L’insertion internationale du FLN algérien, 1954-1962 (1982)

dimanche 3 juin 2007.
 
Cet article complète une série de trois, publiés auparavant dans la même revue franco-suisse Relations internationales, dirigée par Jean-Baptiste Duroselle et Jacques Freymond : « La guerre subversive en Algérie : la théorie et les faits », 1975, n° 3, pp. 171-194 : « Guerre étrangère et guerre civile en Algérie ( 1954-1962) », 1978, n° 14, pp. 171-196 : « L’insertion internationale du FLN algérien (1954-1962) », 1982, n°31, pp. 373-386.

Fort de quelques centaines de combattants le 1er novembre 1954, le FLN algérien est devenu en un peu moins de huit ans un État, membre à part entière de la communauté internationale. Succès remarquable, qui a inspiré nombre d’autres mouvements de libération nationale, mais est resté inégalé. Pour en comprendre les raisons, il convient d’examiner quels moyens s’est donnée l’action extérieure du FLN et quels objectifs elle a visés.

Tirant la leçon d’un siècle et quart de résistances et de révoltes condamnées par leur isolement, le FLN a d’emblée attaché une égale importance à l’organisation de l’insurrection et à la recherche d’aides extérieures : « le Front de Libération Nationale aura deux tâches essentielles à mener de front et simultanément : une action intérieure tant sur le plan politique que sur le plan de l’action propre et une action extérieure en vue de faire du problème algérien une réalité pour le monde entier avec l’appui de tous nos alliés naturels », annonçait la Proclamation du 1er novembre 1954 [1].

C’est pourquoi les neuf « chefs historiques » du Front se répartirent en deux groupes d’importance égale : « l’intérieur », partagé en cinq zones commandées par Ben Boulaïd, Didouche, Krim, Bitat, Ben M’Hidi, et « l’extérieur » représenté par les trois anciens délégués du MTLD au Caire, Khider, Aït-Ahmed et Ben Bella, auxquels vint se joindre Boudiaf, chargé par « l’intérieur » de coordonner l’ensemble.

Très tôt, et jusqu’à la fin de la guerre, les combattants de l’intérieur ont remis en cause l’égalité de statut de l’extérieur qui ne leur semblait pas justifiée par des résultats tangibles, en armes et en munitions. Les émissaires qu’ils y envoyaient pour exposer leurs doléances y restaient le plus souvent, sans pouvoir leur remédier durablement. En août 1956, le Congrès de la Soummam, représentant la majorité des six « wilayas » de l’intérieur, brisa la direction collégiale des neuf chefs historiques en proclamant le principe de la « primauté de l’intérieur sur l’extérieur ». Il se constitua en Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) pour désigner un Comité de Coordination et d’Exécution (CCE) de cinq membres siégeant à Alger : Abane, Ben M’Hidi, Krim, Ben Khedda et Saad Dahlab. Minoritaires dans le CNRA, les chefs de la « délégation extérieure » étaient réduits à un rôle de représentation.

Mais, à partir de 1957, la fuite vers l’extérieur du CCE lui-même entraîna le renversement des principes de la Soummam : le CNRA, réuni au Caire, en août 1957, proclama l’égalité de l’intérieur et de l’extérieur. En fait, l’installation à l’extérieur de la direction politique et militaire de l’insurrection entraîna une subordination de l’intérieur que celui-ci supporta de plus en plus mal. L’aggravation de son isolement par les barrages électrifiés et minés de l’armée française y fit grandir, de 1958 à 1960, le ressentiment des combattants contre les « planqués » de l’extérieur, habilement entretenu par la propagande adverse visant les « rebelles de palaces ».

Pourtant, l’extérieur fut toujours plus qu’un simple appareil diplomatique : l’action extérieure ne fut jamais l’apanage d’un corps de spécialistes. Les premiers chefs de la « délégation » du FLN au Caire étaient des « révolutionnaires », militants complets formés à la clandestinité dans le PPA-MTLD ou dans son « Organisation spéciale » (OS) paramilitaire. Ils parcouraient le monde à la recherche de toutes les formes d’aides (armes, argent, propagande, appui diplomatique). L’arrivée au Caire d’éléments plus « politiques », issus de la tendance « centraliste » du MTLD ou de l’UDMA de Ferhat Abbas, ne semble pas avoir mis fin à cette polyvalence [2]. En octobre 1956, la délégation extérieure possédait huit bureaux au Caire, à Damas, Tunis, Beyrouth, Bagdad, Karachi, Djakarta et New-York, d’où partaient des délégations itinérantes, grâce aux fonds et aux faux papiers fournis par les États arabes [3].

Un début de spécialisation apparut, à partir de 1957, quand la croissance des organes extérieurs du FLN et de l’ALN imposa une organisation rationnelle. Le CNRA d’août 1957 adopta le principe de la formation d’un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), doté d’un appareil diplomatique permanent couvrant le monde entier, suivant les conclusions d’un rapport écrit en prison par Aït-Ahmed, ancien représentant du FLN à New-York [4]. Toutefois, le CCE attendit le 4 avril 1958 pour organiser des « départements ministériels », et le 19 septembre pour proclamer le GPRA. Le département, puis le ministère des Affaires extérieures furent confiés au Dr Lamine-Debaghine, vieux militant du PPA-MTLD, envoyé d’Alger au Caire en septembre 1955.

Cependant, « du fait de la présence du gouvernement à l’extérieur du territoire national, l’action diplomatique n’a jamais été l’attribut du seul ministère des Affaires extérieures » [5]. En effet, tous les ministères, dispersés entre Tunis, Le Caire, Tripoli et Rabat, avaient besoin de solliciter les États amis pour assurer leurs fonctions et accomplir leur mission [6]. Établi au Caire, celui des Affaires extérieures faisait partie d’un groupe de ministères « civils », confiés le plus souvent à d’anciens militants « centralistes » du MTLD, dotés d’une instruction supérieure en français ou en arabe : Mehri aux Affaires nord-africaines, Yazid à l’Information, Ben Khedda aux Affaires sociales, Tewfiq-el-Madani aux Affaires culturelles. Un autre groupe, celui des « militaires » (anciens colonels de wilaya), assumait la direction de l’effort de guerre : Krim aux Forces armées, Mahmoud Chérif à l’Armement et au Ravitaillement, Boussouf aux Liaisons générales et aux Communications, Ben Tobbal à l’ « Intérieur » [7]. Enfin, deux autres « civils » issus de l’UDMA, Ferhat Abbat à la Présidence et Ahmed Francis aux Finances, se chargeaient de coordonner l’ensemble. Les renouvellements successifs du GPRA par les CNRA de janvier 1960 et d’août 1961 tendirent à renforcer l’efficacité des ministres en réduisant leur nombre. Dans le deuxième gouvernement Abbas, Krim fut dépossédé du ministère des Forces armées (supprimé) et chargé des Affaires extérieures, tout en restant membre, avec Boussouf et Ben Tobbal, du Comité Interministériel de Guerre chargé de coiffer le nouvel État-Major général (confié au colonel Boumédienne). Dans le gouvernement Ben Khedda, il hérita de Ben Tobbal le ministère de l’Intérieur, cédant celui des Affaires extérieures à son ancien secrétaire général Saad Dahlab [8], mais continuant de mener avec celui-ci les ultimes négociations avec la France [9].

La concurrence de tous les ministères sur le terrain des relations extérieures a certainement gêné l’organisation rationnelle d’une action cohérente [10]. Mais peut-être a-t-elle aussi pallié les insuffisances de l’appareil diplomatique proprement dit. En effet, son action fut entravée par la nomination comme ambassadeurs dans les pays arabes de dirigeants en disgrâce, et par les différends qui opposèrent le Dr Lamine-Debaghine à la plupart de ses collègues [11]. Au contraire, l’ancien maquisard Krim réussit à dynamiser la diplomatie algérienne en nommant à tous les postes de jeunes militants intellectuels, issus de l’UGEMA, de la Fédération de France ou des wilayas [12]. Il réorganisa les services centraux [13], augmenta le nombre des missions permanentes [14], relança le mouvement des reconnaissances du GPRA [15] en obtenant celle « de facto » de l’URSS en octobre 1960, décida les pays amis à augmenter leur aide financière, matérielle et militaire, enfin remporta une quasi-victoire diplomatique à la XVe session de l’Assemblée générale de l’ONU en décembre 1960. Mais ce remarquable redressement tenait davantage à l’amélioration des perspectives politiques générales qu’à la réorganisation du ministère.

Le GPRA, dans son ensemble, n’eut pas non plus le monopole de l’action extérieure du FLN. Elle fut très tôt doublée et complétée par celle de réseaux parallèles. Certains ne s’en distinguaient que théoriquement : ainsi, le FLN en tant que mouvement politique distinct de l’État algérien représenté par le GPRA. Cependant, l’ALN tendit à s’individualiser à partir de la création de l’État-Major général qui fut représenté aux premières négociations d’Évian et condamna leur conduite par le GPRA. Plus précoce était l’autonomie des organisations civiles à but social ou culturel : l’UGEMA (Union générale des Étudiants musulmans algériens), l’UGTA (Union générale des Travailleurs algériens) ; l’UGCA (Union générale des Commerçants algériens) ; le Croissant Rouge algérien, etc. [16] Toutes ces organisations ne possédaient qu’une apparence d’indépendance. Créées en Algérie, en accord avec le FLN, pour encadrer et mobiliser les diverses catégories socio-professionnelles de la population algérienne, elles étaient rattachées au GPRA par le ministère des Affaires sociales et culturelles. Elles œuvraient dans leur propre sphère à obtenir une aide pour leurs membres (bourses pour les étudiants, secours pour les réfugiés, soins médicaux et protection juridique pour les blessés de guerre, etc.), mais aussi et surtout la reconnaissance de la légitimité de l’insurrection algérienne. Par là, elles contribuaient à transformer leurs interlocuteurs étrangers [17] en groupes de pression sur leurs gouvernements respectifs. Pression indirecte, particulièrement utile pour atteindre les États amis de la France - ou ceux qui ne voulaient aider le FLN qu’avec discrétion - et pour populariser davantage la cause algérienne dans les pays amis.

Aussi, la diplomatie algérienne apparaissait-elle non seulement comme celle d’un État, mais aussi comme celle d’une Nation. Cependant, les institutions provisoires de l’État algérien et les statuts du FLN, adoptés par le CNRA de Tripoli en janvier 1960, prévoyaient d’intégrer au Parti unique (le FLN) l’État, l’armée et les organisations nationales. Car le FLN voulait être un « Parti-Nation », suivant l’expression de Mohammed Bedjaoui, conseiller juridique du GPRA [18].

Le FLN avait défini, dès le premier jour, le but final de son action ainsi que des objectifs intermédiaires, intérieurs et extérieurs, nécessaires à la poursuite de celui-ci. Il sut s’y tenir fermement, ne consentant que des concessions tactiques et temporaires, jusqu’à leur entière satisfaction.

La Proclamation du 1er novembre 1954 définissait ainsi le but du FLN : « Indépendance nationale par [...] la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques [...] ». En parlant de « restauration », le FLN se présentait en successeur de la Régence turque d’Alger et de l’émir Abdelkader pour mieux détruire la thèse française qui justifiait l’annexion de l’Algérie par l’inexistence d’un État et d’une nation algérienne antérieure, et légitimer son action par le droit de résistance à l’agression. Mais s’il avait beau jeu à dénoncer le mythe de l’Algérie française et à démontrer l’existence d’un État algérien pratiquement indépendant avant 1830 [19], il était moins convaincant en niant la suzeraineté turque sur celui-ci et l’accaparement du pouvoir par une minorité étrangère quasiment « coloniale ». Ce premier État algérien n’était ni « démocratique », ni « social », ni même conforme aux « principes islamiques », et l’émirat arabe d’Abdelkader s’est dressé contre lui autant que contre l’intrusion française. « Restauration » convient donc beaucoup moins que son antagoniste « révolution » employé ailleurs et défini soit négativement, comme « destruction du régime colonialiste » [20], soit positivement, comme « édification d’une République démocratique et sociale » [21].

La proclamation du 1er novembre précisait ensuite des « objectifs extérieurs » à plus court terme : « - 1) Internationalisation du problème algérien ;
-  2) Réalisation de l’unité nord-africaine dans son cadre naturel arabo-musulman ;
-  3) Dans le cadre de la Charte des Nations Unies, affermissement de notre sympathie agissante à l’égard de toutes les nations qui appuieraient notre action libératrice ». Elle exprimait ainsi la nécessité du recours à des alliances pour renverser un rapport de forces trop inégal avec la France. Ce recours imposait des contreparties, mais elles ne justifiaient pas les accusations françaises qui faisaient du FLN l’instrument de l’impérialisme panarabe, des intérêts anglo-saxons ou de la subversion communiste internationale. La « Plate-forme » du Congrès de la Soummam affirmait à juste titre que « la Révolution algérienne [...] n’est inféodée ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington ». La meilleure preuve s’en trouve dans les difficultés que le FLN a rencontrées avec presque tous ses alliés.

Les alliances du FLN dessinent autour de l’Algérie plusieurs cercles concentriques d’appartenances et de solidarités. Les plus étroites et anciennes sont fondées sur une communauté d’origines, de langue et de religion, dans un cadre géographique homogène. Elles rassemblent, outre les « frères maghrébins », « nos alliés naturels arabo-musulmans ». Les plus larges et récentes reposent sur la solidarité anticolonialiste et anti-impérialiste qui recouvre et déborde le domaine arabo-islamique pour englober, au minimum, les pays afro-asiatiques, au maximum, l’Amérique latine, voire l’ensemble du camp socialiste.

L’appartenance maghrébine est la seule qui ait inspiré un projet unitaire institutionnel, la « Fédération nord-africaine », reprise en compte par la « Plate-forme » du Congrès de la Soummam en 1956 et par la conférence tripartite de Tanger en avril 1958. Elle repose, en effet, sur un sentiment quasi-national, complémentaire et longtemps rival du sentiment national algérien. Inaugurée à Paris, dès 1926, par l’Étoile nord-africaine, l’unité d’action des nationalistes maghrébins s’est organisée au Caire à partir de 1945, dans le cadre du Bureau du Maghreb arabe (1947), puis du Comité de Libération du Maghreb arabe (1948). Enfin, en avril 1954, un nouveau pacte d’alliance engagea le Néo-Destour, l’Istiqlal et le MTLD à lutter ensemble jusqu’à la libération totale de l’Afrique du Nord. C’est pour lui faire honneur, autant que pour tirer de l’ornière le mouvement national algérien, que le FLN déclencha l’insurrection [22].

Les événements mirent à rude épreuve sa foi maghrébine. Il accepta de mauvais gré les accords séparés franco-tunisiens et franco-marocains. Mais, après l’indépendance des deux pays (mars 1956), il reçut en compensation leur asile pour ses combattants et leur appui diplomatique. La solidarité maghrébine sortit renforcée du détournement de l’avion marocain transportant les quatre chefs de la délégation extérieure à la conférence de Tunis, le 22 octobre 1956. Mais elle fut de nouveau ébranlée, dès 1957, par les empiétements des émigrés algériens sur la souveraineté tunisienne et marocaine, et par le souci des deux États d’imposer leur médiation, pour normaliser leurs relations avec la France et satisfaire leurs ambitions territoriales au Sahara. Rapprochés, après le bombardement de Sakiet-Sidi-Youssef, par la menace d’une reconquête française, jusqu’à proclamer l’unité du Maghreb à la conférence de Tanger, le FLN et ses partenaires s’éloignèrent davantage après le retour au pouvoir du général de Gaulle. Bien que reconnu par la Tunisie et le Maroc, le GPRA reprochait à ses hôtes de le pousser à négocier à tout prix. Améliorées en 1960, dégradées avec la seule Tunisie pendant l’été 1961, ses relations avec ses voisins ne retrouvèrent jamais leur chaleur initiale [23].

Au même titre que les « frères maghrébins », les peuples arabes étaient les alliés naturels du FLN. Dès 1945, les nationalistes algériens avaient placé leurs espoirs dans la Ligue arabe et obtenu son aide financière et morale pour préparer, avec leurs « frères » tunisiens et marocains, la libération du « Maghreb-arabe ». Après l’échec humiliant de la Ligue en Palestine, la révolution militaire égyptienne et sa lutte pour l’évacuation des dernières troupes anglaises rendirent au Caire tout son prestige. Si l’appui moral et diplomatique de la Ligue arabe fut unanime dès 1955, ce fut l’Égypte de Nasser qui fournit au FLN son principal soutien militaire de 1954 à 1956. Les dirigeants français en tirèrent la conclusion erronée que celui-ci était son instrument docile. En fait, le Congrès de la Soummam dénonçait déjà l’insuffisance et les fluctuations de l’aide arabe et égyptienne [24]. De mars à juillet 1956, le colonel Nasser poussa le FLN à négocier avec la France [25] avant d’intensifier ses fournitures d’armes (envoi de l’Athos) pour empêcher celle-ci d’intervenir à Suez... En avril 1958, il désapprouva le rapprochement du FLN avec la Tunisie et le Maroc, puis l’installation à Tunis de la majeure partie du GPRA. Il reconnut celui-ci de mauvais gré (faute d’avoir été consulté à l’avance) et semble avoir encouragé le colonel Lamouri à comploter son renversement en novembre 1958. Déçus par leur « grand frère » égyptien autant que par leurs « frères maghrébins », les Algériens réagirent en intensifiant leurs relations avec les autres États arabes, particulièrement avec l’Irak du colonel Kassem et l’Arabie saoudite. Enfin, en août 1960, tous les États arabes acceptèrent d’augmenter leur aide financière et d’autoriser le recrutement de volontaires pour l’ALN.

Aussi ancienne, voire plus que la nation arabe, la communauté islamique ne donna pas une forme institutionnelle à sa solidarité avec le FLN. Celle-ci inspira en grande partie l’appui précoce que lui accordèrent l’Indonésie et le Pakistan. Mais les pays musulmans non arabes les plus liés à l’Occident, tels que la Turquie et l’Iran, se montrèrent beaucoup plus réservés.

Le mouvement des États afro-asiatiques, issu de la Conférence de Bandoung, fournit au FLN un troisième cadre permanent de son action extérieure. La solidarité anti-colonialiste, fondée sur l’expérience commune et récente de chaque membre, aida les délégués algériens à mobiliser la sympathie agissante de tous. Elle se manifesta avec éclat dans les trois conférences du mouvement : celle de Bandoung (avril 1955) qui reconnut le droit à l’indépendance des trois pays du Maghreb ; celle du Caire (décembre 1957) qui institua un « Conseil de solidarité des peuples d’Afrique et d’Asie » dont le secrétariat permanent organisa une journée, puis une semaine de « solidarité avec l’Algérie combattante » [26] ; enfin, celle de Belgrade (septembre 1961). De même, à l’Assemblée générale de l’ONU, de 1955 à 1962, le groupe afro-asiatique présenta chaque année un projet de résolution, préparé avec les représentants du FLN dans son comité spécial pour l’Algérie. Ces textes ne furent jamais votés sans amendement, sauf le dernier, présenté à la XVIe session en février 1962 [27]. Si dans ces votes la cohésion du sous-groupe arabe fut toujours parfaite, celle de l’ensemble du groupe le fut beaucoup moins à cause du grand nombre d’États membres plus ou moins alignés sur les puissances occidentales, en Asie (Turquie, Iran, Thaïlande, Philippines, Japon...) et en Afrique (notamment les États francophones sortis de la Communauté en 1960). Une constatation plus troublante ressort de l’examen des reconnaissances du GPRA. Parmi les quinze premières, accordées dès 1958, se trouvent celles de tous les membres de la Ligue arabe : Arabie saoudite, Irak, République Arabe Unie, Jordanie, Yémen, Soudan, Libye, Tunisie, Maroc, Liban, d’un État musulman d’Asie, l’Indonésie, mais non du Pakistan. Manquent également l’Inde et la Yougoslavie [28], membres éminents du mouvement, alors que tous les États communistes asiatiques : Chine, Corée et Vietnam du Nord, Mongolie extérieure sont présents... Vinrent s’y ajouter avant juin 1960 quatre États africains : Ghana, Guinée, Libéria et Togo [29].

A l’intérieur du groupe afro-asiatique, le FLN plaça beaucoup d’espoirs, à partir de 1958, dans la solidarité panafricaine. Ce thème tout neuf, dont Frantz Fanon se fit le champion, reposait sur des réalités géopolitiques et stratégiques plutôt que sur des racines historiques. Il s’agissait, pour l’Algérie, de trouver des alliés contre les projets français d’exploitation économique et militaire du Sahara. L’exaltation de la lutte continentale contre tous les colonisateurs européens valut à la cause algérienne des sympathies actives parmi les États indépendants les plus radicaux (Ghana, Guinée, Mali) qui formèrent en 1961, avec ceux du Maghreb et l’Égypte, le « groupe de Casablanca » [30]. Mais le FLN trouva moins d’appuis dans le « groupe de Monrovia » et surtout parmi les États francophones issus de l’ex-Communauté (sauf au Togo et au Mali).

L’anticolonialisme servit également une tentative d’élargir à l’Amérique latine le cercle des sympathies acquises à la Révolution algérienne. La plupart des États latino-américains ayant voté, comme les USA et les amis européens de la France, contre l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de la Xe session de l’ONU, le FLN s’efforça, dès 1956, avec l’appui des minorités d’origine arabe, de faire reconnaître son combat comme une révolution anti-colonialiste, comparable à la lutte de ces pays pour leur émancipation politique, puis économique. Cette action persévérante obtint des résultatsmoinsimportantsqueceux espérés, au moins avant la révolution cubaine de 1959. Le gouvernement castriste fut, en effet, le premier du continent à reconnaître le GPRA, en juillet 1961. Celui-ci expliquait la relative lenteur de ses progrès par le prestige persistant de la France et surtout par le poids des USA sur des gouvernements non représentatifs de leurs peuples. Il sous-estimait ainsi la solidarité latine et catholique qui poussait la plupart des États latino-américains, le Portugal, l’Italie et même l’Espagne [31] à défendre la France à l’ONU. L’alliance tricontinentale de la « périphérie » dépendante contre le « centre impérialiste » n’allait pas encore de soi.

Le monde communiste n’était pas considéré, au départ, comme un allié naturel, ni privilégié, de la Révolution algérienne. Trop de revirements avaient effacé le souvenir de l’action anticolonialiste et anti-impérialiste menée par le Komintern de 1920 à 1935. Bien loin de vouloir insérer son combat dans la rivalité des blocs, la Proclamation du 1er novembre estimait que « le climat de détente est favorable au règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l’appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans ». Mais la stratégie du FLN lui imposait d’accepter toute aide offerte, sans exclusive. Dès 1955, les États communistes d’Asie participant à la conférence de Bandoung manifestèrent une chaleureuse sympathie à ses délégués. Ceux d’Europe, seuls représentés à l’ONU, votèrent dès la Xe session pour l’inscription de la question algérienne. L’URSS, protectrice de l’Égypte et de la Syrie, accorda en 1957 une aide militaire importante par l’intermédiaire de ses satellites (la Tchécoslovaquie surtout) et l’intensifia après la conférence afro-asiatique du Caire [32]. Pourtant, après le retour au pouvoir du général de Gaulle, elle modéra son aide et la rendit plus discrète. L’URSS et ses satellites refusèrent de reconnaître le GPRA jusqu’en octobre 1960 [33] pour encourager de Gaulle à se dégager de l’OTAN et peut-être par souci des intérêts du PCF. Au contraire, la Chine et ses voisins communistes d’Asie le firent sans délai et proposèrent à la Révolution algérienne une aide économique et militaire illimitée et inconditionnelle [34]. Ce qui, après l’échec de la conférence au sommet de Paris et le retour à la « guerre froide » au milieu de 1960, semble avoir décidé Krouchtchev à faire de même. La Tchécoslovaquie, la Bulgarie et la Yougoslavie suivirent en avril 1961 [35].

Ainsi le FLN s’était-il laissé entraîner à brandir devant les Occidentaux l’épouvantail du communisme international. Tel n’était pourtant pas son plan initial qui visait au contraire à isoler la France en exploitant les contradictions de l’Alliance atlantique. Il s’agissait de la faire désavouer par les États-Unis en flattant leur soi-disant anti-colonialisme et en ménageant leurs intérêts économiques et stratégiques en Méditerranée occidentale et en Afrique du Nord. Ce plan avait l’appui total du Maroc et de la Tunisie qui présentaient aux Américains leur médiation entre la France et le FLN comme le seul moyen de séparer celui-ci de l’Égypte, fourrier de l’URSS dans le monde arabe. Fondée sur le précédent de l’intervention américaine contre les alliés franco-anglais pendant la crise de Suez, cette stratégie aboutit en effet à l’offre des « bons offices » dans la crise franco-tunisienne de 1958 ; puis, après le retour du général de Gaulle, à des suggestions beaucoup plus discrètes qui furent satisfaites par le discours sur l’autodétermination [36]. En 1961, l’arrivée à la présidence du sénateur Kennedy, rendu célèbre en 1957 par ses déclarations favorables à l’indépendance de l’Algérie, n’entraîna aucune pression sur la France, déjà résolue à négocier.

Pour hâter l’isolement du gouvernement français, le FLN avait dès 1957 dénoncé violemment l’aide militaire de l’OTAN [37], l’aide économique de l’Europe, les projets d’Eurafrique. Ces philippiques visaient à placer les Alliés occidentaux devant leurs responsabilités et devant les risques qu’ils couraient, tout en encourageant le bloc oriental à renforcer son appui. Après le retour du général de Gaulle, le GPRA décida de systématiser ce « chantage à l’Est », en acceptant les offres d’aide illimitée en armements, spécialistes et même « volontaires » venant des pays communistes d’Asie. En 1960, il le renforça encore en obtenant celle de l’URSS. L’Algérie aurait pu devenir un champ de bataille de la guerre froide. Mais le GPRA n’osa pas aller jusqu’au bout de ses menaces. Il risquait, en effet, de perdre son indépendance en s’inféodant à l’un des blocs et de ressouder l’unité du bloc adverse au profit de la France. En outre, il craignait de perdre l’appui indispensable de la Tunisie et du Maroc et d’exposer ses militants à une contagion idéologique facilitée par le thème ambigu de l’ « anti-impérialisme ». L’option neutraliste initiale servait mieux la Révolution algérienne.

Pour atteindre son but, le FLN avait besoin d’être reconnu par la France. Pour l’y contraindre, la pression militaire était nécessaire, mais non suffisante, bien que certains chefs de l’ALN aient cru un moment à la possibilité d’un « Dien-Bien-Phu algérien ». La Proclamation du 1er novembre faisait preuve de réalisme en proposant dès le premier jour aux autorités françaises « une plate-forme honorable de discussion », aux conditions suivantes : « - 1° La reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclaration officielle abrogeant les édits, décrets et lois faisant de l’Algérie une terre française en dépit de l’histoire, de la géographie, de la langue, de la religion et des mœurs du peuple algérien ;
-  2° L’ouverture de négociations avec les porte-parole autorisés du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible ;
-  3° La création d’un climat de confiance par la libération de tous les détenus politiques, la levée de toutes les mesures d’exception et l’arrêt de toute poursuite contre les forces combattantes ». En contrepartie, elle proposait le respect des intérêts français, culturels et économiques, « honnêtement acquis », ainsi que celui des personnes et des familles, le libre choix pour les Français d’Algérie entre leur nationalité d’origine et la nationalité algérienne, enfin la définition des liens entre la France et l’Algérie par un accord librement négocié entre les deux États. Mais aucun gouvernement français n’accepta de discuter avec le FLN avant celui de Guy Mollet, et les négociations amorcées et interrompues en 1956 ne reprirent qu’en 1961, quand le général de Gaulle eut accepté presque toutes les conditions du FLN.

Pour imposer l’ouverture et la poursuite des négociations, celui-ci tenta d’influencer l’opinion publique en s’adressant aux journaux, aux intellectuels et aux militants de gauche, ou libéraux. C’est dans France-Observateur qu’Abane Ramdane, chef politique du FLN d’Alger, révéla ses propositions de paix en septembre 1955 [38]. Il nomma à la direction de la Fédération de France du FLN Salah Louanchi, ancien dirigeant centraliste du MTLD, spécialiste des relations avec les Européens. Celui-ci multiplia les contacts dans les milieux politiques et intellectuels, tenta de sensibiliser l’opinion en provoquant la grève des étudiants [39] par l’intermédiaire de l’UGEMA. Mais après l’échec des négociations entamées à l’extérieur, le FLN décida de porter la guerre en France. Il limita ses contacts à ceux qui « payaient » [40] et polémiqua dans les colonnes du Moudjahid contre les hommes de gauche qui refusaient de le soutenir inconditionnellement [41]. Après avoir hésité pendant l’été de 1958 entre l’alliance avec la gauche française contre le danger fasciste et la guerre totale contre la France, il évita l’une et l’autre [42]. Mais en 1960, il décida de reprendre ses appels à l’opinion de gauche pour forcer de Gaulle à aller plus loin et plus vite qu’il ne le voulait. L’UGEMA et l’UGTA jouèrent un rôle essentiel en obtenant de leurs interlocuteurs syndicaux des prises de positions favorables à la négociation avec le GPRA.

Au début des négociations, le FLN sut faire des concessions tactiques, plus apparentes que réelles. Abane, dans ses propositions de septembre 1955, avait remplacé le préalable de l’indépendance par la reconnaissance de la vocation de l’Algérie à l’indépendance, réalisable « démocratiquement et par étapes ». Khider alla plus loin dans les entrevues du Caire (avril 1956), en acceptant le principe d’un « cessez-le-feu provisoire » préalable aux élections libres et aux négociations. Mais la délégation extérieure et les chefs de l’intérieur exigèrent des garanties quant à la réalisation finale de leur but. Dans les entretiens de Rome et de Belgrade (juillet-septembre 1956), les délégués du Front réclamèrent un exécutif provisoire algérien chargé d’organiser les élections ; le 22 septembre ils redemandèrent la reconnaissance du droit à l’indépendance [43]. Pendant ce temps, le Congrès de la Soummam qualifiait de « compromis honteux » les propositions de Guy Mollet, définissait le rapport de forces nécessaire pour imposer l’indépendance, réaffirmait les trois conditions fixées par la Proclamation du 1er novembre et leur ajoutait une quatrième : « Reconnaissance du FLN comme seule organisation représentant le peuple algérien et seule habilitée en vue de toute négociation. » Il lui appartenait de garantir les cessez-le-feu, d’entamer les négociations et d’organiser les élections à l’Assemblée constituante dont procéderait le gouvernement chargé de les mener à bien. Conditions que le gouvernement de Guy Mollet ne pouvait accepter, l’eût-il voulu. Rien ne permet donc d’affirmer que la paix était en vue le 22 octobre 1956, même si l’opinion y était plus favorable qu’on le croyait alors [44].

Toutes les tentatives qui se répétèrent de 1956 à 1960 vinrent buter sur les mêmes préalables contradictoires. En proposant des négociations « sans conditions » en octobre 1958, le GPRA ne renonçait en fait à aucune des siennes : il espérait entraîner de Gaulle à une reconnaissance implicite dans une négociation d’égal à égal. Au contraire, la politique gaullienne abandonna une à une toutes les conditions qu’elle jugeait indispensables, pour satisfaire celles du FLN. Le discours sur l’autodétermination (septembre 1959), les prises de position en faveur de l’Algérie algérienne (juin 1960), de la République algérienne (novembre 1960), enfin la renonciation au Sahara (septembre 1961) ruinèrent le mythe de l’Algérie française. L’abandon du préalable du cessez-le-feu (camouflé par la « trêve unilatérale »), réduisit la France à négocier en position de faiblesse, sous la double pression de l’ALN et de l’OAS. Enfin, de Gaulle reconnut implicitement le GPRA en négociant avec lui seul l’avenir de l’Algérie, mais il priva les accords d’Évian de toute garantie en refusant de le reconnaître officiellement, pour transmettre la souveraineté, le 3 juillet 1962, à un « Exécutif provisoire » impuissant [45]. L’Algérie attendit trois mois pour se doter d’un vrai gouvernement, qui la fit admettre à l’ONU le 8 octobre 1962.

Le succès du FLN défie toutes les explications unilatérales. Sa force fut de ne pas miser sur une seule forme d’action, mais sur « tous les moyens » [46]. Toutes les sortes de pressions internes (combats et attentats, manifestations de soutien populaire, appels à l’opinion publique française) contribuèrent au résultat décisif sans suffire à le provoquer, de même que les pressions externes. L’indépendance ne fut donc pas arrachée par les résolutions de l’ONU, qui ne firent que répercuter les succès antérieurs du Front. Plus efficaces furent les aides reçues des États amis et les pressions exercées par eux sur la France. Mais l’expérience démentit aussi bien la confiance naïve dans les « alliés naturels » que la théorie machiavélique de la subversion. En fait, la solidarité désintéressée risque de rester symbolique. L’intérêt est nécessaire pour justifier le poids et les risques d’une intervention effective ; et celui-ci pousse trop souvent les « grands-frères » à transformer leur aide en moyen de pression. Le FLN eut rarement la chance de se voir offrir une aide illimitée et inconditionnelle.

Enfin, on aurait tort de croire que les leçons de la Révolution algérienne garantissent à ses imitateurs un succès aussi rapide, comme on l’a bien vu en Afrique et au Proche-Orient. L’efficacité des pressions internes et externes dépend également, en dernier ressort, de la vulnérabilité de l’État visé. Or celle-ci varie considérablement en fonction : 1° de sa puissance économique et militaire ; 2° de la force de son régime politique ; 3° du prix plus ou moins grand qu’il attache à l’enjeu. Il semble que la France ait cédé relativement vite devant le FLN et ses alliés parce qu’elle était une puissance moyenne, désirant conserver un régime démocratique, et ne jugeant pas l’enjeu vital.

Guy Pervillé

PS : une malencontreuse erreur m’a fait reproduire sous le même titre un autre article déjà publié sur ce site un mois plus tôt. Veuillez m’en excuser.

[1] Citée d’après Philippe Tripier, Autopsie de la guerre d’Algérie, Éditions France-Empire, 1972, pp. 567-570. Celui-ci reproduit également la « Plate-forme du Congrès de la Soummam » (1956), pp. 571-601, les institutions provisoires de l’État algérien et les statuts du Front de Libération Nationale (1960), pp. 602-610.

[2] La primauté du « politique » sur le « militaire », proclamée par le Congrès de la Soummam, n’était qu’un principe théorique : à chaque échelon de la hiérarchie, les décisions étaient prises par un chef politico-militaire assisté par trois adjoints (politique, militaire et « liaisons-renseignements »). C’est à l’extérieur que se sont progressivement distingués des chefs politico-militaires, d’abord les « politiques » (spécialisés dans les tâches d’organisation, de propagande et de négociation), puis les « militaires ». Cf. W. B. Quandt, Revolution and political leadership. Algeria 1954-1968, The M.I.T. Press, 1969.

[3] Cf. les déclarations de Ben Bella, Khider, Boudiaf et Ait Ahmed, dans Jean Boisson, Ben Bella est arrêté, le 22 octobre 1956, Cholet, 1978.

[4] « Étude envoyée au CCE de la prison de la Santé (avril 1957) », dans Hocine Aït-Ahmed, La guerre et l’après-guerre, Éditions de Minuit, 1964, pp. 9-57. L’auteur proposait un réseau d’une quinzaine de missions permanentes au moins, à « New York (pour l’ONU), Washington, Londres, Bonn, Madrid, Stockholm pour l’Europe ; Pékin, Viet-Minh (sic), Tokyo (rayonnement sur les Philippines, Cambodge) ; Indonésie (Siam, Malaisie) ; New Delhi, pour l’Asie ; Buenos Aires, Mexico, pour l’Amérique latine ; et dans les pays arabes, cela va de soi ». Chaque mission serait composée de deux militants, formés par un stage de deux ou trois mois. « L’idéal serait de prendre une trentaine d’étudiants de l’UGEMA ayant fait du droit ou qui se sentent la vocation de futurs diplomates - il faut qu’ils soient des militants éprouvés, cela va de soi - et de les diriger sur le Maroc pour un stage de formation accéléré. » En effet, de nombreux dirigeants de l’UGEMA quittèrent leurs fonctions syndicales pour renforcer l’appareil extérieur du FLN. Le plus connu fut Mohammed Benyahia, président de la section d’Alger et organisateur de la grève des étudiants, représentant du FLN à Djakarta et membre du CNRA dès 1956, chef de cabinet de Ferhat Abbas en 1960.

[5] Hohammed Harbi, « Rapport du gouvernement sur les tâches immédiates du ministère des Affaires étrangères », avril 1962, dans Les Archives de la Révolution algérienne, rassemblées et commentées par Mohammed Harbi, Éditions Jeune Afrique, 1981, pp. 404-408 (chap. « La politique extérieure du GPRA »).

[6] Philippe Tripier, op. cit., pp. 276-279 et pp. 458-479.

[7] Il s’agit ici, non pas de l’Intérieur proprement dit, mais des importantes communautés algériennes vivant en France, en Tunisie et au Maroc.

[8] Comme Ben Khedda, Saad Dahlab avait été membre du Comité central du MTLD puis du CCE.

[9] Krim signa, seul, les accords d’Évian, le 18 mars 1962.

[10] C’est l’avis de Mohammed Harbi, rapport cité en note 5.

[11] Il fut soupçonné d’avoir approuvé le « complot des colonels » contre le GPRA, découvert en novembre 1958. Puis il accusa les services de Boussouf d’avoir fait assassiner Amira, jeune fonctionnaire du ministère trouvé mort au Caire en mars 1959.

[12] Cf. Albert-Paul Lentin, « Krim Belkacem va de l’avant », dans Historia Magazine, La guerre d’Algérie, n° 319, pp. 2482-2487 ; Yves Couttière, Les feux du désespoir, Fayard, 1971, pp. 115-122 ; Amar Hamdani, Le lion des djebels, Balland, 1973, pp. 227-235.

[13] Le département ministériel des AE était divisé en trois services : Afrique du Nord, Arabe et Afro-Asiatique, Europe et Amérique (cf. Harbi, op. cit., p. 193). Krim le réorganisa en quatre sections : Europe-Amérique, Afrique-Asie, Monde arabe, Pays socialistes.

[14] Elles étaient installées, en juin 1960, dans 38 pays : 14 en Europe, 7 en Afrique, 13 en Asie, 4 en Amérique, selon Tripier, op. cit., p. 474 (mais ce classement géographique n’est guère significatif). Il faut distinguer dans ce nombre les « missions diplomatiques » représentant le GPRA auprès des États qui l’avaient reconnu ou se préparaient à le faire, des simples « délégations » officieuses (souvent camouflées dans une ambassade arabe). Cf. Mohamed Bedjaoui, La Révolution algérienne et le droit, Bruxelles, 1961, pp. 124 sq., et Abdelmadjid Belkherroubi, La naissance et la reconnaissance de la République algérienne, Bruxelles, 1972.

[15] Le GRPA fut reconnu par 15 États dans les quatre mois suivant sa proclamation : les membres de la Ligue arabe, l’Indonésie et les quatre États communistes asiatiques. Quatre États africains s’y ajoutèrent jusqu’en juin 1960. En avril 1961, le nombre des reconnaissances s’élevait à 25 (dont 6 de facto) ; cf. Bedjaoui, op. cit., pp. 113 sq. et tableau p. 140.

[16] Cette liste n’est pas limitative. On peut citer encore les Unions des Femmes algériennes, de la Jeunesse algérienne, la participation de l’Algérie à des congrès de juristes, de journalistes ; ainsi qu’à des manifestations sportives ou culturelles (tournées de l’équipe algérienne de football, du Théâtre National algérien, premières réalisations du cinéma algérien). On trouve un recensement chronologique des 136 principales manifestations ayant contribué à l’internationalisation du conflit algérien dans Albert Fitte, Spectroscopie d’une propagande révolutionnaire, El Moudjahid des temps de guerre, Montpellier, 1973, pp. 53-58.

[17] Union nationale d’étudiants membres de l’Union internationale des Étudiants (UIE) et de la Confédération internationale des Étudiants (CIE) pour l’UGEMA ; Syndicats affiliés à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et à la Fédération syndicale mondiale (FSM) pour l’UGTA ; Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour le Croissant Rouge algérien.

[18] Mohammed Bedjaoui, La Révolution algérienne et le droit, Bruxelles, Éditions de l’Association internationale des Juristes démocrates, pp. 85-90. Cette notion est contestée par Abdelmadjid Belkherroubi (op. cit.).

[19] Il est douteux que les États ayant eu des relations (très orageuses) avec la Régence d’Alger en aient gardé un bon souvenir. El Moudjahid (n° 32 du 20 novembre 1958) parle d’un « droit prééminent de police en Méditerranée », sans doute pour justifier les « tributs » ou les « cadeaux » imposés aux puissances chrétiennes en échange de la liberté de naviguer.

[20] Plate-forme du Congrès de la Soummam.

[21] Statuts du FLN.

[22] La Proclamation du FLN est très claire sur ce point.

[23] Sur les relations maghrébines du FLN, cf. Harbi, op. cit., pp. 413-461.

[24] Cf. texte de la Plate-forme dans Tripier, op. cit., p. 599.

[25] Cf. Jean Boisson, op. cit., pp. 25-26.

[26] Tripier, op. cit., p. 216.

[27] Cf. Khalfa Mammeri, Les Nations Unies face à la question algérienne, Alger, SNED, 1969, et Saaman Boutros Farajallah, Le groupe afro-asiatique dans le cadre des Nations Unies, Genève, Droz, 1963.

[28] Celle-ci invita et reçut officiellement le président Ferhat Abbas en août 1959. Mais devant les protestations de la France, elle attendit jusqu’en avril 1961 pour annoncer que cette invitation constituait une reconnaissance implicite du GPRA.

[29] Le Mali et le Congo-Stanleyville suivirent en février 1961.

[30] La conférence de Casablanca (janvier 1961) décida, notamment, d’approuver le recrutement de volontaires « africains et autres » pour l’ALN. Sur les relations algéro-africaines, cf. Harbi, op. cit., pp. 463-484.

[31] L’Espagne franquiste, brouillée avec la France et favorable (par calcul) au nationalisme arabe jusqu’en 1956, changea d’attitude en 1957 à cause des revendications marocaines et des pressions de l’Armée de Libération marocaine sur Ceuta, Melilla, Ifni et le Sahara. Pour les repousser, elle accepta l’aide militaire française (opération « Écouvillon ») et accorda en échange son appui diplomatique dès la XIIe session de l’ONU (décembre 1957).

[32] Contrairement à celle de Bandoung, l’URSS était invitée à celle du Caire et en reçut une vice-présidence, de même que le FLN.

[33] Encore cette reconnaissance fut-elle de facto. Elle ne devint de jure que le 18 mars 1962.

[34] Aide comportant la formation de spécialistes algériens en Chine et l’envoi de « volontaires » chinois auprès de l’ALN.

[35] Sur les rapports du GPRA avec les pays socialistes, cf. Harbi, op. cit., pp. 487-532.

[36] Avant même la visite du président Eisenhower à Paris, début septembre 1959, les USA avaient demandé à la France de faire un geste avant la XIVe session de l’ONU.

[37] Cette action aboutit, en septembre 1960, à la dénonciation officielle du Traité de l’Atlantique Nord par le GPRA. Cf. Bedjaoui, op. cit., pp. 202-208.

[38] Robert BARRAT, « Un journaliste français chez les "hors-la-loi" algériens, dans France-Observateur, n° 279, 15 septembre 1955.

[39] Cette grève dura de mai 1956 à octobre 1957 et facilita le recrutement de l’ALN et du FLN.

[40] C’est-à-dire aux réseaux de soutien animés par Francis Jeanson et Henri Curiel. Cf. Hervé Hamon et Patrick Rotman, Les porteurs de valises, Albin Michel, 1979.

[41] Cf. El Moudjahid, réédition de Belgrade (1962), t. I, pp. 199, 230, 250, 280 (« Les intellectuels et les démocrates français devant la Révolution algérienne »).

[42] La Fédération de France du FLN proposa son alliance au PCF qui refusa, en mai 1958, puis elle prépara une vaste offensive de sabotage et d’attentats. Francis Jeanson sut la dissuader de recourir au terrorisme aveugle. Cf. Hamon et Rotman, op. cit., pp. 101 et 113.

[43] Cf. les propos attribués à Lamine-Debaghine par Raymond Tournoux, Secrets d’État, Plon, 1960, p. 471, et confirmés par les déclarations de Ben Bella et Khider après leur capture, citées par Boisson, op. cit., pp. 196-197.

[44] Cf. Charles-Robert AGrton, « L’opinion publique française devant la guerre d’Algérie », Revue française d’Histoire d’Outre-Mer, n° 231, 1977, pp. 257-284.

[45] Le GPRA était reconnu par 25 États (19 de jure, 6 de facto) à l’ouverture des négociations (mai 1961). Le mouvement s’accéléra pendant celles-ci et surtout à partir des accords d’Évian, jusqu’à atteindre le nombre de 36 au 1er juillet 1962. Cf. Charles Rousseau, « Chronique des faits internationaux », dans la Revue générale de Droit international public, 1962, p. 624 : « A la date du 30 juin 1962, c’est-à-dire à la veille du referendum sur l’auto-détermination, le prétendu gouvernement provisoire de la République algérienne avait été reconnu comme tel par 36 États, qui étaient dans l’ordre chronologique les États suivants : Égypte, Syrie, Irak, Libye, Maroc, Tunisie, Yémen (19 septembre 1958) ; Jordanie (20 septembre 1958) ; Arabie Saoudite (21 septembre 1958) ; République populaire de Chine, Soudan (22 septembre 1958) ; Indonésie (28 septembre 1958) ; Nord Vietnam, Corée du nord (30 septembre 1958) ; Mongolie extérieure (1er octobre 1958) ; Liban (14 janvier 1959) ; Ghana (9 juillet 1959) ; Libéria (6 juin 1960) ; Cuba (28 juin 1961) ; Pakistan (2 août 1961) ; Yougoslavie, Cambodge, Chypre, Afghanistan (5 septembre 1961) ; Éthiopie (1er mars 1962) ; U.R.S.S. (19 mars 1962) ; Roumanie, Tchécoslovaquie (20 mars 1962) ; Albanie, Bulgarie (21 mars 1962) ; Hongrie (19 avril 1962) ; Guinée, Togo, Mali, Congo-Léopoldville (avril 1962) ; Pologne (4 mai 1962). » Sur ces 36 reconnaissances, 25 sont intervenues avant la conclusion du cessez-le-feu du 18 mars 1962 (dont 15 en 1958, 2 en 1959, 1 en 1960, 6 en 1961 et 1 entre le 1er janvier et le 18 mars 1962) et 11 postérieurement à cette date.

[46] La Proclamation du 1er novembre définit ainsi les « moyens de lutte » : « Conformément aux principes révolutionnaires, et compte tenu des situations intérieures et extérieures, la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre but. » Sur la stratégie générale du FLN, cf. Slimane Chikh, L’Algérie en armes, ou le temps des certitudes, Paris, Economica, 1981 (thèse de sciences politiques soutenue à Grenoble sous le titre : « La Révolution algérienne, projet et action »).



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