les deux communautés, et que le choix de l’immobilisme s’imposera aux gouverneurs généraux Chataigneau, Naegelen, et Léonard (duquel Guy Pervillé utilise les Mémoires inédits). Ainsi, sous cet angle novateur, l’auteur remet en perspective les tragiques événements de 1954 à 1962 ; et il le fait avec la grande honnêteté intellectuelle que nous lui connaissons, sans concessions ni parti pris, en véritable historien. Un historien étranger aux polémiques répandues par les écrivains anticolonialistes qui ont presque seuls, hélas, les faveurs des médias en ce cinquantième anniversaire de notre exil."

Georges-Pierre Hourant, L’Algérianiste n° 139, septembre 2012, pp. 83-84.

-   Et un deuxième compte rendu, publié plus tardivement :

"C’est un livre très important sur cette période actuellement négligée et déformée. L’auteur, historien réputé pour son indépendance, la traite en détail (voir les notes) et avec nuance mais il conclut : "Ce fut le plus grand échec de la colonisation française". Au départ, après la conquête, la France avait le choix entre "assimilation, association, autonomie". Ce fut l’assimilation qui s’imposa avec le Troisième République. Mais (résumons rapidement) elle se heurta à une situation de fait. Le peuplement européen devenait de plus en plus minoritaire alors que la démographie musulmane explosait. Les problèmes politiques du moment et, pour les musulmans, le refus d’abandonner leur statut coranique, rendait l’accession à la citoyenneté française très difficile. Cet état de fait entraîna - suite aux réformes de 1919 qui leur donnaient certains droits locaux, un statut de "mi-citoyenneté" et plus tard le double collège, à parti des années trente - l’émergence, avec Messali Hadj, d’un nationalisme algérien indépendantiste. En 1936, le projet Blum-Viollette ouvrait l’accès à la citoyenneté complète en la donnant, sous condition, à une élite gardant son statut religieux. Elle fut découragée par les Européens d’Algérie et leurs amis politiques. Le projet fut repris et même élargi par le général de Gaulle en 1943 mais la contestation du régime colonial était devenue plus importante avec le "Manifeste du Peuple Algérien" de Ferhat Abbas. Cependant, et c’est le point fort du livre, une commission dirigée par le général Catroux travailla en 1943-44 sur un vaste programme de réformes visant à moderniser l’économie algérienne... Mais les moyens financiers manquèrent. L’insurrection (avortée) de mai 1945 et sa "répression" - l’auteur conteste le terme de "génocide" - créèrent un fossé entre les deux communautés. Même les assemblées législatives de 1946 élues en France, en Algérie (il y eut des députés nationalistes algériens), penchant à gauche, ne remirent pas en cause le dogme de la souveraineté française, et encore moins le statut de l’Algérie voté en 1947 par l’Assemblée nationale qui créa une Assemblée algérienne. L’évolution en cours fut mise à mal par la mise à l’écart de ces nationalistes, ce qui poussa les plus jeunes et les plus durs de leurs militants à préparer le soulèvement de 1954. Alors que dans le même temps, sur le plan économique et social, un développement de l’Algérie s’amorçait pour résoudre la tiers-mondisation d’une grande partie des masses algériennes."

Jean-Paul Angelelli, Mémoire vive, le magazine du Centre de documentation historique sur l’Algérie (CDHA), Aix-en-Provence, n° 53, 1er trimestre 2013, p. 45.

-   Puis un autre compte rendu paru à la fin 2013, destiné aux enseignants d’histoire :

"Sous un titre anodin, Guy Pervillé livre au public un ouvrage qui tranche avec l’abondante production d’écrits parus en 2012 pour célébrer le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie. Il s’agit rien de moins que de la conclusion de ses recherches sur la politique algérienne de la France qu’il avait engagées dans les années 1990. En cinq cent pages, dans un style limpide, il déroule le fil de l’action des politiques entre la décision de Paris d’engager l’épreuve de force en 1830 et le déclenchement de la guerre d’indépendance par les nationalistes algériens en novembre 1954.

Abordant la période clé de la conquête (1830-1870) baptisée à juste titre "le temps des choix fondamentaux", il revient sur la politique équivoque d’assimilation et la tentative de Napoléon III de donner un statut qui préserve l’identité arabe de l’Algérie. La seconde partie porte sur "l’immobilisme" de la IIIème République, dont les dirigeants ne parviennent pas à répondre aux changements en marche, notamment dans l’entre- deux-guerres. Ne s’agit-il pas d’abord et surtout d’une impuissance à faire des choix, en un mot à décider ? Ces soixante pages denses sont un modèle de synthèse qui peut être donné en exemple aux étudiants et recommandé aux collègues du secondaire. Dans le chapitre suivant, Guy Pervillé dresse un tableau de l’Algérie de 1939 à 1943, plus exactement jusqu’à la publication du Manifeste du peuple algérien (présenté dans les pages 161 à 169) : ici encore, il va à l’essentiel en nous éclairant sur la situation de l’Algérie "bastion" du maréchalisme (1940-1942).

Dans un quatrième chapitre - le plus neuf sur la question des "improbables" réformes - l’auteur reprend le dossier de la politique algérienne du Comité français de libération nationale. S’appuyant sur les fonds d’archives des ANOM d’Aix-en-Provence, jusqu’alors inexploités, il en monte les ambitions vite contrariées par l’administration et le conservatisme des Européens, sans oublier les divisions des politiques. En une centaine de pages d’une analyse d’une rare finesse - rien n’est négligé qui puisse éclairer le lecteur - Guy Pervillé expose les raisons d’un échec qui conduit aux émeutes de Sétif et de Guelma (drame du 8 mai 1945). La dégradation du climat politique après le départ du GPRF en août 1944 pour Paris fait l’objet d’un chapitre également important (Le sursaut et les scrupules des années 1944-1945) pour comprendre, à la lumière des dernières avancées de la recherche, les causes de la guerre d’indépendance. Les deux derniers chapitres concernent la "paix de dix ans" annoncée par le général Henry Martin après la soumission des révoltés de mai 1945 : le retour à la politique "politicienne", aux compromissions en dépit des dernières tentatives avortées ou sabotées des débuts de la IVème République (p 361 à 437).

Livre définitif sur les avatars de la politique algérienne de la France ? Les lecteurs - professeurs, étudiants et grand public éclairé - jugeront de la qualité de ce livre qui fera date en renouvelant en profondeur l’historiographie de l’Algérie contemporaine. Faut-il ajouter, en guise de conclusion, que Guy Pervillé n’a négligé aucune des exigences attendues de l’historien ? Rien ne manque pour les plus critiques : références, sources et bibliographie actualisée, sans oublier des cartes et un index des noms propres qui rendra de grand services. Seuls les puristes pourront regretter l’absence de chronologie sélective à destination des étudiants et du grand public."

André-Paul Comor, Historiens et géographes, n° 424, novembre 2013, p 295.

-   Et un autre compte rendu paru lui aussi à la fin 2013, dû à un spécialiste reconnu du sujet :

"Spécialiste incontesté de l’histoire de l’Algérie, Guy Pervillé livre ici un livre de haute tenue, mais quelque peu déconcertant en raison du décalage entre l’ampleur du sujet telle qu’elle est suggérée par le titre et la matière effectivement traitée.

Après avoir rapidement retracé l’implantation coloniale et les mécanismes de la domination française, l’auteur consacre l’essentiel de son étude aux années 1940-1947. Celles-ci couvrent il est vrai des épisodes essentiels : les politiques algériennes de Vichy et du CFLN, les événements du Constantinois de mai 1945 et la répression qui s’ensuit, la gestation et la mise en application du statut de 1947.

L’aspect le plus novateur de l’ouvrage réside dans une analyse très fouillée de la politique de réformes initiée par l’arrêté du 3 avril 1943 créant une Commission d’études économiques et sociales musulmanes. Il s’agissait alors pour le général Giraud, commandant en chef civil et militaire, et pour le gouverneur général Peyrouton, avant tout soucieux de lever des troupes indigènes, de répondre en termes prudents à l’écho du Manifeste du peuple algérien remis par Ferhat Abbas le 10 février aux autorités alliées et françaises. Les 37 membres de cette commission, nommés par le gouverneur général sur proposition du directeur des affaires musulmanes Augustin Berque, étaient équitablement répartis entre élus proches ou signataires du Manifeste et notables loyalistes. Dans le "cadre intangible de la souveraineté française", elle devait élaborer des proposition d’amélioration des conditions économiques et sociales. En fait, elle s’embourba dans des discussions politiques attisées par l’additif au Manifeste réclamant la reconnaissance d’un Etat algérien.

C’est donc avec l’avènement du CFLN, en juin 1943, Peyrouton ayant été remplacé par le général Catroux, et plus encore avec l’élimination de la fraction giraudiste, que le travail de réformes put entrer dans le vif du sujet, étant entendu que les revendications politiques du Manifeste demeuraient inacceptables. Dans le cadre de ses six sous-commissions, et non sans incidents de parcours, la commission inspira les ordonnances d’août et décembre 1943 qui réparaient, notamment, certaines inégalités en matière de soldes, de traitements et d’emplois. Ensuite, dans le sillage du discours prononcé par le général de Gaulle à Constantine le 12 décembre, une autre commission, franco-algérienne celle-ci, prépara l’ordonnance du 7 mars 1944 qui entendait réaliser l’assimilation politique des Algériens en reprenant tout en les amplifiant les dispositions du projet Blum-Viollette qui avait avorté en 1937. On sait combien l’ordonnance fut jugée décevante, voire inacceptable, par les représentants musulmans.

La dure répression des émeutes du Constantinois de mai 1945 aurait pu briser net la politique de réformes. Ce fut le mérite du gouverneur général Yves Chataigneau de ne pas désespérer de l’avenir malgré l’aversion que lui témoignait la communauté européenne. Par un arrêté d’avril 1946, il imposa la création des secteurs d’amélioration rurale, déjà envisagés deux ans plus tôt, dont les débuts furent prometteurs.

Mais l’adoption du statut de 1947, rejeté à l’Assemblée nationale par la totalité des élus musulmans, et le remplacement de Chataigneau par Marcel-Edmond Naegelen, ont eu raison de cette tentative réformiste, la plus sérieuse sans doute entamée en Algérie. Celle-ci stagne désormais dans un immobilisme qui, épaulé par le truquage des élections du deuxième collège, n’a pu que redonner force aux formations d’opposition.

D’où vient que ce livre sérieux, puisé aux meilleures sources, laisse aux lecteurs une impression de fragmentaire et d’inachevé ? Cela tient sans doute à une focalisation quasi exclusive sur la problématique de la réforme. Outre qu’elle accrédite cette idée chère à Charles-André Julien, que la France était en Algérie toujours en retard d’une réforme, et qu’une politique réformiste plus précoce et plus audacieuse aurait pu modifier le cours des choses, ce qui est hautement improbable, cette focalisation limite considérablement le champ d’analyse annoncé par le titre du livre. La France en Algérie, ce ne sont pas seulement des hectares confisqués et des réformes inabouties.Ce sont aussi, et qu’on ne veuille voir dans cette énumération la trace d’aucune bonne conscience coloniale, une Université parmi les meilleures, des usines et des centres de recherche, des essais d’urbanisme, des conservatoires et des musées, bref toute une vie intellectuelle et artistique, associative et sportive, dont la communauté musulmane n’était pas forcément exclue".

Bernard Droz, Outre-mers, revue d’histoire, n° 380-381, 2ème semestre 2013, pp. 364-365.

Réponse de l’auteur : La réaction de Bernard Droz me prouve que j’ai choisi un titre trop large pour exprimer le contenu réel de mon livre ; j’aurais mieux fait de l’intituler "La politique de la France en Algérie"... S’il faut le comparer à deux livres antérieurement publiés, celui de Pierre Darmon, " Un siècle de passions algériennes, une histoire de l’Algérie coloniale, 1830-1940 ", paru en 2009 chez Fayard, et celui d’André-Paul Weber, "1830-1930 : la France en Algérie : une malheureuse aventure", Publibook, 2010, le mien se situe clairement dans la même perspective que le second et non pas dans celle du premier. J’assume entièrement cette conception de mon sujet, même si je ne l’ai pas assez clairement explicitée.

-   Et enfin un bref compte rendu publié par Frédéric Valloire dans le n° 17 du Figaro-Histoire (dossier "Algérie, la guerre sans nom") décembre 2014-janvier 2015, p 100 :

La France en Algérie, 1830-1954, par Guy Pervillé. Vendémiaire, 2012, 528 pages, 26 euros :

"Remettre en perspective historique la guerre d’Algérie, c’est l’ambition de cette étude. Pari gagné. Elle signale l’enchaînement fortuit de décisions qui conduisent à une conquête de l’Algérie qui sera justifiée a posteriori. Elle note l’importance des années 1830-1840, quand est décidé de coloniser ces terres nouvelles par un peuplement européen. Elle souligne l’originalité de Napoléon III qui imagine un "royaume arabe", puis les contradictions et les erreurs de la IIIème République, l’inaptitude du régime de Vichy à préciser une politique nouvelle, les pressions anglo-américaines, l’émergence de mouvements nationalistes. Quatre politiques furent conduites sans jamais aboutir : assujettissement, assimilation, association, autonomie."

-  Et sur le site personnel de Paul Souleyre, écrivain à Bordeaux et fils de parents oranais (http://paul-souleyre.com/access/algerie) on peut lire ce compte rendu :

"L’ouvrage retrace d’abord les circonstances dans lesquelles s’est exercée la colonisation française : une période marquée par les guerres européennes, qui ont conduit les gouvernements à considérer cette colonie comme un réservoir en hommes et en matières premières, et cela jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, qui fait d’Alger le centre de la France Libre et un enjeu stratégique dans les relations entre les Alliés.

Il analyse ensuite les projets de loi et de réformes qui se sont succédé depuis 1945 et la répression sanglante des émeutes de Sétif. Cette période, qui va jusqu’au déclenchement de la guerre d’Algérie en 1954, est encore méconnue, tant les historiens ont tendance à considérer ce qui s’est produit par la suite comme inéluctable. L’auteur s’attache au contraire à analyser comment les « hommes nouveaux » de la IVe République se sont trouvés confrontés à une situation de fait qui n’était pas encore forcément une situation de conflit, en quels termes ils ont essayé de résoudre la « question algérienne », comment et pourquoi tous les projets de réformes mis en chantier n’ont pas vu le jour, en somme à quels intérêts, à quelles pesanteurs idéologiques, ils se sont heurtés.

Un livre récent et synthétique. Guy Pervillé est une référence aussi bien dans le monde pieds-noirs que dans celui de l’Éducation Nationale. Fait suffisamment rare pour être souligné." (sic)

PS : Mon collègue Jacques Frémeaux a également rendu compte de ce livre sur le site de l’Académie des Sciences d’Outre-mer : http://www.academieoutremer.fr/images/files/France-Algerie-%2858_291%29%281%29.pdf .

Académie des sciences d’outre-mer

Les recensions de l’Académie 1 La France en Algérie, 1830-1954 / Guy Pervillé éd. Vendémiaire, 2012 cote : 58.291

"Le titre de cet ouvrage est un peu trompeur, car, en dépit de son titre, la même importance n’est pas donnée à l’ensemble de la période qui va de 1830 à 1954, de la prise d’Alger au début de la guerre d’Algérie. Les cent dix premières années (1830- 1940) font l’objet d’une synthèse utile, mais rapide d’environ cent vingt pages, qui soulignent essentiellement la construction et le maintien obstinés d’une « Algérie française », d’autant plus éphémère qu’elle supposait le maintien d’un monde inchangé, dans le cadre, comme l’écrivit de Gaulle, « d’une France solide et d’une indivisible armée ». Les bouleversements du XXe siècle allaient précipiter le déclin de cette formule, dont même l’historien anticolonialiste Charles-André Julien reconnaissait qu’elle n’avait pas été sans grandeur. C’est précisément sur la période de sept ans qui s’étend de 1940, année de l’armistice, à 1947, année du vote du statut de l’Algérie par l’Assemblée nationale française, que Guy Pervillé a choisi de faire porter son étude. On sait que cette période, qui vit se succéder la défaite devant l’Allemagne nazie, le bombardement de Mers -El-Kébir, l’occupation américaine, les restrictions et la famine fut cruciale à bien des égards. Elle souligna en effet l’incapacité de la France à continuer à imposer par la seule combinaison de la force et du prestige son autorité à des Algériens assoiffés d’égalité et de justice, et profondément attachés à leur religion. Le principal mérite de l’ouvrage est de retracer avec précision, par-delà une trame événementielle de mieux en mieux connue, l’ensemble des débats qui agitèrent alors la classe politique française (y compris les élus algériens musulmans comme Ferhat Abbas), quant à l’avenir du pays. Ces débats, qui intéressèrent plus qu’on ne croit les autorités de Vichy avant de préoccuper celles de la France libre (le général Catroux, à l’action duquel est faite une large place, et nombre de personnalités politiques de la IVe République) furent souvent très approfondis, et on peut dire qu’ils ne laissèrent de côté aucune des modalités politiques, économiques ou sociales, de l’avenir algérien. Malheureusement, s’ils évaluèrent bien l’importance des mesures à prendre, le général de Gaulle, et moins encore ses successeurs, ne purent les imposer. La prolongation de la guerre, les émeutes de 1945, la limitation des ressources françaises, l’expliquent largement. Au surplus, on peut se demander si même l’aboutissement des réflexions menées au sein de commissions ou de comités parlementaires, en dehors de représentants algériens privés de véritables responsabilités par le maintien de la tutelle d’une métropole rendue encore plus lointaine par la guerre et ses suites, auraient jamais pu satisfaire une opinion française hostile aux réformes et une opinion musulmane radicalisée, de plus en plus en résonance avec l’évolution de la situation internationale, que l’auteur n’aborde pas ou peu (indépendance de la Libye en 1951, arrivée au pouvoir de Nasser et des « officiers libres  » en Égypte en 1952). Au total, Guy Pervillé apporte ici un éclairage très utile et extrêmement précis sur une histoire politique riche en analyses et en réflexions (on citera seulement ici l’éclairage donné aux concepts d’« assimilation » et d’« intégration »). Le seul reproche (amical) que je lui ferai est de ne pas citer en bibliographie mon livre sur La France et l’Algérie en guerre, 1830- 1870, 1954-1962, dont il avait pourtant fait un compte-rendu élogieux, et qui se proposait, comme le sien, mais d’une façon différente, de « montrer que l’histoire peut fournir d’autres perspectives de réflexion que les questions mémorielles ». Il me revient à mon tour de saluer son travail comme un livre important." Jacques Frémeaux

D’autre part, j’ai été informé par M. Denis Fadda, président de l’Académie des sciences d’outre mer, que mon livre à été choisi pour recevoir le prix Maréchal Lyautey 2012, qui a été remis en mon absence le 14 décembre 2012, et le site de cette académie m’a confirmé la nouvelle. Bien que je n’aie jamais pensé recevoir un jour une telle distinction, je dois dire très franchement qu’elle m’a semblé bien méritée. Ne pouvant malheureusement pas assister à la remise de ce prix, je me suis fait représenter par l’un des dirigeants des Editions Vendémiaire, Carl Aderhold, qui a lu le message suivant de ma part :

"Je suis très honoré que l’Académie des sciences d’outre-mer ait voulu m’attribuer son prix Lyautey pour 2012, et en même temps surpris, car j’ai poursuivi mes recherches et mes publications depuis plus de quarante ans sans penser à une telle récompense, si méritée puisse-t-elle être. Mais je veux surtout saisir l’occasion qui m’est offerte de rendre hommage à mon regretté maître Charles-Robert Ageron, qui fut l’un des membres de votre Académie. En effet, la matière de mon livre provient de la partie centrale du dossier que j’avais présenté à la Sorbonne en janvier 1993 pour mon habilitation à diriger des recherches, et je l’avais conçue comme un échantillon de thèse de doctorat d’Etat, fondé en grande partie sur des archives publiques. J’avais ainsi voulu lui montrer que je n’étais pas seulement un spécialiste de l’histoire dite immédiate, fondée sur des témoignages directs et sur des sources diverses déjà publiées.Mais j’avais été un peu déçu qu’il me reprochât d’avoir présenté ma recherche sur l’élaboration de la politique algérienne de la France jusqu’en 1945 sous la forme d’un récit suivant l’ordre chronologique des événements, et je lui avais répondu que cet ordre m’avait semblé le meilleur moyen de rendre compréhensible cette élaboration. Ayant pu terminer bien plus tard la rédaction de ma recherche jusqu’en 1954, et la publier avec les mises à jour nécessaires, je trouve dans votre choix la confirmation que mon travail a été efficace, et je vous en remercie très sincèrement."

Guy Pervillé.



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