Trente ans après : réflexions sur les accords d’Evian (1992)

jeudi 1er mars 2007.
 
Cet article a été publié dans la Revue française d’histoire d’outre-mer, n° 296, 3ème trimestre 1992, pp. 365-379.

Le trentième anniversaire des accords d’Évian a été marqué par de nouvelles publications [1] s’ajoutant à la bibliographie déjà disponible [2]. Il n’est donc pas indispensable de reprendre le récit des faits. Mais il peut être utile de revenir sur certains problèmes : les origines des accords d’Évian, leur nature, et leur succès ou leur échec.

Il suffit de comparer le texte des accords signés à Évian le 18 mars 1962 entre le gouvernement français et le FLN avec les buts de guerre et les conditions de paix que ce dernier avait exprimés dans sa proclamation du 31 octobre 1954 [3], pour constater que le FLN avait obtenu satisfaction sur l’essentiel. Au contraire, la France avait fait les plus grandes concessions, en renonçant au dogme de l’Algérie terre française, réaffirmé en termes catégoriques par le président du Conseil Pierre Mendès France le 12 novembre 1954.

La IVe République ne l’avait jamais officiellement désavoué. Pourtant, ses gouvernements avaient franchi un pas significatif, en acceptant de discuter avec les chefs des « rebelles » les conditions politiques d’un cessez-le-feu. Les pourparlers entrepris par le gouvernement de Guy Mollet au printemps de 1956 avec les chefs de la délégation extérieure du FLN semblent avoir abouti à un accord sur la procédure : institution d’un exécutif provisoire mixte entre le cessez-le-feu et les élections ; mais ils laissaient dans l’incertitude des points essentiels : degré de représentativité reconnu par la France au FLN, intégration ou indépendance, ou droit de l’Algérie à l’indépendance. De plus, les négociateurs du FLN risquaient d’être désavoués par les chefs de l’intérieur, dont le congrès réuni dans la vallée de la Soummam avait redéfini les conditions et la procédure de la paix ; et les délégués français ne représentaient que le secrétaire général de la SFIO, mais non le gouvernement ni la majorité parlementaire sur laquelle il s’appuyait. Dans ces conditions, la paix n’était nullement acquise (contrairement à ce que semble avoir cru Ahmed Ben Bella) quand l’avion transportant les négociateurs algériens de Rabat à Tunis fut intercepté par l’aviation française le 22 octobre 1956 [4].

Pourtant, ces pourparlers inopinément interrompus, et révélés par le FLN à la tribune de l’ONU, avaient créé un précédent. La recherche d’un cessez-le-feu avec les « rebelles » algériens, impliquant des liens politiques moins étroits entre la France et l’Algérie, fut de nouveau tentée pendant l’été 1957 par Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères de Guy Mollet et de son successeur Maurice Bourgès-Maunoury, mais sa tentative fut sabotée par le ministre résidant Robert Lacoste [5]. Enfin, le 13 mai 1958, les déclarations du président du Conseil désigné Pierre Pflimlin favorables à la reprise des pourparlers avec le FLN en vue d’un cessez-le-feu provoquèrent la révolte des Français d’Algérie et des chefs militaires, qui précipita la chute de la IVe République et le retour du général de Gaulle.

Au début de juin 1958, la politique algérienne de la France paraissait revenue à son point de départ : l’Algérie française, ou l’intégration (même si le général de Gaulle refusait d’employer ce dernier mot). Le chemin parcouru par la politique gaullienne jusqu’au 18 mars 1962 n’en est que plus étonnant.

Les accords d’Évian étaient-ils vraiment « la solution du bon sens, poursuivie ici sans relâche depuis tantôt quatre années » ? Parmi ceux qui avaient rappelé le Général au pouvoir afin de sauver l’Algérie française, beaucoup ont vu dans cette phrase l’aveu d’une duplicité scandaleuse. Mais d’autres y virent le camouflage de l’échec d’un pragmatisme à courte vue, obligé de se soumettre par étapes à la volonté plus ferme du FLN. Récemment encore, dans l’une de ses dernières publications, l’historien algérois Xavier Yacono écrivait que faute d’avoir pu réaliser sa grande idée, « l’organisation des colonies en un ensemble fédéral ayant l’Algérie pour pièce maîtresse », de Gaulle, « en grand acteur, prit figure de décideur, et préféra jeter le manche après la cognée en acceptant les abandons successifs que sut lui imposer un adversaire dont la principale force fut l’attitude de refus systématique » [6].

Cette interprétation est fondée sur la rapide évolution des déclarations officielles du général. Mais la prise en compte de ses propos privés oblige à la nuancer. Elle permet de croire ce que de Gaulle avait expliqué peu avant sa mort dans ses Mémoires d’espoir, et qu’il avait répété à son conseiller Bernard Tricot : « Eh bien oui, il y avait longtemps que je croyais qu’un jour ou l’autre l’Algérie deviendrait indépendante, sans que je sache comment cela se ferait » [7]. L’Algérie était destinée à devenir un État indépendant, parce que l’ensemble des données démographiques, économiques et culturelles rendaient impossible l’intégration de sa population musulmane dans la nation française, même si une victoire militaire sur les « rebelles » n’était pas impensable. La Communauté créée par la Constitution de 1958 pourrait fournir un statut provisoire de transition, à condition qu’elle puisse durer assez longtemps. Mais les modalités précises de l’indépendance, notamment les parts respectives du FLN et des autres forces politiques algériennes dans la formation de l’État algérien, et les relations qu’il garderait avec la France, n’étaient pas fixées d’avance dans l’esprit du Général [8].

Le dialogue entre de Gaulle et le FLN commença donc très tôt. Avant même son retour au pouvoir, les chefs « rebelles » pouvaient connaître ses intentions profondes par l’intermédiaire de Jean Amrouche, du prince héritier du Maroc Moulay Hassan, de l’ambassadeur de Tunisie Masmoudi, ou de journalistes tels que l’Autrichien Arthur Rosenberg. Dès la formation de son gouvernement, le général proposa un ministère à l’ancien président de l’Assemblée algérienne Abderrahmane Farès (discrètement rallié au FLN depuis 1956), qui déclina l’offre après avoir consulté Ferhat Abbas en Suisse. Il fit même transmettre à ce dernier une invitation à venir le rencontrer à Paris, que Abbas jugea prématurée [9].

Mais de Gaulle n’était pas pour autant disposé à accorder au FLN la représentation exclusive du peuple algérien, ni à reconnaître le « gouvernement provisoire de la République algérienne » proclamé au Caire le 19 septembre 1958. Dès son discours du 4 juin 1958 à Alger, le général avait invité les « rebelles » à cesser un combat « courageux, mais cruel et fratricide », et à déposer les armes pour participer à l’évolution de leur pays par la voie démocratique. Le 23 octobre 1958, il avait renouvelé son appel à la « paix des braves », et le lendemain, il avait prévenu le général Salan que « l’organisation Ferhat Abbas » pourrait un jour prochain envoyer des émissaires qui seraient reçus dans un coin de France par des représentants du commandement militaire, afin de parler d’un cessez-le-feu comportant nécessairement la remise des armes rebelles à l’autorité militaire. Mais le GPRA refusa ce qu’il interpréta comme une offre de capitulation, et continua de proposer des négociations sans préalable, dans l’espoir de se faire implicitement reconnaître par le gouvernement français.

Le 16 septembre 1959, moins d’un an après la victoire du oui au référendum du 28 septembre 1958 (alors interprété comme un oui à l’intégration), le président de la République dévoila l’essentiel de sa politique algérienne : l’autodétermination, c’est-à-dire le droit des habitants de l’Algérie de « décider de leur destin une fois pour toutes, librement et en connaissance de cause », au plus tard quatre ans après le retour effectif de la paix. Pour que leur choix soit vraiment décisif, il leur proposait les trois options théoriquement concevables : « la sécession, où certains croient trouver l’indépendance », c’est-à-dire la rupture totale avec la France, qui se réserverait le droit de regrouper ceux des Algériens qui voudraient rester français, et d’acheminer le pétrole du Sahara (resté en dehors de l’autodétermination) ; « la francisation, telle qu’elle est impliquée dans l’égalité des droits », c’est-à-dire la réalisation effective de la « France de Dunkerque à Tamanrasset » promise pendant l’été de 1958 ; enfin, « le gouvernement des Algériens par les Algériens, appuyé sur l’aide de la France et en union étroite avec elle pour l’économie, l’enseignement, la défense, les relations extérieures ». C’était le statut d’État membre de la Communauté instituée par la Constitution de 1958 ; mais on pouvait déjà douter de sa durée, car la Fédération du Mali était sur le point de réclamer son accession à l’indépendance sans sortir de la Communauté, cas non prévu par la Constitution. Le général n’indiquait pas explicitement quelle option il soutiendrait, mais on pouvait déjà deviner qu’il redoutait la première, ne croyait pas en la deuxième, et préférait la troisième. Il terminait son discours par un nouvel appel aux chefs du FLN, les invitant à cesser le combat afin de poursuivre leurs objectifs légitimes par la voie démocratique, sous peine de se disqualifier comme un groupe de meneurs ambitieux aspirant à la dictature, et refusant catégoriquement de les reconnaître comme gouvernement provisoire de la République algérienne.

Malgré cette conclusion très sévère à leur égard, les chefs du FLN répondirent par une offre de paix immédiate et de négociations sur les garanties de l’autodétermination le 28 septembre 1959. Ainsi s’amorça un dialogue public entre de Gaulle et le FLN. Pourtant, il sembla tourner court en novembre, le général ayant récusé comme interlocuteurs les cinq membres du GPRA emprisonnés en France [10]. Mais, selon un document publié par le journaliste algérien Amar Hamdani, de Gaulle aurait proposé, en décembre 1959, par l’intermédiaire du président du Conseil hollandais Landshot et de l’ambassadeur du Maroc à La Haye, de discuter avec des représentants mandatés du FLN, y compris Ben Bella, sur la base de la reconnaissance de la République algérienne démocratique [11]. L’exactitude des termes de ce message, transmis oralement, n’est pas garantie, et certains détails comme le contrôle des élections par l’ONU paraissent peu vraisemblables ; mais d’autres sonnent juste, comme la référence à un « Commonwealth français », c’est-à-dire la Communauté transformée en une confédération d’États souverains à la demande du Mali, que de Gaulle était sur le point d’accepter le 13 décembre à Saint-Louis du Sénégal. Le président de la République aurait donc réservé au FLN la primeur de son choix, qui dépassait déjà les termes du discours du 16 septembre 1959. Mais la reconnaissance de la « République algérienne » fondée sur des élections démocratiques et contrôlées n’impliquait pas nécessairement celle du GPRA.

Un autre témoignage paraît corroborer le précédent. Selon le général de Boissieu, gendre du général de Gaulle, celui-ci lui avait confié le 24 janvier 1960 qu’il était « sur le point de diviser le GPRA et d’obtenir de certains chefs de la rébellion l’autonomie interne pour l’Algérie pendant une période probatoire de dix ans », durant laquelle l’armée française serait restée en Algérie et au Sahara, à la disposition d’un haut commissaire de France assisté par un gouvernement provisoire franco-algérien auquel auraient participé des « membres importants de la rébellion » et des Français d’Algérie approchés par Georges Pompidou [12]. Mais la semaine des barricades aurait interrompu les contacts. Cette version paraît difficilement compatible avec les résultats connus de la réunion du Conseil national de la Révolution algérienne qui venait de s’achever à Tripoli : adoption de statuts provisoires du FLN et de l’État algérien, investiture d’un nouveau GPRA présidé par Ferhat Abbas, intensification de la guerre. Mais elle peut éclairer certaines déclarations très conciliantes de ce dernier : son appel du 17 février aux Européens d’Algérie, et son offre du 29 février au gouvernement français pour discuter des garanties de l’autodétermination (en laissant le peuple algérien choisir l’avenir de l’Algérie) et proposer une indépendance n’excluant pas la coopération. Bien que de nombreuses pièces du puzzle manquent encore [13], il semble possible qu’une première tentative de négociation ait alors été engagée. Elle aurait été rompue au plus tard au début de mars 1960, quand les premières déclarations attribuées au général de Gaulle dans sa tournée d’inspection de l’armée firent croire qu’il revenait sur le principe de l’autodétermination.

Les épisodes suivants : pourparlers secrets entre le gouvernement français et les chefs de la Wilaya IV (« Affaire Si Salah ») et rencontre de Melun avec les émissaires du GPRA en juin 1960, sont beaucoup mieux connus [14]. Contrairement à certaines illusions rétrospectives, ils ne prouvent nullement que de Gaulle était déjà résolu à livrer l’Algérie au FLN. Le général avait traité avec Si Salah, comme avec le GPRA, sur la base de sa politique d’autodétermination et plus précisément de « l’Algérie algérienne », qu’il préconisa clairement pour la première fois [15] dans son discours du 14 juin 1960. Il n’avait pas refusé de traiter avec Si Salah parce qu’il préférait traiter avec le GPRA. Au contraire, il fit appel au GPRA le 14 juin pour lui proposer une nouvelle fois les conditions de cessez-le-feu qu’il venait de faire accepter par Si Salah (remise des armes en lieu sûr, amnistie pour les combattants) ; et il mit fin aux entretiens de Melun quand il eut constaté que les représentants du GPRA n’acceptaient pas ce préalable. La conception gaullienne de l’autodétermination impliquait toujours la transformation du FLN en un parti politique désarmé.

A cette conception, le colloque de Royaumont, qui réunit des juristes, des syndicalistes et des hommes politiques de gauche pendant les entretiens de Melun en opposa une autre. Le rapport du professeur Georges Lavau sur les conditions juridiques de l’autodétermination jugea que : « si, avant le cessez-le-feu, les deux adversaires, qui se sont jusqu’ici affrontés les armes à la main et dont dépend toute la suite, ne se sont pas mis d’accord pour proposer aux suffrages d’une population déchirée la même solution politique, la politique d’autodétermination n’aura rien tranché au fond [16] » Et le colloque déclara dans une motion unanime que « dans le cas où une solution commune au gouvernement et aux autres parties pourrait être élaborée par eux, l’exercice de l’autodétermination en serait grandement facilité » [17].

Jusqu’à la fin de 1960, la politique gaullienne resta inchangée. Elle fut seulement clarifiée par la dislocation de la Communauté, qui fit disparaître le cadre d’une transition souhaitée entre l’Algérie française et l’Algérie indépendante. Le 5 septembre 1960, le général déclara que l’Algérie algérienne était en marche, et que la question était de savoir si elle serait algérienne par sécession ou en association avec la France. Le 4 novembre 1960, il annonça qu’elle aurait « son gouvernement, ses institutions et ses lois », et il lança un nouveau défi aux « dirigeants rebelles » qui prétendaient être « le gouvernement de la République algérienne, laquelle existera un jour, mais n’a encore jamais existé », en menaçant de la construire sans eux. Ce membre de phrase, rajouté au dernier moment, bouleversa le premier ministre Michel Debré (qui songea à démissionner) et déchaîna une nouvelle tempête chez les Français d’Algérie. Ce n’était pourtant pas une reconnaissance du GPRA, bien au contraire. Le gouvernement de la République algérienne restait ouvert à tous ceux qui voudraient y participer.

C’est ce que de Gaulle expliqua le 25 novembre 1960 au député Pierre Laffont, directeur de L’Écho d’Oran. Déniant aux hommes du FLN la capacité de gouverner seuls l’Algérie sans l’accord du million de Français, il promit : « je n’accepterai jamais d’avoir des contacts avec eux tant que les combats continueront. Je ne céderai jamais sur ce point ». Il déplora l’incompréhension des Français d’Algérie à son égard : « La solution de l’Algérie algérienne repose sur eux. C’est la chance que je leur offre. S’ils refusent de la jouer, bien sûr tout sera perdu ; mais ils préfèrent suivre ceux qui, en Algérie et en métropole, se servent d’eux [...]. Ne savent-ils pas qu’une partie, la plus importante, de l’opinion publique essaye de m’imposer la paix à tout prix ? Je ne lui céderai pas. Mais comment ignorer que je suis le seul capable de lui tenir tête et que, si je n’étais pas là, ce serait fait depuis longtemps ? Alors, pourquoi croient-ils que je résiste, si c’est ensuite pour les abandonner complètement ? » [18]

Pourquoi donc, en effet, le général de Gaulle aurait-il répété de telles promesses, du 16 septembre 1959 à la fin de novembre 1960, s’il avait eu l’intention de ne pas les tenir ? C’est pourtant ce qu’il se résolut à faire quelques semaines plus tard. Le dernier voyage qu’il fit en Algérie du 9 au 13 décembre 1960, marqué de violentes manifestations du Front de l’Algérie française (destinées à provoquer un putsch militaire [19]), et par d’aussi violentes contre-manifestations musulmanes en faveur du FLN, le décida à changer sa politique. Il en tira aussitôt les leçons : aveuglement du FAF, inconsistance de la « troisième force » longtemps espérée, influence du FLN sur la masse des musulmans. « Il faut donc trouver un arrangement avec le FLN, et, en tout cas le mettre au pied du mur. C’est ce que je ferai après le référendum », dit-il à son ministre de l’Information Louis Terrenoire [20].

Ce changement d’orientation ne fut pas immédiatement sensible. Le référendum, officiellement annoncé le 16 novembre, et la question publiée le 9 décembre, avaient pour but de ratifier le principe de l’autodétermination et d’autoriser le gouvernement à l’anticiper en établissant des institutions algériennes provisoires. Les communistes et une partie de la gauche non communiste soupçonnaient de Gaulle de vouloir s’en servir pour algérianiser la guerre par une solution de type bao-daïste au lieu de l’arrêter par une paix négociée. Ils donnèrent le ton au colloque juridique d’Aix-en-Provence, qui proclama la nécessité de négocier avec le GPRA : « Toute mesure ou décision unilatérale qui prétend orienter ou préjuger la solution finale est incompatible avec l’autodétermination et retarde le rétablissement de la paix. Au contraire, toute mesure et toute décision préliminaire à l’autodétermination doit découler d’une négociation et résulter d’un accord bilatéral. » [21]

De Gaulle demandait un blanc-seing pour faire la paix. Il l’obtint massivement en métropole, le 8 janvier 1961. En Algérie, le succès relatif de l’abstention ordonnée par le FLN (particulièrement dans les quartiers musulmans des grandes villes) le conforta dans son analyse de la mi-décembre 1960. Dès le 9 janvier 1961, le président de la République, avec l’accord du Premier ministre Michel Debré [22], décida de reprendre les contacts avec le FLN, qui au même moment proposait de les renouer par l’intermédiaire de la diplomatie suisse [23]. Il accepta, suivant les suggestions de son conseiller Bernard Tricot, d’étendre l’objet des discussions du cessez-le-feu et des garanties de l’autodétermination à l’avenir de l’Algérie et des relations franco-algériennes. Après plusieurs rencontres secrètes en Suisse, malgré la persistance de sérieuses divergences, il accepta l’ouverture des négociations « officielles, directes et sans préalables » que réclamait le GPRA, ce qu’entérina le Conseil des ministres du 15 mars 1961.

On ne sait si sa décision fut influencée par le colloque juridique réuni à Grenoble du 3 au 5 mars 1961, qui avait adopté une « charte de l’autodétermination » fondée sur quatre principes :
-  L’autodétermination exclut toute décision unilatérale et tout statut octroyé, elle implique la négociation, sans préalable quel qu’il soit.
-  Cette négociation devant porter à la fois sur le cessez-le-feu et sur les garanties propres à assurer la libre détermination du peuple algérien, sa nature impose de fait le G.P.R.A. comme interlocuteur [...].
-  L’autodétermination implique le maintien de l’unité algérienne, ce qui exclut tout partage ou amputation du territoire.
-  Les garanties de l’autodétermination comportent des garanties convenues en commun concernant la période transitoire [...] [24].
Le colloque recommandait également la recherche de solutions communes à soumettre au peuple algérien sur l’avenir de l’Algérie et des relations franco-algériennes, notamment sur le statut des minorités. Il faisait appel à l’opinion publique pour qu’elle fasse pression en faveur de la paix.

Les Mémoires du général de Gaulle et les souvenirs de Bernard Tricot ne disent pas un mot de ces colloques. Mais ils ne pouvaient ignorer leurs conclusions, qui se trouvaient dans les journaux. Celui de Grenoble fut suivi par des conseillers d’État et par des diplomates étrangers. Le bâtonnier René-William Thorp, président de l’association organisatrice, annonça qu’il demanderait audience au président de la République pour lui présenter la Charte de l’autodétermination. On ne sait ce qui l’autorisait à proclamer : « C’est à nos colloques juridiques que la paix en Algérie aura dû d’être rétablie » [25]. Mais il faut bien constater que les négociations politiques officielles sans préalable ni ordre du jour limitatif, avec le GPRA comme interlocuteur privilégié, démentaient toutes les déclarations faites par le général de Gaulle du 16 septembre 1959 au 25 novembre 1960, et correspondaient à la doctrine de l’autodétermination définie par les colloques de Royaumont, Aix-en-Provence et Grenoble. Comme l’écrivit Gaston Defferre dans Le Provençal du 5 mars 1962 : « La procédure qui a été choisie est exactement celle que nous n’avons pas cessé de préconiser : accord sur le fond et ratification par le peuple algérien à la demande du gouvernement français et du GPRA. »

La nature ambiguë des accords d’Évian traduisit les contradictions de la politique française. Depuis sa création le 19 septembre 1958, le GPRA s’était efforcé d’entraîner le gouvernement français à le reconnaître implicitement comme gouvernement algérien, en lui proposant des négociations sans préalable. Le 15 mars 1961, il obtint satisfaction sur le fond : ouverture de négociations politiques avec lui seul [26] sur l’avenir de l’Algérie et des relations franco-algériennes préalablement au cessez-le-feu, sans être obligé de désarmer l’ALN, ni même de suspendre les combats et les attentats. Mais, ayant cédé sur le fond, le gouvernement français resta intransigeant sur le respect des formes. Les accords en discussion devaient être, non pas un traité entre deux États, mais un programme commun présenté par le gouvernement français et par le FLN, parti algérien, aux ratifications séparées des deux peuples. L’État algérien naîtrait de la ratification des accords par les Algériens.

C’est pourquoi le gouvernement français repoussa la proposition émise le 24 octobre 1961 par le nouveau président du GPRA, Ben Youcef Ben Khedda, de s’entendre sur le cessez-le-feu et la proclamation de l’indépendance, avant de négocier sur les rapports franco-algériens et sur les garanties aux Français d’Algérie, tentative d’obtenir la reconnaissance explicite du GPRA(qui en avait besoin pour consolider son autorité contestéeparl’état-major général de l’ALN).

Les négociations reprirent suivant la procédure initialement prévue. Elles aboutirent aux accords préliminaires des Rousses (18 février 1962), puis aux accords d’Évian du 18 mars 1962. Dans l’intervalle, le projet d’accords avait été ratifié par le CNRA à Tripoli, et par le gouvernement français, qui consulta d’autres forces politiques algériennes, mais ne tint pas compte de leurs contre-propositions. Contrairement à ce qui avait été prévu aux Rousses, les deux parties signèrent non seulement l’accord de cessez-le-feu, mais les 93 pages des accords [27], ce qui leur donnait l’apparence d’un traité international. Les accords furent publiés séparément par les deux parties, conformément à leurs thèses fondamentales : la présentation française de la déclaration générale se référait au référendum du 8 janvier 1961, et parlait d’une solution définie d’un commun accord entre le gouvernement français et le FLN, alors que la version du Moudjahid ignorait ce référendum et parlait de pourparlers entre le GPRA et le gouvernement français.

Du côté français, les « déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie » furent publiées au Journal officiel comme des actes de souveraineté, et suivies de décrets d’application [28]. En effet, les accords maintenaient la souveraineté française sur l’Algérie jusqu’à la proclamation des résultats du référendum d’autodétermination, tout en partageant l’administration et le maintien de l’ordre entre le Haut commissaire de France et un exécutif provisoire franco-algérien, auquel il transmettrait alors ses pouvoirs. Mais dès le 19 mars, l’URSS reconnut de jure le GPRA : la France protesta contre cette décision, « au lendemain d’accords par lesquels le GPRA lui-même avait reconnu, jusqu’à l’autodétermination, la souveraineté française sur l’Algérie ». La version française des accords d’Évian ignorait le GPRA et ne voulait connaître que le FLN ; mais un parti doté d’un gouvernement et disposant de forces armées ne pouvait manquer de s’emparer du pouvoir dès le retrait de la souveraineté française (dans la mesure où son armée lui obéirait). Les accords d’Évian n’étaient qu’un fragile échafaudage juridique.

Si les accords d’Évian avaient eu pour seul but de décharger la France du fardeau algérien en transférant par étapes sa souveraineté à un État algérien, on pourrait dire que leur application fut un succès. En effet, après le cessez-le-feu du 19 mars et le référendum du 8 avril 1962 en métropole, l’exécutif provisoire franco-algérien fut installé, en liaison permanente avec le Haut commissaire de France. Les Algériens ratifièrent à leur tour les accords d’Évian le 1er juillet 1962, et la France reconnut l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet. Le haut commissaire transmit ses pouvoirs au président de l’exécutif provisoire Abderrahmane Farès, qui organisa l’élection d’une Assemblée nationale constituante le 20 septembre 1962. Celle-ci reçut les pouvoirs de l’Exécutif provisoire et du GPRA le 25 septembre, puis investit un gouvernement présidé par Ahmed Ben Bella.

Mais les accords d’Évian prétendaient aussi fonder le nouvel État sur les principes de la démocratie libérale, garantir la sécurité et les intérêts de ceux des Algériens qui voulaient rester Français, préserver les intérêts de la France par une coopération mutuellement avantageuse. Sur tous ces points, la déception fut rapide.

La sécurité des personnes était garantie par l’accord de cessez-le-feu, l’amnistie pour tous les actes commis avant le cessez-le-feu et l’immunité pour toutes les opinions émises avant l’autodétermination [29], la liberté de circuler entre l’Algérie et la France, enfin par le maintien de troupes françaises pendant deux ans (et dans certaines bases concédées pour de plus longs délais).

Le cessez-le-feu fut immédiatement violé par l’OAS, qui provoqua délibérément par des attentats aveugles des représailles du FLN, afin de rendre inapplicables les accords d’Évian. Les réactions de l’ALN dépassèrent par leur ampleur le stade des représailles. Les enlèvements, d’abord sélectifs, tournèrent à la chasse à l’Européen, dont nul ne pouvait se croire à l’abri [30]. Du 19 mars au 31 décembre 1962, 3.018 Européens furent signalés comme disparus en Algérie, parmi lesquels 1.245 auraient été retrouvés vivants selon un bilan officiel [31]. Les massacres d’anciens militaires ou supplétifs musulmans (« harkis ») de l’armée française, ou de notables pro-français, se multiplièrent, tôt ou tard suivant les régions [32]. Les estimations du nombre de victimes varient entre 10.000 et 150.000 morts. La première (officieusement admise par les autorités françaises) est égale au bilan de l’épuration en France en 1944, pour une population quatre fois moins nombreuse (10 millions d’Algériens musulmans en 1962). La seconde - si elle était vérifiée - dépasserait les 141.000 « rebelles » tués par les forces françaises du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962.

L’Exécutif provisoire, désarmé par les désertions massives de la « force locale » vers l’ALN, et mal soutenu par le GPRA auprès des wilayas, fut réduit à l’impuissance : ses membres représentant le FLN remirent leur démission au GPRA le 27 juin 1962 [33]. L’armée française semble avoir reçu des consignes d’abstention qui permirent à l’ALN de se déplacer en armes au-dehors de ses zones de stationnement, contrairement au cessez-le-feu. De plus, le ministre des Affaires algériennes Louis Joxe interdit toute initiative tendant au transfert en métropole des anciens « harkis » menacés en dehors d’un « plan général de rapatriement » très restrictif ; il ordonna même de renvoyer en Algérie ceux qui avaient pu la quitter [34], contrairement à la déclaration des garanties, et en dépit de la nationalité française que tous les Algériens conservaient en droit jusqu’à l’autodétermination. Après le 3 juillet, l’armée française ne pouvait plus intervenir sans la requête des autorités algériennes. Son rôle était de « recueillir et d’embarquer » [35] les Français et les musulmans qui se réfugiaient dans ses camps.

Les accords d’Évian avaient prévu de fonder l’État algérien sur un processus démocratique, organisé par l’Exécutif provisoire. De plus, les citoyens de statut civil de droit commun [36] pourraient exercer pendant trois ans les droits civiques algériens, avec une représentation proportionnelle à leur nombre dans les diverses assemblées, avant de choisir entre la nationalité algérienne et la nationalité française dans le statut d’étranger. En fait, dès le 3 juillet, l’exécutif provisoire impuissant remit sa démission au GPRA, qui la refusa parce qu’il était lui-même contesté par le bureau politique du FLN (présidé par Ahmed Ben Bella) et par l’état-major général de l’ALN (dirigé par le colonel Boumedienne). La rivalité entre les factions déchaîna l’anarchie et fit ajourner deux fois les élections. L’Assemblée nationale fut enfin « élue » sur une liste unique désignée par les chefs du FLN, et comportant autant de noms que de sièges. Paradoxalement, un dixième fut attribué à des Français, peu représentatifs, et dont presque tous les électeurs avaient fui : il ne restait guère plus de 200.000 Européens en Algérie en septembre 1962. Le code de la nationalité adopté par l’Assemblée nationale en mars 1963 réserva aux musulmans d’origine le bénéfice de la citoyenneté algérienne par droit de naissance.

Les garanties aux biens reprenaient des principes fondamentaux du droit français [37] : droit de propriété, liberté d’emporter ses biens ou de les vendre et d’en transférer le prix, pas d’expropriation sans une juste et préalable indemnité. Leur respect conditionnait le maintien de l’assistance culturelle et technique et de l’aide financière de la France à l’Algérie.

Ces garanties furent très vite bafouées. Les enlèvements, l’exode des Français d’Algérie furent accompagnées de pillages et de spoliations. L’exécutif provisoire limita les transferts de biens meubles et de fonds à l’extérieur. Les gouvernements algériens poursuivirent la politique de « récupération des richesses nationales » définie en mai 1962 dans le programme de Tripoli, qui avait qualifié les accords d’Évian de « plate-forme néo-colonialiste ». Les « biens vacants » et les terres des colons restés en Algérie furent nationalisés sans indemnité dès 1963. Les sociétés industrielles et minières furent moins mal traitées, et surtout les sociétés pétrolières du Sahara, nationalisées avec indemnisation en 1971. Les intérêts stratégiques de la France furent les mieux respectés : elle évacua ses troupes dans les délais fixés, et ses bases de Mers-el-Kébir, Bou Sfer, Reggane et Hammaguir avant le terme fixé, quand elle eut cessé de les juger indispensables. En moins de dix ans, les intérêts français en Algérie furent réduits à peu de choses. Seule subsista la coopération technique et culturelle, dans la mesure où l’Algérie continua de la juger utile.

Selon le président Ben Khedda, « les accords d’Évian sont le type même du compromis révolutionnaire, où le GPRA a sauvé les positions clés de la Révolution tout en se montrant souple sur les aspects secondaires ou susceptibles d’être révisés » [38].

La politique algérienne, consistant à réviser unilatéralement les accords sans les dénoncer pour continuer à bénéficier de la coopération, fut efficace et cohérente, sauf sur un point : en provoquant la fuite des Français d’Algérie, elle précipita le pays dans une crise économique profonde, qui accrut son besoin de l’aide française [39].

La politique de la France fut étonnamment patiente. Le général de Gaulle avait dit en avril 1962 qu’il avait obtenu la coopération en menaçant le FLN de « l’arrachement », et que si cela devenait nécessaire, il procéderait encore à l’arrachement [40]. Pendant l’été 1962, le gouvernement français menaça plusieurs fois les Algériens de renoncer à la coopération si la sécurité de ses ressortissants n’était pas rétablie, afin de les obliger à former au plus vite un gouvernement responsable. Mais jamais il ne fut sérieusement question de prendre acte de la faillite des accords d’Évian, ce qui l’aurait rendue totale et définitive, et aurait comblé les vœux de l’OAS. Le risque était trop grand de laisser sombrer l’Algérie dans un chaos irrémédiable, et de l’abandonner irrévocablement à des influences étrangères. Par la suite, la France riposta aux décisions unilatérales d’Alger en réduisant son aide financière (qui totalisa 3.307 millions de francs de 1963 à 1970) ainsi que le nombre de travailleurs et les contingents de vin admis chez elle. Pourtant, elle ne remit jamais en question (même pendant la crise pétrolière de 1971) sa coopération culturelle et technique, dernier vecteur de son influence. Mais la recrudescence en Algérie de tendances hostiles au « néo-colonialisme » français et au « parti de la France », la multiplication de mesures tendant à réduire la langue française au statut de langue effectivement étrangère, laissent croire que son influence est vouée à disparaître [41].

Pour le gouvernement français, les accords d’Évian étaient une tentative de décolonisation contractuelle, ménageant les apparences et les transitions. C’était aussi une tentative de fonder une coopération durable sur la réciprocité des intérêts. Le premier pari fut manifestement perdu en 1962. Il est encore trop tôt pour juger si le second l’a également été, ou s’il pourra un jour être gagné.

Guy Pervillé

Cet article m’a été demandé par Charles-Robert Ageron, alors président de la Société française d’histoire d’Outre-mer, qui savait bien que mes analyses sur ce sujet n’étaient pas identiques aux siennes.

[1] Jérôme Hélie, Les accords d’Évian, Histoire de la paix ratée en Algérie, Paris, Olivier Orban, février 1992, 246 p. ; Guy Pervillé, 1962 : La paix en Algérie, Paris, La Documentation française, coll. Les médias et l’événement, mars 1992, 96 p. et fac-similés.

[2] Robert Buron, Carnets politiques de la guerre d’Algérie, Paris, Plon, 1965 ; Bernard Tricot, Les chemins de la paix, Paris, Plon, 1972 ; Abderrahmane Farès, La cruelle vérité. L’Algérie de 1945 à l’indépendance, Paris, Plon, 1982 ; Ben Youcef Ben Khedda, Les accords d’Évian, Paris, Publisud, Alger, OPU, 1986 ; Olivier Long, Le dossier secret des accords d’Évian. Une mission suisse pour la paix en Algérie, Lausanne, Éditions 24 heures, 1988, Alger, OPU, 1989 ; et la brève synthèse de Jean Lacouture, Algérie, la guerre est finie, Bruxelles, Éditions Complexe, 1985.

[3] Proclamation du FLN, publiée notamment par Mohammed Harbi, Les archives de la révolution algérienne, Paris, Éditions Jeune Afrique, 1981, pp. 101-103.

[4] Voir le témoignage de l’un des premiers négociateurs français, Joseph Begarra, dans les actes du colloque Guy Mollet, un camarade en République, Presses universitaires de Lille, 1987, pp. 518-522.

[5] Voir le témoignage de Jean-Yves Goëau-Brissonnière, Mission secrète. Pour la Paix en Algérie, Paris, Lieu commun, 1992.

[6] Xavier Yacono, De Gaulle et le FLN, 1958-1962. L’échec d’une politique et ses prolongements, Versailles, Éditions de l’Atlanthrope, 1989.

[7] Tricot, op. cit., pp. 364-365 ; cf. Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, Paris, Plon, 1970, pp. 48-51.

[8] Cf. Charles-Robert Ageron, « De Gaulle et l’Algérie algérienne », in L’Algérie algérienne, de Napoléon 1II à de Gaulle, Paris, Sindbad, 1980, pp. 239-254 ; et Guy Pervillé, « Le jour où de Gaulle a décidé l’indépendance de l’Algérie », L’Histoire, n° 134, juin 1990.

[9] Farès, op. cit., pp. 75-80.

[10] Les quatre « chefs historiques » capturés dans l’avion marocain le 22 octobre 1956 (Ait Ahmed, Ben Bella, Boudiaf, Khider), et Rabah Bitat, arrêté à Alger dès 1955.

[11] Amar Hamdani, Krim Belkacem, le lion des djebels, Paris, Balland, 1973, pp. 287-288.

[12] Alain de Boissieu, Pour servir le Général, Paris, Plon, 1982, pp. 127-128. Michel Debré semble ignorer cet épisode, et cite des propos de Georges Pompidou démentant tout rôle dans des contacts secrets avant 1961 (Mémoires, t. 3 : Gouverner, Paris, Albin Michel, 1988, p. 270).

[13] Le général Henri Jacquin fait état de contacts pris avec le FLN par les ministres Buron, Boulloche et Michelet (selon lequel « le général de Gaulle reconnaîtra l’indépendance de l’Algérie si le GPRA accepte la présence d’éléments représentatifs de la population européenne dans un gouvernement qui pourrait s’installer tout de suite après le cessez-le-feu »), La guerre secrète en Algérie, Paris, Olivier Orban, 1977, pp. 253-254.

[14] Notamment par le récit de Bernard Tricot, op. cit., pp. 166-178 ; et du côté algérien par la thèse de Mohammed Teguia, L’Algérie en guerre, Alger, OPU, 1981, pp. 538-556. Les allégations du général Jacquin expliquant l’échec par la « trahison » du ministre Edmond Michelet (Jacquin, op. cit., pp. 260-269, reproduites par Pierre Montagnon, L’affaire Si Salah, Paris, Pygmalion, 1987) ne sont pas confirmées par les témoins algériens, selon lesquels le retournement de la wilaya IV se fit sans intervention de l’extérieur.

[15] II avait déjà fait comprendre son choix de « l’Algérie algérienne » dans un communiqué diffusé par le ministre de l’information en mars 1960. Cf. Louis Terrenoire, De Gaulle et l’Algérie, Paris, Fayard, 1964, pp. 177-180.

[16] Le Monde, 2 juillet 1960.

[17] Le Monde, 5 juillet 1960.

[18] Texte reproduit par Jean Raymond Tournoux, La tragédie du Général, Paris, Plon, 1967, pp. 595-602 ; et par Pierre Le Goyet, La guerre d’Algérie, Paris, Perrin, 1989, pp. 318-324. Cf. la note personnelle du chef de l’état-major particulier du président de la République expliquant sa politique le 20 novembre 1960, reproduite par Edmond Jouhaud, Serons-nous enfin compris ?, Paris, Albin Michel, 1984, pp. 281-284.

[19] Le général Jouhaud (alors dirigeant du FAF) a révélé une curieuse proposition de proclamer une « République française d’Algérie » faite en novembre 1960 de la part de Michel Debré (qui n’en dit rien dans ses Mémoires), Roger Frey, Jacques Foccart et Pierre Lefranc, qu’il refusa par crainte de tomber dans un piège (Ce que je n’ai pas dit, Paris, Fayard, 1977, pp. 163-179). Jean-Raymond Tournoux a confirmé l’authenticité et la sincérité de cette proposition, qu’il estimait faite avec l’accord du général de Gaulle (Jamais dit, Paris, Plon, 1971, pp. 224-255).

[20] Terrenoire, op. cit., p. 215.

[21] Le Monde, 1-2 janvier 1961.

[22] M. Debré, Mémoires, t. 3, pp. 267-271. Mais le message de son chef de cabinet Pierre Racine porté au GPRA par le journaliste suisse Charles-Henri Favrod (Lacouture, op. cit., p. 58) fut considéré comme une interférence indésirable dans la négociation.

[23] Cf. Olivier Long, op. cit.

[24] Le Monde, 7 mars 1961. Cf. un document anonyme de même inspiration, sorte d’avant-projet des accords d’Évian, publié par Amar Hamdani, op. cit., pp. 288-295.

[25] Le Monde, 7 mars 1961.

[26] Le GPRA réagit à une déclaration de Louis Joxe annonçant son intention de discuter aussi avec le MNA en ajournant la première conférence d’Évian, prévue pour le 7 avril 1961.

[27] Belkacem Krim, vice-président du GPRA, signa seul, avec les trois ministres français Joxe, Buron et de Broglie.

[28] Texte complet des accords dans Ben Khedda, op. cit., et dans Farès, op. cit., pp. 27 et 30.

[29] Le principe de non-représailles avait été la première demande française acceptée par le GPRA pendant les rencontres secrètes de Bâle (28-29 octobre et 9 novembre 1961) selon Ben Khedda, op. cit., pp. 27 et 30.

[30] Voir le témoignage de Robert Buron (op. cit.) sur la disparition d’ingénieurs et de techniciens des travaux publics près de Saïda, cf. le témoignage de Charles Kœnig, maire de Saïda et membre de l’Exécutif provisoire, à paraître dans Trames, revue des Presses universitaires de Limoges.

[31] Bilan donné par le secrétaire d’État Jean de Broglie au Sénat le 24 novembre 1964, et contesté par l’Association de sauvegarde des familles et enfants de disparus, qui parle d’au moins 3.000 disparus non retrouvés. Cf. Marc-Louis Leclair, Disparus en Algérie, 3.000 Français en possibilité de survie, Paris, Jacques Grancher, 1986.

[32] Cf. Mohand Hamoumou, « Les harkis, un trou de mémoire franco-algérien », Esprit, n° 161, mai 1990 ; et la récente synthèse de Michel Roux, Les harkis, les oubliés de l’histoire, Paris, La Découverte, 1991.

[33] Leur lettre de démission (publiée par M. Harbi, Les Archives de la Révolution algérienne, pp. 340-342) est un constat accablant.

[34] Documents publiés dans Combat du 23 mai 1962. Cf. les déclarations du général Buis, alors chef du cabinet militaire du haut commissaire, dans L’Histoire, n° 140, janvier 1991, pp. 120-123.

[35] Consignes du général de Gaulle à Jean-Marcel Jeanneney, premier ambassadeur de France en Algérie.

[36] C’est-à-dire les citoyens français de souche métropolitaine, les Européens naturalisés, les Juifs algériens francisés en bloc en 1870, et les rares musulmans qui avaient opté individuellement pour le code civil en renonçant au droit privé musulman ou berbère.

[37] Mais aussi les promesses faites par le FLN dans sa proclamation du 31 octobre 1954 : « Les intérêts français : culturels et économiques honnêtement acquis, seront respectés, ainsi que les personnes et les familles. »

[38] Ben Khedda, op. cit., p. 39.

[39] Selon Valéry Giscard d’Estaing, Le pouvoir et la vie, t. 2 : L’affrontement, Compagnie 12, 1991, pp. 40-42, le président Boumedienne n’avait pas prévu le départ des Français en 1962. Sur les relations franco-algériennes, voir Inga Brandell, Les rapports franco-algériens depuis 1962, Paris, L’Harmattan, 1981 ; et Nicole Grimaud, La politique extérieure de l’Algérie, Paris, Karthala, 1984.

[40] J.-R. Tournoux, La tragédie du Général, pp. 402-403 et p. 425.

[41] Pour des réflexions complémentaires sur le poids du passé dans les rapports franco-algériens, je me permets de renvoyer à ma contribution au colloque La guerre d’Algérie et les Français, sous la direction de J.-P. Rioux, Paris, Fayard, 1990, pp. 484-493.



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