"C’était l’Algérie" (2012)

mardi 1er avril 2014.
 
Interview réalisée par le journaliste Pierre Challier pour figurer dans une série d’articles intitulée "C’était l’Algérie", publiés par La Dépêche du Midi du 4 au 12 mars 2012, et reproduits sur le site de l’Amicale Pieds Noirs 47 (http://www.amicale-pieds-noirs-47.fr/etat_civil/le_cinquantenaire_la_depeche_page_1.html).

Interview par Pierre Challier, parue dans La Dépêche du Midi , 12 mars 2012.

-   Vous avez parlé de « cure d’amnésie » en France, concernant la guerre d’Algérie. Qu’en est-il, 50 ans après ?

Oui, il y a eu une cure d’amnésie en France, qui à partir de 1962 s’est concrétisée dans un ensemble de lois et de décrets d’amnistie, concernant la guerre d’Algérie et la guerre civile franco-française qui avait opposé les partisans de l’Algérie française à la majorité des Français. Cette « amnésie-amnistie » a duré jusqu’au procès de Maurice Papon, en 1997 à Bordeaux, car ce procès a provoqué l’interférence entre la mémoire de la deuxième guerre mondiale et celle de la guerre d’Algérie. Maurice Papon, cet homme qui avait participé à la déportation des Juifs de France, était aussi responsable, en tant que préfet de police de Paris, de la répression sanglante du 17 octobre 1961 contre les Algériens lors de la manifestation organisée à Paris par le FLN. Lionel Jospin et Jacques Chirac étaient d’accord pour dire qu’il était anormal d’avoir deux politiques mémorielles, une posture morale pour la deuxième guerre mondiale, mais le silence concernant l’Algérie. Le problème, aujourd’hui, c’est que personne n’est d’accord sur ce qu’il faut commémorer...

-   De fait, les Archives de France viennent de censurer l’article qu’elles vous avaient commandé sur la fin de la guerre d’Algérie et qui devait paraître dans le cadre des « Commémorations 2012 ». Vous y évoquiez notamment les exactions ayant suivi le 19 mars. Votre réaction ?

Le 19 mars 1962 _ne peut pas marquer la fin de la guerre, car à la différence du 11 novembre 1918, date de l’armistice et du 8 mai 1945, capitulation de l’Allemagne, il ne marque pas la fin des hostilités. Tenue à l’écart de la table de négociation lors des accords d’Évian, l’OAS a refusé la paix, mais aussi le FLN dont le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) avait pourtant signé les accords d’Évian, puis s’en est pris aux civils Français d’Algérie, et enfin le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) a désavoué les accords en votant le programme de Tripoli préparé par Ben Bella. Mon article a été censuré, car, selon moi, Paris et Alger, devant faire face à des élections cette année, élection présidentielle en France, élections législatives, en mai, en Algérie, les deux capitales veulent éviter toute manifestation extrémiste, en France notamment, autour de ce cinquantenaire. Or mon texte, factuel, n’a rien d’extrémiste. Mais la censure oublie toujours qu’il n’y a pas de mémoire juste sans une vraie histoire.

-   Les accords d’Évian étaient donc une « utopie », dites-vous ?

Oui, car ils étaient pratiquement mort-nés et ont fait l’objet d’un double sabotage de la part de l’OAS, qui ne reconnaissait pas la légitimité de De Gaulle, et de la fraction du FLN qui voulait le pouvoir. Du point de vue historique, l’OAS était un fait, ne pas en tenir compte ne pouvait pas déboucher sur une paix harmonieuse, puisque cela ne pouvait qu’aggraver la spirale de la violence avec le FLN. De plus, aujourd’hui encore, certains veulent toujours masquer la gestion chaotique que la France et l’Algérie ont eue de la fin de la guerre et de l’indépendance.

Propos recueillis par P.C.



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