La France et l’Algérie : les points de vue des « indigènes » en mai-juin 1940 et après (2014)

vendredi 7 août 2015.
 
Ce texte à été présenté au colloque sur "Le syndrome de mai 1940 : un trou noir mémoriel", qui s’est tenu à Lyon les 15 et 16 janvier 2014 à l’initiative de Gilles Vergnon (Sciences-Po Lyon) et d’Yves Santamaria (Sciences-Po Grenoble, qui vient d’être publié sous ce même titre aux éditions Riveneuve en juin 2015 (301 p). Il s’y trouve aux pages 233-248 ; mais un paragraphe supplémentaire, ajouté au dernier moment, n’a pas pu y figurer. Je l’ai rajouté en caractères gras pour attirer l’attention des lecteurs de ce site.

Ce sujet doit être centré sur le problème le moins bien connu : celui des réactions de l’opinion publique indigène aux événements de mai-juin 1940, dans la perspective propre à l’histoire de l’Algérie et non à celle de la France. Et pourtant, il convient de rappeler pour commencer des points importants qui relèvent de l’histoire de la France dans la guerre.

Le premier est celui du choix qui s’est imposé au gouvernement français de Paul Reynaud en mai et juin 1940 : signer l’armistice avec l’Allemagne - ce qui fut décidé après la démission de celui-ci par son successeur le maréchal Pétain - ou bien continuer la guerre outre-mer, en considérant que perdre une bataille (la bataille de France) n’était pas perdre la guerre, vu que « la Méditerranée travers(ait) la France comme la Seine traverse Paris » : position qui était alors soutenue par le ministre des colonies Georges Mandel et par le général de Gaulle, nouveau sous-secrétaire d’Etat à la guerre. Cette question se divisait à son tour en deux : la défense de l’Afrique du Nord contre les forces de l’Axe Rome-Berlin (renforcées éventuellement par celles de l’Espagne franquiste) était-elle militairement et surtout économiquement possible, étant donné l’absence d’industrie de guerre dans l’empire colonial ? Les historiens en ont longtemps discuté [1], et semblent s’accorder sur le fait que tout aurait dépendu de la volonté de Hitler, lequel n‘avait en réalité aucune intention de détourner son armée de la préparation de sa future offensive, programmée dès l’été 1940, contre l’URSS. D’autre part, plus profondément, le choix de continuer la guerre en Algérie posait implicitement la question de savoir si celle-ci était vraiment une partie du territoire national de la France, comme les républicains préféraient le croire. Le maréchal Pétain et le général Weygand avaient clairement répondu que non, en disant que le peuple français ne reconnaîtrait plus un gouvernement qui l’aurait abandonné à l’occupation allemande.

Mais les prises de position unanimes des chefs militaires et civils de l’empire colonial contre l’armistice, entre le début des négociations et la signature de celui-ci à Rethondes le 22 juin 1940, puis son entrée en vigueur le 25, posaient implicitement la question de la solidité des sociétés coloniales à l’épreuve de la guerre. A première vue, ces chefs n’avaient aucun doute sur la volonté de toutes les populations, française et « indigène », de refuser de vivre sous un autre drapeau que celui de la France. Le général Noguès, commandant en chef des forces françaises en Afrique du Nord, affirmait le 22 juin que « l’Afrique du Nord, avec ses ressources actuelles, les renforcements d’aviation en cours qui ont une importance capitale, et avec l’appui de la flotte, est en mesure de résister longtemps aux entreprises de l’ennemi », et même de prendre l’offensive contre les alliés de l’Allemagne au Maroc espagnol et en Tripolitaine. Et le lendemain encore, il demandait au gouvernement de résister, vu que « l’attitude actuelle de l’Allemagne montre combien elle nous craint et combien elle désire un armistice qui lui permettrait d’assurer une victoire qui lui échappera si nous tenons quelques semaines » [2]. Mais le gouverneur général de l’Algérie, Georges Le Beau, introduisait le facteur indigène dans ses analyses. Le 18 juin, il télégraphiait au gouvernement : « Tournure tragique des événements militaires et cessation des hostilités envisagée ont produit vive consternation dans les éléments indigènes et européens en Algérie. Population indigène dans son immense majorité plus française que jamais, surtout en présence de l’attaque italienne, se demande avec inquiétude si la France va l’abandonner ». Puis le 24 juin, il nuançait très fortement son optimisme dans la perspective d’un armistice imminent : « La résistance de l’Afrique du Nord constitue à l’heure actuelle le seul moyen de conserver vis-à-vis des populations françaises et musulmanes l’autorité morale et l’attachement qui continuent à se manifester et qui constituaient notre vraie puissance sur ces territoires et leurs populations » [3].

Ce qui nous conduit à nous interroger sur les motivations proprement algériennes des choix faits par le gouvernement en juin 1940 et par le régime de Vichy durant les années postérieures : sa politique, qui crut bon de rabaisser les juifs algériens au dessous des musulmans en supprimant le décret Crémieux en septembre 1940, s’expliquait non seulement par sa politique de collaboration visant à plaire à l’antisémite Hitler, mais aussi par le souci d’apaiser les musulmans en les persuadant qu’ils n’étaient pas les plus à plaindre en Algérie, puisque les juifs étaient rabaissés en dessous d’eux [4]. Il nous faut donc refuser de nous enfermer dans une durée aussi brève que mai-juin 1940 pour apprécier les conséquences que les Algériens musulmans ont pu tirer de la défaite française.

La preuve de cette nécessité, nous la trouverons dans le livre publié en 2009 par l’historien de la médecine Pierre Darmon, originaire d’une famille juive d’Oran, Un siècle de passions algériennes, une histoire de l’Algérie coloniale, 1830-1940. Celui-ci minimise étonnamment la force de l’antisémitisme aussi bien chez les Européens que chez les musulmans soumis à la propagande fasciste et nazie, et il termine son dernier chapitre en glorifiant le patriotisme français de tous les Algériens : « Le cas de l’abbé Lambert est significatif. Sympathisant fasciste, il fait la campagne de 1940 et celle de 1943-1945 comme capitaine de réserve et en revient avec la croix de guerre. Certes, à son image, l’Algérie est vichyste dans son ensemble. Paradoxe suprême, c’est donc une armée où les pétainistes sont en nombre qui, au lendemain d’une résistance insensée contre les Anglo-Américains au Maroc et à Oran, va former l’une des éléments moteurs de la France libre », suivant la fameuse théorie de l’épée (De Gaulle) et du bouclier (Pétain). Et il continue : « Sans broncher, indigènes et Européens confondus vont donc faire les campagnes d’Italie, le débarquement de Provence et les campagnes d’Alsace et d’Allemagne. Ce sera la gloire de l’Empire mais aussi son dernier coup d’éclat » [5].

Et pourtant deux ans plus tard, dans un article de L’Histoire intitulé « Algérie, été 1940, la folle rumeur », le même historien nous présente un tableau diamétralement opposé de l’opinion publique musulmane durant cette période : « A la réflexion, le régime de Vichy rassure les Algériens musulmans. On ne se battra pas dans les colonies. Mais dans l’immédiat, c’est Hitler qui détient le pouvoir, c’est lui le « maître » qui va décider du sort de la métropole et de l’Algérie. Sur cette idée s’épanouissent, sur fond de culture islamique retrouvée à la faveur du vide, des florilèges de fantasmes et de rumeurs qui n’épargnent que les ‘évolués’ ». Et un peu plus loin : « Dans un contexte de désarroi, dans un monde où les valeurs consacrées s’effondrent, les Algériens musulmans soudain privés de références vont tenter d’oublier leur misère en se laissant bercer par leur imagination. Dès le mois de juillet, comme par enchantement, le cauchemar se transforme en un rêve dans lequel la culture musulmane reprend ses droits. Et ce sont cent-dix ans de présence française qui s’effritent en quelques jours au profit de l’Allemagne. Voici donc Hitler propulsé sur un piédestal islamique. Il est ce « protégé de Dieu », l’imam el-Mahdi », le « sauveur des musulmans », le « protecteur ». On l’appelle « Cheikh Hitler », « Hadj Hitler » (« saint Hitler »), « Bou Gessad » (« l’homme à la mèche »). Certains, se rappelant qu’il ne boit ni ne fume, que son anniversaire (le 20 avril) coïncide en 1940 avec la nativité du Prophète, le considèrent comme un marabout dépositaire de la baraka divine. Pétain est fort populaire, certes, mais il n’est jamais que le ‘khalife de Hitler’ ». Cependant, à partir de l’automne 1940, étant donné que la guerre continue, « Vichy peut enfin se libérer de l’image encombrante du « Khalifat » et faire figure d’Etat apparemment souverain » [6].

Le lecteur habitué à l’histoire de l’Algérie reste néanmoins étonné d’avoir lu successivement, sous la plume du même auteur, les deux versions contradictoires qui furent soutenues d’abord par l’historiographie française, puis par l’algérienne. Cette contradiction apparente pourrait-elle s’expliquer par une différence d’attitude entre les élites, lettrées en français ou en arabe, qui auraient été plus capables d’un jugement politique rationnellement fondé, et les masses analphabètes prisonnières de leur culture ancestrale arabo-berbère et musulmane ?

Pour essayer de dépasser cette contradiction, il nous faudra reconsidérer la question en recourant à l’apport de la nouvelle historiographie scientifique française et algérienne, profondément renouvelée après l’indépendance par des historiens tels que Charles-Robert Ageron et Mohammed Harbi. Nous examinerons donc le choc de mai-juin 1940, facteur essentiel de la fin du prestige français et de l’essor du nationalisme algérien ; puis un essai de bilan synthétique, militaire et politique, de la période 1940-1945 en Algérie.

Le choc de mai-juin 1940, facteur essentiel de la fin du prestige français et de l’essor du nationalisme algérien ?

Peu avant la guerre, le nationalisme algérien indépendantiste s’était répandu en Algérie, surtout depuis l’année 1936, essentiellement dans la population urbanisée appartenant à diverses couches sociales inégalement favorisées, mais davantage dans les couches populaires ayant bénéficié d’une scolarisation élémentaire en français ou en arabe que parmi les vraies élites ayant reçu un enseignement secondaire et supérieur en français ou (beaucoup plus rarement) en arabe. En septembre 1939, le Parti du peuple algérien (PPA) fondé par Messali Hadj en 1937 avait été interdit et un grand nombre de ses dirigeants arrêtés ou maintenus en prison. Quand à l’Association des Oulémas (notables religieux musulmans de culture arabe) dirigée par le cheikh Ben Badis, leurs principaux dirigeants avaient été placés en résidence surveillée. La propagande radiophonique allemande visant le public musulman était surveillée avec une attention inquiète par les autorités militaires, mais n’avait encore que peu d’effets visibles. Elles préféraient citer les déclarations loyalistes de nombreuses personnalités telles que le docteur Bendjelloul et que Ferhat Abbas, qui s’étaient engagés dans l’armée pour la durée de la guerre.

Il y avait pourtant un certain nombre de militants nationalistes du PPA qui avaient formé un groupe appelé Comité révolutionnaire nord-africain (CARNA) et envoyé à plusieurs reprises en 1939 et 1940 des émissaires à Berlin pour y réclamer des armes en vue d’un soulèvement. Pierre Darmon lui consacre deux pages, mais en lui déniant toute importance : « En fait, on peut seulement citer comme anecdotique l’aventure d’une poignée de militants du PPA, dont plusieurs membres du comité directeur, regroupés au sein du CARNA, qui, comme dans un rêve, se sont imaginé que l’Allemagne nazie était prête à soutenir le mouvement indépendantiste algérien. Fourvoyés dès 1939 dans le pèlerinage clandestin de Berlin sans en avoir informé Messali Hadj, alors en prison, ils vont vivre une étrange aventure ». Conduits par Belkacem Radjeff, l’un des seconds de Messali, mais désavoués par ce dernier, les délégués de ce groupe firent au moins deux voyages à Berlin sans obtenir aucune promesse de soutien politique. Après l’armistice, à Alger, ils furent mis à la porte de l’Hôtel Aletti par les membres allemands de la commission d’armistice, puis éconduits par le consul d’Italie, qui leur révéla les projets de partage de l’Afrique du Nord entre les vainqueurs. Quelques mois plus tard, un certain Mohammed Bouras, ayant livré aux Allemands des documents militaires français, fut trahi par eux et livré aux Français, qui le condamnèrent à mort en mai 1941. Ainsi, ce « tour de piste avec le diable » ne fut rien de plus qu’une chimère [7].

Et pourtant, l’importance de cet épisode a été revue en hausse par les historiens du nationalisme algérien. D’après Mohammed Harbi [8] et Mahfoud Kaddache [9], le CARNA fut créé dès 1938, après Munich, par une grande partie de la direction parisienne du PPA, pour demander l’aide allemande en cas de guerre suivant l’exemple des nationalistes irlandais qui s’étaient révoltés contre les Anglais avec l’aide des Allemands à Dublin en 1916. Malgré le désaveu de Messali emprisonné (juillet 1939), ils persistèrent dans leur projet, jusqu’au lendemain de la victoire allemande. Mais ce que Pierre Darmon ne dit pas, c’est que cette scission du PPA continua durant plusieurs années, jusqu’à une réunification tardive en 1943. Et même après cette réunification, la direction du parti clandestin continua de juxtaposer deux pôles distincts : le groupe de la Casbah, ex-CARNA, autrement dit « l’Organisation », dont les principaux dirigeants étaient Mohammed Taleb et Hocine Asselah, et le groupe de Belcourt, animé par le docteur en médecine Mohammed Lamine-Debaghine [10].

Un témoignage capital de Chawki Mostefaï, étudiant à Alger en juin 1940, a révélé que les étudiants membres du PPA avaient délibérément caché la joie que leur avait causé la défaite de la France, et décidé d’organiser une insurrection pour la déclencher le 1er novembre 1940. Ils se partagèrent les régions à organiser. Ne trouvant pas de chef pour celle d’Alger, Chawki Mostefaï eut l’idée de la proposer au frère aîné d’un de ses camarades, le docteur Mohammed Lamine-Debaghine. Celui-ci lui révéla qu’il dirigeait déjà le PPA clandestin, et lui proposa d’y adhérer pour préparer une future insurrection sans lui fixer une date prématurée. Chawki Mostefaï et une partie de son groupe acceptèrent [11]. Mais une autre partie, dont le membre le plus connu était le futur écrivain Mouloud Mammeri, refusa et projeta des attentats dans des casernes, qui ne furent jamais exécutés [12]. Il faut néanmoins retenir que l’idée d’insurrection était acceptée dans son principe par plusieurs groupes.

Un autre militant plus jeune, le lycéen Hocine Aït-Ahmed, qui plus tard dirigea l’organisation spéciale (OS) paramilitaire du PPA, est revenu dans ses Mémoires sur l’affaire Bouras. Suivant le témoignage du militant PPA Amar Aït-Hamou (qui était en contact avec Hocine Asselah), Mohammed Bouras, qui était le secrétaire général des Scouts musulmans algériens, préparait un projet insurrectionnel avec l’aide des représentants allemands à Vichy, et il aurait aussi pris contact avec certains sous-officiers de la caserne de Maison Carrée qui déclenchèrent le 25 janvier 1941 une mutinerie sanglante, durement réprimée. Jugé et condamné à mort pour sa livraison de documents aux Allemands, il fut fusillé le 27 mai 1941. Selon Aït-Ahmed, il y aurait donc eu un lien entre ces deux affaires à première vue distinctes, et une même motivation patriotique [13].

Mais il y avait aussi des bruits d’insurrection - vrais ou imaginaires - hors d’Alger. Des avril 1941, des troubles dus au problème du ravitaillement en Kabylie avaient déclenché une rumeur d’insurrection et des propos largement approbateurs, qu’un agent du Centre d’information et d’étude (CIE) de Constantine, en déplacement à Sétif, présentait ainsi dans son rapport du 15 au 20 août 1941 : « Tout le monde ici parle ici d’une révolte en Kabylie, de villages incendiés, d’armes débarquées à Djidjelli. Ce qui est étonnant, c’est de voir combien on s’attendait à une révolte. (...), beaucoup d’indigènes ne cachent plus que c’est bien ce qu’il faut (...). Ce qui est grave, c’est la façon dont est reçue l’idée d’une révolte, et comment elle est unanimement approuvée » [14].

Au sud d’Alger, Blida était un important foyer de militantisme, en liaison avec le docteur Lamine-Debaghine, notamment au collège où étudiaient les futurs militants du FLN Abane Ramdane, Benyoucef Ben Khedda, Saad Dahlab et M’Hamed Yazid. Selon la thèse récente de Simon Girard [15], le groupe était dirigé par un ancien membre de l’Association des Oulémas, Hadj Hocine Slimane. En 1942-1943, après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 qui fit rentrer l’Afrique française du Nord dans la guerre, il mena une campagne de propagande contre la remobilisation des soldats algériens musulmans dans l’armée française ; mais il conçut également un projet de soulèvement armé, auquel le docteur Lamine-Debaghine lui ordonna de renoncer.

Selon la même thèse, en 1943 et 1944, le PPA réunifié dans la clandestinité, tout en refusant toute action prématurée, avait le culte de l’idée d’insurrection. Les militants mettaient un point d’honneur à se procurer chacun une arme. Et chacun des deux groupes dirigeants, celui de la Casbah d’Alger et celui de Belcourt, s’était doté d’une garde armée. Ces indications doivent être mises en perspective avec ce que Mohammed Harbi avait révélé dans son premier livre publié en 1975 : « l’idée d’une insurrection avait été soumise avant mai 1945 à Messali par le docteur Lamine et Asselah. Le 14 avril 1945, les responsables du PPA en discutent à Constantine lors du 5ème anniversaire de la mort du cheikh Ben Badis. Hadj Cherchali et Mostefaï s’opposent à une insurrection. Mais la préparation psychologique des populations à une intervention armée est entreprise à travers tout le pays ». Et il précisait même dans sa chronologie que quelques jours avant le 19 avril 1945, Messali aurait reçu dans sa résidence forcée de Reibell « la visite de Hocine Asselah et du docteur Lamine Debaghine qui l’ont entretenu d’un projet d’insurrection auquel il a donné son accord. Bennaï Ouali était chargé de son évasion. Un gouvernement algérien devait être proclamé et la ferme des Maïza, près de Sétif, lui servir de siège. Le scénario ne se déroula pas comme prévu. Messali est interrogé par la police et transporté à El Goléa » [16]. Quelques jours plus tard, le 8 mai 1945, une insurrection nationaliste éclata à Sétif, le jour de la capitulation allemande. Pour soulager les insurgés du poids de la répression, le comité directeur du parti clandestin décida puis annula un ordre d’insurrection générale. Ainsi, l’idée d’insurrection ne fut pas seulement le rêve chimérique de la masse inorganisée du peuple musulman algérien : elle ne fut jamais oubliée par les militants nationalistes radicaux durant toute la Deuxième guerre mondiale.

La participation réelle des Algériens à la Deuxième guerre mondiale

Faut-il en conclure pour autant que cette guerre fit de la nation algérienne une réalité ? Oui et non. Oui, dans la mesure où l’idée nationaliste a connu durant cette période de guerre, malgré le poids de la dictature de Vichy, une diffusion sans précédent grâce aux souffrances du peuple algérien imputées au régime colonial. Non, parce que malgré cela les autorités françaises n’ont pas perdu la capacité de mobiliser à peu près toutes les troupes qu’elles jugeaient nécessaires à la rentrée de l’empire colonial français dans la guerre pour libérer la France à partir de novembre 1942. Ainsi, de très nombreux Algériens musulmans, un peu plus nombreux que les mobilisés français d’Algérie, ont participé aux campagnes victorieuses (Tunisie, Italie, débarquement de Provence, libération de l’Alsace et invasion de l’Allemagne du sud) qui ont permis à la France de figurer parmi les principaux vainqueurs de la Deuxième guerre mondiale en Europe.

En conséquence, la principale revendication anticoloniale présentée publiquement durant cette période fut celle des anciens élus indigènes rassemblés autour de Ferhat Abbas, qui rédigèrent en décembre 1942 un « message aux autorités responsables », puis le « Manifeste du peuple algérien » remis aux autorités française le 31 mars 1943, et complété par un additif encore plus nettement nationaliste le 26 mai, lequel réclamait la formation d’un Etat algérien à l’issue de la guerre [17]. Le général Giraud, successeur de l’amiral Darlan, évita de répondre clairement à ces revendications ; mais le général Catroux, gouverneur général de l’Algérie et commissaire d’Etat chargé des affaires musulmanes dans le nouveau Comité français de libération nationale (CFLN) - formé le 3 juin 1943 à Alger par les généraux Giraud et De Gaulle pour diriger la France en guerre - les refusa au nom de la souveraineté française. Ferhat Abbas conserva néanmoins l’appui d’une grande partie des élus musulmans signataires du Manifeste, et le soutien clandestin des Oulémas et du PPA, pour continuer à revendiquer la formation d’un Etat algérien autonome dans le cadre d’une union française fédérale, au moyen de l’association des Amis du Manifeste et de la liberté (AML) qui fut dissoute après le 8 mai 1945.

Cependant, une autre question doit être posée : peut-on parler d’une participation notable d’Algériens musulmans à la résistance française contre l’occupation allemande, qui ait été plus importante que la collaboration d’Algériens avec les occupants ? Cette question concerne essentiellement la métropole, puisque le territoire algérien ne fut jamais occupé.

La France métropolitaine, qui attirait une importante population algérienne depuis le début de la Grande Guerre, avait été le lieu d’éclosion de l’Etoile nord-africaine, première organisation nationaliste et indépendantiste à partir de 1926-1927. Sa population algérienne avait régressé depuis le début de la Deuxième guerre mondiale, mais n’avait pas disparu. Durant l’occupation, le nombre des militants nationalistes qui se mirent au service des Allemands ne semble pas du tout négligeable. Pierre Darmon leur consacre plusieurs pages de son nouveau livre, L’Algérie de Pétain, les populations algériennes ont la parole, paru en avril 2014 [18]. On y voit que la propagande allemande à destination des pays musulmans était organisée, depuis décembre 1940, par un bureau spécial à directeur allemand, mais secondé par le Tunisien Abderrahmane Yassine [19], ancien de Radio-Berlin, et par l’Algérien Ali Saïdi [20]. Sa section algérienne était elle-même dirigée par l’ancien lieutenant de Messali Hadj, Belkacem Radjeff [21], et par Mohammed Iguerbouchen. Chérif Bellamine, ami de Yassine, travaillait à reconstituer le PPA en zone occupée avec l’aide de Radjef et de Si Djilani [22]. Ils fréquentaient assidument à Paris le restaurant d’Ahmed Beghoul (ou Belghoul [23]), chef de la section nord-africaine du PPF et ancien ami du capitaine Khaled (petit-fils de l’ émir Abdelkader). Le bureau de propagande qui publiait le journal en arabe parlé Lisan el Asir (la voix du prisonnier), destiné aux prisonniers de guerre musulmans, était dirigé par Si Ahmed el Hansali, dit Ahmed Bioud [24]. Mais le plus actif était un ancien sous-officier devenu « cagoulard », Mohammed El Maadi, qui rejoignit le RNP de Déat et Deloncle, puis fonda en janvier 1943 le bulletin de propagande Er Rachid, qui appela les Nord-Africains à la révolte contre les Anglo-américains et leurs nouveaux alliés français [25]. Exclu du RNP en 1943, il prit position « pour l’indépendance de notre patrie » en janvier 1944 [26], et il aida la Gestapo à recruter une brigade nord-africaine forte de 2000 à 3000 Arabes et Kabyles. Certains d’entre eux furent parachutés en Tunisie derrière les lignes des Alliés. Ce fut le cas d’un certain Saïd Mohammedi, qui fut arrêté en 1945 mais s’évada pour rejoindre le maquis kabyle de Belkacem Krim. Célèbre pour sa persévérance à porter un casque allemand, il lui succéda à la tête de la wilaya III, ordonnant le massacre de Mélouza en 1957, avant de s’associer à Ben Bella dans son Bureau politique du FLN en 1962. Beaucoup d’autres noms plus ou moins connus se trouvent dans Er Rachid. [27]

Al’opposé,peut-onciterautantdenomsd’Algériens musulmans engagés dans la résistance contrel’occupant ?Il ne le semble pas, même s’il est très difficile de le prouver. Cela peut s’expliquer par la difficulté de mener une action clandestine contre l’occupant et contre le pouvoir établi quand on appartient à une minorité vivant dans un pays autre que le sien. Mais aussi par le fait que la très grande majorité des Algériens musulmans ne se considéraient pas comme des Français, mais comme des sujets de la France. Le cas de Ferhat Abbas est particulièrement éclairant. En septembre 1939, il s’engageait dans l’armée française en déclarant que « Si la France démocratique cessait d’être puissante, notre idéal de liberté serait à jamais enseveli ». Mais en novembre 1942 il ne songeait plus qu’à défendre au mieux les intérêts du peuple algérien en réclamant une nationalité et une citoyenneté algériennes.

Pourtant, on peut signaler le cas d’un résistant notoire, celui du docteur Ahmed Benabid, dont Raphaëlle Branche a ainsi évoqué le parcours exceptionnel : « Issu d’une grande famille du Constantinois, il avait pu faire des études de médecine dans les années 1930, et c’était en tant que médecin auxiliaire qu’il avait été mobilisé en 1939. Il était ensuite entré en résistance et, avec le grade de capitaine, avait été l’officier de liaison du général Cochet, responsable des FFI de la zone Sud, pour le département de l’Isère ». Après la guerre, il fut un élu local du parti autonomiste de Ferhat Abbas de 1947 à 1956, puis rejoignit le maquis de la wilaya III (Kabylie) où il servit comme médecin durant quinze mois avant d’être capturé en 1959 [28].

Le cas d’un autre authentique résistant musulman algérien, vivant à Bordeaux, a été signalé par Daniel Lefeuvre sur son blog en 2006, d’après une note du ministère de l’intérieur datée du 15 octobre 1945. Ancien sous-officier de spahis, Mohamed Taleb habitait Bordeaux :

“Au cours des années 1941 et 1942, durant l’occupation, (il) a créé dans cette ville une officine secrète grâce à laquelle les évadés nord-africains et français des fronstalags et du Sud-Ouest de la France purent trouver asile, nourriture et tous moyens de passer de zone occupée en zone libre. Ce ne fut qu’après avoir réussi à contribuer à la libération de plusieurs centaines de prisonniers que Taleb fut arrêté par la Gestapo allemande. Torturé, menacé de mort dans le but de la faire parler et de dénoncer ceux qui l’avaient aidé dans la dangereuse mission qu’il s’était donnée, Taleb eut le courage et l’énergie de ne trahir aucun de ceux [qui] de près ou de loin secondaient son action. Déporté en Allemagne en juin 1943, il séjourna [sic !] aux camps de Buchenwald et de Dora dont il vient de rentrer. Son état physique indique les souffrances cruelles qu’il eut à endurer. De plus, de son commerce à Bordeaux, de ses économies, il ne reste rien. Taleb est entièrement ruiné et démuni de tout.” Le ministre de l’Intérieur invitait en conséquence, le Gouverneur général de l’Algérie à contribuer à la souscription ouverte par les Amitiés africaines pour venir en aide à ce héros [29].

Six ans plus tard, en septembre 2011, un film d’Ismaël Ferroukhi, intitulé Les hommes libres, assorti d’un dossier pédagogique dû à Benjamin Stora, a prétendu dévoiler un réseau d’hébergement de juifs abrité dans la mosquée de Paris dirigée par Si Kaddour Ben Ghabrit [30], qui aurait bénéficié à 1.600 personnes durant toute la guerre. Mais ce film a été sévèrement critiqué sur la revue en ligne Etudes coloniales par son animateur Michel Renard. A part quelques cas individuels plus ou moins bien attestés, dans lesquels il voit des actes de charité personnelle, celui-ci constate l’absence de preuves de l’existence d’un tel réseau de sauvetage, et son invraisemblance totale dans cette mosquée très surveillée par les occupants [31]. Puis dans la même revue en ligne, Daniel Lefeuvre publia une critique plus politique d’un discours compassionnel rempli d’excellentes intentions, mais historiquement inexact et à la limite dangereux : « je ne prête évidemment aucune arrière-pensée, ni au metteur en scène, ni à Benjamin Stora et je suis persuadé de leur entière bonne foi lorsqu’ils espèrent que le film permettra de rapprocher les communautés musulmanes et juives de France. Je ne peux qu’exprimer mon scepticisme à cet égard. Une autre conclusion, lourde de menaces, pourrait en être tirée, au moment même où l’Autorité palestinienne s’efforce de faire reconnaître l’existence d’un État palestinien contre la volonté d’Israël : les Juifs sont décidément bien ingrats vis-à-vis des Musulmans qui ont tant fait et pris tant de risques, sous l’Occupation, pour les sauver de la barbarie nazie » [32].

Un an plus tard, en novembre 2012, le journaliste du Figaro littéraire Mohammed Aïssaoui a tenté de reprendre l’enquête dans un livre intitulé L’étoile jaune et le croissant, mais sans aboutir à un résultat plus probant, selon Michel Renard [33]. Ce livre apportait pourtant des précisions sur le cas d’un imam de la mosquée de Paris, Abdelkader Mesli, dont les activités d’aide aux juifs avaient attiré les soupçons des Allemands et avaient été signalées au ministre des affaires étrangères de Vichy dès le 24 septembre 1940. Le recteur Ben Ghabrit l’avait alors envoyé à Bordeaux où il avait continué ses activités, puis s’était engagé dans la Résistance en 1943. Arrêté à Bordeaux le 5 juillet 1944, il avait été déporté à Dachau puis à Mauthausen, d‘où il revint le 24 mai 1945. Reste à savoir si ce cas individuel peut être généralisé comme un exemple de l’activité résistante de la mosquée de Paris [34].

Comment conclure ? La comparaison entre les attitudes des Français de France et d’Algérie et celles des Algériens musulmans face à la victoire momentanée de l’Allemagne nazie reste biaisée par le fait que l’Algérie n’a jamais connu l’occupation allemande. Dans toute l’Afrique du Nord française, un seul pays l’a connue en grande partie pendant plusieurs mois (de novembre 1942 à mai 1943) : la Tunisie, où les occupants germano-italiens ont eu le temps de commencer à mettre en œuvre leur persécution anti-juive. Selon un livre du réformateur musulman Abdelwahab Meddeb, Sortir de la malédiction, l’islam entre civilisation et barbarie [35], un auteur juif américain nommé Robert Satloff a réalisé une enquête pour savoir si, parmi les musulmans et les Arabes, il y avait eu des « Justes » qui avaient sauvé des juifs menacés par les nazis. Selon cet auteur, le cas le plus net de trahison au profit de ces derniers fut celui d’un Tunisien nommé Hassan Ferjani qui livra aux Allemands la famille juive que son associé voulait sauver. Ils furent déportés en avion vers l’Allemagne, condamnés à mort et exécutés. Le coupable, « bon patriote, était un nationaliste anticolonial, membre d’une cellule clandestine du parti qui militait pour l’indépendance du pays » [36]. Il fut arrêté par les autorités françaises en mai 1943, puis condamné à mort pour collaboration, mais la sentence fut commuée en prison à perpétuité. Libéré le 19 mars 1957, il vécut paisiblement jusqu’à sa mort en 1981. Mais suivant le même auteur, beaucoup de Tunisiens se distinguèrent par leur solidarité avec les juifs persécutés, et l’un d’eux, Khaled Abdelwahab, a mérité le titre de « Juste » en cachant plusieurs familles juives dans sa propriété durant quatre mois [37]. Nul ne peut dire ce qui se serait passé en Algérie si les Allemands avaient occupé le pays : il est néanmoins vraisemblable que dans ce cas des Français et des Algériens musulmans se seraient distingués par un comportement honorable, et d’autres par un comportement déshonorant.

Guy Pervillé.

SOMMAIRE DU LIVRE :

INTRODUCTION (Gilles Vergnon et Yves Santamaria)

PREMIERE PARTIE : INTERPRETER LA DEFAITE

François Cochet, Relire la défait à l’aune de l’historiographie récente.

Robert Belot, Les Résistants face à la défaite de 1940 : comment déjouer la tentative de récupération politique du désastre par Vichy.

Julian Jackson, La défaite de 1940 vue par le général de Gaulle.

Corinne Bonnafous, La défaite devant l’opinion catholique, 1940-2010.

Olivier Forlin, "On vous l’avait bien dit". L’extrême droite et la défaite de 1940.

Philippe Buton, Les gauches révolutionnaires et la défaite de 1940.

DEUXIEME PARTIE : LA BATAILLE DU SOUVENIR

Yves Santamaria, France, où est ta défaite ? Actualité de mai-jin 1940, du GPRF à Georges Pompidou (1944-1974).

Gilles Vergnon, "Nous sommes le 9 mai 1940". Anamnèses récentes de la défaite de Mai-Juin 1940 (1980-2010).

Olivier Dard, La défaite au miroir du complot et de la trahison.

Serge Barcellini, Les associations d’anciens combattants de 1940.

Pierre-Frédéric Charpentier, Mai-Juin 1940 dans la littérature française, expositions et occultations.

François Pernot, Une relecture "nucléaire" de la bataille de France de 1940, ou la bataille de France rejouée à coup d’armes atomiques.

TROISIEME PARTIE : VU D’OUTRE-MER ET DE L’ETRANGER

Guy Pervillé, La France et l’Algérie : les points de vue des "indigènes" en Mai-Juin 1940 et après...

Sophie Coeuré, Protéger, perdre, oublier ses archives dans la défaite : France 1940, URSS 1941.

Sophie Gagnard, 1940 vu d’Italie : ambiguïtés d’une fausse victoire.

Robert A. Doughty, "Comme une invasion de Martiens". La défaite vue des USA.

CONCLUSIONS (par Maurice Vaïsse)

Prix 24 euros. ISBN : 978-2-36013-302-4 Riveneuve éditions, 75 rue de Gergovie, 75014 Paris. www.riveneuve.com

[1] Voir Christine Lévisse-Touzé, L’Afrique du Nord, recours ou secours ? septembre 1939-juin 1943, thèse de doctorat d’Etat, Paris-I, 1991, t. 2, pp. 534-535, Paul-Marie de la Gorce, L’empire écartelé, 1936-1946, Paris, Denoël, 1988, pp. 80-81 et 494-495, et un exposé du général Merglen, « L’armée allemande pouvait-elle débarquer en Afrique du Nord en juin 1940 ? », Paris, Institut d’histoire des relations internationales contemporaines, 18 janvier 1992.

[2] Cité par Guy Pervillé, La France en Algérie, 1830-1954, Paris, Vendémiaire, 2012, p. 127.

[3] Ibid., pp. 129-130.

[4] , Ibid. pp. 137-141, et la thèse de Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy, Paris, Odile Jacob, 2002.

[5] Pierre Darmon, Un siècle de passions algériennes, une histoire de l’Algérie coloniale, 1830-1940, Paris, Fayard, 2009, p. 835.

[6] Pierre Darmon, « Algérie, été 1940 : la folle rumeur », in L’Histoire n° 364, mai 2011, pp. 74-79.

[7] Pierre Darmon, Un siècle de passions algériennes, op. cit., pp. 833-835.

[8] Mohammed Harbi, Aux origines du FLN, le populisme révolutionnaire en Algérie, Paris, Christian Bourgois, 1975, et Le FLN, mirage et réalité, Paris, Editions JA, 1980, pp. 27-30.

[9] Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme algérien, 1919-1951, Alger, SNED, 2 t., 1980 et 1981, pp. 695-734. Réédition Paris, Editions Paris-Méditerranée, 2003.

[10] Harbi, op. cit, 1980, pp. 32-33, et Hocine Aït-Ahmed, Mémoires d’un combattant, l’esprit d’indépendance, 1942-1952, Paris, Sylvie Messinger, 1983, pp. 86-87.

[11] Chawki Mostefaï, « Lettre à Mohammed Lamine Debaghine » (l’ancien chef du PPA clandestin, qui s’est enfermé dans le silence), parue dans El Watan, sur le site http://www.elwatan.com/print.php3 ?id_article=8089 (imprimé le 10/12/2004). Voir aussi sur son site internet : http://www.mostefai.net/

[12] Awal, Cahiers d’études berbères, n° spécial « Hommage à Mouloud Mammeri », 1990.

[13] Aït-Ahmed, op. cit., pp. 21-23. Cf. la version des archives françaises dans la thèse de Jacques Cantier, op. cit., p. 112 : la préfecture d’Alger ne voit pas de cause politique à cette mutinerie, contrairement au général Weygand, qui y voit « une manifestation extérieure et violente d’un malaise politique général qui s’accroît rapidement ».

[14] Cité dans mon livre La France en Algérie, op. cit., pp. 153-154.

[15] Simon Girard, « Nationalisme révolutionnaire » et socialisation politique : le cas du PPA-MTLD dans l’ancien département d’Alger, s. dir. Omar Carlier, Université de Paris VII, 2010, pp. 105-106.

[16] Mohammed Harbi, Aux origines du FLN, le populisme révolutionnaire en Algérie, Paris, Christian Bourgois, 1975, pp. 21 et 110-111 et 178 (note 68). Annie Rey-Goldzeiguer, d’abord sceptique envers la mention de cette évasion de Messali, s’y est ralliée dans son livre Aux origines de la guerre d’Algérie, 1940-1945, de Mers-el-Kébir aux massacres du Nord Constantinois, Paris, Editions La Découverte, 2002, en s’appuyant sur le témoignage précisément daté de la fille de Messali (p. 238).

[17] Voir les textes publiés par Claude Collot et Jean-Robert Henry, Le mouvement national algérien, textes 1912-1954, Paris, L’Harmattan, et Alger, OPU, 1978, pp. 152-170.

[18] Pierre Darmon, L’Algérie de Pétain, les populations algériennes ont la parole, septembre 1939-novembre 1942. Paris, Perrin, 2014, 456 p.

[19] Abderrahmane Yassine, ancien secrétaire général puis président de l’Association des étudiants musulmans d’Alger (année 1933-1934).

[20] Ali Saïdi, directeur-gérant de L’Ifrikia, revue nord-africaine d’éducation sociale, Paris, 1939, revue animée par Mohammed Chérif Sahli, qui le suivit dans la collaboration avec les Allemands (fait confirmé par Mohammed Harbi dans Une vie debout, Mémoires politiques, t. 1, 1945-1962, p. 188).

[21] Belkacem Radjeff, trésorier général de l’ENA puis du PPA.

[22] Si Djilani, directeur du journal El Ouma de l’ENA.

[23] Sur Ahmed Belghoul, voir Mohammed Lebjaoui, Vérités sur la révolution algérienne, Paris, Gallimard, 1970, pp. 19-24.

[24] Un certain Ahmed Bioud aurait travaillé avec les services secrets égyptiens en 1955, selon Erwan Bergot, Commando de choc en Algérie, le dossier rouge, Paris, Grasset, 1981.

[25] Dans le n° 1 d’Er Rachid (janvier 1943), Mohammed El Maadi se présente comme aussi ardent français que fervent musulman ; il réclame une vraie politique coloniale fondée sur l’égalité des droits civils et politiques.

[26] Dans le n° 1 de la nouvelle série (26 janvier 1944), Mohammed El Maadi prend parti « pour l’indépendance de notre patrie », « pour une Afrique du Nord libre, avec des hommes libres ».

[27] Notamment celui d’Amar Naroun, futur député de Constantine (1951), qui n’était pas un nationaliste, mais un proche de Pierre Laval. Voir aussi la conférence d’André-Pierre Godin (président du Conseil municipal de Paris, puis directeur de la police nord-africaine de la rue Lecomte, co-fondateur de l’hôpital franco-musulman et de la mosquée de Paris ) : « Er Rachid, propagande allemande et traîtres divers » , Paris, 1953, 26 p.).

[28] Raphaëlle Branche, Prisonniers du FLN, Paris, Payot, 2014, pp 105-106. Le docteur Benbabid est mort en novembre 2007.

[29] Blog de Daniel Lefeuvre, http://www.blog-lefeuvre.com/ ?p=18, « Hommage à un résistant bordelais, Mohamed Taleb ».

[30] Si Kaddour Ben Ghabrit (1868-1954), notable musulman algérien, fut à l’initiative de la construction de la mosquée de Paris dont il fut le premier recteur. Pierre Darmon, dans son dernier livre, le considère comme un collaborateur des Allemands. Mais Er Rachid n° 5 (20 mai 1943) attaquait « le sultan du bifteck » en l’associant aux services policiers de la rue Lecomte.

[31] Michel Renard, « Résistance à la mosquée de Paris : histoire ou fiction ? », http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2011/10/09/22292189.html.

[32] Daniel Lefeuvre, « ‘Les hommes libres’ et les approximations historiques », http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2011/10/09/22292189.html.

[33] Michel Renard, « La mosquée de Paris a-t-elle sauvé des juifs entre 1940 et 1944 ? Une enquête généreuse mais sans résultat ». http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2012/11/07/25527218.html.

[34] Sur ce cas apparemment bien établi, voir Le Parisien libéré, 24 septembre 2011 (www.leparisien.fr/.../sur-la-trace-de-son-pere-imam-resistant-et-deporte-... ) et 18 février 2015 (www.leparisien.fr/.../mohamed-mesli-mon-pere-l-imam-sauveur-de-juifs...). Pour une discussion critique, voir l’article de Yohav Oremiatzki, « Mohammed Aissaoui, être ou ne pas être « juste » », sur le site http://icietlabas.com/tag/mosquee-de-paris/ (consulté le 6 mars 2015). Voir aussi la BD de Olivier Jouvray et Baptiste Payen publiée par les éditions Glénat en avril 2015, Résistants oubliés, fondée sur les enquêtes du Lyonnais Kamel Mouellef, qui estime le nombre des résistants algériens à une centaine d’après les monuments aux morts, et qui cite le préfet Chérif Mécheri comme l’un des principaux adjoints de Jean Moulin. Voir http://www.elwatan.com/culture/dans-la-resistance-francaise-la-diversite-coloniale-etait-representee-13-08-2015-301512_113.php.

[35] Abdelwahab Meddeb, Sortir de la malédiction, l’islam entre civilisation et barbarie, Paris, Le Seuil, 2008, pp. 209-216. Pour élargir le sujet à l’ensemble de l’Afrique du Nord, voir ma communication au colloque de Grenoble (29 septembre-1er octobre 2011), Extrémismes ouest-européens et monde arabo-musulman, intitulée « Nationalismes maghrébins et extrémismes européens : le cas particulier du nationalisme algérien », à paraître aux Editions Vendémiaire.

[36] Ibid., pp. 211-212.

[37] Ibid., pp. 214-215.



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