Droit de réponse à Pierre Serna (2017)

mardi 25 juillet 2017.
 
Le site Le Monde.fr a bien voulu publier aujourd’hui (http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/25/guy-perville-droit-de-reponse-a-pierre-serna_5164792_3232.html) la réponse que j’ai faite à un article de l’historien Pierre Serna qui présentait mon rôle dans les controverses soulevés par la loi Taubira-Ayrault de 2001 en des termes contestables. Je le remercie, et je publie ma réponse sur mon propre site avec une bibliographie des principaux textes que j’ai consacrés à cette question, pour faciliter la recherche des 200.000 abonnés du Monde.fr qui voudront comprendre le fond du problème...

L’article de Pierre Serna, « L’esclavage était bien un crime contre l’humanité », publié sur Le Monde.fr du 15 juillet 2017 et dans Le Monde du 19 juillet 2017 (p. 27), me met en cause dans des termes qui risquent d’être mal compris : après la mobilisation de milliers d’historiens et de professeurs d’histoire contre la loi du 23 février 2005, « l’historien Guy Pervillé mène la riposte, remettant en cause la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité ». Or c’est doublement inexact.

C’est inexact, parce que je n’ai jamais « mené la riposte » de qui que ce soit. J’ai réagi à titre individuel contre l’oubli de la loi Taubira-Ayrault de mai 2001 dans la pétition des historiens, et pris la défense d’Olivier Pétré-Grenouilleau injustement attaqué pour avoir critiqué cette loi [1]. J’ai ensuite adhéré à l’association Liberté pour l’histoire, et défendu ses positions dans deux controverses contre ma collègue Catherine Coquery-Vidrovitch, membre du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire dont Pierre Serna fait également partie. Les lecteurs du Monde pourront aisément le vérifier sur mon site internet http://guy.perville.free.fr [2].

C’est également inexact parce que je ne conteste pas l’idée que l’esclavage doit être condamné moralement comme étant un crime contre l’humanité. Mais je conteste le bien fondé de la loi Taubira-Ayrault juridiquement et pénalement, au nom de la non-rétroactivité des lois, alors que tous les coupables de la déportation des esclaves noirs vers les colonies européennes du milieu du XVème siècle au milieu du XIXème sont morts depuis plus d’un siècle et demi. J’admets bien volontiers que la notion de « crime contre l’humanité » a été utilisée par les auteurs des deux lois françaises d’abolition de l’esclavage, en 1794 et en 1848. J’admets aussi que Napoléon Bonaparte aurait bien mérité d’être jugé en 1815 pour sa honteuse abrogation de la loi d’abolition de 1794, qui imposa en 1802 le rétablissement du régime esclavagiste dans toutes les colonies françaises (sauf à Saint-Domingue, où les anciens esclaves furent victorieux), et que les derniers négriers clandestins auraient bien mérité d’être envoyés au bagne de Cayenne. Mais le fait est que la loi Taubira-Ayrault du 21 mai 2001, qui définit officiellement cette déportation comme un « crime contre l’humanité », est venue deux siècles trop tard.

J’espère que cette réponse dissipera des malentendus redoutables en permettant aux lecteurs du Monde.fr et du journal Le Monde de s’informer plus complètement sur le fond des divergences qui séparent le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire et l’association Liberté pour l’histoire.

Guy Pervillé

[1] PS : Il est néanmoins vrai que j’ai dépensé beaucoup d’énergie pour obtenir une prise de position ferme du bureau de la Société française d’histoire d’outre-mer (SFOHM) en faveur d’Olivier Pétré-Grenouilleau, alors que mon état de santé aurait pu m’en dispenser, parce que j’estimais que sa cause était celle de tous les historiens.

[2] Voir sur mon site les textes suivants :

-  « Mon avis sur la pétition des historiens » (2005) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=38.

-  « Réponse à Gilles Manceron » (2005) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=37.

-  « Quand on parle de la colonisation, on ne peut pas se satisfaire d’un seul jugement » (« chat » sur Liberation.fr, 2005) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=54.

-  « L’histoire immédiate de la relation franco-algérienne : vers un traité d’amitié franco-algérien ? » (2006) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=61.

-  « La confrontation mémoire-histoire depuis un an » (2006) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=62..

-  « France-Algérie : groupes de pression et histoire » (2006) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=63.

-  « Histoire et mémoire de la décolonisation en France et en Algérie : les causes de l’échec du traité d’amitié franco-algérien » (2007) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=231.

-  « Réponse à Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilles Manceron et Gérard Noiriel, historiens et membres du Comité de vigilance face aux usages politiques de l’histoire » (2008) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=229.

-  « Réponse au livre de Catherine Coquery-Vidrovitch, Enjeux politiques de l’histoire coloniale » (2012) : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=282 .



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