Préface
C’est toujours un plaisir de voir une thèse de doctorat que l’on a dirigée sortir de la discrétion relative des bibliothèques universitaires pour être publiée, et ainsi exposée à la curiosité d’un public susceptible de s’y intéresser. C’est bien le cas aujourd’hui avec la publication d’un livre tiré de la thèse d’histoire soutenue le 17 juin 2014 à l’Université de Toulouse-Le Mirail par Katia Khémache, professeur d’histoire dans un collège de Libourne, sur « la relation entre les pouvoirs publics français et la population harkie lot-et-garonnaise de 1962 à nos jours », thèse qui avait obtenu à juste titre la mention très honorable. En effet, l’auteure de cette thèse a manifesté, tout au long de ses études d’histoire à Bordeaux, la volonté de comprendre la guerre d’Algérie et ses conséquences douloureuses pour la population d’origine algérienne engagée du côté français, et que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de « harkis », et c’était la raison pour laquelle j’avais accepté ensuite de diriger ses recherches. Le jury avait apprécié les grandes qualités de son travail, en souhaitant qu’il donne lieu à plusieurs publications distinctes.
Ce vœu a commencé d’être réalisé par la publication de ce livre, qui intéressera plus particulièrement deux types de publics : un public lot-et-garonnais, motivé par toutes les particularités de l’histoire locale, et un public beaucoup plus large qui se sent concerné par tous les aspects de la décolonisation de l’Algérie et de ses conséquences. En effet, ce département a connu, dans le cadre de la décolonisation française, deux expériences d’accueil de réfugiés dans des camps situés près de Villeneuve-sur-Lot, celui de Sainte-Livrade pour les réfugiés d’Indochine à partir de 1956, et celui de Bias pour ceux d’Algérie à partir de 1963. Dans ce dernier camp, l’hébergement de « réfugiés choisis parmi les plus difficilement reclassables (infirmes, veuves accompagnées d’enfants en bas âge, vieux, etc...) » se transforma peu à peu en une sorte de fatalité, qui donna à la majorité composée d’enfants et de jeunes gens l’impression de vivre dans un « camp de concentration » d’où ils ne pourraient sortir qu’en se révoltant. C’est ce qui arriva en 1975, au moment où le voyage officiel en Algérie du président Valéry Giscard d’Estaing donna momentanément l’impression d’une réconciliation franco-algérienne dont les anciens « harkis » et leurs enfants risquaient de faire les frais. Depuis lors, tous les gouvernements ont essayé de résoudre la « question harkie », mais sans réussir à éviter de nouvelles poussées de fièvre récurrente. Le livre de Katia Khémache permettra à ses lecteurs de mieux comprendre ces événements que beaucoup ont encore plus ou moins gardé en mémoire.
Le sujet de ce livre a donc la particularité de combiner un intérêt régional et un intérêt national. Et c’est pourquoi il faut remercier, en plus de son auteure, les éditions Cairn pour avoir accepté de le publier.
Guy Pervillé, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse-Le Mirail (Jean Jaurès).