La guerre sans nom : appelés et rappelés en Algérie (1992)

mardi 20 février 2007.
 
Ce texte est celui d’une brochure publiée en février 1992 à l’intention des professeurs d’histoire des lycées pour les aider à présenter à leurs élèves le film de Bertrand Tavernier et Patrick Rotman, La guerre sans nom. Il a été préfacé par Jean Peyrot, président de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG), et par la société "Neuf de coeur", productrice du film.

CHAPITRE I : APPELÉS ET RAPPELÉS EN ALGÉRIE DE 1954 À 1962

I. - Les effectifs de l’armée française en Algérie en 1954

Les estimations des effectifs présents en Algérie à telle ou telle date, fournies par différentes sources, sont rarement concordantes, parce qu’elles ne précisent généralement pas quelles catégories de troupes elles additionnent (armée de terre ou ensemble des trois armes, avec ou sans la gendarmerie, les CRS, les forces supplétives...).

Selon les mémoires de Jean Vaujour [1], les effectifs de la Xe région militaire (départements algériens et territoires du Sud) étaient inférieurs à 50.000 hommes, dont moins de 20.000 disponibles pour des opérations de maintien de l’ordre, en octobre 1954. En effet, l’Algérie servait de base arrière à l’armée d’Indochine qui y prélevait des renforts et du matériel.

De plus, l’Afrique du Nord devant servir de position de repli aux forces de l’OTAN en cas d’invasion soviétique de l’Europe occidentale, les états-majors et les services de l’armée d’Algérie étaient particulièrement fournis, au détriment des forces combattantes. Les troupes et le matériel disponibles étaient mal adaptés à la guérilla en terrain montagneux et sans route.

Informé à l’avance des préparatifs insurrectionnels, le gouvernement de Pierre Mendès-France décida dès le 1er novembre 1954 l’envoi de renforts (parachutistes, gendarmes mobiles, CRS) qui portèrent rapidement les effectifs à 65.000 hommes en novembre 1954, puis à 80.000 au début de 1955 (dont la moitié seulement étaient opérationnels). Par la suite, le retour d’Indochine d’unités aguerries renforça encore les moyens d’intervention.

II. - Premiers appelés, premiers rappelés en Algérie. Les dates

L’Algérie étant considérée comme un groupe de départements français, une partie du contingent métropolitain y était normalement affectée pour y faire son service militaire. C’est pourquoi trois appelés (le brigadier-chef Cochet, les soldats Audat et Marquet) furent tués à Batna et à Khenchela le 1er novembre 1954.

Pour faire face au développement de l’insurrection en envoyant de nouveaux renforts, le gouvernement d’Edgar Faure décida les premiers rappels de disponibles (réservistes ayant terminé leur service militaire depuis moins de trois ans) en vertu de la loi du 31 mars 1928. Le décret du 21 mai 1955 permit le rappel des membres du contingent 1953-2 qui résidaient en Algérie. Puis, après la sanglante insurrection qui éclata le 20 août 1955 dans le Nord Constantinois et dans l’Atlas marocain, les décrets du 24 et du 28 août rappelèrent tout le contingent 1953-2 (conscrits nés entre le 16 novembre 1932 et le 5 mars 1933), et maintinrent sous les drapeaux le contingent 1954-1 (conscrits nés entre le 6 mars et le 31 août 1933) qui était libérable à partir du 1er novembre 1955. Tous les officiers et sous-officiers de réserve nécessaires à leur encadrement pouvaient être rappelés, quelle que fût leur classe.

III. - La durée du service. (18 mois... 24 mois... 27 mois... 30 mois)

Pour calmer le mécontentement des intéressés, le gouvernement décida en novembre 1955 de limiter à quatre mois la prolongation du service militaire, en libérant les rappelés à la fin de l’année et les maintenus aux environs du 1er mai 1956.

Pendant la campagne électorale consécutive à la dissolution de l’Assemblée nationale, les partis du « Front républicain » (socialistes et radicaux principalement) promirent de les libérer le plus tôt possible. Le gouvernement, présidé par le socialiste Guy Mollet, tint ces promesses en libérant le contingent 1954-1 à partir du 1er mars 1956, mais il maintint le 1954-2. Puis, pour satisfaire les pressantes demandes de renforts de l’état-major d’Alger et du ministre résidant Robert Lacoste, le décret du 12 avril 1956 décida le rappel du contingent 1953-1 (conscrits nés entre le 28 juin et le 15 novembre 1932), puis des contingents 1952-1 et 2, et maintint sous les drapeaux le contingent 1955-1. Le rappel du contingent 1953-1 fut immédiat, celui du 1952-2 (conscrits nés entre le 1er février et le 27 juin 1932) fut annoncé le 12 mai.

De nouveau, des manifestations de mécontentement incitèrent le gouvernement à limiter à six mois la durée des rappels, en libérant les rappelés entre la mi-octobre et la fin décembre 1956. Mais il compensa la baisse des effectifs en prolongeant davantage la durée effective du service militaire : sans en modifier la durée légale, qui resta fixée à 18 mois, le ministre de la défense nationale joua sur le délai de disponibilité pour maintenir les contingents sous les drapeaux pendant 24, puis 27, puis 30 mois. Le Monde du 29 janvier 1957, annonçant les dates de libération des maintenus du contingent 1954-2, constatait que ces jeunes gens auraient ainsi accompli entre 29 mois et demi et 30 mois de service.

Peu après, le secrétaire d’État à l’Air, Henri Laforest, répondit à une question d’un député que tous les appelés accomplissaient la même durée de service : « ceux qui doivent être libérés le 1er mars et le 1er mai auront servi 30 mois, comme ceux libérés à la Noël dernier. La durée du service des contingents suivants dépendra des besoins en effectifs, qui dépendent eux-mêmes de l’évolution de la situation en Afrique du Nord » [2].

Le Président du Conseil, Guy Mollet, interviewé par Pierre Sabbagh devant les caméras de télévision le 1er avril 1957, eut quelque peine à justifier d’une manière convaincante cette prolongation de la durée du service pour une durée non fixée d’avance.

Pris entre les pressions contraires de l’état-major d’Alger et de l’opinion publique métropolitaine, les gouvernements firent alterner des mesures de prolongation et de réduction de la durée du service. Le gouvernement de Félix Gaillard décida le retour au service de 24 mois en novembre 1957, puis il revint à 27 mois en avril 1958, à la demande du général Salan, commandant en chef en Algérie.

Contre l’avis de celui-ci, le général de Gaulle, revenu au pouvoir, décida en décembre 1958 d’étudier un retour progressif au service de 24 mois.

A partir de 1959, de toute façon, l’arrivée des « classes creuses » nées pendant la guerre de 1939 à 1945 ne permettait plus de maintenir des effectifs métropolitains constants sans rallonger la durée du service dans des proportions inacceptables. Pour maintenir ces effectifs, le général Challe, successeur de Salan, dut intensifier le recrutement d’appelés, d’engagés et de supplétifs musulmans en Algérie.

IV. - Les effectifs d’appelés et de rappelés en Algérie, entre 1954 et 1962

Le contingent 1954-1, maintenu en août 1955, comptait plus de 100.000 hommes : 77.000 dans l’armée de terre, 25.000 dans l’armée de l’air, 2.000 dans la marine.

Le contingent 1953-2, rappelé à la même date, en comptait plus de 75.000 : 60.000 de l’armée de terre, 15.000 de l’armée de l’air, et 700 de la marine.

Les rappels d’avril et mai 1956 concernaient environ 200.000 disponibles. Mais l’organisation plus complexe des rappels et des départs ne permet pas de chiffrer aisément l’apport de chaque contingent.

Selon les mémoires du général Salan [3], les rappelés de 1956 avaient fourni environ 150.000 hommes à l’armée d’Algérie (une partie des renforts ayant été prélevée sur les troupes déjà incorporées en métropole et en Allemagne).

Les rappels et la prolongation de la durée du service permirent une rapide augmentation des effectifs présents en Algérie. Les effectifs terrestres passèrent de 114.000 hommes en juillet 1955 à 160.000 en octobre, et à 176.000 en novembre. De 187.000 au 1er mars 1956 (ou 220.000 en incluant toutes les forces terrestres, aériennes et maritimes), ils atteignirent 355.000 hommes à la fin de mai 1956, 325.000 en juillet, et 380.000 en décembre.

Après le départ des derniers disponibles, les effectifs instruits de l’armée de terre varièrent en fonction de la durée du service : 325.000 hommes en décembre 1956, 308.000 en janvier 1957, 396.000 en octobre 1957, 371.000 en décembre 1957, 400.000 en juin 1958, 442.000 en octobre 1958, 394.000 en décembre 1958 (ou 426.000 hommes pour l’ensemble des trois armées), selon les Mémoires du général Salan [4].

Le général Challe, nommé commandant en chef en Algérie en décembre 1958, s’efforça de conserver un minimum de 380.000 hommes dans les forces terrestres régulières.

Au total, on estime à près de 2 millions le nombre des soldats métropolitains qui servirent en Algérie de 1954 à 1962. Les appelés et rappelés en constituèrent sans doute la grande majorité (particulièrement dans l’armée de terre), mais il n’est pas facile de calculer leur nombre exact.

CHAPITRE II : LES MANIFESTATIONS CONTRE LA GUERRE D’ALGÉRIE

I. - La doctrine officielle

Aux yeux des responsables de la politique française, depuis les premiers jours de la guerre, la légitimité de l’envoi du contingent en Algérie était incontestable. « L’Algérie, c’est la France », avait déclaré Pierre Mendès-France le 12 novembre 1954 ; et son ministre de l’Intérieur, François Mitterrand, avait justifié l’emploi des appelés pour défendre, sur un territoire français, l’intégrité de la République. Edgar Faure avait continué cette politique, et Guy Mollet, tout en reconnaissant la « personnalité algérienne », avait réaffirmé la nécessité de « liens indissolubles » avec la métropole.

II. - Les manifestations

Pourtant, les rappels de 1955 et 1956 provoquèrent immédiatement de nombreuses manifestations de rappelés, soutenus par une partie de la population.

Les plus spectaculaires furent, d’abord, le 11 septembre 1955, le refus d’embarquement de 600 rappelés de l’armée de l’air à la gare de Lyon à Paris, et le 8 octobre 1955, celui de soldats du 406e régiment d’artillerie antiaérienne, à la caserne Richepanse de Rouen. Les manifestations de protestation se prolongèrent jusque pendant la campagne électorale de décembre 1955.

Une deuxième vague se développa pendant trois mois à la suite des rappels d’avril et mai 1956. La manifestation du 18 mai 1956 à Grenoble fut l’une des plus violentes (une cinquantaine de blessés, autant d’arrestations), mais ne rassembla que quelques centaines de personnes. De plus importantes en réunirent plusieurs milliers, avec la participation d’ouvriers en grève de solidarité, par exemple à Saint-Nazaire le 28 mai et à Firminy le 31 mai.

Les autorités les expliquèrent par les mauvaises conditions d’un accueil improvisé, par l’insuffisance de l’encadrement, et par l’action de meneurs antimilitaristes dans les unités et à l’extérieur.

I1 semble que la raison la plus profonde était le fait même d’avoir rappelé sous les drapeaux de jeunes hommes qui venaient de s’engager dans des responsabilités professionnelles ou familiales en se croyant libérés de leurs obligations militaires. La notion de disponibilité était mal acceptée, faute de précédent récent. Une mobilisation générale, concernant toutes les classes d’âge valides, aurait été plus facilement admise qu’une mobilisation très partielle. La prolongation du service militaire ne souleva pas les mêmes remous.

De plus, l’envoi du contingent en Afrique du Nord pour des opérations de guerre ne fut pas considéré par tous les appelés et rappelés comme une mission normale de défense du territoire national ; d’autant plus qu’il n’avait jamais été utilisé dans la guerre d’Indochine.

Ces mouvements spontanés furent encadrés et encouragés par des militants hostiles à la « guerre d’Algérie » (expression qui apparut après les premiers rappels de 1955) : extrême gauche anarchiste ou trotskyste, parti communiste, adeptes de la « nouvelle gauche » laïque ou chrétienne, mais aussi, jeunes socialistes et radicaux mendèsistes, regroupés dans des comités contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord.

Les manifestations du printemps 1956 reçurent un moins large soutien. Par le fait du revirement du « Front républicain » arrivé au pouvoir, elles parurent davantage manipulées par le parti communiste, qui fut discrédité par l’engagement des communistes algériens aux côtés des « rebelles » (désertion de l’aspirant Maillot avec un camion d’armes en avril 1956), par l’appui de l’U.R.S.S. à l’Égypte nasserienne et par son intervention contre les révoltés hongrois (approuvée par le PCF).

III. - L’échec du mouvement de protestation

Les manifestations ne réussirent qu’à freiner le départ des rappelés et des appelés. Elles ne touchèrent pas toutes les unités et ne rassemblèrent pas toujours des foules proportionnées à la population des localités où elles se produisirent.

Les autorités calmèrent les rappelés en leur promettant des avantages de solde au-delà de la durée légale du service, des primes pour leur participation au maintien de l’ordre dans les zones soumises à l’état d’urgence, des indemnités d’absence temporaire pour les hommes mariés. Les cas d’exemption prévus par la loi (notamment pour les pères de deux enfants) et les sursis furent respectés.

Les gouvernements assurèrent que l’envoi des rappelés était destiné à maintenir l’ordre , à « pacifier », à empêcher la guerre et non à la déchaîner. Ils firent appel au sens du devoir patriotique dont les anciens combattants des générations précédentes s’étaient acquittés sans protester [5], avec la caution du président de la République René Coty, qui fit plusieurs discours sur ce thème à partir de juin 1955. Le 17 juin 1956, à Verdun, il invoqua l’exemple de l’Alsace-Lorraine pour refuser d’« abandonner demain, sur l’autre rive de la Méditerranée, des populations qui nous sont profondément fidèles à une minorité d’égorgeurs de femmes et d’enfants », et il rappela les opposants au devoir : « À ceux qui ne sont pas astreints à la discipline militaire, il commande à tout le moins ce minimum de discipline civique qui leur interdit tout acte et même tout propos susceptible de jeter le trouble dans l’âme des enfants de la patrie que la République appelle aux armes, pour opposer à d’abominables violences la force française, inséparable de la générosité française ».

Peu après, le 24 mai à Rouen, il prôna l’union sacrée : « C’est la nation entière qui, solidaire avec sa plus belle jeunesse, doit faire dans le combat le front uni du patriotisme ».

Ces appels furent entendus. La grande majorité des partis politiques, des syndicats, des églises, des associations d’anciens combattants, et de la presse, approuvèrent le principe du rappel des disponibles et de l’envoi du contingent en Algérie, et imposèrent un devoir de réserve.

Ceux qui refusèrent de se soumettre furent sanctionnés par des perquisitions, des arrestations (comme celle de Claude Bourdet, pour son éditorial dans France-Observateur : « Ne lancez pas le contingent dans votre guerre ! »), et des saisies. Les manifestations elles-mêmes furent peu mentionnées, et avec discrétion, en dehors de la presse communiste et d’extrême gauche.

Il est néanmoins faux de dire (comme Alexander Werth) que l’opinion publique française, après avoir voté pour la paix en Algérie le 2 janvier 1956, fut retournée par la vague de « national-molletisme » déclenchée par le gouvernement. D’après les sondages de l’I.F.O.P. [6], les partisans de l’Algérie-groupe de départements français passèrent de 49 % en février 1956 à 40 % en avril, alors que ceux de « liens moins étroits » passaient de 25 % à 33 %.

En avril 1956, placés devant l’hypothèse d’un choix nécessaire entre la négociation avec les « rebelles » pour accorder l’indépendance de l’Algérie et leur écrasement par la force, les Français se partageaient à égalité entre ces deux options (39 % pour chacune). Mais en juillet 1956, 45 % se prononçaient pour l’indépendance, et seulement 23 % pour la guerre à outrance.

À la même date, 48 % des Français refusaient de payer des impôts supplémentaires pour financer la « pacification », 48 % désapprouvaient l’envoi des jeunes pour faire leur service militaire en Algérie, et 49 %, l’envoi d’une ou de plusieurs classes.

Ainsi, l’opinion des milieux dirigeants ne reflétait pas celle de la France profonde [7].

Néanmoins, les protestataires se sentirent abandonnés à leur sort. Les meneurs récalcitrants furent isolés, envoyés dans les bataillons disciplinaires du Sahara, ou condamnés à des peines d’emprisonnement. Les soldats furent endoctrinés par les « cinquièmes bureaux » d’action psychologique, mis en garde contre la tentation de fraterniser avec les « fellaghas », et placés très vite en situation d’avoir à tirer pour défendre leur vie.

L’embuscade de Palestro, où la section du sous-lieutenant Arthur fut presque entièrement massacrée le 18 mai, fut donnée en exemple de la cruauté des « rebelles ».

La reprise en mains des mutins du 228e bataillon d’infanterie par le commandant Jean Pouget à la fin d’octobre 1956 [8] fut peut-être le dernier épisode du rétablissement de la discipline militaire. Cependant, la combativité des rappelés resta très inégale, en fonction du taux d’encadrement des unités et de la qualité de leurs cadres.

IV. - Les attitudes de refus

Resté la principale force d’opposition à la guerre, le PCF soutint par des campagnes de presse et par des pétitions ceux de ses militants qui se faisaient emprisonner pour refus de combattre en Algérie. Mais il refusa de préconiser l’insoumission ou la désertion, car suivant la doctrine léniniste, le devoir des soldats communistes était de propager la révolution dans leurs unités. Le PCF publia pendant toute la guerre un journal clandestin, Soldat de France (créé en 1950 pour dénoncer la guerre d’Indochine), qu’il renforça en 1958 par plusieurs autres : Secteur postal Algérie, Le parachutiste, Marin de France.

De son côté, le PCA (aidé par le PCF) diffusa La voix du soldat, de l’été 1955 au printemps 1957. Mais la propagande communiste était sévèrement réprimée dans l’armée, et concurrencée par la propagande officielle du cinquième bureau (journal Le bled).

Les désertions vers l’autre camp furent très rares (une centaine d’hommes, dont 77 légionnaires, pendant toute la guerre). L’insistance de la propagande officielle sur les atrocités des « rebelles » fut dissuasive. Le cas du soldat Noël Favrelière, qui déserta en 1956 avec le prisonnier qu’il gardait pour le sauver [9] resta exceptionnel.

A partir du début de 1957, d’anciens rappelés libérés contribuèrent à dénoncer publiquement les méthodes illégales de répression (torture et exécutions sommaires déguisées en « corvée de bois »). Quelques-uns s’engagèrent dans des réseaux de soutien à la Fédération de France du FLN. L’insoumission resta un phénomène rare faute de structure d’accueil à l’étranger pour les réfractaires. Le réseau « Jeune résistance », émanation du réseau Jeanson, fut créé à cette fin en 1960. L’existence de ces réseaux fut révélée par leur procès et par le manifeste que 121 intellectuels de gauche signèrent en leur faveur en septembre 1960.

Cependant la discipline prévalut à l’intérieur de l’armée jusqu’au « putsch des généraux » d’avril 1961.

CHAPITRE III : L’ARMÉE FRANÇAISE AU COMBAT

 [10]

I. - La situation en 1956

Le recours massif aux disponibles et au contingent visait à enrayer les rapides progrès de l’insurrection lancée dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 par quelques centaines d’hommes mal armés.

Organisés en cinq régions autonomes, ou wilayas, (Aurès, Nord Constantinois, Kabylie, Algérois, Oranie), et appuyés par une délégation extérieure installée au Caire, ils formaient une organisation politico-militaire portant les noms de FLN (Front de Libération Nationale) et d’ALN (Armée de Libération Nationale), ayant pour but l’indépendance de l’Algérie.

En deux ans, le FLN-ALN réussit à s’enraciner et à étendre son action à toute l’Algérie du Nord, en combinant plusieurs moyens :

-  la propagande, faisant appel à la solidarité religieuse et patriotique envers les moudjahidin (combattants de la guerre sainte, Djihad) ;

-  le terrorisme, visant à supprimer et à déshonorer les traîtres et les réfractaires, et à intimider les hésitants ;

-  la provocation de représailles françaises contre ces derniers, par des embuscades ou des attentats visant des militaires et des civils français.

Le FLN obtint le ralliement de presque toutes les forces politiques algériennes : tendance centraliste du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), dirigé par Ben Khedda, UDMA (Union démocratique du Manifeste algérien) de Ferhat Abbas, Association des Oulémas ; à l’exception du PCA (qui soutint le FLN mais tenta de conserver ses « Combattants de la libération » en dehors de l’ALN jusqu’au 1er juillet 1956), et surtout du MNA (Mouvement National Algérien) de Messali Hadj.

Il créa ou contrôla des syndicats : Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA), des Commerçants Algériens (UGCA), des Étudiants Musulmans Algériens (UGEMA), qui déclenchèrent des grèves de solidarité.

La grève illimitée des examens et des cours, lancée par l’UGEMA le 19 mai 1956, permit à l’ALN de renforcer qualitativement son encadrement. Les principaux chefs de l’intérieur, réunis en un congrès dans la vallée de la Soummam, en Kabylie, à partir du 20 août 1956, réorganisèrent les structures du FLN-ALN en distinguant une organisation politico-administrative (OPA) et une hiérarchie militaire, coordonnées par des chefs politico-militaires au niveau des wilayas, des zones, des régions et des secteurs. Au sommet, ils créèrent un Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) et un Conseil de Coordination et d’Exécution (CCE) pour diriger la lutte. Ils revendiquaient le monopole de la représentation du peuple algérien.

II. - Les stratégies de l’armée française

Face à cette « guerre révolutionnaire » inspirée des méthodes du Vietminh en Indochine, les stratèges de l’armée française entendaient mener de front la guerre contre les « rebelles » qui refusaient de cesser le feu, et la « pacification » ou la protection des populations qu’ils terrorisaient.

L’armée devait donc jouer plusieurs rôles. Militaire : destruction des « bandes » armées. Policier : démantèlement des réseaux terroristes et de l’OPA. Judiciaire : punition des actes criminels ou délictueux des « fellaghas » par les Tribunaux permanents des forces armées (dont les condamnations à mort furent exécutées à partir du 19 juin 1956). Pacificateur : protection des populations civiles et de leurs biens contre le terrorisme. Persuasif : rallier la masse de la population algérienne à la cause française par l’action psychologique et la propagande des 5e bureaux, et par l’action sociale des Sections Administratives Spécialisées (SAS) : assistance médicale gratuite, enseignement, chantiers...

La difficulté était de distinguer et de dissocier les « Français musulmans » fidèles ou égarés des « terroristes » endurcis. Le vote par l’Assemblée nationale de l’état d’urgence (1955) puis des pouvoirs spéciaux (12 mars 1956) ne mit pas fin à des pratiques illégales : la torture pour obtenir des renseignements, quand la persuasion ou l’intimidation ne suffisaient pas, et les exécutions sommaires de « hors-la-loi », « pris les armes à la main » [11].

L’envoi des rappelés et des appelés en Algérie permit de maintenir un rapport de 10 contre 1 entre les effectifs des « forces de l’ordre » et ceux des « rebelles » (estimés à 38.000 hommes armés en janvier 1957). Ils fournirent la majorité des effectifs dans toutes les armes, particulièrement dans l’armée de terre. La plupart furent affectés dans les troupes de secteurs chargées de « quadriller » le territoire ; une minorité servit dans les troupes d’intervention (parachutistes surtout), fortement encadrées par des officiers et sous-officiers de métier. Ils vécurent des expériences très diverses suivant leur corps d’affectation et suivant leur grade.

Les troupes de secteur, chargées du « quadrillage », devaient assurer la sécurité des personnes et des biens dans l’Algérie utile, avec les « unités territoriales » recrutées parmi les réservistes français d’Algérie, et plusieurs catégories de « supplétifs » musulmans (harkis, goumiers, groupes mobiles de protection rurale, moghaznis des SAS, groupes d’auto-défense des villages).

Les troupes d’intervention (légionnaires, parachutistes, commandos de l’air et de la marine...) devaient traquer les unités « rebelles » dans leurs bastions montagneux, déclarés « zones interdites ». L’aviation fournit ses moyens de transports, trois « groupes d’appui tactique » (avions de liaison, de reconnaissance et d’appui aux troupes terrestres), et deux groupes d’hélicoptères (le troisième étant rattaché à 1’« aviation légère de l’armée de terre »).

Le 22 octobre 1956, elle intercepta l’avion marocain transportant les chefs de la délégation extérieure du FLN (Ben Bella, Khider, Aït Ahmed et Boudiaf), qui négociaient secrètement avec le Président du Conseil Guy Mollet.

La marine surveillait les côtes, et le 16 octobre 1956, arraisonna le navire égyptien Athos, chargé d’armes destinées aux bases marocaines de l’ALN. L’expédition franco-britannique sur le canal de Suez, préparée après la nationalisation du canal par l’Égypte (26 juillet 1956) et déclenchée au début de novembre, immobilisa pendant plusieurs mois 30.000 hommes des troupes d’intervention, sans atteindre son but politique : le renversement du colonel Nasser, protecteur du FLN.

Malgré ce déploiement de forces, le FLN et l’ALN réussirent à compléter leur implantation dans tout le territoire algérien et à porter la guérilla dans toutes les grandes villes, y compris Alger, par des attentats sélectifs ou aveugles. Le nombre total d’« exactions » répertorié par le 2e bureau de l’armée française atteignit son maximum en janvier 1957. Les membres du CCE siégeant clandestinement à Alger crurent pouvoir mobiliser toute la population algérienne par une grève insurrectionnelle de 8 jours à partir du 27 janvier 1957, pour démontrer la représentativité du FLN à l’ouverture de la session de l’ONU.

III. - La « guerre révolutionnaire » en échec (1957-1958)

Le général Salan, commandant en chef interarmées depuis décembre 1956, s’efforça de mettre en échec la « guerre révolutionnaire », ou « subversive ». Il commença par réorganiser la hiérarchie militaire en la calquant strictement sur la hiérarchie administrative, pour renforcer leur unité d’action. Le général Massu reçut délégation des pouvoirs de police dans le département d’Alger.

De janvier à octobre 1957, le général Massu et sa 10e division parachutiste gagnèrent la « bataille d’Alger » par des moyens qui firent scandale en métropole mais qui firent école dans le reste de l’armée : renseignements par tous les moyens, y compris la torture [12], retournement et manipulation de ralliés clandestins, encadrement et contrôle de la population. La grève fut brisée, le CCE dut fuir Alger et se réfugier à l’extérieur après la capture de l’un de ses membres ; les réseaux politico-administratifsetmilitairesdela zone autonome d’Alger furent entièrement démantelés.

Dans les campagnes, le regroupement des populations évacuées des « zones interdites » et l’action des SAS gênèrent le recrutement, le ravitaillement et les liaisons du FLN-ALN. Le recrutement de « harkis » et d’autres supplétifs parmi les paysans réfractaires à son autorité et parmi les anciens « rebelles » ralliés facilita l’action des forces d’intervention.

Malgré l’augmentation sensible de ses pertes, l’ALN se renforça grâce aux armes et aux renforts qu’elle recevait du Maroc et surtout de Tunisie, où elle envoyait ses recrues s’entraîner et s’armer.

Pour isoler l’intérieur de l’extérieur, le ministre de la Défense André Morice (membre du gouvernement Bourgès-Maunoury de juin à septembre 1957) décida de construire, en arrière des frontières, des réseaux de barbelés électrifiés et minés (appelés « barrages » ou « ligne Morice ») prolongés dans les zones désertiques par des batteries de canons à tir automatique déclenché par radar. Ces obstacles n’étaient pas infranchissables, mais la coupure du réseau électrique signalait tout passage aux troupes d’intervention.

Au début de 1958, le commandement français estimait que la guerre était virtuellement gagnée, et le ministre résidant Robert Lacoste répétait que la victoire irait à celui qui tiendrait « le dernier quart d’heure ». Mais le CCE du FLN, installé à l’extérieur, espérait encore gagner en combinant une offensive de ses troupes de Tunisie et du Maroc et une pression diplomatique de ces deux pays sur les États-Unis et à l’ONU, de façon à internationaliser le conflit par un « Dien Bien Phu » algérien.

En janvier 1958, les forces militaires de l’ALN atteignirent un apogée : 60.000 combattants, dont 10.000 à l’extérieur, selon les services de renseignement français - 90.000 et 15 ou 20.000 selon l’historien et témoin algérien Mohammed Teguia.

De février à mai 1958, organisées en bataillons lourdement chargés d’armes, les troupes basées en Tunisie multiplièrent les harcèlements et les tentatives de franchissement de la ligne Morice. Le bombardement par l’aviation française du village tunisien de Sakiet Sidi Youcef (69 morts) poussa la Tunisie à porter plainte contre la France à l’ONU. L’acceptation des « bons offices » anglo-américains par le gouvernement de Félix Gaillard entraîna son renversement le 15 avril, et une crise ministérielle qui devint une crise de régime. Pendant ce temps, la bataille des frontières tourna au désastre pour l’ALN, surtout à la frontière tunisienne : la seule bataille de Souk Ahras (28 avril-3 mai 1958) lui fit perdre 620 hommes (tués, blessés, prisonniers) et dissipa le rêve d’un « Dien Bien Phu » algérien.

IV. - L’armée au pouvoir ? (Mai 1958...)

La désignation comme Président du Conseil de Pierre Pflimlin, partisan de renouer les négociations avec le FLN en vue d’un cessez-le-feu, décida les chefs militaires à sortir de leur réserve politique. Le 9 mai 1958, le général Salan et ses principaux subordonnés mirent en garde le Président de la République contre la « réaction de désespoir » de l’armée devant une politique d’abandon. Le 13, la foule algéroise ayant pris le gouvernement général [13] pour réclamer un gouvernement de « Salut Public », le général Massu accepta de présider un « Comité de salut public » et réclama un gouvernement présidé par le général de Gaulle. Le général Salan, investi des pleins pouvoirs civils et militaires par Félix Gaillard et par Pierre Pflimlin, laissa les militaires s’engager dans les CSP, et franchit le Rubicon en criant « Vive de Gaulle » le 15 mai. Il prépara une intervention militaire conjointe des troupes d’Algérie, du Sud-Ouest et d’Allemagne pour imposer au Parlement le retour du Général : le plan « Résurrection », que celui-ci décommanda par sa déclaration du 27 mai 1958.

Revenu au pouvoir le 1er juin sans intervention directe de l’armée, de Gaulle félicita Massu d’avoir « canalisé le torrent pour en capter l’énergie », et confirma les pleins pouvoirs du général Salan en le nommant Délégué général du gouvernement. Comme ils le faisaient depuis le 13 mai, les chefs militaires continuèrent d’assumer les fonctions civiles de préfets et sous-préfets, d’animer les Comités de salut public réunissant Européens et musulmans, d’organiser de spectaculaires manifestations de fraternisation franco-musulmanes, et de faire campagne pour le OUI au référendum du 28 septembre 1958 (qu’ils présentèrent comme un OUI à l’intégration de l’Algérie à la France).

Pourtant de Gaulle fit rapidement savoir qu’il ne laisserait pas l’armée lui dicter sa politique algérienne, et que son rôle était de créer les conditions d’une solution politique en combattant les « rebelles » sur le terrain. Au contraire, selon les officiers qui prétendaient tirer les leçons de la guerre « subversive » d’Indochine, la population était le véritable enjeu de la guerre et le facteur essentiel de la victoire. La destruction des unités de l’ALN et de l’organisation politico-administrative du FLN ne pouvait être durable sans la protection, l’engagement et le contrôle de la population musulmane. L’armée était donc dans son rôle en opposant son « action psychologique » et sa propagande à celle du FLN.

Au lendemain du référendum, de Gaulle décida de renvoyer les militaires à leurs tâches guerrières. Le 9 octobre 1958, il ordonna au général Salan de leur faire quitter les Comités de salut public et de leur faire garantir la liberté d’expression de toutes les tendances sans prendre parti. Il déplaça de nombreux officiers qui avaient participé au 13 mai. Puis il sépara de nouveau les responsabilités civiles et militaires en remplaçant le général Salan par deux hommes : le Délégué général du gouvernement Paul Delouvrier, et le général Challe, commandant en chef interarmées. Celui-ci avait six mois pour présenter un bulletin de victoire.

V. - Le Plan Challe (1959-1960)

Le général Challe avait étudié la situation militaire à l’automne 1958 en tant qu’adjoint opérationnel du général Salan. Selon les synthèses du 2e bureau, la force militaire de l’ALN était en déclin ; ses pertes avaient augmenté jusqu’à un maximum en avril 1958 (3.803 tués) ; le nombre des tentatives de franchissement des barrages tendait à diminuer. En compensation, le nombre d’actes de terrorisme, en recul de février 1957 à février 1958, remontait en flèche.

Malgré cet affaiblissement, l’ALN était loin d’être vaincue. La carte des unités repérées au 1er octobre 1958 recensait 21.150 combattants organisés en bataillons (faileks) de plusieurs compagnies à l’extérieur des barrages ; compagnies (katibas) de 120 hommes dans les massifs montagneux ; sections (ferkas) de 30 hommes dans les régions les plus densément quadrillées en arrière des barrages. L’armée française tentait de les isoler à l’extérieur en renforçant les barrages, et de les couper de la population musulmane en la regroupant de gré ou de force autour de ses postes et des SAS.

Le plan Challe s’en déduisait logiquement.

Renforcer l’étanchéité de la frontière tunisienne en doublant la ligne Morice par la « ligne Challe ». Occuper en force les massifs montagneux pendant plusieurs mois, pour obliger les « rebelles » à se terrer et à tomber dans les embuscades en cherchant du ravitaillement. Pour cela, constituer des « réserves générales » (troupes d’intervention renforcées par l’allègement du quadrillage des régions déjà « pacifiées »), et leur faire traiter successivement chaque massif d’Ouest en Est. Après leur départ, les unités de l’ALN, réduites à la taille de sections, seraient traquées par des « commandos de chasse » en partie composés d’anciens « rebelles » ralliés. Le recrutement des « harkis » et d’autres supplétifs musulmans serait intensifié pour pallier la baisse des effectifs métropolitains due aux « classes creuses » nées de 1939 à 1945. Ainsi, les effectifs musulmans (engagés, appelés, supplétifs), passés de 38.000 hommes en janvier 1957 à 103.000 en décembre 1958, culminèrent à 210.000 en 1960.

Le plan Challe remporta d’indéniables succès. En deux ans, l’ALN intérieure perdit près de la moitié de ses effectifs. Le regroupement de la population et la mise en « auto-défense » de nombreux villages, la multiplication des « harkis » et des ralliés aggravèrent l’isolement des maquisards. L’absence de renforts en hommes, en armes et en argent, accrut leur ressentiment contre le GPRA [14], entretenu par la propagande française dénonçant les « rebelles de palace ». Depuis l’été 1958, les services secrets avaient réussi à persuader les chefs des wilayas III (Kabylie) et IV (Algérois) qu’elles étaient infiltrées par des traîtres, provoquant ainsi des purges sanglantes qui préparèrent la voie au plan Challe.

Une victoire militaire sur le terrain était donc possible ; mais le général de Gaulle était convaincu que seule une solution politique serait définitive. Après en avoir informé les officiers dans sa « tournée des popotes » d’août 1959, il l’annonça dans son allocution du 16 septembre 1959. La mission de l’armée n’était plus de garder l’Algérie dans la France, mais de rétablir la paix, puis de garantir la liberté de l’autodétermination des Algériens entre trois options - sécession, francisation, association avec la France - et de protéger quoi qu’il arrive tous ceux qui voudraient rester français.

De nombreux officiers ne comprirent pas ce changement de politique. Le 24 janvier 1960, le rappel du général Massu déclencha la « semaine des barricades » d’Alger, où plusieurs officiers de son état-major furent compromis avec les émeutiers. Une première épuration s’ensuivit : inculpation de plusieurs colonels, mutations, dissolution des 5e bureaux (action psychologique).

Pourtant le général Challe croyait la victoire à portée de la main, quand il dut quitter son commandement en avril 1960.

Plusieurs officiers de la wilaya IV, dont son chef Si Salah, étaient entrés en pourparlers avec le gouvernement français. Ils acceptèrent la remise des armes contre une amnistie pour les combattants ; ils furent même reçus à l’Élysée par le général de Gaulle.

Le 14 juin 1960, celui-ci lança un nouvel appel au GPRA, qui envoya des émissaires à Melun. Le général les renvoya le 29 juin sans avoir obtenu l’acceptation des conditions acceptées par Si Salah. Mais entre-temps, celui-ci avait été désavoué par son adjoint, Si Mohammed, qui se remit aux ordres du GPRA. Le général Challe et les officiers informés soupçonnèrent de Gaulle d’avoir saboté leur victoire (en oubliant que Si Salah avait traité sur la base de l’autodétermination).

Dans les mois suivants, l’exécution du plan Challe continua, mais sans effet décisif. L’ALN intérieure s’adapta en reconstituant des réseaux dans les régions « pacifiées » et dans les grandes villes ; elle reprit contact avec l’état-major de l’ALN à l’extérieur par les filières clandestines de la Fédération de France du FLN.

L’annonce de la future « République algérienne » par le général de Gaulle (discours du 4 novembre 1960), puis les manifestations musulmanes arborant des drapeaux algériens et réclamant des négociations avec le GPRA pendant son voyage du 9 au 13 décembre en Algérie, désorientèrent la plupart des officiers. Certains désertèrent, ou restèrent dans l’armée pour préparer un « putsch ».

CHAPITRE IV : LA DERNIÈRE ÉTAPE (1961-1962)

I. - De la reprise des contacts avec le FLN au putsch des généraux

Bien que confiant dans les progrès de la « pacification », au point d’envisager dans son discours du 4 novembre 1960 1a cessation unilatérale des opérations offensives, de Gaulle fut convaincu par les manifestations musulmanes de décembre 1960 qu’il ne pourrait mettre fin à la guerre sans un accord avec le FLN.

Après le succès du référendum du 8 janvier 1961 (par lequel 79 % des suffrages exprimés en métropole autorisèrent la création d’institutions algériennes provisoires avant l’autodétermination), le Président de la République et le Premier ministre renouèrent des contacts secrets en Suisse avec le FLN, pour discuter sur l’avenir de l’Algérie et des rapports franco-algériens, sans exiger le désarmement préalable de l’ALN. Le rôle de l’armée française serait de rester maître du terrain (où ne restaient que moins de 20.000 « rebelles » mal armés) et des frontières (où l’état-major du colonel Boumedienne rassemblait près de 40.000 hommes bien équipés) pour permettre au gouvernement de négocier en position de force.

L’annonce d’une prochaine conférence publique à Évian, et la conférence de presse donnée par le chef de l’État le 11 avril 1961, décidèrent les officiers partisans d’un coup de force à passer aux actes. Du 22 au 25 avril 1961, les généraux en retraite Challe, Zeller, Jouhaud et Salan, appuyés sur quelques unités d’élite, tentèrent en vain de reprendre le commandement de l’armée d’Algérie pour gagner la guerre en trois mois. La branche parisienne du complot fut démantelée dès le 22 avril. Les fermes paroles du chef de l’État le soir du 23 avril - « Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J’interdis à tout Français, et d’abord à tout soldat, d’exécuter aucun de leurs ordres » -, diffusées par les transistors, stimulèrent la résistance de la majorité du contingent, et répandirent l’attentisme parmi les officiers.

Pour la première fois depuis 1956 [15], les appelés étaient clairement invités à choisir entre l’obéissance à leurs supérieurs et la fidélité à la République. Bien que les « putschistes » aient autorisé le départ des libérables vers la métropole, les appelés refusèrent le risque d’une sécession ou d’une guerre civile. On ne doit pourtant pas oublier que les troupes d’intervention, parachutistes et commandos de l’air, favorables au putsch, étaient en majorité composées d’appelés. L’engagement et l’ascendant personnel des officiers, et l’esprit de corps des « corps d’élite », expliquaient ces attitudes divergentes.

Il n’en reste pas moins vrai que l’échec du putsch démentit le mythe de l’unité de l’armée en révélant l’existence d’une majorité silencieuse aspirant à « la quille » plus qu’à la victoire. Il creusa un fossé moral entre cette majorité d’une part, les cadres favorables à l’Algérie française et les Français d’Algérie - qui avaient espéré dans l’armée - d’autre part.

II. - Négociations et guerre sur deux fronts

L’épuration, la dissolution des unités putschistes et les nombreuses démissions d’officiers qui suivirent, affaiblirent la combativité de l’armée française avant l’ouverture des négociations avec le FLN, le 20 mai à Évian. Puis la trêve unilatérale des opérations offensives annoncées ce jour-là, en même temps que la libération de 6.000 prisonniers et internés, l’arrêt du recrutement des supplétifs musulmans, le transfert de deux divisions en Europe, permirent à l’ALN de réparer en partie ses forces et d’intensifier son action militaire et terroriste pendant les négociations d’Évian et de Lugrin (20 mai-28 juillet 1961). L’OAS (Organisation Armée Secrète), fondée par des « activistes » civils et des militaires déserteurs sous le commandement du général Salan, en profita pour se présenter comme le seul défenseur des Français d’Algérie pendant que le gouvernement français négociait avec les chefs du FLN. L’impasse des négociations décida le gouvernement à ordonner, à partir du 11 août, la reprise des opérations offensives contre l’ALN, tout en continuant le transfert de plusieurs grandes unités en Europe (où la crise de Berlin faisait rebondir la « guerre froide »), et le resserrement du dispositif militaire sur les barrages frontaliers, les grands axes de communication et les grandes villes. De plus en plus l’OAS attaqua les éléments des forces de l’ordre qui la combattaient (policiers et « barbouzes », gendarmes, CRS, officiers gouvernementaux) ; elle tenta de réduire le poids des appelés de la métropole en proposant à l’Assemblée nationale le retour au service de 18 mois et la mobilisation de huit classes de jeunes Français d’Algérie [16]. Son but était de noyauter l’armée pour tenter un nouveau « putsch », avec la participation de la population civile en cas d’aboutissement des négociations secrètes entre le gouvernement et le FLN.

III. - Des accords d’Évian à l’évacuation

Les accords d’Évian, signés le 18 mars 1962 (un mois après l’accord préliminaire des Rousses), et le cessez-le-feu officiellement proclamé à partir du 19 mars, ouvrirent une nouvelle phase de la guerre. L’OAS dénonça aussitôt le cessez-le-feu comme une trahison, s’efforça de provoquer sa violation par l’ALN au moyen d’attentats, et somma les « forces de l’ordre » de la rejoindre sous peine d’être traitées comme des forces ennemies. De véritables scènes de guerre civile s’ensuivirent à Alger : après les gendarmes, les soldats du contingent tombèrent dans une embuscade le 23 mars à Bab-el-Oued, qui fut implacablement ratissé en représaille. Le 26 mars, une manifestation de solidarité, organisée par l’OAS pour « délivrer Bab-el-Oued », fut mitraillée rue d’Isly par des soldats musulmans de l’armée française.

En une semaine particulièrement sanglante, l’OAS avait perdu la partie, mais elle prolongea son action terroriste jusqu’en juin 1962.

Suivant les accords d’Évian, l’armée française, aux ordres du Haut commissaire, devait rester l’ultime garante de l’ordre public, en coopération avec une « force locale » de 40.000 à 60.000 hommes (composée d’appelés et de supplétifs musulmans) subordonnée à l’Exécutif provisoire franco-algérien, entre le référendum du 8 avril 1962 en métropole - qui ratifia les accords par 90 % des suffrages exprimés - et le référendum algérien d’autodétermination qui fut fixé au 1er juillet 1962. Elle devait être réduite à 80.000 hommes un an après l’autodétermination, et totalement évacuée deux ans plus tard. Ses soldats musulmans (engagés, appelés et supplétifs), en tout plus de 200.000 hommes, étaient invités à choisir entre leur maintien dans l’armée française dans la limite des effectifs jugés utiles, leur transfert à la force locale, et leur démobilisation avec primes.

L’application du cessez-le-feu fut sabotée par l’OAS, mais aussi par des éléments de l’ALN qui sortirent de leurs montagnes pour reprendre le contrôle de la population algérienne, recruter des combattants de la dernière heure (les « marsiens »), notamment aux dépens de la force locale, riposter aux provocations de l’OAS, et châtier les « traîtres ».

Après quelques accrochages, l’armée française renonça, sur ordre, à combattre l’ALN autant que l’OAS. Les garanties de sécurité des personnes, proclamées par les accords d’Évian, devinrent lettre morte. Les enlèvements d’Européens se multiplièrent, non seulement à Alger et à Oran, où se déchaînait l’OAS, mais dans tout le pays. Les « harkis » et autres supplétifs musulmans de l’armée française, rassurés par les garanties d’Évian et par les promesses du FLN, choisirent en majorité leur démobilisation, mais tôt ou tard, nombre d’entre eux furent arrêtés, massacrés, ou détenus pendant des années. Certains de leurs anciens officiers tentèrent de les transférer en métropole, mais le ministre des affaires algériennes Louis Joxe interdit les « rapatriements prématurés » en dehors du plan général prévu par la hiérarchie en faveur des « supplétifs réellement menacés » [17].

Après le référendum du 1er juillet 1962, qui ratifia massivement les accords d’Évian, l’Algérie indépendante sombra dans une anarchie totale, jusqu’à la formation du gouvernement Ben Bella le 29 septembre 1962. Les troupes françaises, consignées dans leurs garnisons, ne pouvaient rien faire pour secourir les Français européens et musulmans (plus que jamais victimes d’enlèvements et d’assassinats) sans l’accord des responsables algériens. Le gouvernement français menaça plusieurs fois d’intervenir pour protéger ses ressortissants et de renoncer à la coopération si la sécurité n’était pas rapidement rétablie.

Les troupes françaises terminèrent leur évacuation dans le délai prévu, le 15 juin 1964. Les centres d’essai de fusées et de bombes atomiques au Sahara furent évacués par anticipation en juin 1967, puis les bases navale et aérienne de Mers-el-Kebir et Bou-Sfer (près d’Oran) en 1968 et 1970. Ainsi finit la présence militaire française en Algérie.

IV. - Bilan des pertes

Le bilan des pertes humaines de la guerre d’Algérie est connu avec plus de précision du côté français que du côté algérien, tout au moins jusqu’au 19 mars 1962.

Suivant les sources officielles françaises [18], les pertes des forces de l’ordre, du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962, s’élèvent à 24.614 morts (15.583 tués au combat ou par attentat, 7.917 morts par accident, 1.114 par maladie ou suicide), parmi lesquels environ 3.500 musulmans ; et 64.985 blessés (35.615 par combat ou attentat, 29.370 par accident), enfin 450 prisonniers non libérés.

Ces pertes sont très inférieures à celles de l’autre camp. Les gouvernements algériens glorifient depuis 1962 « un million et demi de martyrs », mais le ministre algérien des anciens moudjahidin a recensé en 1974 152.863 combattants tués [19]. Cet ordre de grandeur est voisin des 141.000 « rebelles » tués comptabilisés par les bilans opérationnels français : le rapport des pertes entre les deux armées serait donc de 10 contre 1. Toutefois, le général de Gaulle a jugé nécessaire de majorer cette estimation à 200.000 morts.

En effet, les pertes civiles modifient le bilan. Elles ont été enregistrées avec précision du côté français jusqu’au 19 mars 1962. A cette date, le terrorisme (principalement du FLN, mais aussi du MNA messaliste et de l’OAS) avait causé en Algérie 19.166 morts (2.788 Européens et 16.378 Musulmans), 21.151 blessés (7.541 et 13.610), et 13.671 disparus (375 et 13.296). Le total des victimes de l’OAS en Algérie jusqu’en juin 1962 serait de 1.622 tués (dont 239 Européens) et 5.048 blessés.

Une grande incertitude pèse sur le nombre des victimes d’enlèvements et d’assassinats commis au nom de l’ALN après le 19 mars 1962. Le secrétaire d’État aux affaires algériennes Jean de Broglie a présenté au Sénat le 25 novembre 1964 un bilan selon lui irréfutable. Sur 3.018 civils européens déclarés disparus en Algérie entre le 19 mars et le 31 décembre 1962, 1.245 avaient été libérés ; 1.165 étaient considérés comme morts ; 135 enquêtes restaient en cours, et 473 dossiers avaient été clos faute de renseignements.

Mais l’Association de solidarité des familles et enfants de disparus affirme tenir à jour un fichier de 2.500 noms, et estime leur nombre à plus de 3.000 en tenant compte des disparus civils et militaires d’avant le 19 mars et des 35 soldats disparus ensuite. Elle accuse le gouvernement algérien d’avoir gardé des otages, et le gouvernement français de n’avoir pas tout fait pour les libérer.

La plus grande incertitude porte sur le nombre de musulmans (la plupart anciens supplétifs de l’armée française) qui furent enlevés et massacrés en 1962. Les estimations faites depuis novembre 1962 continuent de varier entre 10.000 et 150.000 morts suivant les opinions [20]. Le charnier de 1.200 cadavres découvert en 1982 à Khenchela est revendiqué comme étant celui de « harkis » de la région et de leurs familles.

La guerre en métropole toucha surtout la population algérienne immigrée. Elle aurait tué 4.055 Algériens (FLN, MNA, ou réfractaires), 152 civils français, 77 policiers et auxiliaires, et fait près de 9.000 blessés. L’OAS y aurait tué 62 personnes et en aurait blessé 385.

Même si l’on ne peut vérifier en détail leur exactitude, ces bilans semblent autoriser quelques conclusions : la « pacification » a tué plus d’Algériens que la « rébellion » (tout au moins avant le 19 mars 1962, les massacres qui suivirent tendant à rétablir l’équilibre des pertes), et les moudjahidin algériens ont tué plus de « traîtres » que d’ennemis. Surtout, la population de la métropole a beaucoup moins souffert que celles de l’Algérie : pour se représenter concrètement l’ampleur des pertes, il faut calculer leur rapport aux populations concernées (1 million d’Européens et 10 millions de Musulmans en Algérie, pour 45 millions de Français de France).

CONCLUSION : UNE GUERRE SANS NOM, SANS SIGNIFICATION, NI COMMÉMORATION

Deux millions de soldats français ont participé à la guerre d’Algérie. Une grande partie d’entre eux a adhéré à une fédération d’anciens combattants : 310.000 à la FNACA (Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie, Maroc, Tunisie), pacifiste et anticolonialiste ; 257.000 à l’UNCAFN (Union Nationale des Combattants d’Afrique du Nord), patriote et impériale ; 120.000 aux CATM (Combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc), aux positions intermédiaires. Elles se sont rassemblées en un front uni pour revendiquer la reconnaissance de l’état de guerre en Algérie, du statut de combattant, et des avantages matériels qui en sont la conséquence normale. Le refus opposé par tous les gouvernements à la première revendication, sous prétexte qu’il s’agissait d’opérations de maintien de l’ordre, est injustifiable. Le général de Gaulle l’avait lui-même reconnu le 11 avril 1961 : « I1 est de fait que l’Algérie, pour l’instant, est un pays où sévit la guerre ».

Mais cette guerre sans nom est, en outre, dépourvue de signification positive. Aux mauvais souvenirs que laisse toute guerre, elle ajoute des souvenirs honteux : ceux de la torture et des « corvées de bois », mais aussi ceux de la guerre civile et de l’abandon. Et tout cela, en vain. Les accords d’Évian ont tenté de mettre fin aux hostilités suivant des clauses conformes aux conditions de paix formulées par le FLN dans sa proclamation du 1er novembre 1954 : ils ont entériné la défaite politique, sinon militaire, de la France en Algérie. Et, loin d’y ramener la paix, le « cessez-le-feu » du 19 mars a inauguré la pire période de la guerre.

La lourde responsabilité de l’OAS dans le déclenchement du chaos ne peut empêcher les Français et les « Français musulmans » rapatriés d’Algérie d’interpréter cette date comme celle de leur abandon par la métropole et son armée. C’est pourquoi la commémoration du 19 mars, « fin de la guerre d’Algérie », à l’initiative de la FNACA, ne peut que rouvrir des plaies mal cicatrisées et provoquer de violentes et stériles polémiques. Robert Frank l’a très bien dit : « Les partisans du 8 mai fêtent au moins une victoire qui donne un sens à leur guerre. Ceux du 19 mars veulent une célébration qui fasse remarquer que la guerre d’Algérie n’en avait pas. [...] Les survivants peuvent célébrer le fait de n’être point morts pour rien. Mais en honorant la mémoire de leurs camarades tués, ils posent implicitement l’affreuse question : pourquoi sont-ils morts ? [...] C’est parce que cette question est au fond insoutenable que cette guerre est incommémorable » [21].

La commémoration du 16 octobre (anniversaire du transfert d’un soldat inconnu de la guerre d’Algérie dans la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette le 16 octobre 1977), proposée par les autres associations, n’a évidemment aucune chance de supplanter le 19 mars. La seule date qui pourrait convenir à une journée de deuil national serait le 1er novembre, début incontestable de la guerre d’Algérie.

Guy Pervillé

[1] De la révolte à la révolution, Paris, Albin Michel, 1985, pp. 56-57.

[2] Le Monde, 9 février 1957.

[3] Fin d’un empire, Tome 3, Presses de la Cité, 1972, p 52.

[4] Tome 4, pp 297 et 352.

[5] Les Français d’Afrique du Nord avaient été mobilisés dans la proportion de 16 % pour libérer la mère-patrie de 1943 à 1945.

[6] Étudiés par Charles Robert Ageron, « L’opinion française devant la guerre d’Algérie », Revue française d’histoire d’outre-mer, n° 231, 1977.

[7] Pierre Montagnon, ancien officier passé à l’OAS, reconnaît dans son livre, La guerre d’Algérie, Editions Pygmalion, 1984, que l’envoi du contingent condamna à terme la cause de l’Algérie française en la rendant impopulaire en métropole.

[8] Épisode raconté par Yves Courrière dans Le temps des léopards, et par son héros dans Bataillon RAS, Algérie, Presses de la Cité, 1981 ; utilisé dans les scénarios de RAS par Yves Boisset et d’Avoir 20 ans dans les Aurès par René Vautier.

[9] Épisode raconté par son auteur dans Le désert à l’aube, Éditions de Minuit, 1962, et dans Le déserteur, Édition spéciale, 1973 ; utilisé par René Vautier et Yves Boisset dans leurs films cités.

[10] Ce passage reprend une partie de ma contribution au catalogue de l’exposition La France en guerre d’Algérie, qui aura lieu du 4 avril au 28 juin 1992 au Musée d’Histoire Contemporaine de la BDIC, Hôtel national des Invalides, 75 007 PARIS, sous la direction de Laurent Gervereau, Jean-Pierre Rioux et Benjamin Stora.

[11] « Tous les fellaghas pris les armes à la main seront châtiés à l’instant », avait déclaré le ministre de l’Intérieur Maurice Bourgès-Maunoury à l’Assemblée algérienne le 26 mai 1955.

[12] Elle fut institutionnalisée par la création de « détachements opérationnels de protection » (DOP), dépendant du « Centre de Coordination Inter-armées » (CCI).

[13] A l’occasion d’une cérémonie d’hommage à trois soldats du contingent prisonniers en Tunisie et fusillés par l’ALN.

[14] Gouvernement provisoire de la République algérienne, proclamé au Caire le 19 septembre 1958, et présidé par Ferhat Abbas.

[15] Plus nettement qu’en mai 1958, où le général Salan avait été investi des pleins pouvoirs civils par le gouvernement légal avant de le défier, et que pendant la « semaine des barricades » de janvier 1960, où le général Challe n’avait pas rejoint les émeutiers algérois.

[16] Cet « amendement Salan », présenté par le député Valentin, obtint 80 voix le 9 novembre 1961. Il avait été conçu par Salan et par Jean-Jacques Susini le dernier jour du putsch.

[17] Voir l’interview du général Buis, ancien chef du cabinet militaire du Haut commissaire Christian Fouchet, dans L’Histoire n° 140, janvier 1991.

[18] Citées par le général Jacquin, « Le prix d’une guerre », Historia Magazine - La guerre d’Algérie, n° 371-112, 1972.

[19] Cité par Charles-Robert Ageron, La décolonisation française, Paris, Armand Colin, 1991, p 154.

[20] Voir l’interview citée du général Buis.

[21] Robert Frank, « Les troubles de la mémoire française », dans La guerre d’Algérie et les Français, sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Paris, Fayard, 1990, p 607.



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