Ayant passé presque tout le mois de décembre loin de la France, je n’ai pas pu suivre de près le voyage du président François Hollande en Algérie, mais j’ai pu trouver dans mon courrier et sur Internet les informations nécessaires pour alimenter ma réflexion. En voici donc les résultats.
Rappel des faits
Le projet algérien du candidat Hollande
Le voyage de François Hollande en Algérie pour tenter de relancer les relations franco-algériennes était prévisible avant même son élection à la présidence de la République [1]. En effet, le candidat Hollande avait publié dans Le Monde du 19 mars 2012 un texte intitulé « France et Algérie doivent mener ensemble un travail de mémoire », où il affirmait que « aujourd’hui, entre une repentance jamais formulée et un oubli forcément coupable, il y a place pour un regard lucide, responsable, sur notre passé colonial » [2], mais il ne mentionnait aucun fait permettant d’attendre une réponse algérienne différente de celle qu’avait reçue le président Chirac. Peu après, dans une lettre du 26 mars adressée à un rapatrié, il s’était exprimé ainsi : “Je crois effectivement utile que la France présente des excuses officielles au peuple algérien. Ce, pour plusieurs raisons. Rappelons, pour mémoire, que le 8 mai 1945 ne fut pas seulement marqué par la victoire des Alliés sur l’Allemagne et la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Europe, mais aussi par le début des massacres de Sétif où furent perpétrées des répressions sanglantes en réponse aux émeutes survenues dans le département de Constantine. Lesquelles visaient clairement à réclamer la reconnaissance dans la République française [3]. Elles firent plusieurs dizaines de milliers de morts [4], côté algérien.” Mais dans sa conclusion, il se tournait vers l’avenir : “mon souhait, si je suis élu, est d’apaiser et de normaliser les relations entre la France et l’Algérie. Et ce, alors que nous allons célébrer, cette année, le cinquantième anniversaire de l’indépendance algérienne. Ce sera l’occasion de rappeler le passé : l’Histoire et ses douleurs multiples. Il ne faut pas nous figer dans une commémoration qui sera forcément différente dans l’évocation du souvenir, en Algérie et en France. Nous devons être dans une relation de confiance mutuelle et dans la construction de projets communs.” [5] Puis Le Monde du 28 juin avait publié un texte de l’ancien Premier ministre chiraquien Dominique de Villepin, intitulé « La réconciliation avec l’Algérie est la clé », et affirmant sa conviction que « la clé d’une nouvelle politique arabe, c’est une nouvelle relation de la France et de l’Algérie fondée sur une réconciliation historique comme nous l’avons fait avec l’Allemagne » ; mais il devait constater que « l’Algérie semble immobile. Elle se débat avec la mémoire de ses passés, de son indépendance, de sa guerre civile meurtrière », et il concluait par la nécessité de prendre une nouvelle initiative : « Soyons au rendez-vous de la réconciliation » [6] , mais sans nous dire si le résultat serait différent de l’échec enregistré par le président Jacques Chirac.
Peu après, dans un colloque organisé au Sénat le samedi 30 juin 2012, sur le thème « Algérie-France : comprendre le passé pour mieux construire l’avenir » le président du groupe d’amitié France-Algérie, Claude Domeizel, avait conclu en rappelant " les engagements du « candidat Hollande » qui avait déclaré : « il faut que la vérité soit dite. Sans repentance ni mise en accusation particulière. Reconnaître ce qui s’est produit (...) la France se grandit en reconnaissant ses fautes. La France du XXIe siècle, que je souhaite construire avec les Français, a besoin d’une mémoire apaisée ». Puis M. Domeizel avait lancé un appel en s’adressant directement au « président Hollande » : « Il est dans mon rôle de président de groupe d’amitié de lui dire combien il est important d’être clair sur le sujet de l’Algérie. Beaucoup de nos compatriotes attendent des mots d’apaisement et de réconciliation. Nos amis algériens attendent un message de la France. Pas une repentance, pas une contrition. Simplement une reconnaissance des erreurs que nous avons pu commettre », avait-t-il lancé [7].
Mais selon Saïd Abadou, secrétaire général de l’Organisation nationale des Anciens Moudjahidine, « les dernières déclarations du porte-parole du Quai d’Orsay du nouveau gouvernement français sont encourageantes. La France et l’Algérie doivent se traiter de la même manière, comme cela s’est fait entre la France et l’Allemagne ». M. Abadou estimait aussi que le moment est propice pour réclamer des indemnisations et aussi juger les tortionnaires, surtout avec la nouvelle équipe qui siège à l’Elysée. « Nous aussi nous devrons réclamer des indemnisations à la France, puisque eux-mêmes ont eu ce droit auprès des Allemands. Même les chefs nazis ont été jugés » [8], ajoutait-t-il.
Le secrétaire général du parti FLN, Abdelaziz Belkhadem, avait défendu la proposition de loi déposée en février 2010 par 125 députés pour réclamer le jugement par la justice algérienne de tous les crimes commis par la France contre le peuple algérien de 1830 à 1962. Dès le 24 octobre 2009, il avait affirmé que la France devait « excuses et réparations pour les crimes barbares et génocidaires commis durant 132 ans par le colonialisme en Algérie" ; et il avait répété en février 2010 : « L’Algérie continuera d’exiger de la France la reconnaissance de ses crimes à l’endroit des Algériens durant la période coloniale », parce que « les Algériens sont en droit d’exiger cette reconnaissance, car il s’agit également de notre droit à la mémoire collective » [9] .
Devenu apparemment plus conciliant après avoir reçu à Alger le candidat socialiste invité par le FLN à la fin 2010, il estimait qu’il y aurait un « changement" dans les relations franco algériennes si le candidat socialiste François Hollande était élu président de la République [10]. « Il n’y a pas de doute que cela changera parce que les relations algéro-françaises sont des relations denses », avait-il déclaré à l’AFP, en marge d’un rassemblement du FLN à Tipasa, en vue des législatives du 10 mai. « Nous entretenons de bonnes relations au plan personnel comme au plan partisan », avait-t-il souligné. « Il faut que la France officielle reconnaisse les crimes de la colonisation », une position qu’il martèle depuis des années. « Une fois que cet obstacle sera levé, il n’y a pas de raison pour que les relations ne connaissent pas une embellie et je crois que le candidat François Hollande va dans ce sens là » [11].
On pouvait donc s’inquiéter de ce que serait la réaction algérienne quand le président Hollande avait adressé un message au président Bouteflika le 5 juillet 2012, pour lui dire qu’il y avait « place désormais pour un regard lucide et responsable » de la France sur son passé colonial en Algérie, et que « Français et Algériens partagent une même responsabilité : celle de se dire la vérité » [12]. Le chef de l’Etat algérien, qui avait appuyé la revendication algérienne de repentance adressée à la France depuis 1995, puis en 2000, et surtout de 2005 à 2007, mais qui y avait renoncé après l’élection du président Sarkozy, allait-il reprendre la même position qu’à la fin de la présidence de Jacques Chirac, ou non ?
Si l’attitude des plus hauts responsables de la politique algérienne était semblable à celle de Mm. Saïd Abadou et Abdelaziz Belkhadem, rien ne permettrait d’attendre de l’initiative du président français tentant de relancer sa politique algérienne par une nouvelle initiative mémorielle un autre résultat que celui obtenu par le président Chirac entre 2005 et 2007, quand la revendication algérienne de repentance avait causé l’échec du traité d’amitié franco-algérien [13]. On croit pourtant savoir que l’ancien Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia - qui a démissionné de ses fonctions le 3 septembre 2012 - désapprouvait la revendication de repentance adressée à la France [14], et l’avait montré en s’abstenant de soutenir la proposition de loi déposée en 2010 par 125 députés algériens pour entamer des poursuites judiciaires contre les auteurs de tous les crimes commis par des Français contre le peuple algérien de 1830 à 1962 - proposition évidemment incompatibles avec les clauses d’amnistie réciproque sur lesquelles étaient fondés les accords d’Evian, et avec le simple bon sens pour ce qui concerne les faits antérieurs à 1945, dont il ne reste presque aucun acteur survivant [15]. Les responsables de l’Etat algérien sauraient-ils prendre publiquement une autre position en 2012-2013 qu’en 2005 ? Jusqu’à présent, nous n’avions aucune réponse claire à cette question préalable. Une seule certitude : sa politique mémorielle ambitieuse place le président Hollande “face aux pièges de l’histoire” [16].
La longue attente du voyage présidentiel
Durant la longue attente du voyage présidentiel en Algérie, aucun signe probant n’avait permis de fonder un pronostic solide sur ses chances de succès. Du côté français, le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius vint à Alger dès le 16 juillet pour préparer ce voyage en discutant de toutes les questions bilatérales, dont la principale était la solution du problème majeur posé par l’offensive des groupes islamistes (parmi lesquels l’AQMI d’origine algérienne) au Mali [17]. La date du voyage présidentiel à Alger, qui était d’abord prévue pour juillet, puis pour septembre, fut annoncée le 25 septembre comme devant se situer au début ou à la mi décembre [18]. Le président Hollande maintint pourtant la cérémonie nationale du 25 septembre en hommage aux harkis et leur adressa un message où il déclarait notamment : « Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s’étaient placés sous sa protection, ceux qui l’avaient choisie et qui l’avaient servie. Ensuite les harkis et leurs familles ont été accueillis et traités de manière souvent indigne sur le sol français. La France se grandit toujours en reconnaissant ses fautes. Aux descendants de harkis qui contribuent aujourd’hui à son identité et à sa vitalité, la République doit toute la transparence sur une histoire qui est non seulement la leur, mais la sienne » [19]. Cette déclaration était conforme aux promesses faites par le candidat dans une lettre aux associations de harkis datée du 5 avril 2012, où il avait promis de « reconnaître publiquement les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des Harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil des familles transférées dans des camps en France », avant de conclure, déjà : « La France se grandit en reconnaissant ses fautes » [20].
Mais à partir du 11 octobre, l’exhumation par le Sénat de la proposition de loi adoptée dix ans plus tôt par l’Assemblée nationale et faisant du 19 mars, « jour anniversaire du cessez-le feu en Algérie », « une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie » ( qui fut adoptée le 8 novembre 2012), souleva une nouvelle tempête de la part des opposants à cette date [21]. Presque simultanément, le 17 octobre, un bref communiqué de l’Elysée à l’Agence France-presse déclara : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes » [22]. Message prévisible puisque le candidat Hollande avait déjà participé à la commémoration du même événement à Paris l’année précédente, mais remarquable par son extrême sobriété, puisqu’il s’abstenait prudemment de citer une estimation du nombre de ces victimes ; au contraire de la presse algérienne, où Le financier du 17 octobre 2012 se signala en affirmant dans le même article que « des dizaines de milliers d’Algériens ont été massacrés dans le froid et la pluie à Paris », puis que les rues y étaient « jonchées de cadavres de milliers d’Algériens » [23].
La déclaration présidentielle, sévèrement commentée par les partis français de droite et par les associations de rapatriés, fut pourtant bien accueillie par le Premier ministre Abdelmalek Sellal et par le secrétaire général du FLN, mais elle fut jugée très insuffisante par Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme : “La colonisation a été un crime massif dont la France doit se repentir si elle envisage d’établir avec l’Algérie, comme l’on est en droit de l’espérer, de véritables relations de qualité à la fois nouvelles et denses, mais délivrées d’un passé tragique à l’occasion duquel le peuple Algérien a souffert l’indicible dont il n’est pas sorti indemne et qu’il ne peut effacer de sa mémoire” [24]. Et le ministre des anciens moudjahidine, Mohammed Chérif Abbas, déclara dans une interview à l’agence Algérie Presse Service que « les Algériens voulaient une « reconnaissance franche des crimes perpétrés à leur encontre par le colonialisme français » [25]. Le 1er novembre, l’AFP ayant rapporté que de nombreuses déclarations d’Algériens appuyaient cette opinion, l’ancien ministre de la Défense Gérard Longuet, interviewé sur la Chaîne parlementaire, répondit par un bras d’honneur, ce qui provoqua une explosion de réactions indignées en Algérie [26]. Le président de la Fondation du 8 mai 1945, Abdelhamid Salakdji, prévint que « la France a intérêt à accepter de faire acte de repentance avant qu’il ne soit trop tard » si elle veut avoir « des relations apaisées avec l’Algérie ».
Ainsi, les conditions d’un voyage fructueux du président de la République française en Algérie semblaient moins que jamais réunies. Pourtant, dès le 8 novembre, le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia, dans un entretien accordé au Soir d’Algérie, tout en maintenant la « responsabilité totale » de l’Etat français dans les crimes commis contre le peuple algérien de 1830 à 1962, prit une position inattendue contre la revendication de repentance : « Maintenant se repentir, cela veut dire quoi ? Demander des excuses, cela veut dire quoi aussi ? Moi, sincèrement, je pense qu’il faut dépasser tout cela. Moi, je n’exprime pas une position officielle mais ma position personnelle sur ce sujet. Je considère que ces choses-là sont dépassées. La parenthèse est fermée. Comme on l’a toujours dit. Il faut tourner la page mais sans oublier le passé. Car les souffrances, les sacrifices nous les avons consentis pour libérer le pays. Nous avons obtenu ce résultat, ça fait maintenant partie de l’Histoire. Aujourd’hui, il faut envisager l’avenir et je pense que ce n’est pas en ressassant perpétuellement les mêmes demandes, les mêmes exigences que l’on fera avancer les choses. [27] » Déclaration ainsi commentée par le journaliste Mourad Arbani : « Moudjahid de la première heure, frère d’un Chahid et président de l’Association des anciens du MALG, Daho Ould Kablia est naturellement bien placé pour parler de l’Histoire. En tous cas nettement mieux que ceux qui font de la surenchère politicienne (les islamistes et une certaine frange du FLN) sur cette question. En prenant ainsi position sur un sujet polémique, Daho Ould Kablia, tout en se situant dans une démarche pragmatique des relations futures entre l’Algérie et la France, mais sans oublier le passé, ajoute sa voix à celles de figures historiques comme Hocine Aït Ahmed ou encore le défunt Abdelhamid Mehri qui avaient exprimé des réserves sur la faisabilité de la revendication de repentance. Ahmed Ouyahia, pour sa part, soupçonnait de “postures politiciennes” les parties qui font de la question de la repentance “un fond de commerce politique” [28].
Trois semaines plus tard, à la fin novembre, une fois la date du voyage présidentiel à Alger fixée aux 19 et 20 décembre [29], le ministre Mohammed Chérif Abbas nuança sa position en déclarant : "Nous n’avons nullement demandé à la France de nous indemniser mais de reconnaître seulement les crimes qu’elle a perpétrés contre la population algérienne". Puis Farouk Ksentini lui-même démentit sa déclaration du 28 octobre le 10 décembre 2012, en expliquant pourquoi il était vain d’attendre une réparation de la France : “Il est vain de demander à la France d’indemniser les victimes algériennes de ses crimes coloniaux, en raison de l’extinction des actions engagées dans ce sens pour cause de prescription”, a-t-il expliqué dans une déclaration à l’APS, tout en persistant à « pousser la France à reconnaître les crimes qu’elle a commis à l’encontre du peuple algérien, comme pas symbolique et historique”. Il rappela que “la France est connue pour être un pays colonialiste de par les guerres qu’elle a menées dans beaucoup de pays, mais elle n’a jamais indemnisé ses victimes. Tout ce qu’elle a fait c’est seulement reconnaître ses crimes commis à l’encontre des peuples qu’elle a colonisés” [30]. Et le premier ministre Abdelmalek Sellal répondit très clairement aux questions de France 3 sur la revendication de repentance : « Nous nous inscrivons dans une nouvelle phase historique », (...). « On doit se remémorer notre passé, c’est une chose claire, nette et précise, mais l’essentiel c’est de construire l’avenir et c’est ce qui est le plus important. (...) nous allons essayer d’aboutir à un pacte d’amitié et de coopération qui va construire le futur" [31]. Il semble ainsi que le gouvernement algérien avait décidé de désavouer la revendication de repentance avant la visite officielle du président français.
A la veille du voyage officiel en Algérie, l’AFP publia un sondage CSA-BFMTV demandant aux Français s’ils souhaitaient que le président de la République française présente à l’Algérie les excuses de la France au sujet de son action durant la période coloniale : 35% répondaient non en aucun cas, 26% oui, mais à condition que l’Algérie présente ses excuses au sujet des pieds-noirs et des harkis, et 13% oui, tout-à-fait, 26% ne se prononçant pas. Les électeurs de François Hollande au premier tour se partageaient à égalité (24%) entre le oui et le non, mais donnaient 33% au « oui mais... ». Les sympathisants de la gauche étaient deux fois plus nombreux (26%) à dire oui à des excuses présidentielles à Alger, et beaucoup moins enclins (21%) à les refuser totalement ; 28% choisissaient les excuses conditionnelles. A droite, seuls 7% souhaitaient des excuses, 25% des excuses conditionnelles et 53% disaient non. La plus forte proportion de partisans d’excuses françaises se rencontrait parmi les sympathisants du Front de Gauche (38%). Les non atteignaient un maximum de 62% chez les sympathisants du Front National [32].
Les déclarations du président François Hollande à Alger
La visite du président Hollande à Alger fut donc une épreuve difficile. Du côté français, il avait provoqué l’hostilité des partisans de l’Algérie française, qui n’attendaient plus rien de lui, certains l’appelant par dérision « François Le Normal » (FLN), alors que d’autres jugèrent préférable de le placer fermement devant ses responsabilités. Ainsi Thierry Rolando, président des Cercles algérianistes, lui écrivit le 17 décembre : « L’amitié avec l’Algérie ne se décrète pas, elle ne dépend pas d’un quelconque traité entre les deux Etats. Elle repose avant tout sur la réciprocité et dans le champ mémoriel de l’histoire de la présence française en Algérie, il est indispensable que toutes les souffrances et tous les drames soient reconnus. Nous attendons, Monsieur le Président, de vous du courage pour ne pas tomber dans le piège d’une repentance que vous avez malheureusement commencé à amorcer par vos reconnaissances des journées du 17 octobre 1961 et du 19 mars 1962, sans que les victimes Pieds-Noirs et Harkis ne fassent l’objet d’un mot de compassion de votre part. Ce courage doit vous amener à exiger de l’Algérie qu’elle accomplisse, aussi, son chemin de vérité, qu’elle fasse, pour l’histoire mais aussi pour elle-même, la lumière sur le massacre, dans des conditions indescriptibles, de plus de 100.000 Harkis, sur l’enlèvement et l’assassinat de plusieurs milliers de Français, hommes, femmes et enfants qui ont vécu le martyre. L’histoire ne s’écrit pas en noir et blanc. Nous, nous voulons toute l’histoire et rien que l’histoire, tant nous sommes convaincus qu’une société qui prend des libertés avec certains faits historiques incontournables commet une injustice fondamentale. Nous vous demandons de ne pas céder à la facilité d’une repentance qui consacrerait une injustice infligée aux dizaines de milliers de victimes, Harkis et Pieds-noirs, condamnées à une seconde mort dans l’espace symbolique de la mémoire, ainsi qu’une forme de double peine à notre pays, en lui imposant un passé qui n’est pas le sien et un avenir incertain, car on ne construit rien de bon sur le mépris de soi-même. » [33]
Du côté algérien, le problème était de savoir dans quelle mesure le président réussirait à faire accepter son refus de parler de repentance, connu à l’avance et dénoncé par une dizaine de partis algériens (dont quatre islamistes) qui condamnèrent "le refus des autorités françaises de reconnaître, excuser (sic) ou indemniser, matériellement et moralement, les crimes commis par la France coloniale en Algérie" [34]. Le discours qu’il prononça le 20 décembre devant les deux chambres du Parlement algérien réunies fut donc un exercice d’équilibre aussi habile que possible.
En effet, à aucun moment il ne parla de repentance ni d’excuses - comme il l’avait clairement dit dès son arrivée le 19 - mais d’une « nouvelle page de notre histoire » à construire ensemble. Et il la fit reposer sur la vérité, accessible au moyen de l’histoire qui permet de réconcilier les mémoires :
« Alors, l’histoire, même quand elle est tragique, même quand elle est douloureuse pour nos deux pays, elle doit être dite. Et la vérité je vais la dire ici, devant vous. Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal, ce système a un nom, c’est la colonisation, et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata, qui, je sais, demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu’à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles.
La vérité, elle doit être dite aussi sur les circonstances dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial, sur cette guerre qui, longtemps, n’a pas dit son nom en France, la guerre d’Algérie. Voilà, nous avons le respect de la mémoire, de toutes les mémoires. Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture. Connaître, établir la vérité, c’est une obligation, et elle lie les Algériens et les Français. Et c’est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives, et qu’une coopération dans ce domaine puisse être engagée, poursuivie, et que progressivement, cette vérité puisse être connue de tous.
La paix des mémoires, à laquelle j’aspire, repose sur la connaissance et la divulgation de l’histoire » [35] (...).
La suite du discours traçait les perspectives d’une coopération renouvelée dans tous les domaines, y compris la politique extérieure (notamment à propos du Mali, mais la Syrie fut omise au dernier moment [36]). Le voyage à Alger fut prolongé le 21 par une visite à Tlemcen, ville natale du père du nationalisme algérien Messali Hadj.
Ce voyage fut commenté avec satisfaction, du côté français, par la majorité de gauche, à l’exception du parti communiste qui, après avoir invité le président à « reconnaître enfin la réalité du colonialisme et des crimes d’Etat », lui reprocha de n’avoir fait que « la moitié du chemin nécessaire » : « ll est regrettable que le Président de la République ne rappelle pas que c’est la République française elle-même qui doit assumer la responsabilité d’une page terrible et inacceptable de sa propre histoire » [37]. Madame Audin, insatisfaite de l’hommage rendu par le président à son mari (arrêté par les parachutistes et disparu à jamais durant la bataille d’Alger), jugea qu’il s’était contenté du « minimum du minimum » [38]. La quotidien Libération lui reprocha aussi de ne pas avoir eu « un mot pour condamner l’étouffoir algérien, un système répressif imposé par une sécurité militaire omniprésente et une caste enrichie » [39]. Mais les réactions les plus sévères vinrent de l’opposition de droite - à l’exception de quelques personnalités comme l’ancien Premier ministre chiraquien Jean-Pierre Raffarin, qui participait au voyage, et Alain Juppé, également favorable. Citons par exemple des députés comme l’ancien ministre Gérard Longuet, ou comme Eric Ciotti, selon lequel François Hollande « a cédé une fois encore à la repentance, oubliant de prendre l’histoire dans sa globalité », ce qui a donné, selon celui-ci « un discours hémiplégique sur l’histoire des relations franco-algériennes » [40], ou comme Lionel Luca, pour qui « la "reconnaissance" c’est la version "light" de la repentance pour mieux tromper l’opinion » [41]. Mais les jugements les plus sévères vinrent du Front National, dont la présidente Marine Le Pen jugea que la France était « triplement condamnée » par ce discours : « Rien sur les aspects positifs de la colonisation, rien non plus sur les crimes algériens contre les Harkis, mais une nouvelle dépréciation systématique de notre pays, de notre histoire et de notre peuple » [42]. De même, selon le vice-président Louis Alliot : « Comble de la honte, le président socialiste n’a pas eu un mot pour l’abandon et les crimes commis à l’encontre des harkis et des pieds-noirs par les amis de Monsieur Bouteflika. Cette attitude indigne est une insulte à la mémoire nationale et à l’honneur du peuple français » [43].
En Algérie, le ministre des affaires étrangères Mourad Medelci exprima la satisfaction officielle après le discours du président Hollande : « C’est un discours qui n’a occulté ni le passé ni l’avenir. M. Hollande a mis au coeur de son intervention l’injustice du système colonial et la grande souffrance du peuple algérien" durant la colonisation française. « M. Hollande a mis en relief, dans son discours la culture de la paix et du respect de l’autre. Ce sont-là deux principes de base de notre pays et de sa diplomatie et nous ne pouvons que nous reconnaître dans ces principes et les accompagner sur le terrain », a ajouté le chef de la diplomatie algérienne [44]. Avant M. Medelci, des parlementaires algériens avaient salué comme une "avancée" le discours du chef de l’Etat français.
La presse algérienne francophone se montra en majorité favorable au discours présidentiel. El-Watan, le plus gros tirage francophone du pays (140.000 exemplaires), évoquant les propos inédits de François Hollande, estima qu’il est "tout sauf un président normal" et "fait preuve d’une lucidité et d’une sincérité exceptionnelles pour un président français" [45]. Le Quotidien d’Oran s’interrogea : "le temps est-il mûr pour une réconciliation de type franco-allemand ?", il ne jugea "pas utopique de croire que cela arrivera un jour", tout en attendant de ce voyage un véritable partenariat [46]. « Avec la visite de François Hollande, une page est véritablement tournée", écrivait un commentateur de Liberté. "Le président français l’a clairement fait savoir : la repentance, qui n’a au demeurant jamais fait l’objet d’une demande officielle formelle, n’est officiellement plus une exigence d’Etat", ajoute-t-il [47]. Mais le quotidien en ligne Le Matin se singularisa par sa sévérité : « Dans une chronique au vitriol titrée "François Hollande, l’hôte indésirable des Algériens", Youcef Benzatat juge "contraire à la raison, incohérent et illogique, ridicule et stupide" la démarche de François Hollande, qui n’est pas venu "faire des excuses, ni [se] repentir". Il ajoute : "Votre justification d’un partenariat économique brandi dans le souci de notre développement ! Encore là, l’Algérien n’est pas exclusivement un tube digestif, Monsieur le président, c’est aussi un être de désir et de liberté, comme l’est votre propre peuple" [48]. Dans une autre chronique publiée sur Le Matin DZ, Samir Bouakouir estime que "la France officielle vient d’accorder un nouveau blanc-seing au pouvoir autoritaire d’Alger". Pour lui, "la réception improvisée et quelque peu contrainte de quelques organisations de la société civile ne saurait masquer la complaisance des autorités françaises et le peu d’intérêt accordé à la question de la démocratie et des droits de l’homme, deux termes totalement occultés lors de son discours devant un Parlement-croupion. [49]
Ce sont néanmoins les journaux en langue arabe qui mirent en relief leur désapprobation du refus de la repentance par le président français : le quotidien arabophone populaire Echorouk relevait en Une que "des Algériens demandent des excuses, tandis que d’autres réclament des visas" [50]. Il retient surtout que M. Hollande a dit n’être "pas venu pour le pardon". Ennahar, autre journal arabophone populaire, met également en exergue cette déclaration de M. Hollande : "Nous ne nous excuserons pas" [51].
Que conclure de ce rapide survol ? L’analyse parue dans Le Monde du 21 décembre sous le titre « la paix des mémoires se construit à deux » me paraît intéressante ; en voici les trois derniers paragraphes :
« C’est donc à la "paix des mémoires" que le président français a invité, comme un lointain écho à la "paix des braves" à laquelle le général de Gaulle avait appelé un temps, et sans succès, au plus fort de la guerre d’indépendance. La paix de toutes les mémoires, comme certains, en France, feignent de ne pas l’avoir entendu : celle des "Français d’Algérie" qui avaient su nouer avec le peuple algérien "des relations tellement humaines", celle des grandes consciences françaises qui dénoncèrent l’ordre colonial, celle des rapatriés d’Algérie et du deuil si douloureux qui fut - et bien souvent reste - le leur, celle enfin des jeunes Français nés de parents algériens.
Par la voix de son président, la France a donc fait le premier pas. L’apaisement et, demain, l’amitié supposent que l’Algérie fasse sa part du chemin. Qu’elle assume la violence de ce que furent son nationalisme et sa libération : contre la France, bien sûr, mais aussi contre une partie des Algériens, dissidents ou harkis, impitoyablement éliminés. Qu’elle se libère du boulet d’une histoire officielle immuable, fabriquée, pour ne pas dire falsifiée. Qu’elle s’émancipe, enfin, d’un régime où, depuis un demi- siècle, une caste policière et militaire a accaparé tout le pouvoir et désespéré sa jeunesse.
"Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l’oubli, encore moins dans le déni", a lancé François Hollande à ses hôtes. C’est à eux, désormais, de démontrer qu’ils l’ont compris. Sans quoi, l’invention d’un avenir partagé et assumé restera une incantation » [52].
Essai d’analyse
Un bilan inattendu
Le général Maurice Faivre a proposé dès le 22 décembre une réflexion tout aussi originale et encore plus inattendue, mais allant dans le même sens :
« 1. Je trouve ce discours très habile parce qu’ il remplace la repentance par la soi-disant Vérité de l’Histoire (...) Hollande ne doit pas ignorer d’ailleurs qu’il n’appartient pas à l’Etat de dire la vérité historique ; il sait que les lois mémorielles ont été condamnées par les historiens (Pierre Nora...) mais aussi par Robert Badinter. Il appelle d’ailleurs à une lecture objective de l’histoire et demande l’ouverture des archives. Or on sait que celles-ci sont ouvertes en France, mais fermées en Algérie. Une lecture objective montrera enfin que la violence a été brutale dans les deux camps, depuis la piraterie barbaresque jusqu’à la répression du terrorisme en 1957 et à la guerre civile de 1990, évoquée dans le discours.
2. Ce discours est également habile envers les Français d’Algérie, instituteurs, médecins, architectes, professeurs, artistes, commerçants, agriculteurs, qui avaient su nouer des relations humaines avec le peuple algérien, dont Messali Hadj rappelait l’amitié et la confiance, et qui sont partis dans le déchirement ! La langue française est considérée comme un instrument de connaissance et de liberté. Même les harkis ne sont pas oubliés, ils souhaitent se rendre en Algérie où ils ont des souvenirs et des attaches familiales. Le respect de toutes les mémoires est ainsi une exigence.
3. Sur le plan politique (crise du Sahel, échanges économiques et culturels), le discours reste modéré. La maîtrise des flux migratoires est souhaitée, avec l’aller-retour des étudiants.
4. Il manque cependant à ce discours un appel à des confrontations historiques équilibrées, en particulier en métropole où les jeunes immigrés subissent la propagande anti-française des média et des professeurs (...)” [53].
Roger Vétillard a lui aussi publié son analyse, rédigée peu après le voyage présidentiel, sur le site Metamag le 10 janvier 2013 [54]. Attentif à peser le pour et le contre, il s’est montré globalement plus sévère, notamment quand il a comparé la froideur du président Hollande lors de son voyage au Congo du président Kabila et son indulgence avec le régime algérien qui n’est pas « un modèle de démocratie laïque » : « Il fut un temps où, quand les autorités de la République se rendaient dans un pays dont les pratiques politiques n’étaient pas en concordance avec ce que l’on appelle les "valeurs" de la France, elles tenaient à manifester une réserve discernable par tout un chacun. Nous n’avons rien vu de cela, mais bien au contraire la conduite du Président français a ressemblé à un adoubement des pratiques autoritaires des autorités algériennes. » Mais pourtant il paraît sous-estimer l’audace qu’a manifestée le président Hollande en remplaçant la repentance par la recherche de la vérité historique : « Au-delà des opinions préétablies et des lectures trop rapides, il faut dire que le discours de François Hollande est plutôt habile même s’il relève par moment d’une subtilité peut-être un peu excessive. Le président français remplace en effet le mot repentance que les uns attendaient et les autres refusaient par avance, par ce qu’il appelle Vérité de l’histoire. Cette vérité qui "n’abime pas, répare, ne divise pas et rassemble". Mais aurait-il oublié pour paraphraser Blaise Pascal "Vérité au deçà de la Méditerranée, Erreur au-delà"... ? » Le “devoir de mémoire” que Roger Vétillard critique ensuite n’est pourtant qu’une étape utilisée dans ce discours pour justifier cette substitution capitale du devoir de vérité - qui concerne également les deux parties - au devoir de repentance.
On pourrait même ajouter que le discours du président Hollande n’était pas radicalement différent de celui prononcé à Alger cinq ans plus tôt par son prédécesseur Nicolas Sarkozy : « Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité. Mais il est aussi juste de dire qu’à l’intérieur de ce système profondément injuste, il y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui ont aimé l’Algérie, avant de devoir la quitter. Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long d’une guerre d’indépendance qui a fait d’innombrables victimes des deux côtés. Et aujourd’hui, moi qui avais sept ans en 1962, c’est toutes les victimes que je veux honorer. Notre histoire est faite d’ombre et de lumière, de sang et de passion. Le moment est venu de confier à des historiens algériens et français la tâche d’écrire ensemble cette page d’histoire tourmentée pour que les générations à venir puissent, de chaque côté de la Méditerranée, jeter le même regard sur notre passé, et bâtir sur cette base un avenir d’entente et de coopération » [55].
Réflexion faite, je crois moi aussi que le discours du président Hollande à Alger le 20 décembre 2012 a été une réussite d’autant plus remarquable qu’elle était inattendue. Pourtant, la réponse déjà citée adressée par celui-ci à un rapatrié le 26 mars dernier faisait craindre le pire, tant elle donnait l’impression d’une acceptation irréfléchie de l’exigence d’”excuses officielles au peuple algérien”, justifiée par une ignorance historique inadmissible de la part d’un homme d’Etat. Mais son appel à une relance des relations franco-algériennes publié dans Le Monde du 19 mars était beaucoup plus soigneusement équilibré en prônant un moyen terme « entre une repentance jamais formulée et un oubli forcément coupable », à savoir « un regard lucide, responsable, sur notre passé colonial ». La question que je me posais était de savoir dans quelle mesure le président avait pris conscience des causes de l’échec du traité d’amitié franco-algérien proposé par Jacques Chirac en 2003, et s’il aurait la ferme volonté de ne pas se laisser enliser dans la même ornière. Or je dois constater qu’il a su choisir une voie étroite mais nettement tracée, et s’y tenir fermement malgré toutes les critiques opposées. Il a su le faire parce qu’il a eu le mérite de consulter et d’écouter des historiens éminents [56], mais le mérite de la décision et de l’exécution lui revient assurément.
Des passages qui restent discutables
Pourtant, tout n’est pas irréprochable dans les déclarations de François Hollande, qui comportent aussi une part discutable.
Son communiqué du 17 octobre 2012 par lequel il rendait « hommage à la mémoire des victimes » était prévisible, puisque l’année précédente il leur avait déjà rendu hommage, comme il le rappela dans son message du 26 mars 2012 : « Vous vous souvenez peut-être qu’en hommage aux Algériens morts lors de la manifestation du 17 octobre 1961, j’ai déposé une gerbe, le 17 octobre 2011, au pont de Clichy, où des Algériens furent jetés à la Seine, il y a cinquante ans, par des policiers, placés sous les ordres de Maurice Papon, préfet de police. Au cours de cette commémoration, j’ai tenu à témoigner ma solidarité aux enfants et petits-enfants des familles endeuillées par ce drame, il faut que la vérité soit dite. Reconnaître ce qui s’est produit. Ce jour-là, j’ai agi en tant que socialiste. À l’avenir, ce sera sans doute à la République de le faire” [57]. Cette déclaration présidentielle d’octobre 2012 avait été critiquée pour son extrême brièveté, mais on peut apprécier au contraire le soin qu’elle a pris de ne pas officialiser une estimation du nombre des victimes algériennes de la répression. En effet, si l’estimation officielle qui limitait arbitrairement leur nombre a deux ou trois a perdu toute crédibilité depuis le rapport Mandelkern de 1998, celles qui ont été retenues par différents auteurs les chiffrent par dizaines (Jean-Paul Brunet [58]), par centaines (Jean-Luc Einaudi), voire par milliers ou par dizaines de milliers. Il ne faut pas croire que le journaliste algérien du Financier, déjà cité, soit le seul qui ait formulé des affirmations aussi exagérées : on en a aussi trouvé sous la plume d’un journaliste de Le Monde-Télévision des 2 et 3 octobre 2005, évoquant “la nuit du 17 octobre 1961, au cours de laquelle des milliers de manifestants algériens furent tués par la police parisienne”. La prudence du président Hollande en cette matière est donc louable.
Mais ce qu’il a déclaré sur le 8 mai 1945 dans son discours du 20 décembre dernier reste critiquable, même s’il a été beaucoup plus prudent que dans sa lettre déjà citée du 26 mars précédent. En effet, le discours présidentiel ne définit pas d’une manière claire et objective les événements qu’il condamne : « Je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata, qui, je sais, demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu’à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles. »
Or à Sétif le 8 mai 1945, il n’y a pas eu un “massacre” des manifestants algériens prémédité par la police ou par l’armée française, même si le premier mort fut peut-être un porteur du drapeau algérien, Saal Bouzid [59] : ce sont des civils français qui ont été massacrés ou blessés par des Algériens musulmans armés (en principe, le service d’ordre d’une manifestation pacifique), et il n’y a pas eu de “massacre” commis par les forces de l’ordre contre la masse des manifestants. Puis c’est une véritable insurrection qui s’en est pris aux civils français dans toutes les directions au départ de Sétif, notamment au nord jusqu’à la mer. Dans l’une des nombreuses localités touchées, à Kerrata, la répression a été sommaire et meurtrière, mais on oublie le plus souvent de dire qu’elle répondait à un début de massacre touchant la population civile française [60]. Enfin à Guelma (ville située à plus de 200 km de Sétif), la répression a été en effet systématique et injustifiable, puisque des centaines d’Algériens musulmans ont été arrêtés dans la ville puis assassinés sans autre raison que la peur d’un début d’insurrection vite réprimé dans les environs. Comme l’a bien montré la thèse de Jean-Pierre Peyroulou [61], les événements de Guelma ont été très différents de ceux de Sétif, même s’ils en ont été une conséquence. Ainsi, ce que l’on a pris l’habitude d’appeler le ou « les massacre(s) de Sétif », et que l’on a vu récemment représenté dans les cinq premières minutes du film Hors-la-loi, comme un guet-apens froidement prémédité et perpétré par la police et l’armée française, est une version mythifiée d’un événement beaucoup plus complexe, mais qui s’est de plus en plus largement répandue en Algérie et même en France [62].
La diffusion de cette version aux dépens de la vérité historique s’explique par plusieurs facteurs.
D’abord, par un processus naturel de confusion entre la mémoire et l’histoire. En effet, la mémoire est naturellement plus marquée par le résultat final des événements que par leurs causes antérieures, qu’il appartient à l’histoire de rechercher. En conséquence, contrairement à l’histoire qui doit resituer les événements dans l’ordre chronologique pour distinguer les causes qui les précèdent et les conséquences qui les suivent, la mémoire tend naturellement à inverser la chronologie en supposant que l’aboutissement final était prémédité à l’avance.
Mais aussi parce que la propagande des nationalistes algériens, poursuivie avec persévérance depuis deux tiers de siècle, a - consciemment ou non, peu importe - détourné l’attention du peuple algérien de la recherche des causes dans le passé pour la tourner vers un avenir porteur de revanche. Et c’est ainsi que la question de l’existence ou non d’un projet d’insurrection nationaliste visant à créer un fait accompli en mai 1945, à la veille de la création de l’ONU - hypothèse retenue par plusieurs témoins et historiens importants [63]- a été refoulée sans examen par la mémoire collective algérienne.
Enfin, parce que le départ de presque tous les témoins français d’Algérie à partir de 1962 a laissé libre cours à la reconstruction d’un récit légendaire par les témoins algériens sans qu’ils aient à craindre d’être démentis, étant donné que les quelques Français revenus en Algérie après l’indépendance étaient idéologiquement peu portés à contester leur version. C’est ainsi que dans un film sur le 8 mai 1945, diffusé en mai 1995 sur Arte, des témoins algériens ont nommément accusé trois Français de Sétif d’avoir participé à la répression, alors que l’un d’eux (Lucien Prudent) venait de s’évader d’un camp de prisonniers en Allemagne, le deuxième (Baby Fontaneau) était incorporé dans le corps expéditionnaire en Europe,et le troisième(Jean Leocata) était âgé de seize ans et alité chez lui avec une forte grippe [64].
C’est pourquoi l’histoire ne peut se confondre avec la mémoire : elle doit au contraire enquêter sur tous les témoignages et les documents avec la plus grande impartialité possible. Et c’est ce que le président Hollande n’a pas fait, en acceptant, apparemment, la version officielle algérienne sans examen critique.
Le passage suivant de son discours a également été accusé par ses détracteurs français de fausser la réalité historique, en passant sous silence le fait que les Français n’ont pas été les seuls à commettre des crimes durant la guerre d’Algérie. Mais à y regarder de près, ce reproche est mal fondé. En effet, relisons ce passage : « La vérité, elle doit être dite aussi sur les circonstances dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial, sur cette guerre qui, longtemps, n’a pas dit son nom en France, la guerre d’Algérie. Voilà, nous avons le respect de la mémoire, de toutes les mémoires. Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture. Connaître, établir la vérité, c’est une obligation, et elle lie les Algériens et les Français. Et c’est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives, et qu’une coopération dans ce domaine puisse être engagée, poursuivie, et que progressivement, cette vérité puisse être connue de tous. La paix des mémoires, à laquelle j’aspire, repose sur la connaissance et la divulgation de l’histoire » » A la deuxième lecture, il apparaît que son but n’est pas de faire accepter par les seuls Français la revendication algérienne de repentance, mais bien au contraire d’en appeler à l’arbitrage de l’histoire,qui est ou devrait être aussi impartiale que possible.
La compréhension du vrai sens de ce discours a été malheureusement perturbée par un fait antérieur, particulièrement regrettable : le vote par le Sénat, le 8 novembre dernier, du projet de loi votée dix ans plus tôt par l’Assemblée nationale, et reconnaissant le 19 mars comme date commémorative officielle de la guerre d’Algérie. Sans pouvoir apprécier, faute de compétence juridique, la validité de cette procédure surprenante,je constate que ce vote a confirmé l’absence, chez les élus de la majorité actuelle, de conscience de la distinction nécessaire entre majorité et unanimité nationale. En effet, s’il est incontestable qu’une forte majorité des électeurs français de la métropole avait approuvé le cessez-le-feu du 19 mars 1962, qui leur promettaient la fin de la guerre d’Algérie, lors du référendum du 8 avril 1962, il n’en reste pas moins vrai que la masse des Français d’Algérie et une minorité non négligeable parmi les Français de France y ont vu la date d’un abandon, et que la suite des événements n’a pas démenti leurs craintes. Ce fait incontestable a pour conséquence que le 19 mars n’est pas et ne sera sans doute jamais une date commémorative susceptible de rassembler tous les Français ; au contraire il ne peut que rejeter la minorité dans le même sentiment d’abandon et d’exil intérieur qu’en 1962 [65]. On aurait pu espérer que ces dix ans de répit auraient permis une réflexion supplémentaire, et la prise de conscience du décalage entre le rêve et la réalité - par exemple en tirant les leçons du livre récent de Jean-Jacques Jordi [66] sur les enlèvements de Français d’Algérie en 1962 paru en 2011, et fondé sur l’ouverture de toutes les archives publiques françaises ; mais au contraire le vote du Sénat a renforcé l’impression décourageante de l’incapacité des Français à réconcilier leurs mémoires, même avec cinquante ans de recul.
Enfin, nous pouvons nous demander si la méthode qui consiste à donner l’exemple de l’autocritique à un partenaire qui jusqu’à présent lui a été totalement étranger peut vraiment réussir à changer son attitude. Il ne suffit pas de répéter : « La France se grandit en reconnaissant ses fautes » pour que l’Algérie accepte de s’engager dans la même voie. Bien au contraire, les deux pays ont eu jusqu’à présent deux attitudes absolument opposées, que le regretté Guy Hennebelle avait ainsi caractérisées : « le ‘duo maso-sado’ entre la culture laïco-chrétienne du culpabilisme français et la culture arabo-musulmane du ressentiment, qui ne mène à rien de constructif » [67]. Autrement dit, l’illusion que les Algériens ne sont responsables de rien puisque les Français sont responsables de tout. Le fond du problème est donc de savoir si la méthode idéaliste du président Hollande est susceptible de changer réellement cette situation malsaine.
Un tournant dans les relations franco-algériennes ?
Il n’en reste pas moins que le président Hollande a reçu à faire passer à Alger un message novateur qui n’est pas un message de soumission à la revendication algérienne de repentance, et qu’il a obtenu, semble-t-il, l’accord du gouvernement algérien pour y renoncer. Et par là il s’est montré non plus un idéaliste naïf, mais un homme d’Etat particulièrement habile. La preuve la plus frappante de ce fait nouveau est l’étonnante palinodie du président de la Commission consultative des droits de l’homme, Farouk Ksentini, le 10 décembre 2012 : « Cet avocat écarte toute éventualité d’indemnisation pour la bonne et simple raison que les crimes coloniaux commis en Algérie sont aujourd’hui frappés de prescription. Autrement dit, passé un certain délai, ces crimes ne peuvent plus faire l’objet de quelque poursuite que ce soit, encore moins de demande de réparation. Le droit est ainsi fait et les spécialistes en la matière ont eu à le dire et le redire. “Il est vain de demander à la France d’indemniser les victimes algériennes de ses crimes coloniaux, en raison de l’extinction des actions engagées dans ce sens pour cause de prescription”, a expliqué l’avocat dans une déclaration lundi à l’APS (...). Ksentini renvoie à l’histoire pour édifier sur l’impossibilité de l’indemnisation. La preuve que la France n’indemnisera pas les victimes de ses crimes coloniaux est qu’elle avait, a-t-il rappelé, “promulgué au lendemain de l’indépendance une grâce générale au profit de tous ceux qui ont pris part à sa guerre contre l’Algérie et tous ceux qui ont commis des crimes contre le peuple algérien, qu’il s’agisse d’expériences nucléaires, des manifestations du 11 décembre ou autres” [68].
Il est en effet surprenant que cet éminent avocat n’ait pas pris en compte plus tôt ces données juridiques pourtant évidentes, qui sont une conséquence nécessaire de l’amnistie générale et réciproque sur laquelle étaient fondés les accords d’Evian. Mais on pourrait ajouter que la France avait déjà beaucoup dépensé pour aider le progrès économique et social des Algériens en soutenant financièrement le budget de l’Algérie, de 1944 à 1954 [69], puis pendant la guerre d’Algérie, mais aussi après l’indépendance, jusqu’à ce que l’Algérie nationalise en 1971 le pétrole et le gaz du Sahara [70]. Dans ces conditions la revendication d’une indemnisation supplémentaire, au moment où, comme l’a dit notre ancien Premier ministre François Fillon il y a déjà cinq ans, le budget de la France est en état de faillite, est absolument déraisonnable et ne pourrait, si elle était néanmoins acceptée, que retourner l’opinion publique française contre l’Algérie.
Après cette concession majeure du gouvernement algérien, à quoi pourrait bien servir une déclaration de repentance purement théorique, sinon à donner à l’Etat algérien la victoire totale et définitive sur l’Etat français qu’il n’a pas pu remporter d’une manière incontestable entre 1954 et 1962, et à détourner l’attention des Algériens de la récente guerre civile ? Le gouvernement algérien a mieux à faire s’il veut vraiment satisfaire les aspirations de son propre peuple. Quant au président de la République française, dans le cadre de sa fonction et en tant qu’homme de gauche, il a le droit de penser et de dire que la République française a malheureusement oublié ses principes démocratiques fondamentaux en Algérie de 1830 à 1962, mais étant donné son jeune âge il n’a pas à se repentir de cette faute historique dont il n’est nullement responsable, et la masse des Français pas davantage.
Ainsi, l’année 2012 s’est achevée d’une façon tout à fait inattendue, et le début de l’année suivante vient de confirmer la concrétisation d’évolutions imprévisibles. Durant la première moitié de l’année, la France et l’Algérie s’étaient pourtant signalées par une discrétion inouïe dans le commémoration du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, à la suite d’un accord conclu entre le ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, et le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia. Mais une fois les échéances électorales passées dans les deux pays, on pouvait craindre que la volonté de relance de la politique d’entente franco-algérienne proclamée par le candidat François Hollande aboutisse à une répétition de l’impasse dans laquelle s’était enfermé Jacques Chirac. Or il faut bien constater que le présent n’a pas répété le passé, et que le nouveau président a engagé les relations franco-algériennes dans une voie nouvelle.
Nous pouvons aussi constater que le gouvernement algérien, suivant enfin les avis de personnalités aussi importantes que Hocine Aït-Ahmed, Abdelhamid Mehri, Belaïd Abdesselam et Redha Malek, a tranché en décidant de renoncer à la revendication de repentance lancée en 1990 par la Fondation du 8 mai 1945 et reprise par lui à partir de mai 1995 ; revendication qui avait été reprise ensuite par le président Bouteflika de 2005 à 2007, et encore par 125 députés au début 2010 [71]. Cette renonciation semble bien être un événement majeur, permettant de refonder les relations franco-algériennes sur des bases plus saines. Elle paraît avoir déjà porté ses fruits, puisque l’Algérie n’a pas désavoué la décision d’intervention au Mali contre les groupes islamistes armés que le président français vient de prendre le 11 janvier 2013, et a même fermé sa frontière avec le Mali. En conséquence, elle vient d’être entraînée à son tour dans cette guerre, qu’elle avait souhaité éviter, par la prise d’otages d’In Amenas (16 janvier 2012). On peut même dire, comme mon collègue Pierre Vermeren : « Il est difficile pour Alger de justifier devant la population un geste qui contredit la rhétorique antifrançaise habituelle du FLN. Mais depuis que Paris attaque directement les islamistes au Mali, il y a alliance de fait » [72]. La solidarité franco-algérienne paraît donc s’être imposée.
Mais ce changement est-il définitif ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Guy Pervillé
A lire avant :
Cinquante ans après 1962 : un rapprochement franco-algérien souhaitable mais difficile (2012)
http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=288.
[1] Il était déjà venu trois fois en Algérie, en 1978 comme stagiaire de l’ENA à l’ambassade de France, puis en 2006 comme secrétaire du parti socialiste, et en 2010 comme candidat aux primaires de son parti.
[2] Le Monde, mardi 20 mars 2012, p. 20. Voir sur la même page le texte de Renaud de Rochebrune et Benjamin Stora : “Comme si le 19 mars n’existait pas. Un déni qui plane sur la guerre d’Algérie”.
[3] En réalité, les manifestants réclamaient le droit à l’indépendance de l’Algérie.
[4] Affirmation qui reste à prouver. Il vaut mieux parler de “plusieurs milliers de morts”.
[5] Lettre publiée parmi les professions de foi des candidats à l’élection présidentielle dans le bulletin d’information de la MAFA, n° 152, avril 2012, p. 6, et reproduite sur le site Bab-el-Oued Story en septembre 2012 : (http://www.babelouedstory.com/thema_les/election_2012/non_ps/1590/1590.htmlhttp://www.babelouedstory.com/thema_les/election_2012/non_ps/1590/1590.html). Même formule dans une autre lettre datée du 26 mars, adressée au président de l’Association Maurice Audin, Gérard Tronel.
[6] Le Monde, jeudi 28 juin 2012, p. 22. Voir sur la même page le texte de Laurent Fabius : “La France doit repenser son partenariat avec le monde arabe”.
[7] D’après El Watan, 1er juillet 2012. Voir aussi sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/evenement/colloque/france_algerie_comprendre_le_passe_pour_mieux_construire_lavenir.html
[8] El Watan, 1er juillet 2012.
[9] http://www.lepoint.fr/actualites-politique/2010-02-09/la-france-ne-digere-pas-la-demande-algerienne-de-reconnaissance/917/0/422148.
[10] Un débat entre F. Hollande et A. Belkhadem était prévu pour le 30 mars 2012 à Marseille, mais il fut annulé par le candidat à cause du drame de Toulouse, selon DNA du 30 mars 2012 (http://www.dna-algerie.com/interieure/guerre-d-algerie-pourquoi-francois-hollande-n-a-pas-debattu-a-marseille-avec-abdelaziz-belkhadem).
[11] Cité sur le site Etudes coloniales le 8 janvier 2012 ( http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2012/01/08/23187995.html#c50976518)
[12] Dépêche AFP, citée par Le Monde, 7 juillet 2012, p. 7.
[13] C’est ce que le président Chirac a reconnu dans ses Mémoires, t. 2, Le temps présidentiel, Paris, éditions Nil, 2011, p. 435 : “Le principal obstacle viendra de l’acte de repentance que le gouvernement algérien nous demande quelques mois plus tard de faire figurer dans le préambule, acte par lequel la France exprimerait ses regrets pour « les torts portés à l’Algérie durant la période coloniale ». Il me paraît utile et même salutaire, comme je l’ai indiqué dans mon discours de l’Unesco à l’automne 2001, qu’un peuple s’impose à lui-même un effort de lucidité sur sa propre histoire. Mais ce qu’exigent de nous les autorités d’Alger n’est rien d’autre que la reconnaissance officielle d’une culpabilité. Je ne l’ai naturellement pas accepté, consentant tout au plus à souligner, dans une déclaration parallèle et distincte du traité, « les épreuves et les tourments » que l’histoire avait imposés à nos deux pays. C’est le maximum de ce que je pouvais faire.”
[14] Voir sur mon site : « A propos de mon texte censuré : 1962, fin de la guerre d’Algérie » (2012) (article du quotidien en ligne Tout sur l’Algérie, intitulé « Ne pas gêner la France et éviter de faire le bilan de 50 ans de gestion chaotique du pays. Cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie : la délicate position du pouvoir. » http://www.tsa-algerie.com/politique/cinquantenaire-de-l-independance-de-l-algerie-la-delicate-position-du-pouvoir_19015.html).
[15] Texte disponible notamment sur le site de la Ligue des droits de l’homme de Toulon (25 février 2010) et sur Mediapart (www.mediapart.fr/files/propostiondeloicmediapart.doc).
[16] Voir l’analyse de Thomas Wieder dans Le Monde, 26 juillet 2012, p. 16 (“Hollande face aux pièges de l’histoire. Centenaire de la Grande Guerre, génocide arménien, guerre d’Algérie : trois dossiers délicats pour le chef de l’Etat”).
[17] Voir notamment “Alger-Paris : Fabius évoque un “partenariat de grande dimension”, dans Le Parisien du 16 juillet 2012 (http://www.leparisien.fr/politique/fabius-a-alger-pour-sa-premiere-visite-dans-un-pays-arabe-16-07-2012-2091758.php ; et mon article paru dans le n°755 de la Revue Défense Nationale en décembre 2012, “Cinquante ans après 1962 : un rapprochement franco-algérien souhaitable mais difficile ».
[18] Dernières nouvelles d’Algérie, 25 septembre 2012. http://www.dna-algerie.com/interieure/francois-hollande-en-visite-d-etat-en-algerie-normalement-debut-decembre-2. Selon Le Canard enchaîné du 11 octobre, elle avait d’abord été prévue pour le début novembre, avant d’être repoussée d’un mois “pour de futiles raisons de calendrier”. Mais selon les DNA, ce retard s’expliquerait par des divergences de vue sur le meilleur moyen de résoudre la crise du Mali (intervention armée selon la France, diplomatie selon l’Algérie) : http://www.dna-algerie.com/politique/alger-retarde-la-visite-de-francois-hollande-pour-de-futiles-raisons-de-calendrier-2.
[19] Voir le texte sur http://discours.vie-publique.fr/notices/127001726.html.
[20] Texte reproduit sur le bulletin d’information de la MAFA, op. cit., p. 7.
[21] Sur cette affaire, voir notamment le communiqué de Thierry Rolando, président des Cercles algérianistes, “Non à la proposition du groupe socialiste du Sénat d’officialiser la date du 19 mars 1962 comme date de la fin de la guerre d’Algérie”, daté du 11 octobre 2012, et son éditorial dans Les informations de l’Algérianiste, supplément du n° 140, décembre 2012. Sur ses origines, voir mon texte « La date commémorative de la guerre d’Algérie en France » (2004) http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=29.
[22] Déclaration également condamnée par Thierry Rolando dans son éditorial cité.
[23] “17 octobre 1961 : un massacre occulté de la mémoire”, article du Financier du 17 octobre 1961, photographié par mon collègue Christian Chevandier.
[24] Voir notamment sur le site http://www.algerie1.com/actualite/farouk-ksentini-qualifie-les-crimes-coloniaux-de-crimes-massifs-et-exige-la-repentance-de-la-france/ Article de Mourad Arbani, 28-10-2012, qui s’étonne de cette déclaration : “Des mots très forts de la part de Ksentini, connu pour être quelqu’un qui ne parle pas en simple franc-tireur. Sa déclaration, par rapport à une question aussi sensible, doit vraisemblablement cacher quelque chose. Que cette déclaration soit le fait des organisations de la famille dite « révolutionnaire » ou encore du FLN, artisan de l’indépendance du pays, quoi de plus normal et de plus légitime ? Mais pour une commission ayant vocation de s’occuper d’abord de la promotion et de la défense des droits de l’homme en Algérie, voilà qui pose des questions.”
[25] Voir aussi sur le même site l’article de Hakim Merabet le 30-10-2012 : http://www.algerie1.com/zoom/reconnaissance-crimes-coloniaux-une-exigence-deux-discours/ : “L’opinion publique est quelque peu surprise par tant de cran de la part de « l’avocat officiel » des droits de l’homme, d’autant plus que le propos de Ksentini tranche avec la ton mesuré voire satisfait de certains voix apparentées au gouvernement. A-t-il été mandaté pour tenir ce langage qui s’écarte de l’appréciation généralement positive de la reconnaissance de Hollande ? Difficile de le savoir. Toujours est-il que les déclarations aujourd’hui de Mohamed Chérif Abbas, ont le mérite de la clarté sans aller jusqu’à clouer au pilori le président français comme l’a fait Farouk Ksentini. (...) Ces déclarations presque contradictoires prouvent que les responsables algériens ou ceux qui se présentent en tant que tels, ne parlent pas d’une même voix vis-à-vis de la France. Cela facilite évidemment la riposte de leurs homologues français qui eux, ont un seul credo : ne pas s’excuser ni se repentir qu’on soit de droite ou de gauche”.
[26] Voir notamment Le Nouvel Observateur : http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20121102.OBS7912/le-bras-d-honneur-de-gerard-longuet-suscite-un-tolle-en-algerie.html ; Libération : http://www.liberation.fr/monde/2012/11/02/la-presse-algerienne-s-insurge-apres-le-bras-d-honneur-de-gerard-longuet_857721 ; et Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/politique/2012/11/02/01002-20121102ARTFIG00521-la-presse-algerienne-repond-au-bras-d-honneur-de-longuet.php. Le geste était évidemment choquant, mais les explications données par son auteur le lendemain matin sur France Inter étaient convaincantes.
[27] Interview de Daho El Kablia par Khadidja Baba-Ahmed, Le soir d’Algérie, 8 novembre 2012. http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/11/08/article.php ?sid=141206&cid=2
[28] Algérie1.com, 9 novembre 2012. http://www.algerie1.com/actualite/les-doutes-dould-kablia-sur-la-revendication-de-repentance-a-legard-de-la-france/
[29] Date déjà connue un mois à l’avance : voir Le Matin du 21-11-2012 (http://www.lematindz.net/news/10277-la-visite-a-alger-de-francois-hollande-permettra-t-elle-la-relancer-de-la-cooperation.html), et Jeune Afrique, 29 novembre 2012. http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2707p008_009_bis.xml4/algerie-france-diplomatie-maroc-hollande-a-alger-les-19-et-20-decembre.html.
[30] Article d’Abbès Zineb, 10-12-2012 (http://www.algerie1.com/actualite/ksentini-la-france-nindemnisera-pas-les-victimes-algeriennes-des-crimes-coloniaux/ L’auteur conclut ainsi : “la perspective de la repentance, à l’occasion de cette visite est par conséquent exclue. En tenant de tels propos, Farouk Ksentini rejoint d’autres personnalités, comme Daho Ould Kablia, comme le défunt Abdelhamid Mehri, qui avaient souligné déjà l’inanité de la démarche qui consiste à exiger le pardon (sic) de la France”. Sur la photographie illustrant cet article, Farouk Ksentini ne semble pas satisfait de ce qu’il est obligé de dire.
[31] Interview d’A. Sellal dans le journal de la nuit de France 3, reproduit dans El Watan, 19 décembre 2012.
[32] http://news.fr.msn.com/m6-actualite/france/alg%C3%A9rie-pour-35percent-des-fran%C3%A7ais-hollande-ne-doit-pas-pr%C3%A9senter-dexcuses.
[33] Lettre au Président de la République datée du 17 décembre. De même, l’historien Daniel Lefeuvre publia le 18 décembre sur son site Etudes coloniales un texte sur “les enjeux historiens du voyage en Algérie de F. Hollande”, où il mentionnait de nombreuses raisons de refuser “la réconciliation au prix de la falsification”, mais il confondit la dernière déclaration de Farouk Ksentini avec la précédente (http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2012/12/18/25952048.html).
[34] Cité dans l’article du Point-fr publié le 20 décembre 2012 : http://www.lepoint.fr/politique/le-discours-de-francois-hollande-a-alger-accueilli-positivement-20-12-2012-1604413_20.php.
[35] Texte complet du discours sur le site http://www.vie-publique.fr/rss/discours-rss.xml.
[36] Le président Bouteflika aurait jugé contradictoire de vouloir combattre les islamistes au Mali et les soutenir en Syrie.
[37] Déclaration du Parti communiste français, 20 décembre 2012, http://www.humanite.fr/fil-rouge/algeriecolonialisme-francais-francois-hollande-a-fait-la-moitie-du-chemin-necessaire-pcf.
[38] http://www.humanite.fr/monde/josette-audin-hollande-dit-le-minimum-du-minimum-511468 ?page=1.
[39] Voir Libération du 20 septembre 2012 : http://www.liberation.fr/monde/2012/12/20/hollande-seduit-l-algerie-a-peu-de-frais_869216 ; et sa Une du 21 : “Hollande en Algérie : le rendez-vous manqué” : http://journal.liberation.fr/publication/liberation/1118/ ?xtor=rss-450# !/0_0.
[40] Voir www.eric-ciotti.com/.../eric-ciotti-condamne-un-discours-hemiplegique-sur-lhistoire-des-relations-franco-algeriennes/ 20 décembre 2012.
[41] Voir sur http://www.lionnel-luca.fr/.
[42] Voir sur http://www.frontnational.com/author/marinelepen/.
[43] Voir sur http://programmefront-national.over-blog.com/article-discours-de-francois-hollande-a-alger-reaction-de-louis-aliot-fn-113648844.html
[44] voir sur http://www.radioalgerie.dz/fr/la-une/64/28166
[45] Voir “Hollande en Algérie, un discours salué par la presse francophone”, http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/france/algerie-hollande-reconnait-les-souffrances-infligees-par-la-colonisation-20-12-2012-1950429.php.
[46] Ibid.
[47] Ibid.
[48] Voir http://www.lematindz.net/news/10581-francois-hollande-lhote-indesirable-des-algeriens.html
[49] Ibid.
[50] Voir “Hollande en Algérie, un discours salué par la presse francophone”, Ibid.
[51] Ibid.
[52] http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/12/21/la-paix-des-memoires-se-construit-a-deux_1809398_3232.html.
[53] Message reçu de Maurice Faivre le 22 décembre 2012.
[54] Metamag, le magazine de l’esprit critique. Texte de Roger Vétillard, mis en ligne le 10 janvier 2013 (http://metamag.fr/metamag-1110-Francois-Hollande-a-Alger-Un-discours-trop-etudie-et-vulnerable.html).
[55] « Dans son premier discours en Algérie, Sarkozy dénonce le système colonial ‘profondément injuste’ » (http://www.ldh-toulon.net/spip.php ?article2393).
[56] Cf. L’Express n° 3184 du 11 juillet 2012, p. 18 ((“Questions d’héritage”, par Marcelo Weisfred) : “François Hollande a déjeuné à l’Elysée le 6 juin (ou juillet ? ) avec huit historiens : Colette Beaune, Michelle Perrot, Michel Winock, Benjamin Stora, Jean-François Sirinelli, Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory, Pierre Nora.” Le 24 octobre, il a reçu Benjamin Stora durant plus d’une heure (dépêche AFP et http://www.europe1.fr/Politique/Algerie-Hollande-consulte-Stora-1286543/). Selon Isabelle Mandraud, “Un second et ultime déjeuner a réuni à l’Elysée, le 30 novembre, le chef de l’Etat français et une assemblée d’intellectuels et de chercheurs liés à l’Algérie. Des ébauches de discours lui ont été remises, des mémos, des conseils. De tout cela, M. Hollande a pris bonne note.” (Isabelle Mandraud, “François Hollande à Alger : vers un partenariat d’égal à égal”, Le Monde, 4-12-2012. http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/12/04/francois-hollande-a-alger-vers-un-partenariat-d-egal-a-egal_1799666_3212.html.
[57] Lettre publiée parmi les professions de foi des candidates à l’élection présidentielle dans le bulletin d’information de la MAFA, n° 152, avril 2012, p. 6, et reproduite sur le site Bab-el-Oued Story en septembre 2012 (déjà cité en note 2).
[58] Jean-Paul Brunet, Police contre FLN, le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999, et Charonne, lumières sur une tragédie, Flammarion, 2003 (pp. 60-74).
[59] Ce point est pourtant contesté : selon Roger Vétillard, citant deux témoignages, le premier mort aurait été Gaston Gourlier, régisseur municipal du marché de Sétif, tué au marché vers 7 heures.
[60] Voir notamment le témoignage de Madame Lardillier reproduit dans le livre de Francine Dessaigne, La paix pour dix ans (Sétif, Guelma, mai 1945), éditions Jacques Gandini, 1990, annexe III, pp. 247-250.
[61] Jean-Pierre Peyroulou, Guelma, 1945, une subversion dans l’Algérie coloniale, Paris, La découverte, 2009, p. 13.
[62] Voir mes mises au point et comptes rendus surmon site : “Le 8 mai 1945 et sa mémoire en Algérie et en France” (2005) http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=59 ; préface à Roger Vétillard, Sétif, mai 1945, massacres en Algérie, http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=164 ; réponse à Yasmina Adi (2010) http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=251 ; réponse à Thierry Leclère (2010) http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=256.
[63] Mohammed Harbi et Annie Rey-Goldzeiguer (voir sur mon site “Cinq livres récents sur le 8 mai 1945 en Algérie (2002-2008)” http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=239 ; ainsique le site de Benyoucef Ben Khedda http://www.benkhedda.org/index.php ?option=com_content&view=article&id=8 :un-gouvernement-provisoire-algerien-en-1945&catid=5 :ppa-mtld&Itemid=9. Cf. Roger Benmebarek,“Le général de Gaulle et les événements de mai 1945 dans le Constantinois”, in De Gaulle et l’Algérie, 1943-1969, Paris, Armand Colin et Ministère de la défense, 2012, pp. 38-48.
[64] Maurice Villard, La vérité sur l’insurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois, édité par l’Amicale des hauts plateaux de Sétif, 1995, pp. 26, 28, 31.
[65] Voir ma mise au point sur “La date commémorative de la guerre d’Algérie en France” (2004) http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=29.
[66] Voir mon compte rendu du livre de Jean-Jacques Jordi, Un silence d’Etat, les disparus européens de la guerre d’Algérie (2011), Paris, SOTECA, 2011, sur mon site http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=265.
[67] Panoramiques n° 62, 1er trimestre 2003, p. 20.
[68] http://www.algerie1.com/actualite/ksentini-la-france-nindemnisera-pas-les-victimes-algeriennes-des-crimes-coloniaux/.
[69] Guy Pervillé, La France en Algérie, 1830-1954, Paris, Vendémiaire, 2012, 525 p.
[70] Guy Pervillé, Les accords d’Evian (1962), succès ou échec de la reconciliation franco-algérienne (1954-2012), Paris, Armand Colin, 2002, 272 p.
[71] Texte reproduit dans Les accords d’Evian,... op. cit., pp. 247-248.
[72] Pierre Vermeren va plus loin : “L’alliance existe de facto depuis que Paris et Alger combattent le GIA, et l’affaire d’In Amenas devrait plutôt renforcer le régime de Bouteflika en soudant la population contre le danger islamiste, en montrant que l’Algérie est du bon côté, qu’elle a toujours combattu le terrorisme, et en arguant du fait que c’est la France qui s’est alignée, pas l’inverse”. Cité par Christophe Lucet dans “L’Algérie de nouveau face à ses islamistes”, Sud Ouest, samedi 19 janvier 2012, p. 2.