Présentation du livre de Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé , Université de Toulouse-Le Mirail, 5 mai 2010
Je ne suis pas spécialiste du conflit israélo-palestinien et israélo-arabe, mais depuis longtemps j’estime nécessaire d’en parler à mes étudiants pour ne pas leur laisser croire que les historiens n’ont rien à dire sur des sujets conflictuels et inachevés, relevant de l’histoire immédiate. C’est pourquoi j’ai mis au point et complété depuis 1987 un cours qui a pris tant d’ampleur que j’ai fini par le rédiger sous la forme d’un article destiné aux professeurs de l’enseignement secondaire, et qui a été publié l’an dernier par la revue de l’association des professeurs d’histoire et de géographie, Historiens et géographes [1]. C’est à ce titre que le livre de l’historien israélien Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, m’a particulièrement intéressé, car il a suscité des polémiques très vives et mérite un débat serein. Mais parce que je ne me considère pas comme un vrai spécialiste, je voudrais simplement vous aider à suivre le fil conduisant du début à la fin de ce livre passionnant, en vous faisant part de mes réactions.
Shlomo Sand est un historien israélien, originaire de Pologne, né en 1946 dans un camp de réfugiés en Autriche, et dont les parents ont rejoint Israël en 1948. Après l’expérience de la guerre des six jours en juin 1967, il a milité dans les rangs de l’extrême-gauche israélienne, puis il a rejoint Paris pour y compléter ses études universitaires, en soutenant un mémoire de maîtrise sur Jean Jaurès puis une thèse sur Georges Sorel, sous la direction de Madeleine Rébérioux. Retourné en Israël, où il devenu professeur à l’Université de Tel Aviv en 1985, il s’est spécialisé dans l’histoire du cinéma, celle des intellectuels, et plus récemment celle du peuple juif. Mais la publication de son livre, Comment le peuple juif fut inventé, en 2008, d’abord en hébreu puis traduit en plusieurs autres langues [2], a suscité des réactions très partagées, voire des polémiques très véhémentes. Nous essaierons de comprendre pourquoi.
Ce livre est publié sous un titre provocant, suggérant que ce « peuple » n’a pas toujours existé et qu’il est une invention récente. Impression renforcée par le grand point d’interrogation en bleu foncé qui se distingue sous les lettres blanches du titre et sur un fond noir. La page de garde ajoute un sous-titre : « De la Bible au sionisme ». On peut deviner qu’il s’agit d’un ouvrage iconoclaste, visant à semer le doute sur la validité de l’histoire sioniste du peuple d’Israël, officielle dans l’Etat qui porte ce nom. Mais ce n’est pas exactement une contre-histoire au sens d’un nouveau récit prétendant réfuter le récit officiel : c’est une réflexion historiographique, épistémologique, critiquant sévèrement la validité de l’histoire sioniste. Réflexion mise au service d’une finalité politique, au meilleur sens du terme, qui conclut à la nécessité de renoncer aux illusions du sionisme pour tenter de sauver la dernière chance des Israéliens de vivre à égalité avec les Palestinien dans le pays qu’ils considèrent, les uns et les autres, comme le leur.
Il a suscité des réactions très diverses, dont voici quelques exemples concernant l’édition française. Le Monde en a parlé à trois reprises. D’abord, dans le n° des 29-30 avril 2009, une opinion très défavorable d’Eric Marty, écrivain et critique, professeur de littérature à l’Université Paris VII, intitulée « Les mauvaises raisons d’un succès de librairie. Un livre sur l’invention du peuple juif entretient la vieille théorie des races ». Celui-ci accuse Shlomo Sand de ne pas déconstruire la notion de race : « en effet, la conclusion, proprement perverse, de son livre est d’attribuer au peuple palestinien ce qui a été dénié aux Juifs, à savoir qu’ils sont - eux, les Palestiniens - , les vrais descendants génétiques des hébreux originaires ! Cet épilogue est le révélateur de la finalité du livre. On y retrouve le principe mythologique de l’inversion dont le peuple juif est la victime coutumière : les juifs deviennent des non-juifs et les Palestiniens les juifs génétiques. On peut dès lors en déduire qui est l’occupant légitime du pays » [3]. Shlomo Sand lui répondit une semaine plus tard avec la même vigueur, en lui reprochant de condamner son livre sans l’avoir lu, et en lui attribuant la volonté de le faire passer pour une manifestation d’antisémitisme plus ou moins conscient, « ultime recours des démagogues pro-sionistes » [4]. L’année suivante, Le Monde des livres publia une critique sévère due à Nicolas Weill, sous le titre « A fiction, fiction et demie, Shlomo Sand développe une théorie hasardeuse sur la construction du peuple juif » [5]. Sans condamner la conclusion politique du livre, l’article critiquait sévèrement la validité de la contre-histoire affirmée plus que démontrée par l’auteur : « Ce qui est problématique dans cette entreprise, c’est moins cette prise de position idéologique que la prétention de l’étayer par l’autorité de la recherche et l’administration de la preuve (...) Or dans ce registre-là, c’est peu de dire que son livre à lui déçoit ». Et dans le même numéro, la chronique de Pierre Assouline, intitulée « Comment le livre de Shlomo Sand fut accueilli », résumait les débats et polémiques suscitées par ce livre et les réactions de son auteur, sur un ton que l’on peut juger très ironique [6].
Mais au contraire dans le n° 343 de L’Histoire [7], le débat qui réunit avec Shlomo Sand ses collègues Esther Benbassa, Maurice Sartre, et Michel Winock, fut un débat entre historiens, dépourvu de polémique. Il valut à la revue une lettre critique d’un autre historien, Alain Michel, également rabbin, auquel répondit Shlomo Sand avec le renfort d’Esther Benbassa et de Maurice Sartre dans le n° 346 [8].
Enfin, la revue Le Débat lui consacra un dossier contradictoire, alignant les contributions de Esther Benbassa (plutôt favorable), Denis Charbit et Maurice-Ruben Hayoun (très critiques), Tony Judt et Maurice Sartre (plutôt favorables), et la réponse de Shlomo Sand [9]. Ce dossier approfondi permet de mieux comprendre les opinions divergentes.
Pour tenter de couvrir, même sommairement les principaux aspects du livre, je suivrai donc son plan.
L’avant propos, intitulé « Face à l’amas des mémoires », commence par une évocation de plusieurs personnages, israéliens ou palestiniens, entre lesquels l’auteur fait le lien : « comme on l’aura compris, le professeur d’histoire de Larissa était aussi celui qui enseignait l’hébreu à Gisèle, à Paris. Dans sa jeunesse, il avait été l’ami de Mahmoud, le technicien d’ascenseur, mais aussi de l’autre Mahmoud, appelé à devenir le poète national palestinien [10]. Il était aussi le gendre de Bernardo, l’anarchiste de Barcelone [11], et le fils de Cholek, le communiste de Lodz » [12]. Puis, sous le sous-titre « mémoire greffée et contre-histoire », il définit son projet : démystifier l’historiographie nationale qui lui a été inculquée comme à tous les enfants israéliens, en utilisant les travaux des historiens, politologues et sociologues qui ont grandement éclairé la formation des nations et des nationalismes (notamment ceux de Ernest Gellner, Eric Hobsbawm, Benedict Anderson), et en les appliquant à la critique de l’historiographie sioniste qui est officielle en Israël. N’étant pas un spécialiste de l’histoire du peuple juif (dont il dénonce l’isolement par rapport à l’histoire mondiale), il se compare ironiquement à un Prométhée enchaîné face à « la corporation de l’historiographie juive », et lui lance un défi : « un peuple juif a-t-il réellement existé pendant plusieurs millénaires là où tous les autres « peuples » se sont fondus et ont disparu ? » Volontairement provocant, il remet en question la validité de l’histoire de ce « peuple », et prend le risque d’en proposer une autre histoire : « Notre longue immersion dans l’histoire des juifs s’écarte notablement des récits admis jusqu’ici : cela ne signifie pas, bien entendu, qu’elle soit dépourvue de subjectivité ou que l’auteur s’estime indemne de toute inclination idéologique. Au contraire, il a délibérément souhaité présenter les lignes descriptives d’une contre-histoire à venir qui contribuera, peut-être à la création d’une greffe mémorielle d’un nouveau genre : une mémoire consciente de la vérité toute relative dont elle est porteuse et qui cherche à souder, en un récit nouveau, des identités locales en voie de constitution, avec une conscience universelle et critique du passé » [13]. Retenons ce programme ambitieux avant de pouvoir en juger.
Le premier chapitre [14] est intitulé « Fabriquer des nations. Souveraineté et égalité ». Shlomo Sand y présente les résultats de nombreux travaux de sciences politiques et d’histoire qui ont complètement renouvelé la compréhension des nations et des nationalismes depuis quelques dizaines d’années. Sans prétendre connaître tous les nombreux auteurs qu’il cite, je me contenterai d’évoquer ceux dont je connais les travaux en la matière. Grâce à eux, je n’en suis plus à commenter une fois de plus les célèbres controverses qui avaient opposé, en 1870-1871, Renan à Strauss, Fustel de Coulanges à Mommsen, sur la question de savoir si l’Alsace était légitimement allemande ou française (allemande par la langue parlée héritée des ancêtres germaniques, mais française par la « volonté de vivre ensemble » qui est le seul critère du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Les auteurs britanniques Ernest Gellner et Eric Hobsbawm, dans des livres aux titres très voisins [15], ont démontré au contraire qu’il existe une conception de la nationalité commune à presque tous les Etats-nations d’Europe, lesquels se définissent à la fois par un Etat se réclamant d’une nation et par une langue qui lui est propre et commune à tous ses ressortissants. Ces Etats se présentant comme le résultat d’une identité nationale incarnée depuis très longtemps dans un « peuple » qui en est le gardien, et à laquelle les élites culturelles se sont ralliées plus ou moins tardivement. Mais en réalité, expliquent ces auteurs, ce sont ces élites qui ont élaboré les idéologies nationalistes à partir des matériaux fournis par les langues et cultures populaires en les modernisant, et qui les ont peu à peu diffusées dans la masse de la population, avant ou après avoir créé l’Etat national. Comme l’affirme Gellner, cité par Shlomo Sand, « c’est le nationalisme qui crée les nations, et non pas le contraire » [16] ; et comme ajoutait le maréchal Pilsudsky, au moins dans un deuxième temps, « c’est l’Etat qui fait les nations et non pas les nations qui font l’Etat » [17]. Suivant cette théorie, fondée sur l’étude approfondie des mouvements nationaux en Europe centrale, les cas français et allemand n’apparaissent plus que comme des variantes particulières d’un même processus : dans le cas français, l’Etat a précédé et commencé l’unification linguistique, alors que l’Allemagne a rassemblé plusieurs Etats dans le cadre d’une nation définie préalablement par sa langue commune [18]. Mais la validité de cette théorie n’est pas universelle, puisqu’à l’échelle mondiale, on s’aperçoit que plusieurs langues sont officielles dans plusieurs Etats à la fois, comme l’anglais, l’espagnol, le portugais et l’arabe, alors que d’autres Etats continuent d’utiliser plusieurs langues parlées. C’est pourquoi Benedict Anderson, également cité par Shlomo Sand, relativise davantage encore la place de la langue commune dans ce qu’il appelle « l’imaginaire national » [19]. On voit en tout cas que ces théories ne permettent plus de croire à l’existence des nations comme les acteurs essentiels de l’histoire dans la longue durée, depuis « nos ancêtres les Gaulois » ou nos ancêtres les Hébreux.
Le deuxième chapitre [20], intitulé « Mythistoire. Au commencement, Dieu créa le peuple », est consacré à un examen critique de la Bible, et de son utilisation par les historiens juifs qui ont voulu en tirer une histoire de la nation juive à partir du XIXème siècle. Il s’agit d’une étude historiographique extrêmement fouillée, que je n’essaierai pas non plus de résumer, mais qui témoigne de l’ampleur du travail de documentation et de critique accompli par l’auteur. Dans le sous-chapitre intitulé « la terre se révolte », il rappelle les difficultés que les archéologues israéliens ont eues à faire coïncider leur savoir tiré de la Bible avec les trouvailles archéologiques, notamment quand elles se sont multipliées après la guerre de juin 1967 qui a réunifié le territoire de l’ancienne Palestine entre les mains de l’Etat d’Israël. Il évoque notamment la révision des débuts de l’histoire nationale entreprise par les archéologues Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, dans leur livre intitulé La Bible dévoilée [21]. Ceux-ci constatent l’impossibilité de vérifier les récits bibliques exaltant la gloire des premiers rois David et Salomon : même si l’existence de la dynastie fondée par le premier est attestée par une inscription araméenne, celle du second n’est prouvée par aucune preuve archéologique. Ils en sont donc venus à penser que la puissance de leur royaume, attestée par la Bible, n’est qu’un mythe postérieur, et que le premier grand royaume d’Israël fut celui du roi Achab, attesté par des documents assyriens. Quand au royaume de Juda, il ne devint important qu’après l’annexion d’Israël par les Assyriens en 722, et c’est alors que le judaïsme commença à s’imposer comme religion d’Etat sous le règne du roi Josias (641-609). Mais les livres historiques de la Bible n’ont été achevés qu’après la prise de Jérusalem par les Babyloniens (587 et 586), sous la domination de l’empire perse (à partir de 539), durant la période dite du second Temple.
Le troisième chapitre [22] est intitulé : « L’invention de l’exil. Prosélytisme et conversions ». Il amorce la critique radicale de l’histoire juive, à laquelle se livre l’auteur en s’appuyant sur de nombreux historiens juifs antérieurs. En effet, Shlomo Sand nie catégoriquement la réalité de l’exil total du peuple juif arraché par la force à sa patrie, aussi bien dans le cas de la destruction des royaumes d’Israël et de Juda par les Assyriens et les Babyloniens que dans celui de l’écrasement des deux grandes révoltes juives du Ier et du IIème siècle par les Romains. Ses formulations sans nuances (« Les Romains, pas plus que les Assyriens et les Babyloniens, n’ont jamais pratiqué l’expulsion systématique d’aucun peuple » [23]) semblent pourtant devoir être fortement nuancées, à en juger d’après l’ouvrage très rigoureux, appuyé sur des documents bien choisis, publié par Mireille Hadas-Lebel sous le titre Rome, la Judée et les juifs [24]. On y voit que la population juive a beaucoup souffert, non seulement des pertes au combat, mais de destructions, de famines, de réductions en esclavage. Shlomo Sand reconnaît lui aussi que cette population a sans aucun doute décliné à la suite de ces défaites, mais il insiste sur le fait qu’elle n’a pas disparu de son pays, puisque la fin du IIème siècle et le début du IIIème siècle y furent une période de prospérité (confirmée par Mireille Hadas-Lebel [25]). Même si Jérusalem fut interdite aux juifs à partir de l’écrasement de la deuxième grande révolte en 135, une population juive importante subsista, centrée sur la Galilée où le patriarche de Tibériade, chef de la communauté juive, siégea jusqu’en 425. Malgré les progrès du christianismes à partir de la conversion de l’empereur Constantin, qui fit de Jérusalem la ville sainte des chrétiens à partir de 324, au début du VIIème siècle encore, lors de l’invasion perse, un certain Juste de Tibériade prit la tête d’une révolte juive, et il semble que des juifs aient un moment repris en main l’administration de Jérusalem, enlevée par les Perses aux Byzantins en 614. Shlomo Sand constate que même des historiens sionistes comme Yitzhak Baer et Ben-Zion Dinur ont affirmé : « La période d’Israël en exil commence aux premiers jours de la conquête du pays d’Israël par les Arabes. Pas avant. Jusqu’à cette période, l’histoire d’Israël fut celle d’une nation juive souveraine dans son pays » [26].
Mais en sens inverse, Shlomo Sand affirme que la population de religion juive s’est accrue et diffusée par un prosélytisme considérable, malgré l’avis contraire des historiens Edouard Will et Claude Orrieux, qu’il rejette sans le discuter dans une note [27]. Il distingue deux formes d’expansion religieuse du judaïsme. D’une part, la conversion forcée imposée par les rois Hasmonéens à leurs voisins les Iduméens [28] et les Ituréens [29]. D’autre part, le prosélytisme non violent attesté notamment par le célèbre Philon d’Alexandrie, et qui gagna même au judaïsme le royaume d’Adiabène en haute Mésopotamie [30]. Mais Shlomo Sand prend des risques en affirmant avec de plus en plus d’audace : « il est fort probable que le rapprochement d’une masse de « peuples » à la religion juive et la conversion totale d’une fraction importante d’entre eux entraînèrent la formation d’une population de centaines de milliers voire de millions de juifs sur l’aire sud-orientale du bassin méditerranéen » [31].
Plus loin, Shlomo Sand affirme à la fois que le judaïsme fut ensuite menacé de déclin par les conséquences des répressions romaines, mais aussi et surtout par les progrès du christianisme à partir du règne de Constantin. La conversion devint alors la grande menace pour la religion juive. Mais, ajoute-t-il cependant, « le monothéisme juif prosélyte ne se déclara pas vaincu. Il glissa lentement vers les marges de la « civilisation », continua son activité de recrutement sur les marges extérieures du monde culturel chrétien, et dans certaines aires spécifiques remporta des succès assez remarquables » [32]. Cependant, au centre de l’ancien foyer du peuple juif, cette population s’affaiblit progressivement par un processus de conversion à la nouvelle religion dominante, le christianisme, puis l’islam. Même si l’auteur est bien conscient de la fragilité des trop rares sources écrites, il suggère en s’appuyant sur de nombreux auteurs sionistes (parmi lesquels le futur premier ministre d’Israël David Ben Gourion et le futur président de l’Etat Yitzhak Ben Zvi [33]) que l’origine des fellahs palestiniens remontait bien aux anciens paysans juifs convertis à la religion dominante. Mais à partir de la grande révolte arabe de 1929, qui chassa les juifs de Hébron, les auteurs sionistes abandonnèrent cette idée.
A la fin de son chapitre, Shlomo Sand conclut à l’oubli volontaire par les juifs de ces deux phénomènes troublants : la conversion forcée ou volontaire de populations étrangères au judaïsme d’une part, l’oubli de leur identité juive par les anciens juifs de Judée d’autre part. Ces deux idées sont jugées globalement justes par le grand spécialiste de l’histoire ancienne qu’est Maurice Sartre [34]. Mais, arrivés à ce point de la lecture, nous pouvons aussi comprendre pourquoi le livre de Shlomo Sand a suscité des réactions de rejet aussi passionnées. La thèse qu’il y exprime peut en effet se résumer comme l’a fait Eric Marty : si les vrais juifs sont les Palestiniens, les juifs sionistes sont donc de faux juifs... Or, Shlomo Sand n’était pas obligé de suggérer lui-même une telle conclusion, puisqu’il reconnaît que la thèse qui a sa préférence, celle d’une adhésion des nouveaux convertis à la religion juive plus forte que celle des juifs d’origine, n’est pas plus prouvée que la thèse inverse et ne le sera sans doute jamais. [35] S’il voulait convaincre les juifs et les Palestiniens de se réconcilier, n’aurait-il pas mieux fait de suggérer aux uns et aux autres qu’ils avaient des ancêtres communs et qu’ils pouvaient également s’en réclamer ?
Le quatrième chapitre [36], intitulé « Lieux de silence. A la recherche du temps (juif) perdu », va encore plus loin sur cette voie périlleuse. En effet, il part à la recherche de communautés juives oubliées, ou tout au moins négligées par l’histoire sioniste parce qu’elles seraient le produit de conversions massives de populations non juives, donc susceptibles de mettre en danger l’identification des juifs à une nation.
Le premier exemple est celui du royaume Himyar du Yémen, qui se convertit au judaïsme vers la fin du IVème siècle de l’ère chrétienne, et lui resta fidèle pendant cent vingt à cent cinquante ans. Même si la chronologie reste très floue, il est certain que ce royaume juif persécuta les chrétiens de la ville de Najran, et qu’il fut vaincu à l’issue d’une longue guerre contre le royaume chrétien d’Ethiopie vers 525. La tradition orale arabe a gardé le souvenir d’une offensive poussée jusqu’à La Mecque par le vice-roi éthiopien Abraha (monté sur un éléphant), et l’on peut supposer que la mémoire de cette guerre de religions entre juifs et chrétiens a pu jouer un rôle dans l’apparition de la religion musulmane. Reste à savoir si la communauté juive du Yémen, qui subsista jusqu’au moment où elle rejoignit l’Etat d’Israël, descendait d’ancêtres originaires de Judée ou simplement de convertis locaux [37].
Puis l’auteur aborde la conversion de nombreux Berbères d’Afrique du Nord au judaïsme, en mentionnant d’abord un fait incontestable, la participation des juifs de Cyrénaïque à une série de révoltes contre les Romains en guerre contre l’empire parthe sous le règne de Trajan, en 115-117 de l’ère chrétienne. [38] Mais il en tire très vite des conclusions aventureuses, en adoptant l’hypothèse d’un chercheur suivant lequel une grande partie des Carthaginois se serait convertie au judaïsme avant la destruction de Carthage par les Romains en 146 avant Jésus-Christ : « Il ne serait pas complètement insensé de supposer que la proximité entre les langues de la Bible et la langue ancienne des Puniques, tout comme le fait qu’une partie de ces derniers étaient circoncis, ait pu contribuer à leur conversion en masse. L’arrivée de prisonniers esclaves originaires de Judée, après la destruction du Temple, donna sans doute aussi un coup de pouce au processus de judaïsation massif. Ces mêmes populations anciennes, originaires initialement de Tyr et de Sidon, hostiles à Rome depuis toujours, accueillirent probablement les exilés révoltés avec chaleur et adoptèrent volontiers leur croyance particulière » [39]. A partir de ces lignes, nous avons l’impression de lire un roman historique, mais pas de l’histoire. Et l’auteur continue dans la même voie, en envisageant l’hypothèse qu’après l’occupation vandale, la reconquête byzantine ait accéléré la conversion des Berbères au judaïsme : « Il est possible qu’à la suite de cette conquête une partie des juifs du littoral, ces anciens Puniques, ait dû fuir à l’intérieur des terres et qu’une autre partie se soit réfugiée dans les régions plus à l’ouest, où débuta l’histoire extraordinaire d’un nouveau mouvement de conversion au judaïsme ». Il en arrive alors à citer l’autorité du grand historien arabe Ibn Khaldoun, auteur au XIVème siècle d’une célèbre histoire des Berbères : « Une partie des Berbères professait le judaïsme, religion qu’ils avaient reçue de leurs puissants voisins les Israélites de la Syrie. Parmi les Berbères juifs on distinguait les Djeraoua, tribu qui habitait l’Aurès et à laquelle appartenait la Kahena, femme qui fut tuée par les Arabes à l’époque des premières invasions ». Shlomo Sand commente ce passage à l’appui de sa thèse : « Ibn Khaldoun affirmait probablement qu’au moins une partie des Berbères, anciens habitants de l’Afrique du Nord, étaient les descendants des Phéniciens de l’Antiquité ou d’une autre population d’origine cananéenne venue des environs de la Syrie et qui se convertit au judaïsme (il rapporte ailleurs une histoire sur l’origine himyarite d’une partie des Berbères) » [40], sans remarquer quecette confusion entre plusieurs traditions distinctes affaiblit la valeur de ses affirmations sur les Berbères de l’Afrique du Nord. Il a raison de rappeler ensuite que la résistance de la Kahina à la conquête arabe n’est pas une invention d’Ibn Khaldoun, puisqu’elle fut mentionnée par deux auteurs arabes dès le IXème siècle. Mais il s’égare à chercher des preuves chez divers auteurs plus récents, sans relever la prudence de l’un d’entre eux qu’il cite pourtant : « Comment peut-on supposer que ce seraient précisément les Berbères d’Afrique du Nord qui seraient restés fidèles au judaïsme, alors que les preuves de leur conversion au judaïsme reposent sur des bases extrêmement fragiles ? » [41]
Or ce jugement critique est confirmé par un historien actuel de l’Afrique du Nord, Yves Modéran : « On a parfois voulu faire d’elle (la Kahina) une berbéro-romaine, parce que des sources lui attribuent un fils berbère et un fils romain. L’hypothèse est fragile, mais pourtant plus légitime que l’affirmation, trop souvent répétée, selon laquelle la Kahina aurait été juive. On sait en effet depuis plus de quarante ans que le passage d’Ibn Khaldoun sur lequel s’est fondé ce mythe historiographique a été mal compris : en réalité, l’historien des Berbères tient surtout à souligner qu’à l’arrivée des Arabes, « tous les Berbères d’Ifrikyya étaient chrétiens », y compris les Aurasiens » [42].
Cette erreur de non-spécialiste suffit donc à ruiner notre confiance dans la démonstration de l’auteur, d’autant plus qu’il montrait déjà auparavant une tendance bien visible à remplacer une histoire mythique par une contre-histoire tout aussi hypothétique. Et d’autant plus que sur cette question, l’écart est énorme entre les hypothèses échafaudées et les réalités prouvées. En effet, Mireille Hadas-Lebel montre bien que les plus anciennes preuves de présence juive en Afrique du Nord proprement dite (à l’ouest de la Cyrénaïque) sont relativement tardives, datées de l’époque romaine [43].
La suite du chapitre est-elle davantage convaincante ? Malheureusement, non. Shlomo Sand consacre ses cinquante dernières pages à tenter de démontrer que les juifs d’Europe orientale et centrale seraient les descendants, non pas de juifs d’origine judéenne plus ou moins lointaine, mais de Khazars convertis au judaïsme à partir du IXème siècle. Là encore, l’existence d’un grand Etat fondé par ce peuple nomade turc au Nord du Caucase entre le VIème et le XIème siècle, et la conversion de ses dirigeants au judaïsme à partir du VIIIème ou du IXème siècle sont des faits historiques, attestés par plusieurs documents byzantins, arabes, et juifs. Mais ils restent très insuffisants pour établir la population de l’Etat et les effectifs des communautés juives, chrétiennes et musulmanes dont la coexistence est mentionnée par les sources, ainsi que le rapport numérique entre la population juive antérieure à la conversion et la population khazare convertie. Etant donné que l’Etat des Khazars a disparu de l’histoire après une défaite infligée par les Byzantins en 1016, il est très imprudent d’affirmer ou de suggérer sans aucune preuve que sa population de religion juive serait la véritable origine de la population de langue yiddisch établie en Europe orientale et centrale, qui représentait au XIXème siècle 80% de la population juive mondiale, et d’où sont venues l’essentiel des troupes du mouvement sioniste.
L’auteur est bien conscient du problème : il montre que la langue yiddisch n’est germanique qu’à 80% seulement (ce qui n’est pas peu), et qu’elle contient aussi une partie de son vocabulaire d’origine slave, voire turque, mais cela ne suffit pas à prouver qu’en réalité la majorité de cette communauté venait de l’Est et non de l’Ouest. Et ce d’autant moins qu’il écrit : « La base de la langue yiddisch est slave et son vocabulaire provient en majorité de l’allemand du Sud-Est. Ce fait suggère que le yiddisch a une origine similaire à celle de la langue des Sorbes, qui se développa dans la zone tampon entre les populations parlant des dialectes slaves et celles parlant des dialectes allemands qui, comme le yiddisch, a quasiment disparu au cours du XXème siècle » [44]. Mais si le yiddisch venait bien de l’Ouest, peut-on affirmer que la population qui le parlait venait de l’Est ? L’auteur s’égare encore plus en suggérant, à deux reprises, que seule l’origine khazare du peuple yiddisch permettrait d’expliquer la très forte population juive de l’Europe centrale et orientale : « Si les juifs de ces pays étaient vraiment originaires de l’Ouest de l’Allemagne, comme le répètent aujourd’hui les historiens agréés d’Israël, comment peut-on expliquer leur multiplication démographique à l’Est, alors que dans les régions de l’Ouest leur reproduction a stagné, et ce dans un monde qui ne connaissait pas encore le contrôle des naissances ? [45] ». On peut répondre deux choses. D’une part, rien ne permet d’attribuer une population pléthorique à l’Empire khazar, fondé par un peuple nomade dans une zone steppique ou semi-désertique ouverte à toutes les invasions d’autres nomades, et dont la colonisation agraire n’a pu être entreprise par les Russes qu’à partir du moment où ils ont disposé de canons et autres armes à feu pour les repousser. D’autre part, les populations de l’Europe qui ont connu les plus forts taux de croissance, de la fin du Moyen-Age au XIXème siècle, se situaient dans la zone forestière de l’Europe du Nord et de l’Est, où tout homme pouvait défricher sa terre. Même si les juifs de cette région n’étaient pas des paysans, il faut tenir compte de cette très forte croissance de la population globale [46]. La bonne méthode pour rechercher l’origine de la population de langue yiddisch consiste à remonter le temps au lieu de le descendre, et à examiner plusieurs hypothèses au lieu d’une seule. Pourquoi ne pas avoir envisagé, par exemple, le rôle possible du Grand duché de Lituanie, qui fut une grande puissance en Europe orientale et le dernier Etat païen de toute l’Europe au XIIIème et au XIVème siècle ?
Ainsi, les hypothèses aventureuses de Shlomo Sand, dignes du romancier Arthur Koestler qu’il cite à l’appui, justifient tout à fait le scepticisme de Nicolas Weill. On ne voit guère de différences entre ces hypothèses et les affirmations d’un autre juif anti-sioniste, le communiste tunisien Georges Adda, qui écrivait en 1997 : « nous nous proposons, à l’occasion du 100ème anniversaire du Congrès sioniste de Bâle, de démontrer solennellement qu’il n’y a pas de « peuple juif », de « nation juive », ou de « race juive », comme il n’y a jamais eu et qu’il n’y a pas, par dessus et au-delà des frontières, un « peuple catholique » ou un « peuple musulman », une « nation catholique » ou une « nation musulmane », une « race catholique » ou une « race musulmane ». Il n’y a pas « les juifs », mais des Français, des Polonais, des Marocains, des Yéménites, des Ethiopiens, des citoyens des USA ou des Japonais de confession hébraïque, ou d’origine cultuelle hébraïque. Certains comme les Polonais, les Baltes, les Russes ou les Hongrois sont les descendants de Caucaso-Khazars judaïsés. D’autres comme les Marocains ou les Tunisiens sont les descendants de Berbères judaïsés ou comme les Yéménites sont les descendants d’Arabes judaïsés » [47]. Mais les preuves de ces négations et affirmations sans nuances font défaut, comme on l’a vu, et Shlomo Sand lui-même a reconnu qu’il était impossible de savoir lesquels des juifs de naissance et des nouveaux convertis choisirent de rester fidèles à leur religion dans un milieu de plus en plus hostile : « on ne saura jamais qui furent ceux qui préférèrent rester à tout prix fidèles à leur croyance de minorité endurcie et ceux qui choisirent de rejoindre la religion en train de devenir la croyance dominante » [48].
Le cinquième chapitre [49], intitulé « La distinction. Politique identitaire en Israël », est alors abordé par le lecteur avec beaucoup d’inquiétude, mais il se révèle heureusement très différent. En effet, Shlomo Sand propose une analyse politique extrêmement rigoureuse et infiniment plus convaincante que les précédentes. Il procède d’abord à une analyse de la formation du sionisme dans le contexte européen, tout en manifestant un vigoureux esprit critique sans nuire à la crédibilité de son propos. Ces dix premières pages sont une analyse très convaincante de la formation d’un mouvement national juif analogue à celle des autres mouvements nationaux de l’Europe orientale et en réaction contre leur hostilité. Elles aboutissent à une critique du sionisme, qui est présenté comme une réduction de la religion juive à un nationalisme limité, mais ayant « pris à la tradition juive son aspect le plus orgueilleux et le plus refermé sur soi-même » [50].
Puis, sous le sous-titre « sionisme et hérédité », l’auteur critique les tentatives de définir scientifiquement une prétendue « race juive » [51], à travers les écrits des grands auteurs sionistes depuis Moïse Hess (Rome et Jérusalem, 1862) et les échos de prétendues découvertes de généticiens juifs. Cette démonstration est longue, détaillée, et plutôt convaincante [52]. On hésite pourtant à en suivre toutes les conclusions, faute d’avoir la compétence nécessaire pour apprécier justement la valeur de tous ces travaux qui se veulent ou se prétendent scientifiques [53].
Ensuite, Shlomo Sand reprend son analyse du projet sioniste consistant à « bâtir un Etat ethnique », et démontre d’une manière très convaincante, citations des plus hautes autorités juridiques à l’appui, que l’Etat d’Israël n’est pas une vraie démocratie libérale, mais une « ethnocratie » juive aux traits libéraux, dans laquelle l’Etat est la propriété d’un groupe ethnique défini par sa religion (qui peut être héritée d’une mère juive, ou acquise par une conversion) mais pas un « Etat de tous ses citoyens » comparables aux Etats laïques européens [54]. Il démontre en effet, en s’appuyant sur de nombreuses références, que l’Etat d’Israël n’a pas tenu les promesses de sa déclaration d’indépendance, qui prétendaient fonder un Etat dont tous les habitants seraient traités sur un pied d’égalité quelles que soient leurs origines et leur religion : « l’Etat d’Israël (...) assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantit la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture » [55]. Il est vrai que les habitants arabes (musulmans, chrétiens ou druzes) restés dans les frontières de l’Etat ont reçu le droit de vote, et que la loi électorale leur garantit une représentation propre ; mais l’Etat d’Israël reste celui des juifs du monde entier et non celui de ses propres habitants, comme l’a prouvé un arrêt de la Cour suprême qui repoussa la requête d’un citoyen israélien demandant à remplacer sa nationalité juive par la nationalité israélienne : « en 1972 la requête fut rejetée à l’unanimité par les juges, qui décidèrent qu’il devait conserver sa nationalité juive parce qu’il n’existait pas de nation israélienne » [56]. Et pour définir cette « nationalité juive », les gouvernements israéliens se sont de plus en plus appuyés sur la religion juive représentée par ses autorités cléricales, faute de trouver un meilleur moyen de la définir [57].
Enfin dans une dernière sous-partie, intitulée « Ethnocratie à l’heure de la mondialisation », Shlomo Sand propose avec fermeté et prudence une transformation de la nature de l’Etat d’Israël destinée à le rendre acceptable pour ses concitoyens palestiniens avant qu’ils se détournent de cette idée, mais dans le cadre de deux Etats et non pas d’un seul Etat palestinien unitaire, parce qu’il ne croit pas cette dernière solution praticable avec la moindre chance de succès [58]. Il propose donc « un Etat israélien ouvert, adapté à tous les citoyens de l’Etat », la séparation totale du rabbinat et de l’Etat, le remplacement de la loi du retour par le droit d’asile accordé aux juifs réellement persécutés, et termine par une question fondamentale : « dans quelle mesure la société judéo-israélienne sera-t-elle disposée à se débarrasser de son image profondément ancrée de « peuple élu », et est-il envisageable qu’elle cesse de se glorifier et d’exclure l’autre, soit au nom d’une histoire sans fondement, soit par le biais d’une science biologique dangereuse ? » [59]
Mise à part cette question quelque peu brutale, mais néanmoins fondée, on peut dire que ce dernier chapitre emporte globalement la conviction du lecteur. Celui-ci comprend alors que l’auteur aspire légitimement à trouver un terrain d’entente pacifique avec ses compatriotes non-juifs, en réalisant dans la vie publique des relations aussi confiantes que celles qu’il avait pu nouer dans sa jeunesse avec son ami Mahmoud Darwich. Mais le dit lecteur persiste à se demander s’il était vraiment nécessaire pour y arriver d’opposer à une histoire mythique une contre-histoire non moins mythique. Et il peut aussi regretter que Shlomo Sand, emporté par sa verve polémique, ait dépassé sans s’y arrêter la conclusion la plus constructive : rappeler aux Israéliens juifs et aux Palestiniens non-juifs qu’ils ont très vraisemblablement beaucoup plus d’ancêtres communs qu’ils le croient.
Guy Pervillé
[1] Voir dans Historiens et géographes n° 406, mai 2009, pp. 129-141, et n° 407, juillet-août 2009, pp. 251-260 (et un erratum dans le n° 409, janvier-février 2010, p. 76). Le texte de l’article, sans les cartes mais avec une chronologie, se trouve aussi sur mon site http://guy.perville.free.fr.
[2] L’édition française, publiée par les éditions Fayard, est sortie en janvier 2009.
[3] Le Monde, 29-30 mars 2009, p. 17.
[4] Le Monde , 5-6 avril 2009, p. 17. Plusieurs sites internet avaient repris le texte d’Eric Marty en dénonçant le « négationnisme » de Shlomo Sand. Voir philosemitismeblog.blogspot.com/.../le-negationnisme-de-shlomo-sand-demonte.html - , et vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/.../le-negationnisme-de-shlomo-sand-demonte-par-eric-marty.html - .
[5] Le Monde des livres, 12 février 2010, p. 7.
[6] Ibid. , p. 20. Cet article signale que le livre vient d’être réédité en collection de poche, après avoir été vendu à 40.500 exemplaires dans l’édition originale.
[7] « Enquête sur le peuple juif », L’Histoire n° 343, juin 2009, pp. 8-21. La présentation signale que le livre fait partie des 30 meilleures ventes de livres d’histoire pour 2008, et a reçu le prix Aujourd’hui.
[8] « Israêl, le peuple juif et l’historien », », L’Histoire n° 346, octobre 2009, pp. 46-47.
[9] « Autour de Comment le peuple juif fut inventé de Shlomo Sand », Le débat, n° 158, janvier-février 2010, pp. 146-192.
[10] Mahmoud Darwich.
[11] Devenu israélien sans être juif.
[12] Sand, op. cit., p. 25.
[13] Sand, op. cit., p. 37.
[14] Sand, op. cit., pp. 39-93.
[15] Ernest Gellner, Nations et nationalismes, 1983, édition française Payot, 1989. Eric Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780, 1990, édition française, Gallimard, 1992.
[16] Gellner, op. cit., p. 86 ; cité par Sand, op. cit., p. 61.
[17] Cité par Hobsbawm, op. cit. , p. 62.
[18] On m’objecte, à juste titre, que le nationalisme allemand s’est singularisé par une confusion entre la langue des ancêtres et leur « race », qui aboutit au pangermanisme puis au nazisme. Cette remarque est très juste, et c’est pourquoi l’unité profonde des conceptions européennes de la nation n’était pas si évidente avant 1945.
[19] Titre de son livre, L’imaginaire national, réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, édition anglaise, 1983 et 1991, édition française, La découverte, 1996.
[20] Sand, op. cit., pp. 95-179.
[21] La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie. Paris, Bayard Editions, 2002.
[22] Sand, op. cit., pp. 181-266.
[23] Sand, op. cit., p. 183.
[24] Paris, Picard, 2009. De même, la déportation systématique des élites des Etats vaincus par les Assyriens et les Babyloniens est un fait bien établi.
[25] Sand, op. cit., p. 187 ; Hadas-Lebel, op. cit., pp. 193-196.
[26] Cité par Sand, op. cit., p. 196.
[27] « Prosélytisme juif ? » Histoire d’une erreur, Paris, Les Belles lettres, 1992, mentionné par Sand, op. cit. , p. 211 note 1.
[28] Nouveau nom des Edomites, qui avaient migré vers le sud du royaume de Juda après sa dévastation par les conquérants babyloniens. De même les Samaritains, selon la Bible, étaient des descendants d’étrangers installés par les Assyriens pour repeupler l’ancien royaume d’Israël.
[29] Habitant au pied du mont Hermon, dans la Syrie actuelle.
[30] Sa capitale était Arbèles (aujourd’hui Irbil, capitale du Kurdistan irakien).
[31] Sand, op. cit., p. 231. C’est nous qui soulignons.
[32] Sand, op. cit., p. 250. Cette phrase mystérieuse annonce le chapitre suivant.
[33] Sand, op. cit., p. 260.
[34] « Face à la vulgate en vigueur chez les non-spécialistes qui fait des juifs les descendants d’un peuple qui aurait traversé l’histoire sans se mêler aux autres en dépit de la dispersion, on comprend que de telles thèses surprennent, voire choquent. Elles n’en sont pas moins largement fondées, et la fureur des adversaires de Sand témoigne surtout de leur volonté d’instrumentaliser l’histoire au service d’une idéologie politique », déclare-t-il dans Le Débat, op. cit. ,p. 177. Il atteste aussi (p. 179) que depuis le code sacerdotal d’Esdras (vers 398 avant J. C.) « on peut naitre juif, mais on peut le devenir », ce qui interdit de confondre le « peuple » juif avec une race juive.
[35] Sand, op. cit. p. 249 : « Il est évident qu’on ne détient pas la moindre preuve venant à l’appui d’une interprétation historique de ce type. On pourrait avec autant de vraisemblance supposer que ces nombreuses familles qui s’étaient tournées vers le judaïsme par conviction (...) se maintinrent mieux dans leur foi que ceux qui y avaient grandi sans avoir à faire l’effort qu’implique l’acte de conversion ».
[36] Sand, op. cit., pp. 267-346.
[37] Sand, op. cit., pp. 270-280.
[38] Sur ces révoltes en Cyrénaïque, à Alexandrie et à Chypre, voir Hadas-Lebel, op. cit., pp. 153-167.
[39] Sand, op. cit., p. 281. C’est moi qui souligne.
[40] Sand, op. cit., p. 284. La même citation d’Ibn Khaldoun est placée en épigraphe de ce chapitre, p. 267.
[41] Citation de Haïm Ze’ev Hirschberg, faite par Sand, op. cit., p. 288.
[42] Yves Modéran, article « Kâhina (VIIème sicle) », in Dictionnaire L’Algérie et la France, s. dir. Jeannine Verdès-Leroux, Paris, Robert Laffont, collection Bouquins, 2009, p. 503. Yves Modéran est décédé subitement durant l’été 2010.
[43] Hadas-Lebel, op. cit., p. 206 et 211-214.
[44] Sand, op. cit., p. 341 (citant le linguiste israélien Paul Wexler). Les Sorbes sont une minorité slave qui subsiste en Allemagne orientale, autour de Cottbus, sur la haute Spree.
[45] Sand, op. cit., p. 342.
[46] Information tirée d’un article lu dans la revue Les Annales. De même, la population française du Canada, essentiellement rurale, forte de 60.000 habitants en 1763, s’est multipliée par cent en deux siècles sans immigration notable.
[47] Tract distribué à Tunis par Georges Adda lors d’un colloque historique en 1997.
[48] Sand, op. cit., p. 249.
[49] Sand, op. cit., pp. 347-432.
[50] Sand, op. cit., pp. 355-356.
[51] Remarquons que la confusion entre nation et « race » était très courante au XIXème et au début du XXème siècle, notamment mais pas seulement en Allemagne.
[52] Sand, op. cit., pp. 356-388. Pour avoir un aperçu direct sur la démarche de scientifiques juifs recherchant les traces génétiques de leur passé, voir le livre récemment traduit de David B. Goldstein (professeur de biologie moléculaire et de microbiologie à l’Université Duke), L’héritage de Jacob, l’histoire des Juifs à travers le prisme de la génétique, Yale University Press, 2008, Paris, Denoël, 2010.
[53] Un article de Jean-Luc Nothias paru dans Le Figaro du 10 juin 2010, « L’histoire juive confirmée par la génétique. Les dernières études indiquent que la Diaspora est sortie du Moyen-Orient il y a 2500 ans », mentionne les résultats de trois études récentes suivant lesquelles « les communautés juives sont génétiquement plus proches entre elles que des autres populations non juives », qui paraissent à première vue plus crédibles. Jean-Pierre Bouché, participant actif à la journée du 5 mai 2010, m’a envoyé un compte-rendu critique renvoyant au texte de deux de ces articles, pour lequel je le remercie vivement.
[54] Sand, op. cit., p. 424.
[55] Suivant la déclaration d’indépendance du 14 mai 1948 (citée en exergue du chapitre, p. 347) .
[56] Sand, op. cit., p. 424.
[57] Sand, op. cit., pp. 392-393. Rappelons néanmoins que la plupart des Etats arabes impliqués ou ayant été impliqués dans le conflit contre l’Etat d’Israël se définissent officiellement comme musulmans.
[58] Tout en reconnaissant que « la solution idéale » serait « un Etat démocratique binational s’étendant de la Méditerranée au Jourdain », il ne croit pas raisonnable de demander au peuple judéo-israélien de « devenir d’un seul coup une minorité dans son pays » (op.cit., pp. 430-431). Reconnaissant que son livre a été instrumentalisé dans les pays arabes, il précise : « cela ne m’a pas empêché de m’opposer aussi bien à la loi du retour des juifs qu’au droit au retour des Palestiniens » lors de ses conférences à Rabat et Casablanca (cité par Pierre Assouline dans son compte rendu, Le Monde des livres, 12 février 2010 ).
[59] Sand, op. cit., p. 432. Les principaux passages de la conclusion sont reproduits dans Le Monde des livres du 12 février 2010, en encadré à côté de l’article de Nicolas Weill.