Version condensée d’une thèse de troisième cycle soutenue le 28 juin 1980 devant les professeurs Jean-Baptiste Duroselle, Charles-Robert Ageron et Mohammed Arkoun, ce livre vient combler une lacune dans l’historiographie de l’Algérie contemporaine. Il contribue à une meilleure connaissance des élites algériennes actuelles en éclairant le rôle des étudiants et intellectuels musulmans algériens de culture française dans l’évolution politique de leur pays, de la colonisation à l’indépendance.
Une première partie retrace leur apparition dans l’Algérie coloniale, les situe dans leur société, et met en rapport l’évolution du mouvement étudiant avec celle du mouvement revendicatif musulman jusqu’en 1954. La deuxième expose en détail leur participation à la guerre de libération nationale, dans ses diverses formes et ses phases successives entre 1955 et 1962. Enfin, la troisième présent leur idéologie, d’abord dans son évolution globale, puis à travers les étapes de la socialisation individuelle, et les thèmes du nationalisme.
L’ensemble de l’ouvrage propose une explication de l’échec de la politique française d’assimilation, en mettant en évidence le "complexe populiste" des intellectuels algériens.
L’étude repose sur l’exploitation systématique des sources disponibles en langue française : entretiens avec d’anciens étudiants algériens, documentation écrite, notamment les périodiques, les brochures et les livres publiés par eux (sans oublier les oeuvres littéraires), enfin archives publiques ou privées accessibles.
L’auteur ne s’est pas contenté d’analyses rigoureuses : il a voulu tenter, en laissant une large place aux citations, la résurrection d’un passé révolu.
Guy Pervillé, né en 1948, est assistant en histoire contemporaine à l’Université de Limoges.
Revue de presse :
« Voici un livre d’un jeune historien compétent et lucide, plein de nuances et fort bien documenté, sur un sujet qu’il fallait enfin traiter. Qu’en est-il, en effet, de ces groupes plus ou moins importants d’Algériens formés dans les universités françaises ? Quels rôles ont-ils joué ? Quel a été leur poids dans le mouvement national ? Jusqu’à quel point l’idéologie assimilationniste et l’idéologie franco-musulmane pouvaient-elles l’emporter sur l’idéologie nationaliste en tant que telle ? Cet ouvrage bien rédigé et bien équilibré tente d’y répondre. (...)
Cet ouvrage sur sur l’élite de langue française en Algérie devait être écrit. Voilà donc qui est fait avec compétence : pas de position partisane, mais intelligence du sujet traité, ce qui veut dire avec les nuances nécessaires qui manquent trop souvent à certaines histoires "engagées" d’aujourd’hui. »
Jean Déjeux, in Parcours, Recherches biographiques, Algérie 1830-1962 , n° 3, premier trimestre 1985.
« Ce livre a pour origine une importante thèse de troisième cycle soutenue en 1980 et ici condensée, précisée et mise à jour. Il repose sur une impressionnante documentation : archives, presse, entretiens, lectures variées et nombreuses, notamment des bulletins jamais consultés. au total, un travail remarquable qui, en Angleterre ou aux USA, aurait fait un excellent Ph. D.
Précisons l’organisation de l’ouvrage pour éclairer le lecteur qui se trouve devant un travail très dense, logiquement présenté, écrit avec aisance, mais dont la lecture demande une certaine connaissance de l’histoire de l’Algérie française. (...). »
Xavier Yacono, compte rendu destiné à la Revue française d’histoire d’Outre-mer , 1985.
« Guy Pervillé, qui s’est fait déjà connaître par les mises à jour bibliographiques et les articles qu’il donne régulièrement sur la guerre d’Algérie, publie sous ce titre l’édition enrichie et remaniée de sa thèse de troisième cycle. L’auteur nous convie à suivre l’"aventure de l’intelligentsia francophone, intermédiaire entree son peuple et la France". "L’évolution des étudiants algériens des origines à 1954" fournit, à partir d’une série de données statistiques, un tableau des effectifs, des orientations et de la composition sociologique de ces étudiants. (...) Ces conditions (...) les amènent à fonder une série d’organisations qui s’émancipent peu à peu des associations françaises, tout en se pénétrant de revendications politiques de plus en plus radicales.
Cette évolution est mise à l’épreuve des faits avec le déclenchement de la guerre. La deuxième partie, "Les étudiants algériens et la guerre de libération nationale (1955-1962)" évoque longuement les diverses modalités des engagements (...).
Leur histoire, la nature et le sens de leur participation, ses limites aussi, l’auteur a voulu en chercher l’explication dans "l’idéologie des intellectuels musulmans de 1908 à 1962". Cette troisième partie en constitue sans doute la plus stimulante. (...) On verra comment, tout en rejetant la domination française, peu d’intellectuels algériens musulmans ont ressenti leur adhésion au combat pour l’indépendance comme un rejet total de la culture française. Ces considérations ne sont pas sans lien avec la réflexion sur un sentiment national algérien caractérisé par la multiplicité des appartenances (à la communauté musulmane, à la culture arabe, à la patrie algérienne). On ne peut s’empêcher d’y lire le conflit de cette sensibilité avec la conception de la nationalité française, fondée sur la dialectique appartenance/exclusivité. C’est dire que l’ouvrage de Guy Pervillé est loin d’être dépourvu de liens avec le présent. Son intérêt principal demeure cependant d’avoir apporté une contribution de premier ordre à la connaissance d’une période encore mal connue. Ceci n’a été possible que par la recherche et le dépuillement systématique de sources variées (archives ou périodiques d’associations étudiantes, enquêtes orales), mises en oeuvre avec un sens de la rigueur et de la nuance qui devrait séduire tous ceux pour qui une histoire impartiale de la guerre d’Algérie reste possible. »
L’Histoire , n° 79, juin 1985, p. 102.
« Cette première histoire des étudiants algériens est une version remaniée d’une brillante thèse de troisième cycle soutenue en 1980 à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Notre collègue Ageron souligne l’honnêteté, la hauteur de jugement, le sens critique de Guy Pervillé. Il s’agissait en effet d’un livre difficile à réaliser. Il fallait dominer des passions encore violentes, tenir compte de la rareté des renseignements jusqu’en 1919, de leur abondance de 1920 à 1939, des perturbations apportées par les guerres et les crises après 1939 (dispersion des archives et discrétion des informateurs proportionnelle à la proximité et à l’importance politique des événements). (...)
Ce livre apporte une chronologie, une table des sigles essentiels, une bibliographie des sources et des ouvrages consultés, un index ; c’est un modèle de travail scientifique. L’auteur n’affirme rien qui ne soit appuyé par une référence et fait une large place à d’importantes citations.
L’ouvrage de Guy Pervillé exige du lecteur une certaine attention. il n’est jamais ennuyeux, mais c’est un livre dense. Il est d’un grand intérêt pour le professeur (pour compléter sa culture plus que pour nourrir ses cours ... encore peut-on extraire brièvement l’essentiel et l’utiliser ! ) comme pour le grand public éclairé. »
Lucien Genet, in Historiens et géographes , n° 305, juillet-août 1985, pp. 1346-1347.
« Voici un livre de facture classique, sérieux et documenté, sur les étudiants "algériens" qui sont, plus généralement, "musulmans". La première partie de l’ouvrage est chronologique. (...) La deuxième partie est consacrée à la guerre de libération nationale. (...) La troisième partie étudie "l’idéologie" des étudiants sur une palette qui va de l’"assimilationnisme" au "nationalisme". (...) Or, Pervillé n’étudie qu’une des deux sources de l’idéologie : la française, et il le dit honnêtement. mais est-il vraiment possible de faire une telle analyse en sachant que les hommes réagissent , à la fois, aux données de la culture ancestrale, lesquelles s’incarnent partiellement dans les études arabes de Tunis, Fès ou Le Caire ? (...) La terminologie flotte parfois (...). Ces scories mineures n’enlèvent rien à la minutie de l’enquête. La démarche de Pervillé est rigoureusement honnête. Ce sont même, parfois, les nuances scrupuleuses qui produisent un certain aplatissement des conclusions. Il y a, cependant, des pages chaleureuse, consacrées pour l’essentiel à des hommes qui séduisirent l’auteur. Pervillé a parfaitement le droit de faire de Ferhat Abbas le héros de son livre ; il est dommage que la chaleur dont il entoure celui qui fut longtemps le mentor des étudiants francisants ne se répande pas toujours à l’ensemble de l’ouvrage. »
Gilbert Meynier, version développée du compte-rendu publié dans Vingtième siècle, revue d’histoire , n° 7, juillet-septembre 1985, pp. 209-210.
« Dans la masse d’ouvrages consacrés à l’Algérie sous domination coloniale française, la présence des étudiants est quelquefois signalée, souvent ignorée, quelquefois sous-estimée. Comment pourtant comprendre les "élites" algériennes actuelles, si l’on évacue la connaissance de ces étudiants musulmans algériens de culture française, de la colonisation à l’indépendance ? Comment appréhender la place, le rôle de ces intellectuels dans le fonctionnement d’une société dominée ? Pourquoi émergent les processus de refus conduisant à l’intervention politique ?
La longue recherche de Guy Pervillé, assistant à la Faculté de Limoges, sur Les étudiants algériens de l’Université française (1880-1962), vient donc combler un vide dans l’historiographie de l’Algérie contemporaine. Elle aboutit aujourd’hui à un livre (à l’origine thèse de troisième cycle soutenue en 1980), véritable somme, point des connaissances sur cette question. En 350 pages bien tassées, portées par une érudition exemplaire, l’auteur livre une information d’une abondance et d’une variété rares (...).
Une double interrogation traverse tout le livre : comment expliquer l’échec des tentatives d’assimilation voulues par la France, et caractériser le statut de l’intellectuel musulman dans l’Algérie coloniale ? dans une démarche qui a recours à la statistique, la sociologie, l’analyse du discours politique et l’histoire de l’évolution du mouvement étudiant, Guy Pervillé a cherché et réussi à reconstituer des comportements collectifs apparaissant de manière visible à travers l’engagement des étudiants dans la lutte de libération nationale algérienne. »
Benjamin Stora, in Revue d’histoire de la Deuxième guerre mondiale , n° 141, 1986, pp. 116-120.
« Cet ouvrage reprend l’essentiel d’une thèse de troisième cycle soutenue en 1980 à l’EHESS, et consacrée à l’histoire des intellectuels algériens de formation française dans leur rapport avec le projet colonial assimilateur et le mouvement national libérateur. Dans le siècle précédant l’indépendance de l’Algérie, cette histoire est "celle d’une tentative de ’conquête morale’" du peuple vaincu, le colonisateur s’efforçant pour le guider dans la bonne voie de "distinguer des élites plus ou moins ’évoluées’ de la masse restée ’barbare’". "Acculturation intensive des élites et confusion délibérée entre culture et nationalité dans une perspective de ’conquête morale’ définitive" expliqueraient, selon l’auteur, "que la nouvelle élite algérienne, créée par la France à partir d’une table rase, ait mis si longtemps à s’intégrer à l’évolution de son peuple". (...)
Ce travail se caractérise par une grande probité. Il évite deux écueils courants dans des productions consacrées à l’Algérie : celui des "occasions perdues" et celui de la réécriture de l’histoire dans un sens linéaire à partir de son résultat maintenant connu de 1962. (...)
Ce travail est une bonne contribution à la connaissance des raisons de l’échec colonial français en Algérie, des voies et des formes de la genèse du sentiment national et, plus généralement, à travers un cas spécifique, des "élites" en situation coloniale dans leur rapport entre le modernisme et la tradition. »
Jacques Couland, in Bulletin de la société d’histoire moderne , seizième série, n° 28, 1985, p. 42, et Revue d’histoire moderne et contemporaine , tome XXXIII, janvier-mars 1986, p. 176.
« Sous un modeste volume, apparemment, de quelque 300 pages de texte proprement dit, la typographie, abusivement dense et resserrée, dont l’oeil du lecteur ne complimentera pas l’éditeur, retient la matière d’un livre d’au moins un tiers plus gros : par ce seul aspect matériel, cet ouvrage, tiré d’une thèse brillante, n’est pas un ... petit livre. Son sujet est tout aussi trompeur : il concerne une catégorie socio-professionnelle par définition temporaire, d’autant plus faible numériquement qu’elle provient d’une population que la République traitait en sujets de nationalité française et non en citoyens, et correspondant à un niveau de formation qui ne se développe dans la société française qu’à la fin de la période considérée. Or cette strate, mince et presque marginale, fixe une réflexion sur la relation binationale, engendrée par la colonisation de l’Algérie, la concrétise expérimentalement et concourt peu à peu à sa transformation : d’une inégalité à une révolte puis à une insurrection armée conduisant à l’égalité par l’indépendance. Loin d’être une étude circonscrite à la sociologie des étudiants algériens, ce livre est une contribution à l’histoire de la formation de l’Etat algérien et par la qualité de son approche, la maîtrise de sa démarche et la diversité de son information, il est sous l’apparence de son titre modeste un grand livre. (...)
Au total, Guy Pervillé apporte avec cette thèse remaniée et condensée un témoignage supplémentaire de ce que la recherche approfondie, et par suite longue, peut apporter à l’histoire, et Charles-Robert Ageron, dans sa préface, a bien raison de saluer cette étude comme "une réussite de premier ordre. »
Jean-Claude Allain, in Relations internationales, n° 54, été 1988, pp. 259-261.