Journée d’étude du 14 janvier 2011 à l’Université de Toulouse-Le Mirail : Histoire, mémoire, oubli ou justice ?
Rwanda 1994 : un défi pour l’histoire immédiate ? Ou : Vingt ans après, le génocide du Rwanda est-il déjà un sujet historique ?
Ces deux titres sont deux tentatives d’exprimer mon embarras après avoir lu les réflexions lumineuses de Jean-Pierre Chrétien, historien africaniste spécialisé dans l’Afrique des Grands Lacs, sur les redoutables défis que lui a posé le génocide commis en 1994 contre les Tutsis au nom de la supériorité des Hutus. Quand un tel crime de masse vient frapper des hommes, des femmes et des enfants dont il connaît personnellement certains depuis le début de ses recherches sur le terrain, un historien peut-il encore s’adonner sereinement à la pratique de l’histoire immédiate ? Jean-Pierre Chrétien s’est posé publiquement cette question à l’occasion du Rendez vous de l’histoire de Blois le 19 octobre 2003. Après avoir rappelé que l’évolution de la discipline historique avait réhabilité chez les historiens la notion d’histoire immédiate généralement niée au début du XXème siècle, en évoquant notamment Marc Bloch et Pierre Vidal-Naquet, il posait des questions troublantes :
“C’est sur le terrain africain que j’ai voulu ici vous faire part d’un certain nombre de réflexions, à partir d’une situation et d’une expérience, celle du génocide de 1994 au Rwanda et des problèmes d’information et d’analyse qu’il a posés. Ce défi ne s’adressait évidemment pas seulement à des historiens. Des politologues, des sociologues ou des anthropologues ont également été concernés par ces événements, pour ne parler que du champ de la recherche en sciences sociales. Mais c’est la position de l’historien spécialisé dans l’étude des sociétés africaines, avec les spécificités de ce que provisoirement j’appellerai ce terrain (un mot que je n’aime guère) qui nous retiendra ici. Elle implique trois questions : la situation même de la discipline historique sur ce domaine géo-culturel (le continent africain) ; la confrontation des mémoires induite par l’interprétation des responsabilités dans les crises d’un continent durablement dépendant des pays du Nord, en particulier du nôtre ; enfin les difficultés propres à la responsabilité des intellectuels face à des massacres de masse à l’âge de l’idéologie humanitaire [1].”
J’avais souhaité que Jean-Pierre Chrétien puisse participer à la journée d’étude du 14 janvier 2011 à Toulouse, et le profane que je suis hésite encore à traiter son sujet à sa place. Mais d’une part, le texte de son intervention intitulée « L’historien face aux crises du temps présent en Afrique : le génocide du Rwanda », est disponible depuis longtemps sous deux formes : sur le site internet du groupe de recherche MALD (Mutations africaines dans la longue durée) à l’Université de Paris-I [2], et en version imprimée [3]. D’autre part, le temps écoulé a peu a peu changé la perspective, et il vaut donc la peine de tenter une nouvelle approche peu après le vingtième anniversaire de ce terrible événement. Mais en tant que non-spécialiste de la question, même après m’être efforcé d’accumuler de la documentation sur le sujet, je me contenterai d’aligner des interrogations plutôt que des affirmations.
Les causes profondes du drame
La première de ces interrogations relève de la géographie humaine plus que de l’histoire. D’après les statistiques les plus récentes, le Rwanda est, parmi tous les Etats du continent africain, celui dont le nombre moyen d’habitants par km2 est le plus élevé : en 2013, un peu plus de 12 millions d’habitants sur 26.338 km2, soit 456 h/km2 [4]. Vingt ans plus tôt, la population du pays était comprise entre 7 millions et 7 millions et demi de personnes, et la densité aurait alors atteint 292 habitants par km2 en 1990 avant de redescendre à 229 en 1995 [5]. Le nombre de personnes massacrées durant les cent journées sanglantes d’avril à juillet 1994 est le plus souvent estimé à 800.000, voire un million, ce qui est énorme [6], et pourtant cette énorme perte a été rapidement effacée par une très forte croissance démographique (caractéristique encore actuelle de toute l’Afrique noire). Pour comparaison, rappelons que la Belgique, ancienne puissance mandataire, a une superficie légèrement plus grande (33.000 km2), mais que sa population dépassant les 10 millions d’habitants depuis 1991 et les 11 millions depuis 2011 s’accroît beaucoup plus lentement, et que sa densité moyenne (377 habitants par km2 en 2014) est aujourd’hui inférieure à celle du Rwanda. [7] Ces comparaisons, qui ont attiré depuis longtemps l’attention des géographes et des démographes, ont d’autant plus d’intérêt que la Belgique est un pays industrialisé depuis deux siècles, contrairement au Rwanda. Mais elles ne suffisent évidemment pas à identifier la cause première de cet événement tragique.
L’histoire nous apprend que le Rwanda est un vieil Etat africain qui existait bien avant l’arrivée des premiers européens venus pour imposer leur protectorat en 1894, à savoir les Allemands, remplacés par les Belges en tant que mandataires de la SDN en 1920. Selon Jean-Pierre Chrétien, « à grands traits, la société rwandaise se partageait, entre autres clivages, en trois grandes composantes héréditaires en voie patrilinéaire, les Tutsi plutôt éleveurs de gros bétail, les Hutu plutôt agriculteurs, les Twa plutôt chasseurs et potiers. En fait les activités des deux premières catégories s’étaient mêlées de manière complémentaire depuis longtemps et la cohabitation, si on peut imaginer au départ des mouvements de populations différentes, remontait sans doute à un millénaire. Mais ce partage de rôles se présentait encore au XIXe siècle avec une pertinence culturelle combinée avec l’enjeu du pouvoir, la dynastie régnante et l’aristocratie qui l’entourait étant issues essentiellement de grands lignages tutsi. L’imaginaire social, lié à la vache, principale richesse mobilière et objet de contrats sociaux multiples, privilégiait les Tutsi, en réalité surtout une étroite minorité de ceux-ci. La colonisation, allemande puis belge, a aussitôt joué de cette hiérarchie pour mettre en place un système d’administration indirecte. Mais surtout, dans la veine raciologique de l’époque, les Tutsi ont été assimilés à une race supérieure "hamitique" censée être venue d’Ethiopie à une date récente, et les Hutu au vrai peuple rwandais de race bantu [8]. »
Il me paraît utile d’ajouter que cette conception raciale de l’histoire n’était nullement un monopole de l’esprit allemand de la fin du XIXème siècle, car elle avait dominé l’historiographie française durant les deux siècles précédents. En effet, le comte de Boulainvilliers avait publié en 1727 un livre où il identifiait l’origine de la France à la conquête de la Gaule par les Germains qui lui avaient imposé leur domination et leurs institutions aristocratiques. D’autres auteurs allèrent dans le même sens, ou le réfutèrent, ou le modifièrent comme l’abbé Mably qui fit de la fusion des vainqueurs et des vaincus à l’époque de Charlemagne un vrai âge d’or constitutionnel dont la France aurait eu intérêt à s’inspirer [9]. Après la Révolution, ces « chimères historiques » continuèrent à inspirer des historiens comme Augustin Thierry qui entendait prouver « le rôle des races dans l’histoire », particulièrement en France où la noblesse franque avait fini selon lui par s’imposer aux Gaulois, son frère Amédée Thierry, ou encore Guizot, qui prétendait que les nobles étaient les descendants des Francs et les roturiers ceux des Gallo-Romains [10]. Elles furent abandonnées après la guerre de 1870-1871, quand les grands intellectuels français Renan et Fustel de Coulanges répondirent à leurs collègues allemands que les Alsaciens et Lorrains avaient le droit de refuser l’annexion de leurs provinces à l’Allemagne parce qu’ils voulaient rester français ; mais il serait intéressant de rechercher, si cela n’a pas déjà été fait, l’histoire complète du rapport idéologique entre race et nation qui a conduit à son application au Rwanda colonial.
En tout cas, comme l’a écrit Jean-Pierre Chrétien, « on connaît la suite : la frustration profonde des Rwandais hutu, la révolution dite "sociale" de 1959-61 et la proclamation de la République par le PARMEHUTU, censé représenter tous les Hutu et rapidement parti unique [11]. Dès lors les Rwandais tutsi deviennent une minorité tolérée, la moitié d’entre eux ayant dû fuir en exil, le restant devant faire profil bas et exposé à chaque crise politique intérieure (en 1963, 1973 et enfin au début des années 90 à servir de boucs émissaires tout désignés pour être de naissance les ennemis de "la démocratie", c’est-à-dire du pouvoir du "peuple majoritaire" [12]. » Autrement dit, depuis le renversement de la monarchie aristocratique Tutsi par les « démocrates » Hutu au tout début de l’indépendance (janvier 1961), la confusion entre la révolution prétendue « démocratique » et le renversement d’une ancienne « race » dominante a été totale dans le discours officiel des gouvernements rwandais.
Cette situation particulièrement nette est à comparer avec celle de l’Etat voisin qui avait partagé en gros la même histoire, le Burundi [13], ayant également accédé à l’indépendance en 1962. Mais, selon Jean-Pierre Chrétien, « à la veille de l’indépendance, la fameuse opposition entre Hutu et Tutsi, virulente au Rwanda, était pratiquement absente au Burundi, où les conflits concernaient essentiellement le rôle de différents lignages princiers. Le fils du roi, Louis Rwagasore, avait ainsi fondé un parti nationaliste, l’UPRONA (Union pour le progrès national) où l’on retrouvait unies toutes les catégories de la société. C’est son assassinat, en octobre 1961, après le succès au Rwanda d’une révolution qui avait mise en place une république dirigée par un parti exclusivement hutu, qui favorisa la montée des passions, ambitions ou peurs, suscitées par le modèle socio-racial venu du Rwanda. » Mais, contrairement au Rwanda, à travers une succession de coups de force et de massacres des deux côtés, les Tutsi ne furent pas chassés du pouvoir : ils s’y accrochèrent sous trois présidents militaires tutsi de 1966 à 1993 : « Tout se passait comme si le Burundi, piégé par l’ethnisme, devenait une sorte de Rwanda à l’envers », écrit Jean-Pierre Chrétien [14].
Les événements tragiques des années 1990
Mais dans les années 1990, l’histoire des deux Etats se rapprocha et s’entremêla davantage. Le 1er octobre 1990, le Front patriotique rwandais (FPR), une organisation armée créée par des Tutsis réfugiés de longue date en Ouganda, et aguerris par leur participation à la prise du pouvoir dans ce dernier pays par le président Yoweri Musoweni [15], envahit le Rwanda. Il fut arrêté par l’armée ruandaise conseillée par des missions militaires belge et française, mais continua son action sous la forme d’une guérilla. Or cette entrée en lutte armée avait été accélérée par une tentative de rapprochement entre le Rwanda et l’Ouganda, et par un début de réformes politiques annoncées par le général-président rwandais Juvénal Habyarimana le 5 juillet 1990 (jour anniversaire de son coup d’Etat du 5 juillet 1973). L’offensive du FPR, une semaine après la nomination de la Commission nationale de synthèse sur les réformes politiques, n’arrêta pas le processus de réformes, au contraire il l’accéléra. Une nouvelle Constitution préparée par la Commission nationale fut promulguée le 10 juin 1991, et les premiers partis d’opposition furent autorisés en juillet. Après de longues négociations et de grandes manifestations, un gouvernement de transitions rassembla quatre nouveaux partis avec l’ancien parti unique le 16 avril 1992. Ce gouvernement se donnait une année pour négocier la paix avec le FPR, régler le problème des réfugiés et préparer des élections à tous les niveaux. Mais simultanément, du côté des extrémistes hutu, des violences visant les opposants et plus largement les Tutsi tentaient de saboter le processus des réformes. Elles venaient de l’Akazu (la famille du président ou plutôt de son épouse), du parti extrémiste hutu appelé « Coalition pour la défense de la république », du journal Kangura et de la Radio-télévision libre des mille collines, enfin de l’ancien parti unique et de ses milices [16].
Pendant ce temps, observe Jean-Pierre Chrétien, le Burundi donnait l’exemple d’un apaisement des conflits ethniques : le président tutsi Pierre Buyoya « confia un gouvernement paritaire au Hutu Adrien Sibomana ; une Charte de l’unité, rédigée par une commission mixte et adoptée par référendum en février 1991, condamna ‘toute discrimination ou exclusion’ ; une Constitution pluraliste fut adoptée en mars 1992. Les élections de juin 1993 portèrent alors au pouvoir Melchior Ndadaye et son parti le FRODEBU (Front pour la démocratie au Burundi). Le nouveau président, pourtant hutu, constitua un gouvernement composé d’un tiers de Tutsi, présidé par une technocrate issue du parti UPRONA. Il affirma son intention de guérir le pays de sa ‘maladie ethnique’ » [17]. Ce processus de démocratisation pacifique fut néanmoins contrarié par des provocations venues du Rwanda, partagé entre un courant favorable à la négociation avec le FPR et un courant radical partisan du maintien d’un pouvoir hutu sans partage. Dès novembre 1991 au Burundi, un parti hutu extrémiste avait organisé des raids terroristes avec le soutien de ses homologues rwandais.
Pourtant le 4 août 1993, le président rwandais Juvénal Habyarimana, accepta de signer avec le FPR les accords d’Arusha (Tanzanie) qui prévoyaient le retour des réfugiés tutsi et la réintégration du FPR dans le jeu politique, avec un gouvernement présidé par une Hutu modérée, et sous la supervision de la Mission des Nations-Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR). C’était la fin de l’ancienne dictature militaire. Ainsi, la voie de la paix par la démocratisation, d’abord empruntée par le Burundi, semblait triompher dans les deux pays.
Mais quelques mois plus tard, ce processus pacifique fut brutalement interrompu. D’abord au Burundi, où le président Ndadaye fut renversé et assassiné par des militaires dans la nuit du 20 au 21 octobre 1993. Même si deux jours plus tard le groupe des putschistes, confronté à l’hostilité de la société burundaise et à la réprobation internationale, se disloqua, le pouvoir légitime avait été décapité, à l’exception de quelques ministres qui se réfugièrent à l’ambassade de France ou au Rwanda sous la protection du président Habyarimana. Mais surtout, selon Jean-Pierre Chrétien, « dès le lendemain de la mort de Ndadaye, des massacres de Tutsi éclatèrent dans différentes régions du pays, notamment au nord et au centre. Une ‘colère populaire’ organisée par des autorités locales hutu en représailles du meurtre du président : routes barrées, bandes de jeunes militants équipés de machettes, exécution de familles entières, tri ethnique et tueries dans des écoles. Les paysans tutsi (et aussi des Hutus considérés comme ‘complices’) furent pris en otages et tués. L’armée intervint ici et là pour protéger des Tutsi menacés, mais son action prit souvent la forme d’une autre vague de représailles, cette fois contre les Hutu. En quelques mois, la crise aurait fait au moins 100.000 victimes » [18].
Puis quelques mois plus tard, le soir du 6 avril 1994, l’avion français revenant d’Arusha qui transportait le président du Rwanda Juvénal Habyarimana et son collègue du Burundi Cyprien Ntayamira fut abattu par un missile à son arrivée à l’aéroport de Kigali. Le colonel Bagosora accusa le FPR - dont un bataillon était présent dans la capitale depuis décembre 1993 - et organisa la riposte, durant laquelle le Premier ministre Agathe Uwilingiyimana fut tuée à son domicile, et les dix Casques bleus belges qui la protégeaient enlevés puis assassinés dans le camp militaire de Kigali. Sous prétexte de venger l’assassinat du président, un gigantesque massacre de Tutsi et de leurs amis Hutu fut méthodiquement organisé dans tout le pays, et prit en quelques mois les proportions d’un génocide correspondant à la définition de la Convention internationale pour la répression du crime de génocide à laquelle le Rwanda avait adhéré en 1975 [19]. Et ce crime massif se développa d’autant plus librement que le Conseil de sécurité des Nations-Unies, le 21 avril, avait voté à l’unanimité la réduction de la MINUAR à une force symbolique de 270 hommes. Pourtant, la France et la Belgique, dès le 9 et le 10 avril, avaient envoyé sur place des troupes d’élite, un millier d’hommes qui, avec les 450 membres des commandos belges de la MINUAR, auraient pu s’opposer aux massacres, mais ils s’étaient contentés d’évacuer les étrangers et quelques rares Rwandais (notamment toute la famille du président Habyarimana). L’ONU attendit jusqu’au 8 juin pour dénoncer par la résolution 925 du Conseil de sécurité des « actes de génocide ». La France intervint beaucoup trop tard en envoyant, le 22 juin, une opération militaire humanitaire appelée Turquoise, qui s’interposa entre l’armée rwandaise en fuite et ses ennemis jusqu’au 22 juillet. La solution vint donc du FPR qui avait aussitôt repris la guerre et qui vint à bout de ses ennemis en prenant Kigali le 4 juillet et Gisenyi le 17 juillet. Un cessez-le-feu fut proclamé le 18 juillet et un gouvernement d’union proclamé le 19 [20].
Le bilan du génocide est généralement estimé à 800.000 civils [21], voire plus d’un million [22], massacrés dans des conditions atroces en une centaine de jours. La plupart furent assassinés avec leurs familles entières, par des voisins, des camarades ou des proches avec des armes improvisées (machettes, pioches, gourdins, etc) [23]. Comme le remarque l’historienne Hélène Dumas, « au Rwanda, les gens parlent la même langue, vivent sur la même colline, ont été éduqués dans la même religion chrétienne et les mariages « mixtes » entre Hutu et Tutsi n’ont rien d’exceptionnel. On a massacré dans les églises, l’assassin tuant son coparoissien aux côtés duquel il priait une semaine avant. Des instituteurs ont tué leurs élèves, des parents leurs neveux, etc. Le meurtre dans une proximité aussi intime, c’est inouï » [24]. En effet, on note avec stupéfaction que 40% des victimes ont été assassinées dans des édifices religieux, et que des membres du clergé ont participé aux massacres, dans un pays chrétien à 90%, où le pape Jean-Paul II avait été reçu en septembre 1990 [25].
Qui est responsable du désastre ?
Depuis plus de vingt ans, le génocide du Rwanda est resté une question actuelle, par laquelle le monde entier se sent interpellé. La Commission des droits de l’homme de l’ONU a publié des rapports d’enquête [26], ainsi que l’OUA (Organisation de l’unité africaine) [27]. Le nouveau gouvernement rwandais a accepté d’insérer son traitement judiciaire dans un cadre international, celui du Tribunal pénal international (TPIR) créé à Arusha (Tanzanie) le 8 novembre 1994. D’autre part, la Belgique et d’autres Etats, dont la France, ont décidé de juger eux-mêmes des accusés arrêtés sur leur territoire au nom de la compétence universelle. Cette situation contraste avec celle du Burundi, qui n’avait pas suivi son voisin jusqu’au bout dans la même dérive meurtrière, et qui a opté le 28 août 2000, par les accords d’Arusha, pour une tentative de conciliation entre la voie judiciaire choisie par le Rwanda et la voie de l’amnistie réciproque initiée par l’Afrique du Sud avec sa loi « Vérité et réconciliation » [28].
En effet, au Burundi, les deux camps avaient commis alternativement des crimes collectifs. Au contraire au Rwanda, le génocide avait été commis par un seul des deux camps, car même s’il est vrai que le FPR avait lui aussi commis des massacres, on ne peut lui reprocher d’avoir voulu anéantir les Hutu. Filip Reyntjens reconnaissait en 1994 « le nombre élevé de disparitions, d’assassinats et même de massacres perpétrés par l’APR », au Burundi et dans les provinces du Congo où se sont réfugiés les vaincus ; et de nombreux observateurs ont regretté que le Tribunal international d’Arusha ait diminué sa crédibilité en excluant de fait de sa compétence les crimes commis par les vainqueurs [29]. C’est aussi l’avis du magistrat français Antoine Garapon, qui regrette que la justice internationale ait exclu les crimes commis par le FPR : « Pour réels qu’ils soient, ces derniers ne peuvent être confondus avec le génocide, projet d’extermination radicale et totale de la communauté tutsi. Ceux qui ont interdit au TPIR de faire la lumière sur les crimes du FPR se trompent, car un travail de la justice sur les deux fronts aurait renforcé son crédit et son impartialité. Peut-être était-ce aussi parce que les autorités de Kigali ne l’auraient pas supporté et auraient cessé toute coopération avec le TPIR » [30].
Et pourtant, l’œuvre accomplie par les tribunaux internationaux et nationaux au Rwanda est très loin d’être négligeable. Le TPIR a jugé un nombre limité d’accusés, mais particulièrement importants, appartenant à quatre catégories : politiques, religieux, militaires et hommes de médias. Au 1er janvier 2014, il a prononcé une cinquantaine de condamnations définitives, acquitté douze accusés, et il lui reste plus d’une quinzaine de dossiers à juger en appel. On pourrait lui reprocher de ne pas avoir mené les enquêtes qui auraient permis de mieux identifier les processus de décision, mais il laissera aux historiens plus de 900.000 pages d’auditions [31].
Quant aux tribunaux rwandais, ils ont innové en créant un nouveau type de juridiction adapté à l’ampleur des crimes commis, les tribunaux populaires que l’article de L’Histoire cité plus haut présente ainsi : « Entre 2002 et 2012, 12.103 juridictions gacaca composées de 138.505 juges ont instruit et jugé 1,9 millions de dossiers. La majorité des condamnations concerne les pillages ; 800.000 personnes ont été reconnues coupables de participation directe aux tueries et aux viols. La plupart, condamnée à des peines alternatives à l’emprisonnement, est retournée vivre sur leurs collines. Aujourd’hui, près de 40.000 personnes purgent encore une peine : trois fois moins qu’en 1999 où plus de 120.000 prisonniers attendaient leur jugement, le Rwanda détenant alors le record mondial de densité carcérale » [32].
D’autre part, le principe de compétence universelle reconnu par la résolution 955 du Conseil de sécurité créant le TPIR [33] a été appliqué par plusieurs Etats étrangers au Rwanda sur leur propre territoire.
En Belgique, où la démission du gouvernement face à la violence inouïe de la crise ruandaise avait précipité le désastre, de nombreux journalistes et intellectuels ont rappelé l’Etat belge à ses devoirs. Le Sénat a procédé à une grande enquête dont le rapport [34] a été publié le 6 décembre 1997. Le premier procès d’accusés rwandais pour actes de génocide, en application de la loi du 16 juin 1993 qui retenait la compétence universelle des tribunaux belges, s’ouvrit en avril 2001 [35]. Les accusés étaient un professeur d’université, un patron d’usine, et deux religieuses. En 2010, un autre procès fut intenté par deux rescapés du génocide contre l’Etat belge et trois de ses militaires servant dans la MINUAR pour avoir laissé massacrer plus de 2.000 réfugiés.
En France, peut-être plus que partout ailleurs, des polémiques ont opposé entre eux les journalistes, les militants humanitaires, les intellectuels, les militaires et les politiques. Comme l’expliquent les journalistes du Monde ChristopheAyad et Philippe Bernard dans leur article intitulé « Rwanda,une passion française » [36], ces polémiques « ont fini par dessiner deux camps inconciliables, porteurs, chacun, d’une vision du rôle et de la place de la France en Afrique, dans le monde et dans l’histoire. Toutes proportions gardées, l’affaire rwandaise évoque la guerre d’Algérie. Elle soulève des questions comparables : l’articulation entre l’Etat républicain et l’armée ; l’euphémisation d’une véritable guerre coloniale, en « opérations du maintien de l’ordre » (Algérie) ou en « soutien à un régime ami attaqué par des rebelles » (Rwanda) ; la rivalité avec les Anglo-Saxons sur le continent africain, connue sous le nom de « syndrome de Fachoda » (...). Immenses tragédies humaines, les deux événements ont aussi en commun de s’être achevés en fiasco, par une sévère perte d’influence de Paris dans l’une de ses zones stratégiques. Enfin, un acteur majeur traverse les deux périodes : François Mitterrand. Ses ambiguïtés et ses zones d’ombre, en Algérie comme au Rwanda, brouillent la classique division gauche-droite, d’autant que la tragédie rwandaise est survenue en pleine cohabitation ». Et les mêmes auteurs schématisent ainsi les deux camps : « les anti-Kagamé regroupent les tenants d’une France civilisatrice et sans reproche, assiégée par l’impérialisme anglo-saxon, chargée d’une mission particulière en Afrique. Les tenants de la responsabilité de la France dans le génocide rwandais insistent, au contraire, sur la tradition contre-insurrectionnelle de son armée, de l’Indochine au Rwanda en passant par l’Algérie et le Cameroun (...), mais aussi sur la complaisance de ses élites politiques envers le fait colonial ou son avatar contemporain, la Françafrique ».
En effet, l’ancien ministre de l’Intérieur de Pierre Mendès-France et ministre de la Justice de Guy Mollet, devenu président de la République en 1981, était soupçonnable d’avoir voulu rattacher le Rwanda à la « Françafrique » depuis son premier voyage officiel dans le pays en 1982, et d’avoir voulu le protéger de la subversion menée par le FPR depuis ses bases de l’Ouganda. La cohabitation avec le gouvernement d’Edouard Balladur depuis 1993 n’écartait pas le soupçon d’avoir continué à vouloir appliquer la même politique à travers des moyens occultes [37]. Ce qui permettait de distinguer plusieurs politiques françaises contradictoires en 1994 : celle du président de la République, celle du Premier ministre, voire celle de l’ancien ami du second et futur successeur du premier Jacques Chirac ? [38]
En tout cas, les autorités françaises mirent beaucoup de temps à répondre à toutes ces interrogations et contestations. Il fallut attendre le retour de la gauche au gouvernement sous la présidence Chirac en 1997 pour que la nouvelle majorité décide la création d’une mission d’information parlementaire sur le Rwanda, qui rendit son rapport le 15 décembre 1998 après huit mois d’enquête [39]. C’est aussi en 1998 que l’enquête judiciaire sur l’assassinat du président Habyarimana fut confiée au pôle anti-terroriste français (puisque l’avion Falcon offert par la France au président Ougandais avait un équipage français). Le juge Bruguière suivit l’hypothèse de la responsabilité du FPR (dont un contingent était présent à Kigali en vertu des accords d’Abuja) dans la destruction de l’avion présidentiel, consacrant ainsi l’idée d’une co-responsabilité des deux camps dans le désastre final. En novembre 2006, il mit en accusation neuf proches du chef de l’Etat rwandais, ce qui entraîna la rupture des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France. Dans ce contexte, les polémiques redoublèrent. D’un côté, le journaliste du Figaro Patrice de Saint-Exupéry, dénonça dans un pamphlet au vitriol, L’inavouable, la France au Rwanda (2004), réédité et complété en 2009 sous le titre Complices de l’inavouable, les complices français des crimes commis au Rwanda. De l’autre, le journaliste d’investigation Pierre Péan publia également en 1994 Noires fureurs, blancs menteurs, où il dressait lui aussi une liste de « menteurs » ayant induit en erreur l’opinion publique, et comparaît Paul Kagamé au « Führer (...) devenu directeur de Yad Vashem, le musée de la Shoah », puis en 2010 Carnages, les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique. L’un des chefs militaires français mis en cause par le premier, le général Didier Tauzin, porta plainte en diffamation contre lui et s’appuya largement sur les deux livres du second dans son propre livre publié en 2011, Rwanda, je demande justice pour la France et ses soldats. [40]
Mais entre temps le nouveau président Nicolas Sarkozy avait renoué les relations diplomatiques avec le Rwanda, en s’y rendant le premier en février 2010, pour reconnaître « de graves erreurs d’appréciation, une forme d’aveuglement » pendant le génocide [41], puis en accueillant le président rwandais à Paris en septembre 2011, malgré les protestations du général Lafourcade, ancien commandant de l’opération Turquoise, qui depuis 2008 était menacé de poursuites judiciaires au Rwanda comme 20 officiers et 13 responsables politiques français, dont le ministre des affaires étrangères Alain Juppé [42]. Le juge Marc Trévidic, succédant au juge Bruguière à la tête du pôle anti-terroriste, s’était rendu au Rwanda en septembre 2010 pour y mener sur place une expertise balistique, dont les résultats furent connus en novembre. Les résultats rendus publics le 10 janvier 2012 inversèrent les conclusions admises jusque-là : selon les experts, et selon plusieurs témoignages auparavant négligés, les tirs de missiles étaient partis très vraisemblablement du camp militaire de Kanombe, mitoyen de la résidence du président Habyarimana. Selon la journaliste Laure de Vulpian, qui a eu accès au dossier d’instruction, « on doit maintenant considérer que l’attentat et le génocide forment un tout et constituent un ensemble cohérent. Ils sont le fruit d’une stratégie unique, échafaudée en vue d’un même but, avec les mêmes commanditaires et les mêmes concepteurs. On peut même imaginer que l’attentat a été pensé comme un moyen de lever les inhibitions du « peuple majoritaire » et, ainsi, de faire croire à un « génocide spontané », comme si les Hutus se devaient tous de venger la mort de leur président. [43] » Puis le 4 février 2014, le premier procès pour crime de génocide instruit et jugé par une juridiction française s’ouvrit devant la cour d’assises de Paris, celui de l’ancien capitaine de gendarmerie Pascal Simbikangwa, arrêté à Mayotte en 2008, qui fut condamné à 25 ans de réclusion le 14 mars 2014.
En dépit de ces coup de théâtre, le président Kagamé ne saisit pas l’occasion qui lui était offerte de se montrer magnanime à l’occasion du vingtième anniversaire du génocide en avril 2014 : tout au contraire, il répéta ses accusations contre la France, de vouloir faire oublier ses responsabilités : « Vingt ans après, le seul reproche admissible à ses yeux est celui de ne pas en avoir assez fait pour sauver des vies pendant la génocide. C’est un fait, mais cela masque l’essentiel : le rôle direct de la Belgique et de la France dans la préparation politique du génocide et la participation de cette dernière à son exécution même » [44]. Un communiqué du Quai d’Orsay protesta que « ces accusations sont en contradiction avec le processus de dialogue et de réconciliation engagé entre les deux pays », et annonça l’annulation du voyage à Kigali de la garde des sceaux Christiane Taubira qui devait représenter la France [45].
Dans ces conditions, les polémiques n’ont pas cessé en France. Dans Le Monde du 9 avril, la page Décryptages (p. 16) posait la question « Paris a-t-il une part de responsabilité dans le génocide rwandais ? » et laissait le lecteur choisir entre les deux réponses opposées : la négative étant formulées par l’ancien président de la mission d’information sur le Rwanda de 1998 Paul Quilés, selon lequel il fallait « en finir avec les accusations aberrantes (...) L’examen des faits, seule façon de répondre à des accusations ignominieuses, a dégagé fermement la France de toute implication dans l’exécution du génocide » ; et l’affirmative par les enseignants et chercheurs Raphaël Doridant et Charlotte Lacoste, qui dénonçaient avec des arguments précis « la persistante occultation des responsabilités françaises ». Une semaine plus tard, le 16 avril, Philippe Bernard expliquait dans la rubrique Analyses (p. 18) : « Ruanda : pourquoi il faut ouvrir les archives » : « Comme pour Vichy dans les années 1970, le renouveau de l’histoire de la France au Rwanda pourrait provenir d’une nouvelle génération de chercheurs très exigeants, y compris pour obtenir l’ouverture prometteuse des archives de leur propre pays ». Le 30 août 2014, Guillaume Ancel, ancien officier de l’armée de terre, dresse la liste des questions qui se posent encore sur les objectifs de l’intervention militaire française : « Pour répondre à ces questions, il me semble utile qu’une commission d’enquête puisse faire la lumière sur le rôle de la France dans le drame rwandais et les responsabilités qui incombent aux décideurs de l’époque, en s’appuyant sur l’ouverture complète des archives » [46]. Mais en septembre 2014 le capitaine Paul Barril, mis en cause par certains auteurs pour son rôle occulte au service de Madame Habyarimana, a publié une contre-attaque vigoureusement argumentée et documentée ; il maintient que le FPR était seul à posséder les fusées utilisées contre l’avion du président rwandais, et présente un acte d’accusation contre les actes implacablement préparés et exécutés depuis 1990 par Paul Kagamé afin de prendre le pouvoir et d’en profiter en éliminant tous ceux qui remettent en cause sa responsabilité dans l’attentat du 6 avril 1994 [47]. Puis l’Elysée a décidé le 7 avril 2015 de rendre enfin publics les documents des archives françaises concernant le Rwanda, décision saluée par des commentaires divers [48].
Les historiens ont-ils donc pu échapper à ces divisions pour établir même schématiquement une vérité historique provisoire ? Il semble bien que non. En effet, comme Christophe Ayad et Philippe Bernard l’avaient déjà signalé dans Le Monde du 27 janvier 2012 (p. 23), la communauté scientifique s’était déchirée, ses membres s’engageant dans des directions différentes. Deux ans plus tard, pouvons-nous encore tirer la même conclusion, à savoir que, vingt ans après, le temps de l’histoire impartiale ne serait pas encore venu ? Peut-être pas, si nous retenons l’avis d’une jeune historienne spécialiste de ce sujet tragique, Hélène Dumas. Interrogée dans Le Monde du 8 avril 2014 sur les raisons pour lesquelles elle a choisi de travailler sur des sources orales, elle a répondu ainsi : « L’intérêt pour le travail de terrain (...) ne m’est pas personnel. Il est la marque d’une nouvelle génération de chercheurs. Au moment du génocide, j’étais âgée de 12 ans. A l’image de mes confrères - les historiens Rémi Korman, Ornella Rovetta, Pierre Benetti et l’anthropologue Violaine Baraduc - nous avons découvert le Rwanda avec et par le génocide. Et ce, contrairement à nos prédécesseurs, historien africanistes, spécialistes de l’Afrique des Grands Lacs, qui, à de rares exceptions près, ont été pris de court par la tragédie de 1994. La plupart d’entre eux ont été happés par les controverses politiques, qui font écran au travail académique, à l’enquête de terrain et donc à la connaissance du génocide » [49]. Cette réponse nous permet, peut-être, de continuer à croire encore dans la possibilité d’une histoire immédiate, ou presque immédiate des événements les plus ardemment controversés.
Guy Pervillé
[1] Jean-Pierre Chrétien, « L’historien face aux crises du temps présent en Afrique : le génocide du Rwanda » , p 1.
[2] http://mald.univ-paris1.fr/ressources/methodo/Blois_jpc.htm.
[3] Les Rendez-vous de l’Histoire Blois 2003, L’Afrique, Nantes, Pleins Feux, 2004, pp. 81-101.
[4] http://www.statistiques-mondiales.com/rwanda.htm.
[5] http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/RWA/fr/EN.POP.DNST.html.
[6] Je n’ai pas trouvé d’indication de la méthode qui a permis d’établir de tels bilans.
[7] http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/BEL/fr/EN.POP.DNST.html
[8] J.P. Chrétien, op. cit., p 5.
[9] Jean-Maurice Bizière et Pierre Vayssière, Histoire et historiens, Antiquité, Moyen-Age, France moderne et contemporaine, Paris, Hachette Supérieur, 1995, pp 119-121.
[10] J-M. Bizière et P. Vayssière, op. cit., pp 129-130.
[11] Parti fondé par Grégoire Kayibanda, président de la République de 1961 à 1973.
[12] J.P. Chrétien, op. cit., p 5.
[13] Le Burundi a en 2014 une population (plus de 10 millions d’habitants) et une densité moyenne (354 habitants par km2) inférieures à celle du Rwanda sur une superficie très voisine (27.834 km2). Là aussi, la forte croissance de la population est préoccupante. Le président Nkurunziza a déploré une mauvaise situation qui fait que les frères et sœurs se battent pour un lopin de terre et vont jusqu’à s’entretuer. “Les petits-fils et les arrières petits-fils se lassent de voir vivre les arrières grands-parents et vont jusqu’à leur ôter la vie arguant qu’ils ont tardé à leur laisser la place. C’est une grande honte !”, s’est-il écrié. Source : Afrique en Ligne - 18.12.2010, cité par le site Géopopulation : “Démographie Burundi : la population a double au cours de ces 29 dernières années” (http://www.geopopulation.com/20110308/demographie-burundi-la-population-a-double-au-cours-de-ces-29-dernieres-annees/).
[14] Dans son article « Burundi 1993 : le miroir rwandais ? », L’Histoire n° 392, octobre 2013, pp. 22-23.
[15] Les réfugiés tutsi du Rwwanda lui avaient fourni le quart de ses troupes dans sa conquête du pouvoir entre 1981 et 1986. Voir l’article de Jean-Philippe Rémy, « Paul Kagamé, le guérillero devenu le maître des Mille Collines », in « Le Rwanda vingt ans après », Cahier du Monde, 8 avril 2014, p IV.
[16] Résumé et analyse des faits d’après Filip Reyntjens, « Rwanda, les dessous d’un génocide », Encyclopedia universalis, Universalia 1995, pp 284-287.
[17] Ibid., p. 23.
[18] Ibid., p. 22.
[19] « Actes ( ...) commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ».
[20] Filip Reytjens, Ibid., pp 284-287.
[21] Estimation retenue notamment par le rapport de la commission indépendante d’enquête sur les actions de l’Organisation des Nations-Unies lors du génocide de 1994 au Rwanda, 15 décembre 1999, p. 3 (http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp ?symbol=S/1999/1257).
[22] Selon le ministère rwandais de l’administration du territoire à l’issue d’un recensement effectué en juillet 2000 (« Rwanda/génocide : plus d’un million de morts : bilan officiel », http://reliefweb.int/report/rwanda/rwandagénocide-plus-dun-million-de-morts-bilan-officiel). Pour un essai d’analyse critique des bilans le plus souvent cités, voir le site Aujourd’hui (http://rwanda94.pagesperso-orange.fr/sitepers/dosrwand/aujou.html) de Michel Ognier.
[23] Hélène Dumas, « Le génocide des voisins », L’Histoire, n° 386, février 2014, pp 48-57.
[24] Questions à Hélène Dumas, Le Monde, 8 avril 2014, p. VII.
[25] Ce qui différencierait le cas rwandais de ceux des Arméniens et des juifs, dans lesquels une différence de religion traditionnelle avait facilité la tâche des exécutants turcs et allemands de ces génocides. Mais le capitaine Barril, dans son livre Paroles d’honneur. La vérité sur les génocides au Rwanda, Paris, coédition Télémaque et L’essor de la gendarmerie nationale, 2014, 246 p, publie une liste de 108 prêtres catholiques assassinés par l’APR, pp. 229-235.
[26] Références données sur le site de la Commission d’enquête citoyenne pour le Ruanda, http://cec.rwanda.free.fr/documents/rapports.html.
[27] Rapport sur le genocide au Rwanda, mai 2000, 295 p. (http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/1472 v Rapport_sur_le_genocide_au_Rwanda.pdf).
[28] Voir dans le même dossier mon autre article intitulé « Histoire, mémoire, oubli ou justice ? » .
[29] Voir dans le Cahier cité du Monde, 8 avril 2014, les articles de Cyril Bensimon p. I (« Le Rwanda, vingt ans après »), et de Stéphanie Maupas p. V (« Un tribunal international qui réplique une justice de vainqueurs »).
[30] Antoine Garapon, « Un laboratoire de justice », L’Histoire, n° 396, février 2014, p. 63.
[31] Ibid., pp. 63-64.
[32] Ibid., p. 65.
[33] Voir le site « Procès génocide Rwanda » : http://proces-genocide-rwanda.fr/
[34] Voir le rapport fait au nom de la commission d’enquête par Mm. Mahoux et Verhofstadt (http://www.senate.be/www/ ?MIval=/publications/viewPubDoc&TID=16778570&LANG=fr).
[35] Voir La libre Belgique du 16 avril 2001 : http://www.lalibre.be/actu/international/le-genocide-rwandais-devant-les-assises-belges-51b87200e4b0de6db9a5b05c.
[36] Le Monde, 27 janvier 2012, pp. 22-23. Voir aussi dans Le Monde du 8 avril 2014, p VI, l’article de Catherine Simon, « Une histoire écrite à vif et ternie par les controverses ».
[37] Notamment l’action discrète du capitaine Barril, qui est mise en cause dans le livre de Benoît Collombat et David Servenay, Guerres secretes au Rwanda, “Au nom de la France”. 20 ans après le génocide, ce que les Français doivent savoir. Paris, La découverte, 2014.
[38] “On dit ‘la France, la France’, mais c’est surtout un petit groupe autour de François Mitterrand”, rappelle l’historien rwandais José Kagabo, membre de la commission d’enquête rwandaise Mucyo. « Dessiner le périmètre des responsabilités des uns et des autres permettra d’arrêter de stigmatiser la France dans son ensemble”. Cité par Benoît Collombat et David Servenay, op. cit., pp. 302-303.
[39] Voir le rapport n° 1271, enregistré le 15 décembre 1998, déposé par la mission d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées et de la commission des affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994 (président Paul Quilès, rapporteurs Pierre Brana et Bernard Cazeneuve, députés) : http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp. Voir aussi l’article de Pierre Brana, « Enquête sur les responsabilités de la France », dans L’Histoire n° 396, février 2014, pp. 58-61.
[40] Editions Jacob Duvernet, mars 2011. Dans Le Monde du 13 septembre 2011, p. 19, les universitaires Hélène Dumas et Stephen Smith lui ont opposé les témoignages très différents d’autres militaires : « La vérité doit être enfin faite sur l’engagement français au Rwanda. Mieux vaut écouter les hommes du rang que les rodomontades des gradés ». Voir aussi l’interview du capitaine Guillaume Ancel par Philippe Bernard, « La France a une part de responsabilité dans le drame rwandais », Le Monde, 9 avril 2014, p.2.
[41] Phrase qui provoqua des réactions négatives d’Alain Juppé (“On nous dit qu’au Rwanda la France aurait commis une faute politique. C’est trop ou trop peu. De quelle faute s’agit-il ? Il faut l’expliquer !”), et d’Edouard Balladur (“Il n’y a pas eu de faute politique de mon gouvenrnement”). Cité par Benoît Collombat et David Servenay, op. cit. p. 298.
[42] Philippe Bernard, « Les retrouvailles calculées de Kigali et de Paris, La France reçoit le président du Rwanda, en mal d’alliés, pour reprendre pied dans la région des Grands Lacs », Le Monde, 11 et 12 septembre 2011, p. 4.
[43] « Rwanda, l’attentat et le génocide », entretien avec Laure de Vulpian, L’Histoire n° 375, mai 2012, pp. 78-81. Voir aussi « France-Rwanda : l’enquête de la discorde », par Christophe Ayad et Philippe Bernard, dans Le Monde, 6 et 7 avril 2014, p. 2
[44] Interview accordée à Jeune Afrique, citée dans l’article de Cyril Bensimon, Philippe Bernard et Jean-Philippe Rémy, “Le Rwanda exclut la France des commémorations du génocide de 1994. Rompant avec une volonté d’apaisement, Kigali accuse Paris d’avoir participé aux massacres”, Le Monde, 8 avril 2014, p. 4.
[45] Ibid.
[46] Guillaume Ancel, “Ex-soldat français au Rwanda, j’exige de la France la vérité sur le génocide”, Le Monde , 30 août 2014, p. 15.
[47] Capitaine Paul Barril, Paroles d’honneur. La vérité sur les génocides au Rwanda, Paris, coédition Télémaque et L’essor de la gendarmerie nationale, 2014, 246 p.
[48] Voir notamment dans Le Monde du 7 avril 2015, « L’Elysée déclassifie ses archives sur le génocide rwandais », http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/04/07/l-elysee-declassifie-ses-archives-sur-le-genocide-rwandais_4611206_3212.html
[49] Le Monde, 8 avril 2014, p. VII.