Cet article a connu une longue et curieuse gestation. J’avais préparé un exposé pour le présenter à l’Université de Nice le 27 mai 1999, mais cette séance n’a pas eu lieu pour des raisons qui m’ont échappé. Puis, après avoir remis ce sujet en perspective en 2003 grâce à la découverte du livre dirigé par mes collègues Jean-Louis Miège et Colette Dubois, L’Europe retrouvée, les migrations de la décolonisation [1], je l’ai présenté sous une forme différente à partir du 18 janvier 2005. Mais en fin de compte, je crois utile de cumuler ces deux versions pour rendre ma démarche plus facile à comprendre.
Depuis 1995, une série de faits troublants est venue remettre en question un ensemble de notions que je croyais définitivement acquises, concernant les phénomènes et les problèmes démographiques. D’abord, l’absence de ces problèmes dans les campagnes électorales (à l’exceptions de celles de MM. Le Pen et de Villiers), contrairement aux problèmes économiques. Puis la remise en question de la politique familiale appliquée avec succès depuis la Libération par le Premier ministre Alain Juppé (projet de fiscalisation des allocations familiales), et par son successeur à partir de 1997 Lionel Jospin (conditions de revenus devant transformer la politique familiale en une politique sociale), dont les intentions provoquèrent des réactions troublantes à gauche (« Bravo, Martine (Aubry) ! Les Français disent non à la France égoïste »). Et des polémiques sur l’immigration et les droits des sans-papiers, venant d’intellectuels qui niaient l’existence d’un problème de l’immigration et ne voulaient voir qu’un problème de chômage et surtout de racisme, notamment le philosophe Etienne Balibar, qui dénonça « le mythe de la pression migratoire », ainsi que le cinéaste Jean-Luc Godard, qui répéta avec d’autres : « Il n’y a pas de ‘risque d’invasion’. Laisser croire que l’immigration a des conséquences néfastes est une contre-vérité aisément réfutable » [2]. Et enfin, un début de remise en question de la valeur scientifique de la démographie dans la thèse de mon collègue niçois Yvan Gastaut [3], au jury duquel j’avais participé le 21 novembre 1997, mais aussi par des polémiques étonnantes ayant opposé le démographe Hervé Le Bras à nombre de ses collègues [4].
Tiré de mon sommeil dogmatique, j’ai d’abord été pris de doutes, puis j’ai été rassuré en relisant le livre de Jean-Claude Chesnais sur La population du monde, de l’Antiquité à 2050 [5], celui d’Albert Jacquard sur L’explosion démographique [6], et quelques autres dont l’Histoire des migrations en Méditerranée occidentale de mon regretté collègue Claude Liauzu [7]. J’en ai conclu que la démographie restait bien la plus exacte de toutes les sciences humaines, et que ce discrédit injustifié des problèmes démographiques était dû à plusieurs tendances regrettables de l’esprit public dans notre pays :
ignorance, paresse ou imprévoyance de l’avenir ;
individualisme allant, chez le philosophe Michel Onfray, jusqu’au refus de transmettre la vie que chacun de nous a reçue sans l’avoir demandée ;
enfin et surtout, idéologie cosmopolite ou mondialiste ne voulant connaître de problèmes démographiques qu’à l’échelle mondiale, mais pas continentale ni nationale, sous peine de condamnation pour racisme.
C’est pourquoi il nous faut rétablir les conditions d’une réflexion sérieuse en rappelant et en réhabilitant des notions injustement occultées.
Définitions : de la pression démographique à la pression migratoire
Il est vrai que la « pression démographique » est beaucoup plus une image qu’une notion scientifique, comme Yvan Gastaut l’a justement démontré dans sa thèse [8]. Voyons donc précisément ce que l’on entend par cette expression discutable.
La pression démographique, c’est d’abord un accroissement très ou trop rapide d’une population, souvent qualifié d’ « explosion démographique » (autre image). Elle correspond généralement à la première phase du phénomène que les démographes appellent « transition démographique » ou « révolution démographique », à savoir le gonflement du taux d’accroissement naturel (taux de natalité - taux de mortalité). Dans la très grande majorité des cas, ce TAN augmente fortement, jusqu’à un maximum qui a atteint plus de 1,5% par an en Europe en 1913, et qui après 1945 a dépassé 3% par an dans plus d’un pays d’Asie ou d’Afrique. D’autres notions sont utiles pour mesurer l’évolution des populations, notamment l’indicateur conjoncturel de fécondité (nombre moyen d’enfants pour un couple) dont le taux de remplacement des générations correspond à 2,1 enfants par femme.
Cet accroissement du TAN, constaté dans presque tous les cas [9], pose le problème du montant maximum compatible avec l’élévation du niveau de vie d’une population. Le concept d’ « optimum de population » [10] est théoriquement justifiable dans la mesure où il est évident qu’aucune population ne peut continuer à s’accroître sans limite de taux ni de temps, mais son calcul se heurte à de nombreuses difficultés, à commencer par le fait qu’il dépend de l’état des techniques et de l’économie permettant d’entretenir plus ou moins bien cette population. La plupart des pays d’Europe du Nord-Ouest, qui ont des densités moyennes beaucoup plus fortes que celle de la France (113 h/km2), ont maintenant des taux d’accroissement naturels beaucoup plus faibles que le nôtre, et ceux de l’Europe méridionale, centrale ou orientale ont des taux proches de zéro, voire négatifs. Au contraire, de nombreux pays d’Asie ou d’Afrique ont des densités de population qui rendent très souhaitables un rapide arrêt de leur accroissement, tels que le Japon (337 h/km2, mais les montagnes qui couvrent les 2/5 de la superficie sont presque désertes), la Corée du Sud (492 h/km2), Taïwan (640 h/km2), la Chine populaire (138/km2, mais la grande majorité de sa population est concentrée sur 1/3 du territoire). Tous ces pays ont entamé ou même déjà réalisé leur « transition démographique », mais on doit s’inquiéter davantage pour l’Inde (356 h/km2) et surtout pour le Bangla Desh (1054 h/km2) et pour l’Egypte (82 h/km2, en réalité vingt fois plus car l’essentiel de sa population est concentrée dans l’étroite vallée du Nil [11]). Est-ce un hasard si le Rwanda, tristement célèbre pour son génocide interne, a une densité moyenne de 376 h/km2) ?
Quand cette pression démographique se tourne vers l’extérieur, elle est souvent appelée « pression migratoire ». Il est vrai que cette expression trop commode suggère des images trop simples et suggestives d’un trop-plein, d’une soupape de sûreté, de vents allant naturellement des zones de haute pression vers les zones de basse pression. Ces images reposent sur des évidences trompeuses, car les hommes ne sont pas des molécules d’air ou d’eau, emportées par des forces physiques élémentaires. Les courants migratoires ne sont donc pas nécessairement proportionnels à la « pression démographique » , et il faut constater qu’aujourd’hui l’ampleur des migrations internationales est moindre que ce qu’elle était au XIXème et au début du XXème siècle.
Il faut aussi nous interroger sur le rôle-clé des facteurs économiques. Dans les pays de départ, la croissance démographique a-t-elle été un frein ou plutôt un étouffoir de la croissance économique, comme le prévoyait Malthus au début du XIXème siècle ? La question a été étudiée sans préjugé par le grand historien économiste Paul Bairoch, aujourd’hui malheureusement décédé ; d’après lui, « il semble que ce soient les pays qui ont connu la croissance démographique la plus faible qui aient obtenu les meilleurs résultats économiques. Une forte croissance démographique est plutôt un facteur économique négatif, surtout si le taux excède 1% par an » [12]. Les faits récents ont pourtant suggéré des idées opposées à celles de Malthus et à celles de Paul Bairoch : le « baby-boom » a été un moteur de la forte croissance économique des « trente glorieuses », et inversement le « baby crash » qui a suivi a été à la fois un facteur de la crise ou du freinage et un facteur de sa pérennisation. Le paradoxe de l’Arabie séoudite et des Emirats arabes unis a démontré qu’une population très peu nombreuse disposant de ressources pétrolières disproportionnées pouvait avoir à la fois un revenu moyen très élevé, un taux d’accroissement naturel également élevé, et une forte immigration de travailleurs étrangers, à cause de la dépendance pétrolière des pays industrialisés. Mais d’autres pays voisins, qui n’ont pas de pétrole mais une population en accroissement rapide, ne connaissent pas une telle prospérité et fournissent des travailleurs immigrés aux précédents.
D’autre part, dans les pays d’immigration, l’Amérique du Nord, l’Argentine, l’Australie et la Nouvelle Zélande ont été au XIXème et du début du XXème siècle les plus grandes terres d’accueil de millions d’immigrants parce que leurs gouvernements avaient intérêt à organiser la « mise en valeur » de leurs « terres vierges ». Mais ces terres vierges ne le sont plus dans le monde actuel, et les migrations qui continuent à cause de la pression démographique au départ de nombreux pays d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine ne bénéficient plus de la même attitude favorable des gouvernements des pays de destination. Faut-il rappeler le problème israélo-palestinien, qui paraît aujourd’hui le conflit le moins soluble dans le monde entier ? [13]
Enfin, nous devons nous interroger sur le rôle du mauvais gouvernement et des graves conflits internes ou externes qui sévissent dans un grand nombre de ces pays de départ. Ces conflits meurtriers ne sont-ils pas une conséquence, à la fois, des très forts taux d’accroissement des populations concernées et de la limitation des possibilités d’émigration vers d’autres pays ?
Description des principaux courants migratoires aux XIXème et XXème siècles
L’ouvrage déjà cité, L’Europe retrouvée, les migrations de la décolonisation, issu d’une table ronde organisée à Milan en décembre 1991 par une équipe d’historiens européens, permet de mettre dans une perspective historique toutes ces constatations. Il met en évidence la succession de trois phases différentes des migrations intercontinentales. D’abord, une très longue phase de migrations de l’Europe vers le reste du monde, du XVIème au début du XXème siècle. Puis un retournement de la marée très rapide à partir du milieu du XXème, qui se décompose en deux mouvements distincts et successifs : - d’abord les rapatriements, ou « migrations de la décolonisation » des ex-colonisateurs vers les ex-métropoles ; - puis l’essor de l’immigration des ex-colonisés venant dans les anciens pays dominateurs.
L’Europe fut longtemps, à partir des grandes découvertes qui lui donnèrent pour la première fois la maîtrise du globe, la première et la seule terre d’émigration vers les autres continents, le plus souvent par voie maritime. Deux périodes sont à distinguer. Du XVIème au XVIIIème siècle, environ 2,5 millions d’Européens (Espagnols, Portugais, Britanniques, quelques Hollandais et très peu de Français, plus quelques immigrants allemands) ont traversé l’Atlantique sur des voiliers, la plupart vers les colonies américaines (et quelques Hollandais renforcés par des protestants français vers la Colonie du Cap) [14]. Puis le mouvement migratoire s’est considérablement amplifié au cours du XIXème siècle (42 millions d’émigrants) et dans la première moitié du XXème siècle (20 millions d’émigrants) grâce à la « révolution démographique » ayant touché toute l’Europe, et grâce à la révolution des transports qui a permis la construction de navires de plus en plus grands, solides et rapides. A quoi s’ajoutait la supériorité d’armement des Etats européens au sens large (y compris les anciennes colonies de peuplement devenues indépendantes) sur les peuples et les Etats non-européens, et le retard de ces populations non-européennes qui ne connaissaient pas encore la révolution démographique [15].
L’essentiel de cette grande migration européenne vers le reste du monde s’est produit au XIXème et au XXème siècles, en conséquence directe de la colonisation du Nouveau monde, même si à cette époque la plupart des anciennes colonies européennes avaient fait sécession en rejetant la tutelle de leur ancienne métropole. Ces mouvements de sécession politique, qu’on appelle souvent à tort « décolonisation », n’ont pourtant pas arrêté l’immigration européenne, parce que les nouveaux Etats en étaient demandeurs. Les Etats-Unis d’Amérique, qui se prétendent paradoxalement nés de la première révolution anticolonialiste, ont reçu les trois-quarts de ces immigrants européens pour achever de mettre en valeur le continent nord-américain de l’Atlantique au Pacifique. Le Brésil et les anciennes colonies espagnoles d’Amérique centrale et du Sud (surtout celles situées dans la zone tempérée, comme l’Argentine) ont aussi accueilli une forte immigration européenne. La seule puissance européenne ayant organisé une colonisation de peuplement importante fut la Grande-Bretagne, qui accorda une autonomie de plus en plus étendues à ses colonies de peuplement blanc appelées Dominions (Canada, Australie, Nouvelle Zélande, et l’Afrique du Sud gouvernée par les minorités blanches). Quant à la France, qui avait renoncé à peupler l’Amérique du Nord en 1763, elle échoua dans sa tentative de faire de l’Algérie un prolongement de la métropole, et ne réussit à peupler majoritairement que la Nouvelle Calédonie... Observons pour finir que, à la seule exception de l’Empire britannique, la plupart des colonies conquises par des métropoles européennes au XIXème siècle furent des colonies dites d’exploitation, sans peuplement notable. Ce qui n’est pas une raison valable d’oublier l’importance considérable à cette époque de la colonisation de peuplement, appelée « vraie colonisation » (true colonization) par les théoriciens britanniques, au XIXème et au début du XXème siècle.
A partir du milieu du XXème siècle, le mouvement d’émigration de l’Europe vers le reste du monde s’inversa soudainement, sous l’effet de ce qu’on appelle « décolonisation », qui imposa aux métropoles européennes d’accepter plus ou moins facilement l’émancipation de leurs possessions d’Asie puis d’Afrique, appelées « colonies » même si dans la plupart des cas les populations venues de la métropole y étaient plus ou moins nettement minoritaires. Mais ces mouvements de rapatriement ne concernèrent pas seulement les colonisateurs venus de la métropole ou leurs descendants. Ces retours concernèrent trois catégories d’habitants, que les auteurs de L’Europe retrouvée appellent les « allogènes dominants » (citoyens et originaires de la puissance coloniale), les « allogènes non-dominants » (étrangers européens plus ou moins assimilés à la catégorie précédente), et les « auxiliaires indigènes », tels que les « harkis » d’Algérie [16]. « La décolonisation suscita l’exode des populations d’origine européenne, liées directement ou indirectement à la présence du pouvoir colonial. Elle coïncida avec la diminution de la natalité en Europe et l’explosion démographique dans les pays du Tiers-monde. Elle provoqua un renversement irréversible de la situation traditionnelle. Elle a déversé sur l’Europe, plus ou moins subitement, non seulement les Européens établis depuis fort longtemps dans les colonies, mais aussi des sujets indigènes, étroitement liés au pouvoir colonial, notamment les auxiliaires et supplétifs militaires. Ces mouvements de « retour » ont touché de cinq à huit millions de personnes, soit environ le dixième, en une trentaine d’années, du nombre total des émigrations transocéaniques des quatre siècles précédents » [17].
Etant donné que ce mouvement de retour fut beaucoup plus rapide que le mouvement antérieur vers le Nouveau monde, il faut préciser que ces 5 à 8 millions de personnes déplacées correspondent à environ un dixième du nombre des émigrants transatlantiques des quatre siècles précédents [18], mais aussi à une moyenne de 200.000 émigrants par an, correspondant à la valeur moyenne de l’émigration européenne du XIXème siècle [19]. Les effectifs de ces « rapatriés » sont bien sûrs très inégaux d’un pays à l’autre, et le rythme des rapatriements peut être apprécié à partir de plusieurs critères différents : « Par rapport à la population totale de la métropole, il est particulièrement élevé pour le Portugal, approchant 10%. Il l’est aussi pour la France, compte tenu de la faiblesse historique de son émigration et du petit nombre de Français établis à l’étranger. Le nombre de rapatriés atteint, sur une dizaine d’années, le chiffre global de l’ensemble de l’émigration française pendant trois siècles. Il paraît relativement faible pour les sujets du Commonwealth ». Mais les auteurs cités ajoutent : « Il faut aussi tenir compte de la plus ou moins grande brutalité du mouvement de retour. L’arrivée des Pieds-Noirs en France implique l’accueil de près d’un million de personnes en un an seulement, celle de 600.000 rapatriés portugais se fit en moins de temps encore. Le Portugal n’eut que quelques mois dans l’été 1975 et l’hiver 1975-1976 pour faire face administrativement au brusque mouvement des retornados. Il s’inspira alors largement de la législation française. L’Espagne reçut un nombre cinq fois moindre en une vingtaine d’années. Les Italiens se replièrent vers leur métropole par étapes » [20].
Signalons enfin, comme le font les auteurs de ce livre, que ces migrations de la décolonisation ne furent pas des migrations volontaires comme celles de la colonisation, mais des migrations forcées par la fin imprévue des régimes coloniaux, comparables sur ce point à celles des personnes déplacées par l’issue de la Deuxième guerre mondiale en Europe, et ensuite à celles des réfugiés des pays de l’Est [21].
Il faut néanmoins ajouter que ce grand reflux des migrations coloniales, revenant précipitamment des pays où la colonisation n’avait pas réussi à implanter un peuplement majoritaire, ne fut pas tout à fait universel. A la surprise générale, l’Afrique du Sud libérée du régime de l’Apartheid en 1994 n’a pas voulu chasser les populations blanches naguère dominantes, et a réussi à en garder la majeure partie.
Mais un deuxième fait majeur est l’essor des migrations des populations « indigènes » des anciens territoires dépendants vers leurs anciennes métropoles européennes, qui suivit de très près leur émancipation politique. Dans presque tous les cas il s’agissait d’un fait nouveau, car cette émigration des populations des « colonies » vers les métropoles n’avait existé jusque-là que dans des circonstances exceptionnelles. Deux exceptions me paraissent devoir être signalées : - la mobilisation de soldats et de travailleurs « indigènes » recrutés dans l’empire colonial français durant les deux guerres mondiales (et pour les travailleurs, surtout durant la première) ; - et l’immigration de travailleurs algériens, qui fut de 1914 à 1962 la seule migration importante et permanente de travailleurs « indigènes » vers une métropole coloniale.
A cette seule exception près, l’immigration des populations non-européennes d’outre mer vers les anciennes métropoles coloniales est bien un fait postérieur à la décolonisation, et qui l’a immédiatement suivie. Le tableau statistique des nombres d’étrangers résidant en France d’après les recensements de 1954, 1962, 1968, 1975, 1982 et 1990 publié par Yvan Gastaut dans sa thèse [22], en fournit une première preuve éclatante : alors qu’un 1954 les Algériens musulmans sont bien les seuls « étrangers » non-européens présents en nombre en France métropolitaine, on voit d’un recensement à l’autre augmenter très rapidement les originaires des autres pays d’Afrique du Nord, puis ceux du reste de l’Afrique, et enfin ceux de l’Asie. Seuls ceux de l’Amérique restent très peu nombreux, mais ils émigrent massivement vers l’Amérique du Nord plutôt que vers l’Europe.
Nous devons donc admettre que la « décolonisation » a été immédiatement suivie par le déclenchement d’une immigration de plus en plus forte vers l’ancienne métropole. Ce phénomène est observable non seulement dans le cas de la France (qui a donc perdu son caractère d’exception en Europe), mais aussi dans celui de toutes les anciennes puissances coloniales européennes ; et pas seulement du fait des « auxiliaires indigènes » chassés par les combats et les vengeances de la décolonisation. Le cas de l’Algérie est là encore exemplaire : l’émigration algérienne en France avait été le berceau du mouvement national fondé par Messali Hadj dès la fin des années 1920, mais cette émigration n’était pas pensée comme un phénomène durable devant survivre à l’indépendance qui permettrait la « récupération des richesses nationales » spoliées par les colonialistes. Tout au contraire, le départ massif des « Pieds-Noirs » chassés par la guerre et par les mesures de nationalisation provoqua une régression économique, et amplifia considérablement le mouvement de départ forcé vers l’ancienne métropole à la recherche de travail, qui devint une migration définitive dans la mesure où les travailleurs migrants firent venir leurs familles. Constatant que le même phénomène s’est produit plus ou moins rapidement dans tous les cas, nous devons en rechercher les causes. Or l’une des plus générales est l’augmentation spectaculaire des taux d’accroissement naturels dans tous ces pays « décolonisés », augmentation dépassant souvent les taux de croissance économique possibles.
Ce lien entre l’héritage colonial, ayant causé l’explosion démographique, et l’émigration déclenchée par la « décolonisation » elle-même, est éminemment paradoxal, puisqu’il a démenti l’espoir populaire d’une indépendance consistant à profiter sur place des richesses produites par la colonisation, mais on ne peut pour autant y voir la seule explication de cette émigration vers l’Europe. En effet, ce mouvement migratoire ne s’est pas limité au cadre des anciens empires coloniaux. A mesure que le temps passe, une part croissante desmigrantsdu Tiers Monde arrive en Europe de pays qui n’ont pas appartenu aux empires coloniaux des Etats européens vers lesquels ils se dirigent : on voit de plus en plus de Turcs, de Kurdes, d’Afghans, de Pakistanais, d’originaires du Bangla Desh et du Sri Lanka, et même de Chinois.
Seuls les immigrants venus de l’Amérique restent peu nombreux en Europe, mais on sait que des courants migratoires aussi importants conduisent des originaires de l’Amérique centrale et du Sud vers l’Amérique du Nord (qui tente de s’en protéger par un mur en construction à la frontière mexicaine) plutôt que vers l’Europe. Ainsi, le fait majeur des migrations internationales dans la deuxième moitié du XXème siècle a été le remplacement des courants « horizontaux » (de l’Est vers l’Ouest à travers l’Océan atlantique) par des courants « verticaux » (du Sud vers le Nord).
Retour sur les causes et sur les conséquences
On distingue habituellement deux grands types de migrations : - des migrations forcées, ayant des causes répulsives, de nature idéologique (politique ou religieuse) ; - des migrations volontaires, procédant de causes économiques attractives. Mais ce classement binaire, qui fut peut-être valable, parait trop simple pour rendre compte des réalités actuelles. Les foules qui s’embarquent aujourd’hui sur des embarcations d’infortune pour traverser les mers au péril de leur vie, afin de rejoindre l’Europe qui ne les attend pas, sont mues par des motivations à la fois positives et négatives. Positives, parce qu’elles espèrent trouver dans les pays développés des emplois leur permettant de réaliser leurs aspirations à une vie meilleure. Négatives, parce que leur volonté de quitter leur pays au risque non négligeable de trouver la mort en chemin ou d’être arrêtés et refoulés à l’arrivée est un signe de désespérance profonde, qui condamne l’inefficacité de la gestion de ces pays par les gouvernements issus de la décolonisation depuis l’indépendance. C’est une alliance paradoxale d’espoir et de désespoir.
Cette situation est nouvelle par rapport à d’autres que le monde a connues auparavant. L’expansion de l’Europe à partir du XVIème siècle n’a certes pas été un phénomène purement démographique, mais la part de la démographie dans ses facteurs n’a fait que se renforcer jusqu’à la fin du XIXème ou le début du XXème siècle, aussi bien dans les motivations des immigrants que dans celles des gouvernements des pays d’accueil, qui jouaient alors dans le même sens. Elle a également joué un rôle décisif, par son insuffisance, dans l’échec de ce que l’on appelle la deuxième vague de la colonisation européenne, réorientée vers l’Asie et l’Afrique au XIXème siècle, après l’indépendance de la plupart des « colonies vraies » du Nouveau monde. Par exemple, la colonisation de l’Algérie par la France a été voulue comme un moyen de créer une vraie colonie de peuplement français, seul moyen de justifier après coup le coût énorme de la conquête en argent et en vies humaines. Cette colonisation de peuplement était jugée, entre 1830 et 1850, comme une entreprise réaliste parce que tous les observateurs constataient la baisse de la population indigène durant les années de la conquête, et qu’ils s’imaginaient l’avenir de l’Algérie d’après l’exemple des « vraies colonies » d’Amérique. Or dès les années 1850, les démographes ont constaté que la population de la France avait cessé de s’accroître, et qu’elle ne pouvait donc pas modifier fondamentalement la population majoritaire de l’Algérie. Puis le redressement de la population indigène et sa multiplication de plus en plus rapide ont rendu de plus en plus en plus évidente, pour qui prenait garde aux statistiques démographiques, l’impossibilité de faire de « l’Algérie française » une réalité.
De même, l’étude des statistiques démographiques d’après la décolonisation permet de mieux comprendre la situation du monde actuel, et d’en pressentir les problèmes et les dangers. Pour en prendre la mesure, il suffit de relever les indicateurs démographiques disponibles pour tous les pays du monde dans des annuaires statistiques, par exemple ceux des années 1989, 1999 et 2009 [23]. Certes, les démographes ont calculé à l’échelle mondiale les prévisions d’accroissement de la population du monde, et constaté que « l’explosion démographique » annoncée il y a quelques dizaines d’années n’aurait pas lieu, vu que la tendance à la baisse des taux d’accroissement et de fécondité se confirme plus ou moins rapidement presque partout. Mais les données démographiques sont encore très loin d’être uniformes d’une région du monde à l’autre, ce qui permet de prévoir des migrations ou tentatives de migrations importantes dans les années qui viennent.
Ces différences entre les taux d’accroissement démographiques sont bien visibles sur le continent américain, et se traduisent par des migrations spontanées de grande ampleur se dirigeant vers les Etats-Unis, qui veulent s’en protéger en édifiant sur leur frontière terrestre avec le Mexique un mur de béton qui prend des allures de rideau de fer à l’envers. Et pourtant, l’inégalité entre les taux d’accroissement naturels ou les taux de fécondité de l’Amérique du Nord et ceux des pays d’Amérique centrale et du Sud se réduit rapidement [24], et elle est aujourd’hui moins forte qu’entre les pays européens et leurs voisins de l’Ancien monde, même si les contrastes entre plusieurs groupes de pays voisins sont aussi plus nettement accusés en Asie et en Afrique.
La situation démographique de l’Europe se caractérise en effet par des taux d’accroissement naturel et des « indicateurs conjoncturels de fécondité » (nombre moyen d’enfant par femme) extrêmement bas, et presque toujours insuffisants pour assurer le maintien de la population à son niveau actuel (le taux de remplacement étant de 2,1 enfants par femme). Or, même si la France, désormais au premier rang, s’en trouve très proche (environ 2 enfants par femmes en 2007), la quasi-totalité des Etats européens se trouve en dessous de cette valeur, et très loin en dessous dans le cas de l’Europe méditerranéenne [25], mais aussi de l’Europe centrale, y compris l’Allemagne [26], et de toute l’Europe orientale, y compris la Russie et l’Ukraine [27]. Cette tendance lourde apparaît comme une provocation manifeste à l’immigration venant des pays voisins, et les dirigeants des Etats européens sont très mal placés pour s’en plaindre.
En effet, les pays musulmans de la Méditerranée et du Proche-Orient, proches voisins de l’Europe, présentent un contraste spectaculaire avec celle-ci : tous ces pays ont eu jusqu’il y a peu de temps des taux d’accroissement nettement supérieurs à 2,1 enfants par femme. Cependant, l’évolution générale depuis vingt ans est bien caractérisée par une baisse plus ou moins rapide, et plusieurs pays ont déjà atteint des indicateurs démographiques de niveau européen. Parmi ceux dont la natalité et la fécondité ont le plus fortement et rapidement chuté, on remarque les trois Etats du Maghreb les plus proches de l’Europe occidentale [28] : la Tunisie [29], le Maroc [30], et même l’Algérie [31], ainsi que la Turquie [32]. Ainsi peut-on prévoir que leur émigration vers l’Europe ne durera pas toujours avec la même intensité. Mais les pays du Machrek, voisins d’Israël, conservent en général des niveaux beaucoup plus élevés [33]. Parmi les Etats dont la population s’accroît encore le plus vite, on trouve des pays attardés et sans pétrole, comme l’Afghanistan et le Yémen [34], et des pays très riches en hydrocarbures, comme l’Arabie séoudite et les Emirats arabes unis [35], mais ces derniers à leur tour ont déjà bien entamé la réduction de leur croissance démographique.
En s’éloignant davantage de l’Europe, ont constate que les pays d’Asie orientale ont eux aussi entamé plus ou moins rapidement la réduction de leurs taux de natalité et de fécondité, notamment la Chine qui a décidé une politique très rigoureuse de passage à l’enfant unique pour se permettre une rapide croissance économique [36]. Mais en Afrique noire, tout au contraire, presque tous les pays ont des taux d’accroissement très supérieurs au taux de remplacement des générations, et un grand nombre se classent parmi les plus féconds du monde [37] ; et c’est sans doute l’une des raisons principales de ces flux d’émigration qui cherchent de plus en plus fréquemment à atteindre l’Europe.
Que conclure de tout cela ? Nous devons d’abord nous méfier, comme nous le suggère Yvan Gastaut, des « leçons de l’histoire » qui reposent sur les souvenirs trop vagues d’un passé mal connu, notamment parce que les données démographiques ne sont enregistrées que depuis quelques siècles. Il est difficile de tirer des leçons sûres des grandes invasions barbares et de la chute de l’Empire romain en l’absence de toute donnée chiffrée. Mais il est vraisemblable que les grandes pestes des VIème et VIIème siècles et de 1348-1351 ont joué un rôle dans les succès des deux grandes invasions musulmanes vers l’Europe [38]. Il est en tout cas certain que la première grande expansion de l’Occident chrétien, à l’époque des Croisades et de la Reconquista, s’explique par une forte croissance démographique sans équivalent dans les pays musulmans. De même, la conquête et le peuplement du Nouveau monde par les Etats européens à partir du XVIème siècle a eu des dimensions démographiques indéniables, même si les défaites initiales des grands empires précolombiens devant quelques centaines de conquistadors ne s’expliquent évidemment pas par une infériorité numérique de leurs armées. Enfin, on doit admettre la pertinence des remarques du démographe Alfred Sauvy, selon lequel la tendance trop précoce des Français à réduire volontairement leur croissance démographique leur a valu trois grandes défaites successives : la perte de l’Amérique du Nord face aux Anglais en 1763, celle de l’Alsace-Lorraine face aux Allemands en 1871 (qui entraîna deux autres conflits encore plus périlleux contre les mêmes adversaires en 1914-1918 et en 1939-1945), et enfin la perte de l’Algérie qu’ils n’ont jamais réussi à rendre vraiment française entre 1830 et 1962 [39].
Pour essayer de prévoir ce que l’avenir nous réserve, il faut nous tourner vers les analyses et les prévisions des démographes. Le fait majeur que révèlent la majeure partie des statistiques démographiques depuis vingt ans, c’est bien la chute plus ou moins rapide des taux d’accroissement et des indicateurs conjoncturels de fécondité dans la plupart des pays du monde, à quelques exceptions près dont la plupart se situent en Afrique noire. On peut donc en déduire que la croissance de la population mondiale, déjà en net ralentissement, va bientôt s’arrêter aux environs de 9 milliards d’habitants vers 2050, voire même régresser [40]. Mais nous ne pouvons pas pour autant considérer la démographie de tous les peuples du monde comme un phénomène unique et uniforme. D’abord parce que les décalages chronologiques et les différences des taux de fécondité sont importants, et nourrissent des flux migratoires que les Etats visés jugent indésirables. Mais aussi parce que savoir que cette croissance démographique finira nécessairement par s’arrêter partout ne nous dit pas comment elle s’arrêtera : par une baisse très souhaitable de la natalité et de la fécondité, ou par une hausse catastrophique de la mortalité ? C’est pourquoi la croissance démographique et sa conséquence migratoire doivent être considérés comme de vrais problèmes et non pas être aveuglément ignorés [41].
Guy Pervillé
[1] Jean-Louis Miège et Colette Dubois s.dir., L’Europe retrouvée, les migrations de la décolonisation, Paris, L’Harmattan, 1994 et 2000, 261 p.
[2] Voir notamment dans Le Monde du 13 septembre 1996 : « Nord-Sud, la vraie dette », par Kofi Yamgnane ; du 12 mars 1997 : « La République, l’extrême droite et nous », par Gérard Noiriel ; du 8 avril 1998, « 133 cinéastes réclament une régularisation massive des sans-papiers », et le texte intégral de la pétition « Pourquoi un tel acharnement répressif ? » ; du 15 avril 1998, « Etrangers, la rose ou le réséda », par Etienne Balibar, Monique Chemillier-Gendreau, Jacqueline Costa-Lascoux, Emmanuel Terray ; du 13 mai 1998, « Avant qu’il ne soit trop tard », par Patrice Chéreau, Jean-Luc Godard, Anne-Marie Miéville et Stanislas Nordey ; et la réponse de Jean-François Revel dans Le Point n° 1339 du 16 mai 1998 : « L’Etat de droit et les sans-papiers » (« La régularisation automatique des sans-papiers réclamée par la Ligue (des droits de l’homme) signifierait que s’installer dans un pays dépendrait de la seule décision unilatérale du migrant. C’est envisageable à condition que cette possibilité résulte d’une convention préalable entre les pays concernés, comme c’est le cas au sein de l’Union européenne. C’est impraticable en tant que règle universelle »).
[3] Celui-ci analysait « l’angoisse de l’invasion à travers les œuvres de fiction » en citant notamment le livre du démographe Alfred Sauvy, Croissance zéro, daté de 1973, pp. 158-159, qui imaginait le débarquement d’une centaine d’affamés Pakistanais ou Bengalis sur les côtes françaises. Je lui fis remarquer que cette fiction avait cessé d’en être une, puisque les journaux rapportaient de tels faits de plus en plus souvent, et à une tout autre échelle. Voir dans Le Monde du 31 décembre 1997 : « L’Europe est confrontée à l’exode massif des Kurdes. L’échouage du navire l’’Ararat’ sur les côtes calabraises avec 835 clandestins à bord et l’arrivée annoncée d’un nouveau bateau révèlent l’intensité du trafic organisé par les mafias italiennes, turques et albanaises, ainsi que le drame vécu par les habitants des diverses régions kurdes » ; et du 18-19 février 2001 : « Un navire transportant un millier de clandestins s’échoue sur les côtes varoises »...
[4] Voir le dossier « La gauche et la famille : le grand malentendu » dans Le Monde-économie du 14 octobre 1997, les pages Horizons-débats du 18 octobre 1997, pp. 18-19 et le courrier du 4 novembre 1997 p. VII ; et dans Le Monde du 14 avril 1998, p. 25, « Qui a perdu un million et demi de naissances ? » par Hervé Le Bras, et « Le tabou démographique », par Jacques Bichot et Michel Godet, le courrier des lecteurs dans le n° du 5 mai, « Pour une approche progressiste de la démographie » par Henri Léridon le 23 septembre, p. 19, et enfin le 6 novembre 1998 p. 10 une page Société intitulée : « Une polémique virulente sur les données ‘ethniques’ divise les démographes. Hervé le Bras accuse l’Institut national d’études démographiques de faire le jeu du Front national en mentionnant dans ses études les origines raciales. Michèle Tribalat réplique que seules des données de ce type permettent de lutter efficacement contre les discriminations ». A noter que dans le courrier du 5 mai 1998, un lecteur exprimait son indignation devant l’article de MM. Bichot et Godet « développant les thèses du Front national en faveur d’une incitation de l’Etat à l’augmentation des naissances. Il faut continuer la politique actuelle qui fait place au sang neuf de l’immigration favorisant notre ouverture sur le monde, notamment musulman ».
[5] Jean-Claude Chesnais, La population du monde de l’Antiquité à 2050, Bordas, collection Le monde à la carte, 1991, 96 p.
[6] Albert Jacquard, L’explosion démographique, Flammarion, collection Dominos, 1993,126 p.
[7] Claude Liauzu, Histoire des migrations en Méditerranée occidentale, Bruxelles, Complexe, 1996, 275 p.
[8] Voir sa thèse, L’immigration et l’opinion en France sous la Ve République, Paris, Le Seuil, 2000, 630 p.
[9] Moins les exceptions presque uniques de la France (qui a connu un freinage précoce de sa natalité ayant entraîné une stagnation dès le milieu du XIXème siècle) et de l’Irlande (qui a subi un effondrement de sa population après la grande famine de 1845).
[10] Notion développée notamment par Alfred Sauvy dans Richesse et population (1948) et Théorie générale de la population (1959). Voir le manuel très détaillé de C. Ambrosi, M. Baleste et M. Tacel, Histoire et géographie économique des grandes puissances à l’époque contemporaine, t. 1, Delagrave, 1967, pp. 106-110.
[11] « Selon que nous comptions ou non le désert, la densité de ce pays de 50 millions d’habitants est faible (environ la moitié de celle de la France) ou bien la plus élevée du monde : plus de 1000 habitants au km2, remarquait Alfred Sauvy, L’Europe submergée, Sud-Nord dans 30 ans, Dunod, 1987, p. 205.
[12] Paul Bairoch, Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Paris, La Découverte, 1995, 287 p (p. 178-179). Voir aussi, du même auteur, Le Tiers-Monde dans l’impasse, Folio-Actuel, 1992, 660 p., et Victoires et déboires, Histoire économique et sociale du monde du XVIème siècle à nos jours, Folio-Histoire, 1997, 662 p, 1015 p., et 1111 p.
[13] Sur ce sujet, voir mon article « Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe »,paru en deux parties dans Historiens et géographes, n° 406 (avril 2009) et 407 (juillet 2009).
[14] Jean Meyer, Les Européens et les autres, de Cortès à Washington, Armand Colin, collection U, 1975, pp. 135-137.
[15] Dans le Nouveau monde, les populations les plus nombreuses (celles du Mexique et du Pérou) s’étaient effondrées au XVIème siècle sous le choc psychologique et microbien dû à leur premier contact avec les conquérants espagnols. D’autre part, « "entre l’extrême fin du XVème et la fin du XIXème siècle, les Européens ont embarqué de force, sur les côtes africaines, 12,5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants pour les amener aux Amériques. Dix à onze millions d’entre eux ont survécu à l’expérience traumatisante de la déportation transatlantique", selon Silvia Marzagalli, (Comprendre la traite négrière atlantique, Bordeaux, Centre régional de documentation pédagogique, 2009, p. 42). Mais ces esclaves africains ont été installés sur les côtes atlantiques au climat tropical ou subtropical, et non pas dans les régions montagneuses qui restaient les plus peuplées.
[16] L’Europe retrouvée, op.cit., p. 13 note 3.
[17] Op.cit., p. 12.
[18] Op.cit., p. 12.
[19] Op.cit., p. 258.
[20] Op.cit., pp. 18-19.
[21] Op.cit., pp. 7-8.
[22] Volume 1 de la thèse originale, planche 2 entre les p. 5 et 6.
[23] Pour les deux premières années, j’ai consulté les Chiffres du Monde, Encyclopedia universalis. Pour 2009, j’ai consulté sur Internet deux sites dont les données chiffrées ne sont pas identiques : PopulationData.net ( http://www.populationdata.net/palmarespays.php) et le site de l’INED ( www.ined.fr/fr/pop_chiffres/pays_du_monde/ ) .
[24] Taux de fécondité actuels du Mexique : 2,4 enfants par femme, et des Etats-Unis : 2,05.
[25] 1,3 enfants par femme en Espagne, en Italie et 1,36 en Grèce.
[26] 1,3 enfants par femme en Allemagne.
[27] 1,3 enfants par femme en Russie, 1,26 en Ukraine.
[28] La baisse de leur natalité et de leur fécondité était visible depuis 1965 en Tunisie, 1975 au Maroc et 1985 en Algérie, selon le démographe Youssef Courbage, "Algérie : de moins en moins d’enfants", dans L’Histoire, n° 228, janvier 1999, pp. 19-20.
[29] 1,72 enfants par femme en 2008. Autre estimation sur le site de l’INED : 2 en 2007.
[30] 2,57 enfants par femme en 2008. Autre estimation sur le site de l’INED : 2,4 en 2007.
[31] 1,82 enfants par femme en 2008. Autre estimation sur le site de l’INED : 2,4 en 2007.
[32] 1,87 enfants par femme en 2008. Autre estimation sur le site de l’INED : 2,2 en 2007.
[33] Israël 2,77 enfants par femme, Palestine 4,12, Jordanie (INED, 2007) 3,5, Syrie 3,21, Egypte 2,72, Liban (INED, 2007) 2,3. Pourtant, la natalité palestinienne serait en train de s’effondrer, selon Youssef Courbage (“La guerre des berceaux”, entretien avec Youssef Courbage, directeur de recherches à l’INED, Les collections de L’Histoire, n° 39, avril 2008, pp. 90-91).
[34] Afghanistan 6,58 enfants par femme, Yémen 6,40.
[35] Arabie séoudite 3,94 enfants par femme, Libye 3, Emirats arabes unis 2,42, Iran 1,71.
[36] Pakistan 3,73 enfants par femme, Bangla Desh 3,09, Inde 2,81, Indonésie 2,34, Sri Lanka 2,08, Vietnam 1,86, Chine 1,75, Japon 1,23, Corée du Sud 1,19 (en 2008).
[37] L’éventail va de 2,43 enfants par femme en Afrique du Sud à 7,28 ou 7,29 au Niger et au Mali.
[38] Comme l’écrit Robert Fossier dans Ces gens du Moyen Age, Paris, Fayard, 2007, p. 39 : du fait de la relative abondance des sources qui éclairent la peste du XIVème siècle, « on minimise (...) ses assauts antérieurs (...), et surtout celui des VIème et VIIème siècles qui a ravagé les côtes de la Méditerranée. Or, si nous n’en savons quasi rien, on s’accorde aujourd’hui à y placer le point de départ du profond et durable affaissement politique autant qu’économique ou même spirituel du flanc sud de la jeune chrétienté ; par voie d’effet, l’expansion brutale de l’islam sur des sols ruinés et des hommes affaiblis y trouve une explication ». La grande peste de 1348, venue de Crimée, commença par ravager Constantinople ; cinq ans plus tard, les Turcs ottomans franchirent les Dardanelles en prenant Gallipoli.
[39] Alfred Sauvy, L’Europe submergée, op. cit., pp. 125-134.
[40] Voir notamment dans Le Monde, 31 octobre 1996, p. 20, « Les démographes ne savent plus à quel credo se vouer » ; 3 septembre 1998, p. 2, « L’explosion démographique de la planète n’aura pas lieu » ; 22 juillet 2005, « L’humanité vieillit, la France reste prolifique », pp. 1-2-3, et 23 août 2008, p. 9, « Natalité : La France consolide ses atouts dans une Europe vieillissante » ; Le Monde dossiers et documents n° 227, juin 1999, « La population mondiale en mutation » ; et le compte rendu du XXVème congrès international de la population à Tours, dans l’article d’Etienne Dubuis, « Vers le dépeuplement du monde », Le Temps (Genève) du 20 juillet 2005, (http://www.letemps.ch/template/print.asp ?article=16022).
[41] C’est pourtant ce que font le plus souvent les militants des organisations de soutien aux immigrés sans papier, à en juger d’après un appel publié dans Le Monde du 21 mai 2003, et trois tracts distribués à Toulouse en février 2001, février 2003 et mars 2008.