La communauté algérienne des écrivains face à la guerre d’Algérie (2002)

dimanche 3 juillet 2005.
 
Ce texte a d’abord été présenté au colloque Des hommes et des femmes en guerre d’Algérie, Paris, 7 et 8 octobre 2002, avant que ce colloque soit publié par Jean-Charles Jauffret aux Editions Autrement, octobre 2003, pp. 94-110.

« Nous avons construit, par la seule vertu d’un échange généreux et d’une vraie solidarité, une communauté d’écrivains algériens, français et arabes. Cette communauté est coupée en deux, provisoirement. Mais des hommes comme Feraoun, Mammeri, Dib, et tant d’autres, ont pris place parmi les écrivains européens », constatait Albert Camus en octobre 1957 [1]. Et il ajoutait deux ans plus tard : « La fameuse communauté algérienne, il y a vingt ans que nous autres écrivains algériens, arabes et français, l’avons créée, jour après jour, entre nous » [2]. Mais un réseau d’amitiés réunissant quelques individus pouvait-il durablement résister aux tensions qui tiraillaient la société coloniale algérienne, et aux déchirements provoqués par l’insurrection nationaliste et par sa répression à partir du 1er novembre 1954 ?

Précisons que ces écrivains « arabes » (ou plutôt arabo-berbères) écrivaient en français comme leurs collègues « algériens français ». Les écrivains algériens de langue arabe, classique ou dialectale, sont donc exclus de notre sujet. L’entrée d’Algériens « indigènes » dans la littérature française d’Algérie avait commencé dès le début des années 1920, sous le mode de l’imitation des auteurs français selon Jean Déjeux [3]. Le premier auteur autochtone admis dans l’Association des écrivains algériens avait été Abdelkader Fikri [4], mais le premier écrivain vraiment original dans son inspiration fut le poète kabyle Jean Amrouche.

C’est après la deuxième guerre mondiale qu’un véritable dialogue s’instaura entre les meilleurs écrivains français d’Algérie et une nouvelle génération (encore bien peu nombreuse) d’écrivains algériens autochtones qui voulaient témoigner de leur peuple et pour leur peuple. Comme l’expliquait Mouloud Feraoun, ces derniers avaient trouvé dans les œuvres des premiers, « une chaude sympathie pour l’autochtone, parfois même de l’amitié, mais en général l’autochtone en est absent ». Mais cette absence même « a fait naître des vocations en nous encourageant à témoigner à notre tour et pour notre compte. Tout s’est passé comme si les écrivains d’origine européenne nous avaient conviés à une confession sans réticence, après nous avoir fait entendre la leur, afin que cet assaut de franchise fût l’éclatante affirmation d’une fraternité indestructible qu’il suffirait ensuite de traduire loyalement dans les faits » [5].

Ce dialogue fraternel s’était engagé après la guerre dans des revues culturelles comme l’Arche de Jean Amrouche et Forge d’Emmanuel Roblès, à l’occasion des rencontres littéraires de Sidi Madani [6] en 1948, et grâce aux positions d’influence occupée par des écrivains français d’Afrique du Nord chez de grands éditeurs parisiens (Albert Camus lecteur chez Gallimard, Emmanuel Roblès directeur de la collection Méditerranée au Seuil). En effet, un grand nombre d’écrivains membres de « l’école d’Alger », fondée depuis 1935 autour de l’éditeur Edmond Charlot, étaient montés à Paris pendant ou après la guerre [7], mais restaient attachés à leur patrie d’outre-Méditerranée et accueillaient fraternellement tous ceux qui en venaient. Cette « école nord-africaine des lettres » reconnaissait unanimement comme son chef de file Albert Camus, admiré de tous pour la richesse de son œuvre et la diversité de ses talents (seulement comparables à celles de son rival Jean-Paul Sartre), pour son amour de la vie et son culte de l’amitié.

Survenant après les troubles de Tunisie (1952) et du Maroc (1953), l’insurrection du 1er novembre 1954 et la rapide détérioration de la situation en Algérie ne pouvaient manquer de mettre à rude épreuve la cohésion de cette jeune république des lettres algériennes. Il n’y eut pourtant pas de rupture générale entre les écrivains français d’Algérie et ceux qui se définirent comme algériens de nationalité. Sans prétendre à l’exhaustivité, il convient d’analyser un certain nombre de cas individuels significatifs.

Homme de gauche, proche des nationalistes algériens quand il militait au PCA de 1935 à 1937, Albert Camus n’avait pas cessé de condamner la politique de répression. Après l’insurrection et les représailles de mai 1945, il avait expliqué la désaffection des musulmans pour la politique d’assimilation et le programme autonomiste des Amis du Manifeste, tout en plaidant pour la démocratie et la justice [8]. En 1954, quand la situation s’aggravait en Tunisie et au Maroc, il avait soutenu l’action du Comité pour l’amnistie aux condamnés politiques d’outre-mer, « à la condition qu’elle ne fasse pas silence sur le terrorisme et qu’elle en explique au contraire les origines tout en en condamnant les conséquences » [9]. Voulant contribuer au retour de Pierre Mendès France au pouvoir, il rejoignit l’Express en mai 1955. En juillet 1955, il dénonça en deux articles le péril qui menaçait la « communauté franco-arabe », et refusa de se résigner au triomphe de « ceux qui rêvent de tuer ou de terroriser les neuf millions d’Arabes », autant qu’à l’abandon d’un million et demi (sic) de Français. Tout en expliquant le recours au terrorisme par l’immobilisme de la politique française soumise aux pressions colonialistes depuis trente ans, il dénonçait à la fois le terrorisme, « une erreur sanglante, à la fois en lui-même et par ses conséquences », et la « répression aveugle et imbécile », fondée sur le principe totalitaire de la responsabilité collective. Il proposait la réunion immédiate d’ une conférence de la table ronde pour arrêter l’effusion de sang, puis l’élection d’une nouvelle assemblée algérienne par des élections libres, afin de discuter entre interlocuteurs qualifiés un nouveau statut de l’Algérie, visant à remplacer la domination coloniale par une véritable association franco-arabe. Bien loin d’envisager la séparation, il rêvait de transformer l’Union française en une Fédération française dont le Parlement fédéral siégerait à Alger [10].

Après les massacres et les représailles du 20 août 1955, délibérément déclenchés par le FLN du Nord Constantinois, Camus se dit « prêt à désespérer », d’autant plus que celui-ci avait condamné à mort les signataires musulmans d’un appel condamnant « toutes les violences d’où qu’elles viennent » [11]. Il donna pourtant son approbation à la création d’un organe d’information et de dialogue, Communauté algérienne, par Aziz Kessous ( ami de Ferhat Abbas et ancien membre du parti socialiste SFIO) qui partageait son refus de la violence aveugle [12]. Puis il reprit et développa ses idées dans six articles parus dans L’Express du 16 octobre au 1er novembre, qui proposait « que les parties en présence prennent, simultanément, l’engagement public de ne pas toucher, quelles que soient les circonstances, aux populations civiles » [13]. A Alger, un groupe de « libéraux » amis de Camus, en liaison avec des Algériens rencontrés dans l’Association des amis du théâtre arabe, l’invita à venir présenter son appel à la « trêve civile » dans une réunion publique. Il rencontra l’incompréhension ou l’hostilité de la plupart de ses compatriotes, et il en fut réduit à tenir sa conférence au Cercle du progrès, haut lieu de l’arabo-islamisme, sous la protection d’un service d’ordre musulman organisé en réalité par le FLN. Le 22 janvier 1956, il plaida néanmoins pour enrayer « la dialectique infernale qui veut que ce qui tue les uns tue aussi les autres, chacun rejetant la faute sur l’autre, et justifiant ses violences par la violence de l’adversaire », et encourager ses auditeurs à agir pour « mériter un jour de vivre en hommes libres, c’est-à-dire comme des hommes qui refusent en même temps d’exercer et de subir la terreur » [14]. Mais, selon le témoignage d’André Rosfelder, il repartit accablé par le sentiment d’avoir échoué à engager un vrai dialogue, et d’avoir été manipulé par ses interlocuteurs algériens qu’il soupçonnait justement d’appartenir au FLN [15]. Le 6 février, la capitulation du président du Conseil Guy Mollet devant les manifestants « ultras » acheva de le désespérer.

Camus quitta donc l’Express, et se tut désormais sur l’Algérie [16], alors qu’il défendait les Hongrois insurgés contre la domination soviétique. Interpellé par un jeune Algérien lors de la remise de son prix Nobel de littérature à Stockholm le 13 décembre 1957, il répondit que son silence n’était pas un reniement de ses convictions : « J’ai été et je suis toujours partisan d’une Algérie juste, où les deux populations doivent vivre en paix et dans l’égalité. J’ai dit et je répète qu’il fallait faire justice au peuple algérien et lui accorder un régime pleinement démocratique, jusqu’à ce que la haine de part et d’autre soit devenue telle qu’il n’appartenait plus à un intellectuel d’intervenir, ses déclarations risquant d’aggraver la terreur ». Et qu’il n’avait pas cessé d’agir : « Je puis vous assurer cependant que vous avez des camarades en vie aujourd’hui grâce à des actions que vous ne connaissez pas » [17]. Il conclut par une phrase qui, sortie de son contexte, pouvait être aisément exploitée contre lui : « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice » [18].

Pour écarter tout malentendu, il publia en mai 1958 une sélection de ses principaux écrits sur l’Algérie, précédée d’un important avant-propos, et conclue par une proposition de solution. Sur le plan moral, il réaffirmait éloquemment la nécessité de condamner également et simultanément les crimes des deux camps : « Les représailles contre les populations civiles et les pratiques de torture sont des crimes dont nous sommes tous solidaires. Nous devons refuser toute justification, fût-ce par l’efficacité, à ces méthodes. Mais, pour être utile autant qu’équitable, nous devons condamner avec la même force, et sans précautions de langage, le terrorisme appliqué par le FLN aux civils français comme, d’ailleurs, et dans une proportion plus grande, aux civils arabes. Ce terrorisme est un crime, qu’on ne peut ni excuser, ni laisser se développer. Sous la forme où il est pratiqué, aucun mouvement révolutionnaire ne l’a jamais admis, et les révolutionnaires russes de 1905, par exemple, seraient morts (ils en ont donné la preuve) plutôt que de s’y abaisser [19]. Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant ». Et sur le plan politique, il entendait démontrer qu’ « une Algérie constituée par des peuplements fédérés, et reliée à la France » était « préférable, sans comparaison possible au regard de la simple justice, à une Algérie reliée à un empire d’Islam qui ne réaliserait à l’intention des peuples arabes qu’une addition de misères et de souffrances, et qui, arracherait le peuple français d’Algérie à sa patrie naturelle » [20]. Le rejet de l’indépendance nationale comme une « formule purement passionnelle », et l’option pour le plan Lauriol d’intégration fédéraliste [21], indignèrent les nationalistes algériens et leurs amis français.

Camus revint alors à son silence, jusqu’à sa mort accidentelle sur la route le 4 janvier 1960 [22]. Mais sans cet accident, aurait-il pu s’y tenir jusqu’à l’aboutissement qu’il avait d’avance dénoncé ? On peut en douter, car il avait lui-même déclaré craindre le moment où chacun serait obligé de choisir son propre pays [23]. Le 29 mai 1958, il avait noté dans ses carnets : « Mon métier est de faire mes livres, et de combattre quand la liberté des miens et de mon peuple est menacée » [24]. A la fin de 1959, il dit à Roger Quilliot : « Si l’Algérie devient indépendante, je quitterai la France, je partirai au Canada » [25]. Et lors de son dernier passage à Alger, il dit à son ami André Rosfelder qu’il s’était décidé à parler ouvertement, « de Paris ou d’Alger, ou des deux », contre le FLN et l’indépendance [26]. Rosfelder, géologue, prospecteur pétrolier et romancier, avait cru à la révolution fraternelle du 13 mai 1958. Révolté par le revirement de la politique gaullienne, il rejoignit le putsch des généraux, puis les jusqu’auboutistes de l’OAS en exil [27]. On ne peut en déduire qu’Albert Camus aurait suivi la même voie. Mais on ne peut croire les affirmations de Mohammed Lebjaoui, suivant lesquelles celui-ci avait évolué vers une « compréhension beaucoup plus juste des aspirations du peuple algérien », et aurait pu s’en rapprocher davantage si les chefs du FLN avaient su renouer avec lui des relations confiantes [28].

Cheminant seul sur un sentier de plus en plus étroit entre deux précipices, Albert Camus n’avait pas exigé de ses amis qu’ils suivent son exemple. Il conserva intacte son amitié fraternelle pour Emmanuel Roblès, rencontré à Alger en 1937, dont le rapprochaient de nombreux points communs : des origines espagnoles et très modestes, une enfance pauvre et sans père, une sensibilité de gauche, révoltée contre l’humiliation et l’injustice. Dès 1948, celui-ci avait témoigné de la révolte de la jeunesse musulmane tentée par la violence dans son roman Les hauteurs de la ville [29]. En janvier 1956, il présida la conférence d’Albert Camus à Alger ; en mars, il fut l’un des fondateurs de la « Fédération des libéraux », qui voulait maintenir un « dialogue avec les responsables des mouvements insurrectionnels et politiques algériens en vue d’un cessez-le-feu », et rechercher une « solution du problème algérien dans une nouvelle définition de l’Union française, assurant l’égalité des peuples et des individus » [30].Celle-ci s’exprima dans le bulletin Espoir-Algérie, malgré de nombreuses saisies, de juin 1956 jusqu’en avril 1957. Roblès y collaborait avec l’écrivain kabyle Mouloud Mammeri, dont le frère était officier de l’ALN. Mammeri étant recherché par les parachutistes, Roblès obtint, grâce à l’aide d’ Albert Camus, que le ministre résidant Robert Lacoste l’autorise à quitter légalement l’Algérie pour le Maroc. Comme Camus, il jugeait odieux et inadmissibles les attentats du FLN, et il estimait que leurs auteurs n’avaient droit à aucune pitié [31]. Jusqu’à son départ d’Alger pour Paris après la mort accidentelle de son fils en avril 1958, il resta très lié à André Rosfelder [32]. Il continua d’éditer au Seuil les œuvres de son ami Mouloud Feraoun, de Mohammed Dib (qui dut quitter l’Algérie en 1959 après la publication de son roman Un été africain), et de Kateb Yacine, romancier, poète et dramaturge engagé dans les rangs de la Fédération de France du FLN. En juillet 1960, il réédita Les Hauteurs de la ville avec une préface attestant que, depuis son retour en Algérie un an après la révolte de mai 1945, « ce que j’ai constaté là-bas m’a fait vivre dans la certitude que le brasier noyé un an plus tôt dans le sang de milliers de victimes reprendrait, plus dévorant . On tue les hommes, on ne tue pas les idées pour laquelle ils acceptent de mourir » [33].

Mouloud Feraoun, ancien condisciple d’Emmanuel Roblès à l’Ecole normale de Bouzaréa, l’avait retrouvé en 1950, et avait grâce à lui fait la connaissance d’Albert Camus. Rapprochés par de profondes affinités, ces trois « fils de pauvres » et hommes de bonne volonté avaient noué une solide amitié qui allait résister aux divergences de leurs opinions politiques.

Mouloud Feraoun, directeur d’école dans sa Kabylie natale jusqu’en juillet 1957, puis à Alger, tenait son Journal sur le conseil d’Emmanuel Roblès depuis novembre 1955. Il y avait pris acte de la solidarité quasi-unanime de ses compatriotes kabyles avec les « rebelles », et pris position pour l’indépendance de l’Algérie. Il y voyait en effet la seule solution du problème algérien parce qu’il trouvait dans un siècle de colonialisme égoïste la cause fondamentale de la guerre. Et pourtant, il condamnait également les violences des deux camps (alternativement ou simultanément), et se faisait de moins en moins d’illusions sur les vertus des libérateurs et sur les lendemains de l’indépendance. Mais il croyait que l’impératif le plus urgent était de mettre fin à la guerre et de reconnaître l’identité et la dignité des Algériens, et que la conquête de leur liberté serait pour plus tard. Sans partager les options politiques d’Albert Camus, il continuait de les comprendre et de les respecter, comme le montre son Journal.

Le 3 février 1956, il interpelle ses amis Camus et Roblès : « « Ce pays s’appelle bien l’Algérie et ses habitants des Algériens. Pourquoi tourner autour de cette évidence ? Etes-vous Algériens mes amis ? Votre place est à côté de ceux qui luttent » [34]. Le 18 février 1957, il répond aux arguments de Camus contre l’indépendance de l’Algérie entre les mains du FLN, transmis par Roblès : « J’aimerais dire à Camus qu’il est aussi algérien que moi et que tous les Algériens sont fiers de lui, mais aussi qu’il fut un temps, pas très lointain, où l’Algérien musulman, pour aller en France, avait besoin d’un passeport. C’est vrai que l’Algérien musulman, lui, ne s’est jamais considéré comme français. Il n’avait pas d’illusion » [35]. Recevant Camus dans son école du Clos Salembier le 10 avril 1958, il discute longuement en toute franchise, aussi à l’aise avec lui qu’avec Roblès : « Sa position sur les événements est celle que je supposais : rien de plus humain . Sa pitié est immense pour ceux qui souffrent, mais il sait hélas que la pitié ou l’amour n’ont plus aucun pouvoir sur le mal qui tue, qui démolit, qui voudrait faire table rase et créer un monde nouveau d’où seraient bannis les timorés, les sceptiques et tous les lâches ennemis de la Vérité nouvelle ou de l’Ancienne Vérité rénovée par les mitraillettes, le mépris et la haine » [36]. Après la publication des Chroniques algériennes, c’est avec le plus grand respect qu’il lui répondit dans la revue Preuves de septembre 1958 [37], et de même, qu’il y répondit peu après sa mort au dernier message qu’il avait reçu de lui [38].

En effet, ils restaient unis par la même morale de la dignité et de la fraternité humaine, qu’ils refusaient de subordonner à la politique. C’est pourquoi Mouloud Feraoun comprenait le silence de son ami, sans partager ses options : « De ce mal, il souhaitait ardemment que l’Algérie guérisse. Pas plus que les autres, il n’en voyait le vrai remède ». Et plus loin : « Le salut, de toute évidence, consisterait d’abord à arrêter la guerre. L’erreur impardonnable, au contraire, serait de prétendre arrêter la guerre en supprimant la révolte, parce que, alors, la réconciliation deviendrait sans objet, et la France du XXème siècle aurait alors simplement reconquis l’Algérie » [39]. Bien qu’oscillant sans cesse entre la condamnation des crimes de l’un ou de l’autre des deux camps, et sans illusion sur l’avenir de l’Algérie indépendante, Mouloud Feraoun croyait avoir fait le choix qui s’imposait pour mettre fin aux malheurs de son pays, tout en étant conscient que ce choix n’était pas tout à fait libre : confronté au double risque de « mourir en patriote » et de « mourir en traître », il avait préféré croire en l’indépendance, « afin, le cas échéant de ne crever que la tête haute » [40]. Vœu qui fut exaucé par l’OAS le 15 mars 1962 [41].

Dans d’autres cas au contraire, la politique prima sur l’amitié. Jean Daniel fut le premier à souffrir d’une rupture imposée par Albert Camus. Né à Blida dans une famille juive algérienne depuis des siècles, il avait trouvé à Paris, pour sa carrière littéraire et journalistique, la protection et l’amitié de son aîné admiré. Comme lui, il avait longtemps cru que « les Algériens, en dépit de la colonisation et de son cortège d’abominables humiliations, avaient avantage à se fédérer d’une quelconque manière avec la France », jusqu’au jour où il avait cru « discerner l’inéluctable ». Il se résolut alors à plaider pour la négociation avec le FLN en vue del’indépendance. Camus lui avait répondu, dans sa conférence du 22 janvier 1956 : « On se résigne trop facilement à la fatalité. La tâche des hommes n’est pas de l’accepter. La tâche des hommes de culture et de foi n’est, en tout cas, ni de déserter les luttes historiques, ni de servir ce qu’elles ont de cruel et d’inhumain ». Après son départ de l’Express, Camus s’éloigna de Jean Daniel et refusa de le revoir. Celui-ci comprenait ses raisons, sans se croire fautif : « En tant qu’intellectuel, je le comprenais bien. Encore qu’il me paraissait désespéré de prétendre sauver la justice en résistant à l’histoire. Comme journaliste, l’attitude de Camus, l’eussé-je approuvée, m’était interdite. C’est notre métier de capter les signes de l’inéluctable » [42].

Pourtant, la rupture ne fut pas totale. Jean Daniel écrivit cinq fois à Camus pour solliciter son intervention en faveur de condamnés à mort, toujours avec succès. Et lors d’une rencontre fortuite, après la remise de son prix Nobel, celui-ci vint lui serrer les mains avec chaleur, longuement et en silence [43]. C’est que Jean Daniel restait quelque peu camusien. Alors que la plupart de ses anciens amis français d’Algérie réprouvaient son attitude comme une trahison [44], les partisans les plus ardents de la Révolution algérienne lui reprochaient sa tiédeur. Bien que mendésiste, il avait considéré le retour du général de Gaulle comme une véritable chance de paix, et invité les dirigeants du FLN à prendre leurs responsabilités en acceptant ses offres pour soulager la détresse de leur peuple [45] . Interpellé par Les Temps modernes, il justifia en mai 1960 son refusdeconfondrela cause de la gauche française avec celle du FLN. En tant qu’originaire d’Algérie, il s’interdisait « tout comportement qui conduirait à laisser passer une seule chance, si mince soit-elle, de recouvrer la paix ». Et il refusait à la fois l’idée que la paix en Algérie exigeât la révolution en France, et celle que la gauche française dût être entièrement solidaire du FLN, parce que le nationalisme algérien, marqué par l’arabo-islamisme, ne pouvait pas « représenter toute l’Algérie, à moins qu’on décide d’arrêter l’histoire algérienne à 1830 » [46]. En décembre 1961, il réagit en camusien à l’apologie de la violence absolue du colonisé contre le colon faite par Frantz Fanon dans son dernier livre, Les damnés de la terre  : « un livre terrible, terriblement révélateur, terriblement annonciateur des justiciers barbares. Les disciples de ces thèses seront des assassins tranquilles, des bourreaux justifiés, des terroristes sans autre cause que celle de s’affirmer par la mort des autres ». Gravement blessé à Bizerte, il se demandait qui pourrait répondre : « Le baillon du progressisme et du masochisme frappe de mutisme les meilleurs. Et voici que Camus nous manque déjà » [47].

C’est au contraire la mort d’Albert Camus qui libéra la parole de Jules Roy. Le soldat-écrivain, né dans la Mitidja, devait la perte des préjugés colonialistes de son milieu à deux amis également admirés, Jean Amrouche et Albert Camus. Informé par le premier de la répression de Sétif en mai 1945, il avait noté dans son journal : « La France devient là-bas ce que l’Allemagne était en France, mais comment le dire ? » [48]. Dix ans plus tard, instruit par la guerre d’Indochine et par les lettres d’ Amrouche, il réagit aux massacres du 20 août 1955 en écrivant dans l’Express du 24 septembre que la cause de la France en Algérie était mauvaise : « Si j’étais musulman, ce n’est pas de notre côté que je serais mais dans le maquis. Je refuserais d’égorger des innocents car cela est de la lâcheté et de la barbarie, mais je serais dans le maquis ». Blâmé par l’armée et critiqué par Camus, il lui laissa la charge de parler du drame algérien. Traumatisé par la mort soudaine de celui-ci, il se crut le devoir de parler à sa place, en voulant croire qu’il l’aurait approuvé. En fait, l’absence de Camus lui permit d’échapper à son emprise pour se rallier à l’influence d’Amrouche. D’un voyage en Algérie (où il s’entretint notamment avec Mouloud Feraoun, sans le nommer [49]), il rapporta La guerre d’Algérie, reportage engagé qui aboutissait à une condamnation sans appel de l’action de l’armée française, tout en sollicitant l’approbation posthume d’Albert Camus : « Il ne s’agit pas de préférer sa mère à la justice. Il s’agit d’aimer la justice autant que sa propre mère ». Le livre parut en septembre 1960, aux Editions Julliard et dans l’Express pour éviter la saisie, et provoqua polémiques et injures [50]. En même temps, Jules Roy rejoignit le combat journalistique de Jean Daniel et de Jean Amrouche pour l’indépendance d’une Algérie juste et fraternelle, tout en essayant de rassurer les siens et en condamnant l’insensibilité du général de Gaulle à leur drame. En juillet 1962, il décida de revenir à la littérature, et de ne retourner en Algérie que si elle devenait « le pays dont j’ai rêvé et non le royaume de nouvelles injustices » [51].

Jean Amrouche, comme Albert Camus, disait avoir « mal à l’Algérie ». Il ne s’était pas consolé de ce que celui-ci eût rompu avec lui, dès 1946 et pour des raisons privées. En 1956, après la publication de La chute, il avait confié à Jean Daniel qu’il lui fallait renouer avec le plus grand des Algériens [52]. Et pourtant, l’engagement de Jean Amrouche pour l’indépendance de l’Algérie l’éloigna plus que jamais d’Albert Camus, et en fit sa parfaite antithèse. Plus Camus se tut, plus Amrouche écrivit et parla, jusqu’à devenir l’un des meilleurs propagandistes du FLN, grâce à sa sincérité et à son éloquence.

Modèle de l’indigène assimilé, citoyen français et catholique, parfaitement acculturé, et pleinement admis dans l’élite intellectuelle française, il avait cessé d’être assimilationniste après la répression de mai 1945, et s’était rapproché de Ferhat Abbas. Dès 1952, il écrivit à Jules Roy que l’Afrique du Nord ne trouverait son être que contre la France [53]. Le 6 août 1955, il lui confia son pessimisme : « Il n’y a pas d’accord possible entre autochtones et français d’Algérie. Les hommes de mon espèce sont des monstres, des erreurs de l’histoire. Il y aura un peuple algérien parlant arabe, alimentant sa pensée, ses songes, aux sources de l’islam, ou il n’y aura rien » [54] ; puis il lui proposa de rédiger un manifeste en commun avec Albert Camus [55], qui ne donna pas suite [56]. Dès lors, en des analyses aussi percutantes qu’éloquentes, Amrouche généralisa son expérience personnelle du déracinement et de la « bâtardise » à l’ensemble des colonisés, revendiquant la reconnaissance de leur nom propre et de leur dignité d’hommes. Il dénonça en termes manichéens « le colonialisme français, honteux et hypocrite, plus attentatoire que tout autre aux droits de la personne humaine », en ce qu’il s’arrogeait « le droit de rejeter les civilisations des peuples conquis dans le néant », contre « la promesse mensongère d’une assimilation qui les ferait semblable à leurs conquérants », ce qui aurait accompli « un parfait génocide » [57]. Il distingua « la France comme mythe et comme réalité » [58], en opposant la France idéale des droits de l’homme et des peuples et la France colonialiste et raciste qui la représentait outre-mer. Il interprétait le « racisme instinctif » des Français d’Algérie comme un produit de la situation coloniale, et jugeait avec une sévérité mesurée leur incapacité à remettre en question le bien-fondé de leurs privilèges. Conscient comme Albert Camus des horreurs de la répression et du terrorisme, il refusait pourtant de les mettre sur le même plan : « Sur le plan moral, je condamne expressément toute violence, et je compatis au malheur de toutes les victimes de la violence. Mais sur le plan politique, confondre dans un même jugement réprobateur les moyens de la guerre révolutionnaire qui a été imposée aux victimes du colonialisme par le régime colonial, et la répression générale aveugle, inhumaine qui a été déchaînée sur l’Algérie, c’est jouer les Ponce Pilate. Nous sommes dans l’engrenage horrible de la violence. Cet engrenage a été mis en mouvement. Il faut rechercher et dénoncer les responsables de la mise en marche » [59]. Il garantissait néanmoins aux Français d’Algérie que leurs craintes étaient vaines : « Nul n’en veut à leur vie, nul ne songe à les expulser d’un pays qui, cessant d’être leur possession, peut devenir leur patrie. Le grand peuple d’Algérie veut la justice pour tous, les Algériens de souche européenne compris » [60]. Et il prophétisait un avenir radieux : « Ils porteront le même nom, celui d’une patrie non point aigre et repliée sur elle-même, mais ouverte à tous les courants, traversée en tous sens par tous les souffles de l’esprit, et qui sera donnée en exemple au monde après la longue et tragique passion où elle fut crucifiée » [61]...

Les analyses de Jean Amrouche souffrent de la comparaison avec celles de Mouloud Feraoun (bien que leurs conclusions politiques fussent les mêmes), et elles furent cruellement démenties par le « terrible livre » de Frantz Fanon, qui théorisait des pratiques réelles du FLN en définissant le colonisé comme « un persécuté qui rêve en permanence de devenir persécuteur », et pour qui « la vie ne peut surgir que du cadavre en décomposition du colon » [62]. Amrouche mourut à temps, le 16 avril 1962, pour ne pas voir la ruine de son rêve. La faille se trouvait dans la combinaison de l’esprit critique le plus acéré pour débusquer les contradictions entre la France mythique et la France réelle, avec la foi la plus naïve dans le discours du FLN, confondant le mirage et la réalité. Mais ce qui a fait de Jean Amrouche un mauvais témoin en a fait un excellent propagandiste. Il s’était toujours présenté comme un homme seul et déchiré, investi par lui-même de la mission d’expliquer les Algériens aux Français et les Français aux Algériens, et particulièrement d’aider à engager le dialogue entre de Gaulle et le FLN (où il voyait la meilleure chance de paix depuis son entretien d’avril 1955 avec le Général). Il avait prouvé sa sincérité et son courage en proclamant sa confiance en de Gaulle après son discours d’Alger du 4 juin 1958, au risque d’être blâmé par les dirigeants du Front [63]. On sait pourtant qu’il s’était mis à leur disposition, avec Abderrahmane Farès, depuis au moins janvier 1957 [64], et sa lettre du 28 janvier 1960 à Belkacem Krim et à Ferhat Abbas [65], prouve qu’il était à cette date un agent d’influence du GPRA. Il n’est pourtant pas besoin de mettre en doute le désintéressement de sa motivation, comme l’avaient fait son ancien ami d’Alger Jacques Heurgon [66] et plus encore Mouloud Feraoun [67]. La foi d’Amrouche en sa mission renforçait sa crédibilité et son efficacité.

Le poète Jean Sénac avait condamné dès 1954 l’orgueil et l’aveuglement des Français d’Algérie : « Je ne crois plus pour l’avenir de ce pays qu’à une révolution radicale, qui mettrait l’Européen en mesure d’abdiquer son monstrueux égocentrisme et de s’intégrer dans la communauté algérienne, à base de Berbères et d’Arabes qui occuperaient une majorité de postes et de fonctions clés ». Sans partager la naïveté de Jean Amrouche, il faisait donc le même pari : « Je ne me fais pas d’illusions sur les partis politiques réellement algériens (arabes), sur leur esprit de revanche et leur racisme propre, mais je crois qu’il faudra lutter avec eux, dans le chaos », avec l’espoir que « quelques Français sincères et propres » aideraient à « donner un jour son vrai visage à la patrie algérienne » [68]. Après avoir vainement tenté de le convaincre, il rompit avec Albert Camus « une amitié passionnée de dix ans, et nos frères étudiants du FLN se souviennent sans doute de la rencontre secrète que j’organisai, de cette confrontation douloureuse pour tenter de convaincre le grand frère « étranger », encerclé dans son orgueilleux « déchirement » [69] ». Il rejoignit la Fédération de France du FLN, comme son confrère en poésie Henry Kréa ( fils d’une mère kabyle, et petit-fils de Marcel Cachin) et comme Kateb Yacine, qui lui aussi crut devoir interpeller par une lettre ouverte son « cher compatriote » Albert Camus sans l’avoir jamais rencontré [70].

Ainsi, la « communauté algérienne des écrivains » n’était qu’un réseau d’amitiés personnelles (traversé par quelques inimitiés) entre les écrivains francophones des deux peuples, et ne pouvait leur servir de modèle dans la tourmente de la guerre : « Mon idée de proposer à tous les écrivains algériens, français et musulmans, un texte où ils affirmeraient que la coexistence est possible n’est pas réalisable », regrettait Jules Roy en décembre 1960 [71]. Les écrivains ont-ils rejoint leurs peuples respectifs, comme le craignait Albert Camus ? Aucun écrivain algérien musulman reconnu en 1954 n’a pris parti pour l’Algérie française, et la nouvelle génération a tiré son inspiration de la « guerre de libération ». Le FLN a donc gagné la bataille de la littérature, mais on constate des nuances dans l’engagement des écrivains algériens, et le meilleur témoin, le seul qui soit resté sur place, Mouloud Feraoun, fut aussi le plus critique. Au contraire, les positions des écrivains français d’Algérie ne reflétaient pas l’opinion presque générale de leurs compatriotes. Leurs liens avec leurs homologues algériens ont favorisé une plus grande compréhension des raisons de la révolte, et ont servi dans une certaine mesure la cause du FLN. Mais les écrivains français d’Algérie se sont divisés, et l’auraient peut-être fait davantage si Camus avait vécu jusqu’à la fin du drame. On peut en dire autant de l’ensemble des écrivains et des intellectuels français.

Guy Pervillé.

Ce riche colloque a été publié en octobre 2003 par les Editions Autrement, avec une introduction de Jean-Charles Jauffret et une conclusion de Jean-Pierre Rioux. Le livre comprend les contributions de Jacques Frémeaux, Daniel Lefeuvre, Christelle Maurin, Guy Pervillé, Jacques Cantier, Benjamin Stora, Richard Ayoun, Robert Davezac, Jean Monneret, Maria Romo-Navarette, Jean-Paul Cahn et Klaus-Jurgen Muller, Diane Sambron, Linda Amiri, Michel Renard, Daho Djerbal, Tayeb Chenntouf, Gilbert Meynier, Jacques Valette, Charles-Robert Ageron, Jean-Jacques Jordi, Khalifa Chater, Jean-Charles Jauffret, Raphaëlle Branche, Frédéric Médard, Tramor Quémeneur, Marie-Catherine Villatoux, Laurent Cadena, André-Paul Comor, Paul Villatoux, Gregor Mathias, Xavier Boniface, Alexandra Lamodière, et Patrick Boureille.

[1] « Le pari de notre génération », interview donnée à Demain, 24-30 octobre 1957, in Essais d’Albert Camus, présentés par Roger Quilliot, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1965, pp. 1902-1903.

[2] « Notre ami Roblès », revue Simoun (Oran), n° 30, décembre 1959, in Essais..., op. cit., pp. 1918-1919. Cf. « Images algériennes d’Emmanuel Roblès », Simoun, n° 30, in Mouloud Feraoun, L’anniversaire (et autres textes), Editions du Seuil, 1972, p. 59.

[3] La littérature algérienne contemporaine, PUF, Que sais-je ? n° 1604, 1975, p. 60.

[4] Co-auteur, avec Robert Randau, de l’essai dialogué, Les compagnons du jardin, Paris, 1933, de tendance assimilationniste (Extrait dans Algérie, un rêve de fraternité, textes choisis et présentés par Guy Dugas, Editions Omnibus, 1997, pp. 61-154).

[5] « La littérature algérienne », in Feraoun, op. cit., pp. 55-56.

[6] Jean Déjeux, « Les rencontres de Sidi Madani, janvier-février-mars 1948, in Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, Aix-en-Provence, 1975, n° 20, pp. 165-174.

[7] « La vie culturelle d’une guerre à l’autre », par Jean-Robert Henry et Lucienne Martini, in Alger 1940-1962, une ville en guerres, s. dir. J. J. Jordi et G. Pervillé, Editions Autrement, 1999, pp. 100-112.

[8] « Crise en Algérie », articles publiés dans Combat du 13 au 23 mai 1945, repris dans Actuelles III, Chroniques algériennes, 1939-1958, Gallimard, 1958, et dans Essais..., pp. 941-959.

[9] « Message au ‘Comité pour l’amnistie aux condamnés politiques d’outre-mer’ » (Mai 1954), et « Terrorisme et amnistie », paru dans Libérons les condamnés d’outre-mer, juillet 1954, repris dans Essais..., pp. 1862-1865.

[10] « Terrorisme et répression », L’Express, 9 juillet 1955, et « L’avenir algérien », 23 juillet 1955, repris dans Essais..., pp. 1865-1877. La procédure proposée annonce le fameux triptyque (cessez-le-feu, élections, négociations), emprunté par Guy Mollet à un article de Gilles Martinet, « Comment arrêter l’effusion de sang en Algérie », France-Observateur, 29 septembre 1955.

[11] Sur cet épisode trop peu connu, voir Ferhat Abbas (dont le neveu Allaoua, promoteur de cet « appel de Constantine, fut assassiné le 20 août), Autopsie d’une guerre, Editions Garnier, 1980, p. 106, et René Mayer (autre promoteur de l’appel, homonyme du député de Constantine), Algérie, mémoire déracinée, L’Harmattan, 2001, pp. 200-204.

[12] « Lettre à un militant algérien », publiée dans Communauté algérienne, n° 1, 1er octobre 1955 (cf. la réponse d’un jeune musulman dans le n° 2 le 16 octobre), reprise dans Chroniques algériennes, et dans Essais...,pp. 963-966.

[13] Articles repris dans Chroniques algériennes, , et dans Essais..., pp. 969-982. Deux articles relancent l’appel à la trêve civile les 10 et 17 janvier 1956, ibid. pp. 983-988.

[14] « Appel pour une trêve civile en Algérie », repris dans Chroniques..., et dans Essais..., pp.991-999.

[15] Voir les récits d’Amar Ouzegane (ancien dirigeant du PCA, qui connaissait Camus depuis 1935), Le meilleur combat, Paris, Julliard, 1962, de Mohammed Lebjaoui, Vérités sur la Révolution algérienne, Gallimard, 1970, pp. 38-49, et celui d’André Rossfelder, Le onzième commandement, Gallimard, 2000, pp. 373-399(et la lettre d’Albert Camus à celui-ci le 27 février 1956, pp. 402-403).

[16] Sauf pour protester contre l’arrestation de son ami Jean de Maisonseul, l’un des organisateurs du comité des libéraux pour la trêve civile. Voir sa lettre au Monde, fin mai et début juin 1956, reprises dans Chroniques..., in Essais..., pp. 1003-1008.

[17] Voir la liste de ses interventions pour demander la grâce de condamnés à mort dans Essais..., pp. 1844-1846, et sa lettre à Guy Mollet sur la Commission de sauvegarde, Ibid., pp. 1884-1885.

[18] Essais..., pp. 1881-1883. Cf. sa lettre de juin 1957 à le revue britannique Encounter, Ibid., pp.1877-1881.

[19] Camus avait évoqué le terrorisme russe dans sa pièce, Les justes, en 1950, et l’avait étudié à fond dans L’homme révolté en 1951 (Essais..., pp.556-582).

[20] Actuelles III, Chroniques algériennes, Avant propos, in Essais..., pp. 893-894, et p. 901

[21] « Algérie 1958 » et « L’Algérie nouvelle », in Chroniques algériennes, Essais..., pp.1011-1018.

[22] Il laissait un roman inachevé, Le premier homme, apologie pour sa famille et pour son peuple, publié en 1999.

[23] « Appel pour une trêve civile », in Essais...., pp. 997-998. Cf. les propos rapportés par Ahmed Taleb-Ibrahimi et confirmés par Jean Daniel : « Si la violence continue, le devoir, même pour un homme comme moi, consistera à retourner à sa communauté parce qu’il sera impossible de rester neutre ou en dehors » (« Albert Camus vu par un Algérien », in De la décolonisation à la Révolution culturelle, 1962-1972, Alger, SNED, 1973, p. 182).

[24] Cité par Rossfelder, op. cit., p. 458.

[25] Note de R. Quilliot in Essais, p. 1861. Cf. la dédicace de L’exil et le royaume (1957)à André Rosfelder (« A mon compagnon d’exil ») expliquée par celui-ci in Rossfelder, op. cit., p. 435.

[26] Rossfelder, op. cit., p. 479.

[27] Au contraire, son frère Roger, romancier sous le pseudonyme de Roger Curel, était un porteur de valises du FLN (Cf. Rossfelder, op. cit., p. 545).

[28] Lebjaoui, op. cit., p. 48.

[29] Voir un extrait dans Algérie, un rêve de fraternité, textes choisis et présentés par Guy Dugas, Paris, Omnibus, 1997, pp. 533-675.

[30] Programme du 27 mars 1956, cité par R. Quilliot in Essais..., op. cit., p. 1843.

[31] Mouloud Feraoun, Journal, 18 février 1957, p. 204. Roblès ajoute en note : « Et le terrorisme aveugle (bombes dans les trolleybus, les bals populaires, les cafés, etc.) défigurait une cause juste. De plus, il nous fermait la bouche, à nous, « libéraux », auprès de la population européenne ».

[32] Rossfelder,op. cit., pp. 332, 405 et 458.

[33] Reproduit par Dugas, op. cit., p. 535.

[34] Journal, p. 76

[35] Journal, pp. 204-205.

[36] Journal, p. 271.

[37] « La source de nos communs malheurs », lettre à Albert Camus, in Mouloud Feraoun, L’anniversaire (et autres écrits), Le Seuil, 1972, pp. 35- 44. De même, il répondit amicalement au livre d’André Rosfelder, L’Algérie à bâtir, sans lui cacher son désaccord avec la solution de l’intégration (Rossfelder, op. cit., p. 467 ; cf. le Journal, 18 mai 1959, p. 296).

[38] « Le dernier message », Preuves, avril 1960, et L’anniversaire, op. cit., pp. 45- 52.

[39] Ibid., pp. 50- 51.

[40] L’anniversaire (roman inachevé) p. 12.

[41] Voir Jean-Philippe Ould-Aoudia, L’assassinat de Château-Royal, Alger : 15 mars 1962, Editions Tirésias-Michel Reynaud, 1992 ; et le douloureux étonnement d’André Rossfelder, op. cit., p. 548.

[42] Jean Daniel, De Gaulle et l’Algérie, Le Seuil, 1986, pp. 16-17.

[43] Jean Daniel, La blessure , Grasset, 1992, Le livre de poche n° 13637, pp. 107-112 (écrit le 4 janvier 1962).

[44] Jean Daniel (op. cit., p. 127) cite un mot reçu de Rosfelder : « « Nous sommes désormais de chaque côté d’une frontière d’où il est permis de tirer à vue ». Cf. Rossfelder, op. cit., pp. 332-333, 364-365, 425-426.

[45] « Algérie : l’heure des responsabilités », Revue générale belge, 15 novembre 1958, in De Gaulle et l’Algérie, pp. 77-84.

[46] « Socialisme et anticolonialisme », Esprit, mai 1960, in De Gaulle et l’Algérie , pp. 152-157.

[47] La blessure, p.81 (écrit le 8 décembre 1961, publié en 1992).

[48] Les années déchirement : Journal, 1925/1965, Albin Michel, 1998, p. 249.

[49] Citation probable à la fin de l’extrait de La guerre d’Algérie, in Algérie, un rêve..., pp. 679-702.

[50] Jules Roy fut défendu dans L’Express par son compatriote de Rovigo, Jean Pélégri (ami d’enfance de Jean Daniel), qui avait trouvé un ton beaucoup plus acceptable pour expliquer aux siens les raisons de la révolte dans son roman Les oliviers de la justice, paru en 1959 (extrait dans Algérie, un rêve..., pp. 705-844).

[51] Jules Roy, Les années de déchirement,p. 420.

[52] « Jean Amrouche, l’homme de la double vérité », Le Figaro littéraire, 13 avril 1963, in Jean Daniel, De Gaulle et l’Algérie, p.270.

[53] Lettre de Jean Amrouche à Jules Roy, 25 février 1952, in D’une amitié, correspondance, 1937-1962, Aix-en-Provence, Edisud, 1985, p. 98.

[54] Lettre de Jean Amrouche à Jules Roy, 6 août 1955, Ibid., p. 104.

[55] Lettre de Jules Roy à Jean Amrouche, 7 septembre 1955, Ibid.

[56] « Camus tenait Amrouche pour un dangereux sophiste », selon Jules Roy, Mémoires barbares, Albin Michel, 1989, p. 430. PS : Il semble pourtant que Camus lui ait répondu : voir son brouillon d’une lettre à Jean Amrouche, daté du 19 novembre (1957, d’après le contenu, qui évoque sa solidarité avec sa mère) , où il maintient fermement sa position sur la question du terrorisme, mais conclut en se disant son « frère de naissance et de ciel » (Albert Camus, Œuvres complètes, tome IV, Paris, La Pléiade, 2008, p. 1309).

[57] « Notes sur l’état d’âme du colonisé », Etudes méditerranéennes, 1958, in Jean El Mouhouv Amrouche, Un Algérien s’adresse aux Français, ou l’histoire d’Algérie par les textes, 1943-1961, édition établie par Tassadit Yacine, Paris, Awal/L’Harmattan, 1994, pp. 49-53.

[58] « La France comme mythe et comme réalité. De quelques vérités amères », Le Monde, 11 janvier 1958, in Un Algérien..., pp.54-64.

[59] « A propos d’une exécution sommaire », Action, juin 1958, in Un Algérien..., p.89.

[60] « Les personnages du drame », Candide, 18-25 mai 1961, in Un Algérien..., p. 213.

[61] « Algérie :le fond du problème », La Nef, janvier 1959, in Un Algérien..., p. 104.

[62] Les damnés de la terre, Paris, Maspéro 1961,.... Cf. Alice Cherki, Frantz Fanon, portrait, Le Seuil, 2000.

[63] « Après l’appel du général de Gaulle », Le Monde, 6 juin 1958, et « A propos d’une exécution sommaire », Action, juin 1958, in Un Algérien ..., pp. 84-85 et 86-91 ; cf.El Moudjahid n° 25, 13 juin 1958, réédition 1962, t. 1, p. 505. En même temps, Amrouche participait à une première tentative de contact entre de Gaulle et Abbas (Cf. Abderrrahmane Farès, La cruelle vérité, L’Algérie de 1945 à l’indépendance, Plon, 1982, pp.75-80).

[64] Lebjaoui, op. cit, p.81, et Farès, op. cit., p. 82.

[65] Un Algérien..., pp.370-373. Amrouche était ami d’Abbas depuis 1948 (Ibid., p. 373).

[66] Lettre au Monde, 11 janvier 1958, in Un Algérien...,. pp. 356-358.

[67] Journal, op. cit., 2 avril 1957, pp. 216-217, et 17 janvier 1958, p. 262. Feraoun détestait Amrouche pour des raisons personnelles (refus dédaigneux de son premier manuscrit).Cf. l’hommage embarrassé du second au premier après sa mort (observant que Camus avait des amis même parmi ses assassins) dans Un Algérien.., pp. 368-370.

[68] Carnet de Jean Sénac, 7 juillet 1954, in Algérie, un rêve...., p. 847.

[69] Algérie, un rêve... , p. 854. Cf. le témoignage d’Ahmed Taleb-Ibrahimi, cité plus haut en note 23, et sa très sévère « Lettre ouverte à Albert Camus » du 26 août 1959 dans ses Lettres de prison, Alger, SNED, 1966.

[70] Voir sa lettre de 1957 à Camus, dans Eclats de mémoire, Paris, IMEC Editions, 1994, p. 33 ; cf. Minuit passé de douze heures : écrits journalistiques, Le Seuil, 1999. P S : En réalité, Kateb Yacine avait rencontré Camus une seule fois, sans être séduit. Voir sa lettre du 31 mars 1986 à José Lenzini dans 2000 ans d’Algérie, Carnets Séguier, et dans Panoramiques, n° 62, 1er trimestre 2003, p. 226. Mais il lui avait pourtant adressé un message fraternel, reçu par Camus le 17 octobre 1957, pour le féliciter de son prix Nobel (voir le texte reproduit par Benjamin Stora dans sa conférence au Musée de la Méditerranée à Stockholm le 6 octobre 2007, sur le site de la Ligue des droits de l’homme de Toulon, http://www.ldh-toulon.net/spip.php ?article2308).

[71] Les années déchirement, 19 décembre 1960, p. 381.



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