Le terrorisme urbain dans la guerre d’Algérie (2000)

dimanche 27 août 2006.
 
Cette communication a été présentée au colloque Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, organisé à Montpellier les 5 et 6 mai 2000 sous la direction de Jean-Charles Jauffret et Maurice Vaïsse, et publiée dans les actes de ce colloque édités par les Editions Complexe, Bruxelles, 2001 (pp. 447-467).

La présente communication n’expose pas les résultats d’une recherche achevée : elle ne vise qu’à définir la problématique d’une enquête dont l’essentiel reste à réaliser.

Du terrorisme

Le mot « terrorisme » ne peut être employé sans précaution, car il reste fortement marqué par les connotations péjoratives héritées de ses origines. Créé en France pour stigmatiser les méthodes répressives du « Gouvernement révolutionnaire » de 1792 à 1794, il n’a pas cessé d’être employé pour discréditer les méthodes violentes employées par divers mouvements cherchant à renverser un pouvoir établi, jusqu’à la Deuxième guerre mondiale. A partir de ce moment, l’usage qui en a été fait par la propagande nazie et collaborationniste contre la résistance des peuples occupés a entraîné un discrédit du mot lui-même ; beaucoup depuis lors préfèrent le traduire automatiquement par « résistance » à l’oppression. C’est ainsi que la lutte armée des nationalistes algériens pour l’indépendance de leur pays a fait l’objet de cette double désignation contradictoire. Et pourtant, ceux-ci employaient parfois le mot « terrorisme » dans des textes à usage interne. Et depuis 1992, les déclarations officielles et la presse algérienne stigmatisent le « terrorisme » des islamistes tout comme les autorités et la presse française d’Algérie stigmatisaient celui du FLN trente ans plus tôt.

Le terrorisme n’est donc pas un faux problème, et les historiens doivent tenter de l’étudier en commençant par en définir le concept. On entend généralement par « terrorisme » tout acte de violence dirigé contre des individus, des groupes ou des populations sans défense (qu’ils soient non armés ou désarmés). En ce sens, les actes terroristes se distinguent clairement des actes de guerre qui sont commis réciproquement par deux forces armées, dont chaque membre essaie de tuer pour ne pas être tué. En conséquence, les actes de terrorisme sont punissables comme « crimes de guerre » , c’est-à-dire comme violations des « lois de la guerre » par lesquelles les Etats dits « civilisés » avaient convenu d’épargner les non-combattants et les soldats « hors de combat » dans leur intérêt mutuel.

Et pourtant, la distinction a cessé d’être claire dans la pratique. En effet, les bombardements systématiques des populations civiles par les aviations de l’Axe, qui avaient fait scandale pendant les guerres d’Ethiopie et d’Espagne, puis au début de la Deuxième guerre mondiale, ont été imitées à grande échelle par les Anglo-Américains, et justifiées, selon Churchill, par le fait que « le moral de l’Allemagne était un objectif militaire ». Puis les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945 firent de la « stratégie anti-cités » la clé de la dissuasion nucléaire. Ainsi le terrorisme fut reconnu comme une arme de guerre légitime, et les « petits » ne manquèrent pas d’imiter les « grands » dans la mesure de leurs moyens. Il devint l’arme des pauvres, visant des adversaires plus forts à leur point faible. Ce que le chef du FLN Larbi Ben M’hidi expliqua au colonel Bigeard après sa capture : « Donnez-moi vos avions, et je vous donnerai mes couffins ».

Il convient de distinguer plusieurs formes de terrorisme. Celui-ci peut être interne à la société d’où est issue l’organisation « terroriste » ; dans ce cas, il vise à renforcer la cohésion de la collectivité que cette organisation prétend représenter en supprimant ou en intimidant les « traîtres » et les réfractaires. Ou bien, il peut être externe, c’est-à-dire dirigé contre un ennemi extérieur.

Le terrorisme peut être sélectif, et viser des traîtres ou des ennemis individuellement identifiés comme tels ; ou au contraire, s’en prendre à n’importe quel membre d’un groupe hostile afin de les « terroriser » tous. Dans tous les cas, son effet physique est doublé par un effet psychologique de terreur.

Enfin, le terrorisme peut être spontané, perpétré à chaud sous l’empire de la haine et du désir de vengeance ; ou bien froidement calculé pour provoquer délibérément des réactions de violence aveugle qui, à leur tour, produiront une volonté collective de représailles. Tout acte de violence, guerrière ou terroriste, est susceptible de produire un effet dissuasif (si les victimes n’ont plus assez de forces pour riposter) ou un effet provocateur. Il importe de chercher à savoir si le « cycle infernal du terrorisme et de la répression » doit être interprété comme un processus incontrôlé de vendettas réciproques, ou comme l’application de stratégies visant délibérément un effet prévu.

Pendant la guerre d’Algérie, le terrorisme a été pratiqué dans tous les milieux. Le terrorisme urbain [1] retiendra toute notre attention parce que les villes étaient en Algérie, le seul lieu de coexistence massive entre les deux populations qui se considéraient comme « algériennes » : les Européens (y compris les Juifs autochtones [2], réintégrés en 1943 dans la citoyenneté française), et les Musulmans. Il importe de rechercher si cette coexistence massive a été un facteur d’affrontement spontané ; ou si, au contraire, il a fallu recourir à des stratégies de provocation pour séparer les deux communautés et unifier chacune d’entre elle autour des groupes terroristes.

Pour vérifier ces hypothèses, il faudrait disposer d’un large éventail de monographies permettant de comparer le déroulement de la guerre dans les villes qui avaient longtemps été caractérisées par une majorité européenne (comme Alger, et, surtout, Oran), et dans des villes ayant toujours conservé une majorité musulmane (comme Constantine et Tlemcen). Actuellement, cette série de monographies reste presque entièrement à faire. C’est pourquoi nous tenterons d’exposer un état des connaissances présumées acquises sur les événements d’Alger (ville la moins mal connue), avec quelques renvois au cas d’Oran.

Les sources principales de notre étude se trouvent dans les nombreux témoignages et récits journalistiques déjà publiés. Les informations publiées à l’époque dans la presse quotidienne de France et surtout d’Algérie [3] fournissent de très précieux compléments, jusqu’ici trop négligés. Enfin, les archives militaires désormais ouvertes permettront un approfondissement ultérieur.

Le terrorisme a été l’une des principales armes utilisées par les nationalistes algériens du FLN-ALN et par leurs concurrents du MNA. Il a suscité parmi les Français d’Algérie un « contre-terrorisme » (ou plutôt, un terrorisme de représailles) ; relancé par l’OAS en 1961, celui-ci a surpassé le précédent à partir de janvier 1962. Les opérations de « maintien de l’ordre » menées par les forces policières et militaires au service du gouvernement français ne relèvent pas de notre sujet.

A partir du cas algérois, nous pouvons proposer une périodisation schématique en trois étapes : apparition et aggravation des terrorismes de novembre 1954 à janvier 1957 ; mise en échec par les « forces de l’ordre » de 1957 à 1960 ; résurgence et affrontements d’une violence croissante entre décembre 1960 et juin 1962.

Apparition et aggravation des terrorismes

L’action armée préméditée par les nationalistes algériens du PPA pour venir à bout du régime colonial, sans exclure le terrorisme, ne s’y réduisait pas. Le 8 mai 1945, l’intervention de la police contre les porteurs de drapeaux algériens en tête des manifestations de Sétif et de Guelma avait déclenché une explosion de violences xénophobes dans les rues de ces villes, puis dans les campagnes environnantes, qui avaient à leur tour provoqué une répression féroce et disproportionnée [4]. Mais il n’est pas certain que cet enchaînement ait été délibérément calculé [5] : au contraire, les militants qui préparaient une insurrection planifiée avaient critiqué le caractère irrationnel de ces violences aveugles [6]. En 1946, des tracts anonymes distribués dans les boîtes aux lettres de Constantine invitaient les Européens à « choisir : - la valise - le cercueil » [7]. Mais en 1947, Messali Hadj jugea devoir rassurer le « million d’Algériens non-musulmans » sur le fait que le PPA ne nourrissait « aucune haine, ni arrière-pensée quant à son avenir au sein de la nation algérienne » [8].

Le terrorisme, dans le vocabulaire des activistes du PPA, désignait essentiellement l’élimination sélective des ennemis colonialistes acharnés et de leurs auxiliaires algériens, c’est-à-dire « faire disparaître les méchants et les traîtres » [9]. Il avait été mis en pratique à plusieurs reprises, dans le Constantinois et en Kabylie, de 1945 à 1948 [10]. En mars 1948, un document saisi sur trois étudiants algériens venus de France préconisait l’organisation de l’action armée qui comportait notamment la « lutte terroriste qui peut commencer au plus tôt (nettoyage, épuration, intimidation) » [11]. En décembre 1948, un rapport du chef de l’OS, Hocine Aït Ahmed, constatait la tentation du « terrorisme généralisé », « moyen de se faire justice soi-même » conformément aux coutumes maghrébines : « cette conception est partagée par le gros de nos effectifs, partout où cette forme de lutte n’a pas été expérimentée ». Mais il la rejetait comme « vecteur principal du combat libérateur », tout en admettant que le « terrorisme sous sa forme défensive ou d’appoint, c’est-à-dire le contre-terrorisme, peut jouer un rôle dans le cadre de la guerre populaire comme en Indochine » [12].

La proclamation du FLN, datée du 31 octobre 1954, avait prévu d’employer « tous les moyens », et l’appel de l’ALN avait menacé les indifférents et les traîtres [13]. Les premières actions déclenchées le 1er novembre 1954 firent peu de victimes parmi les soldats français et les civils « français musulmans » ou européens ; malgré l’émotion soulevée par la mort de l’instituteur Monnerot dans l’Aurès, on ne peut affirmer une volonté terroriste incontestable [14]. A Alger, quelques bombes artisanales visant des objectifs économiques firent plus de bruit que de mal. Les attentats prévus échouèrent à Oran, et furent décommandés à Constantine. A Alger et à Oran, les groupes d’action furent presque entièrement démantelés.

Dans les mois suivants, c’est surtout dans la moitié orientale du pays que se manifesta un « terrorisme défensif », visant à priver l’administration, la police et l’armée de leurs agents de renseignement et d’influence dans la population musulmane par des menaces suivies d’exécutions [15]. Au printemps, les attentats se multiplièrent, notamment dans les villes du Nord-Constantinois, Philippeville, Bône, puis Constantine à partir du 8 mai 1955. L’enracinement et l’expansion de la « rébellion » décidèrent les responsables politiques français (le gouverneur général Soustelle et le ministre de l’Intérieur Bourgès-Maunoury) à donner aux chefs militaires (les généraux Cherrière et Allard) les consignes de répression « par tous les moyens » [16] qu’ils avaient réclamées. Le durcissement consécutif de la répression, en mai et en juin 1955, conduisit le chef du FLN-ALN pour le Nord-Constantinois, Zirout Youcef, à passer du terrorisme sélectif au terrorisme anti-français systématique. Selon le récit d’Yves Courrière [17], fondé principalement sur le témoignage de l’ancien adjoint de Zirout, Lakhdar Ben Tobbal, il s’agissait non seulement de venger les victimes de la répression, mais de prévenir le découragement du peuple en creusant un infranchissable fossé de sang entre les Algériens et les Français par des massacres aveugles. Le 5 juillet, des voitures françaises furent attaquées sur les routes. Le 20 août 1955, des milliers de fellahs encadrés par les troupes de l’ALN s’attaquèrent aux « forces de l’ordre » et aux civils français dans une vingtaine de centres urbains et ruraux, notamment à Philippeville et à Constantine. Les meurtres et les massacres (dont les plus importants furent ceux d’El Halia et de Aïn Abid), provoquèrent la répression attendue et les effets escomptés [18]. Le 20 août 1955 fut le point de non-retour de l’insurrection. Le même jour, des attentats visant à Constantine plusieurs notables algériens modérés, qui avaient signé un appel condamnant « toute violence d’où qu’elle vienne », confirmèrent le choix d’une stratégie du pire [19].

Ce choix n’engageait que le FLN-ALN du Nord-Constantinois, privé à cette date de toute liaison avec les autres régions. L’organisation de l’Algérois, qui avait failli disparaître en mars 1955 avec la capture de son chef Rabah Bitat, avait été reprise en main par des chefs kabyles, qui avaient confié la ville d’Alger à Ramdane Abane . Abane avait donné la priorité à l’action politique (ralliement des anciens partis au FLN, encadrement des forces sociales et culturelles de la société algérienne par des syndicats contrôlés) et à la fourniture d’argent, d’équipements, de médicaments et de soins médicaux aux maquisards. Pour pouvoir travailler en paix, il avait d’abord sévèrement limité l’action des commandos dont il disposait à des objectifs très précis : policiers et gardiens de prison trop zélés, indicateurs de police, et enfin messalistes du MNA, qui tentaient d’organiser leurs propres groupes armés à partir d’Alger et d’Oran. A partir de l’automne 1955, Abane laissa plus libre cours à ses subordonnés impatients de passer à l’action directe contre tous ceux qui pouvaient menacer la sécurité du FLN et son emprise sur la population algérienne musulmane [20]. Il leur fit nettoyer la Casbah de sa pègre liée à la police française, et des messalistes [21]. Après la dissolution de l’Assemblée nationale (2 décembre 1955) et la fixation de la date des prochaines élections au 2 janvier 1956, il fit du terrorisme une arme politique offensive en interdisant sous peine de mort la participation des Algériens et en exigeant sous la même menace la démission de tous leurs élus [22].

Pourtant Abane, qui espérait ouvrir une négociation avec un futur gouvernement de gauche, n’envisageait pas encore de suivre l’exemple du Nord-Constantinois. Au contraire, il avait critiqué en privé les massacres de civils commis le 20 août 1955, et autorisé la participation de plusieurs militants clandestins du FLN au projet de « trêve pour les civils » qu’Albert Camus vint présenter à Alger le 21 janvier 1956 avec ses amis « libéraux » [23].

Mais en février 1956, la déception de ses espoirs de paix rapide lui fit franchir un pas important dans la voie du terrorisme systématique. Après la reculade du Président du Conseil socialiste Guy Mollet devant l’émeute algéroise du 6 février 1956, et après les déclarations faites par celui-ci pour rassurer les Français d’Algérie, Abane diffusa un tract déclarant que « tous les Français, à de rares exceptions près, sont peu ou prou colonialistes », et « ne lâchent leurs colonies que lorsqu’ils ont le couteau sous la gorge » ; il prenait le monde à témoin que « si le gouvernement français faisait guillotiner les condamnés à mort, des représailles terribles s’abattront sur la population civile européenne » [24]. En substituant la responsabilité collective des Français d’Algérie aux responsabilités individuelles des élus qui réclamaient depuis des mois le châtiment exemplaire des « rebelles » condamnés à mort, Abane prenait délibérément le risque de déclencher une surenchère de la violence, qu’il l’eût souhaitée ou non.

Aussitôt, l’engrenage se mit en marche. Le 26 février, un convoi de véhicules civils tomba dans une embuscade de l’ALN au col de Sakamody, à 50 km au sud-est d’Alger : huit personnes (dont une petite fille de sept ans, et un membre du comité algérois pour la trêve civile) furent assassinées. Peu après, plusieurs familles de colons furent massacrées dans leurs fermes à l’est de la Mitidja et près de Palestro. Vengeances aveugles ou provocations calculées [25], ces actes ne pouvaient que renforcer la représentativité des voix qui réclamaient l’exécution des condamnations. Le 14 mars 1956, le Comité de coordination pour la défense de l’Algérie française décida une fermeture illimitée des mairies à partir du 21 mars, si à cette date aucun ordre d’exécution n’avait été donné. Le 15 mars, le spectaculaire incendie du garage des Facultés par un commando de l’ALN sema la panique en ville et entraîna l’instauration d’un couvre-feu.

Le ministre résidant Robert Lacoste finit par céder aux pressions. Le 19 juin 1956, deux condamnés à mort furent guillotinés à la prison de Barberousse : Hamida Zabana (l’un des organisateurs du 1er novembre 1954 en Oranie) pour le meurtre d’un garde-chasse, et Ferradj Abdelkader, goumier déserteur, pour sa participation au massacre de Sakamody. Aussitôt, selon le récit d’Yves Courrière [26], Abane et Ben M’hidi (le chef de l’Oranie, arrivé depuis peu à Alger) rédigèrent un tract menaçant : « Pour chaque maquisard guillotiné, cent Français seront abattus sans distinction ». Les groupes armés de fedayin auraient reçu l’ordre suivant : « Descendez n’importe quel Européen, de dix-huit à cinquante-quatre ans. Pas de femmes, pas d’enfants, pas de vieux » [27]. Selon les statistiques officielles, le bilan mensuel des victimes du terrorisme en fut presque triplé : 26 morts et blessés en mai, 74 en juin.

Les autorités invitèrent les populations à respecter une « discipline consciente » pour ne pas faire le jeu du terrorisme par des réactions de violence irréfléchies. Selon L’Echo d’Alger du 26 juin, le ministre résidant s’inquiétait des « premiers signes du contre-terrorisme ». En réalité, il devenait impossible de cacher plus longtemps son existence. A Alger, le premier groupe contre-terroriste avait été créé dès la mi-novembre 1954 par quelques « petits blancs » de Bab-el-Oued (un gérant de bar, et quelques employés des transports publics), qui avaient décidé de venger les premiers attentats du FLN en assassinant un cordonnier musulman, présumé responsable du MTLD. Mus par un réflexe élémentaire de vendetta, ils appliquaient la loi du talion contre des « Arabes » après chaque attentat anti-français sans en connaître les auteurs. Le plus grand « exploit » dont ils se vantaient avait été le mitraillage d’un autocar chargé de passagers musulmans, qui aurait fait soixante morts et plus d’une quarantaine de blessés près du cimetière de Hussein Dey à la mi-juin 1955 [28]. Puis les massacres du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois avaient exacerbé les sentiments de peur, de haine, et de colère contre l’inefficacité des « forces de l’ordre ». A Alger, les groupes contre-terroristes se multiplièrent, et recrutèrent désormais dans des milieux plus aisés, avec à leur tête des notables tels que les docteurs en médecine Pérez et Kovacs, et l’ancien commissaire de police et sous-préfet Achiary, attaché au cabinet de Jacques Soustelle. Des policiers en exercice et des anciens des services secrets, experts en explosifs, les rejoignirent. Ainsi, une collaboration occulte s’établit entre la police légale et ces groupes clandestins pour menacer et frapper des hommes ou des lieux censés participer à l’action des « rebelles ».

Faute de recherches, le bilan du contre-terrorisme est très mal connu jusqu’au printemps de 1956. On sait qu’à partir de la fin juin, en riposte aux attentats du FLN, ces groupes multiplièrent les attentats à la bombe ; la plus meurtrière, posée par l’« Organisation de résistance de l’Algérie française » (ORAF) du docteur Kovacs, détruisit un pâté de maisons de la Casbah, rue de Thèbes, le 10 août, faisant au moins quinze morts et quarante blessés. Le FLN jura de les venger avec les mêmes moyens. Certains auteurs croient pouvoir en conclure que le prétendu « contre-terrorisme » [29] des « ultras » avait été le premier terrorisme, et qu’il avait provoqué celui du FLN, qui était donc le véritable « contre-terrorisme ». Cette interprétation fait bon marché des attentats systématiques de la fin juin, application des menaces lancées par Abane dès février 1956. En juin, le FLN manquait de bombes puissantes. Il les reçut le 1er juillet, quand le Parti communiste algérien accepta d’intégrer dans l’ALN les membres de ses groupes armés, les « Combattants de la Libération », qui fabriquaient des explosifs [30].

L’heure de la vengeance attendit plus d’un mois, jusqu’au retour à Alger de la nouvelle direction politique du FLN-ALN instituée par le Congrès de la Soummam, le Comité de coordination et d’exécution (CCE). Malgré les réticences de certains de ses membres soucieux de continuer à travailler au calme, il décida de généraliser le terrorisme à Alger comme dans toutes les autres villes, pour riposter au défi des « ultras » et aux exécutions de condamnés à mort, pour soulager les maquis en obligeant l’armée française à disperser ses troupes dans tout le pays, et pour donner à la lutte le plus grand retentissement possible dans la presse française et internationale [31].

Par cette décision, Abane et ses collègues désavouèrent la politique d’« isolement de l’ennemi colonialiste [...] et de neutralisation d’une fraction importante de la population européenne » préconisée dans la « plateforme » du Congrès du Congrès de la Soummam [32]. Au contraire, le terrorisme anti-français acheva d’unifier la masse des Français d’Algérie dans leur refus viscéral de l’indépendance, et d’isoler dans une situation moralement inconfortable l’infime minorité qui s’y était ralliée dans l’espoir de sauvegarder les chances d’une Algérie multi-ethnique (notamment les ex-communistes issus des « Combattants de la Libération ») [33]. Comment expliquer une telle inconséquence ? Mohammed Harbi en tire la preuve que « la guerre n’était pas pensée du côté algérien », et qu’il faut donc la considérer comme « un enchaînement d’initiatives et de ripostes » [34]. Khalfa Mameri, biographe admiratif d’Abane, s’appuie au contraire sur « de nombreux témoins et acteurs » pour attribuer à son héros une stratégie « d’accélération voulue de la répression » par un terrorisme aveugle visant à provoquer des représailles aveugles pour unifier le peuple algérien autour de son vengeur le FLN-ALN [35].

Le 30 septembre 1956, deux bombes à retardement explosèrent sur les terrasses bondées de deux cafés en plein centre d’Alger, faisant soixante blessés hospitalisés dont trois mourants et vingt-deux gravement touchés. Dès lors, les attentats devinrent presque quotidiens. Aux pistolets et aux grenades, l’ALN ajouta ses bombes déposées dans les lieux publics des quartierseuropéens(cafés,grands magasins, transports en commun), le plus souvent par des jeunes filles d’apparence européenne (ce qui alimenta quelque temps l’obsession anticommuniste de L’Echo d’Alger et d’autres journaux).

En octobre 1956, dans le numéro 3 du Moudjahid, Abane annonça un « nouveau chapitre de la révolution algérienne » : « Ainsi, avec la phase actuelle de lutte, nous entrons dans la période d’insécurité générale, prélude de l’insurrection générale qui nous débarrassera à jamais du colonialisme français ». L’arrestation des chefs de la délégation extérieure du FLN dans l’avion marocain détourné vers Alger le 22 octobre 1956 ne fit que durcir la résolution du CCE. Larbi Ben M’hidi rêvait d’un Dien-Bien-Phû à Alger, et d’une prochaine victoire au début de 1957. Dans les premiers jours de janvier, le CCE décida d’ordonner une grève de huit jours à l’ouverture de la prochaine session de l’ONU. Cette grève devait démontrer par sa durée « l’adhésion totale de tout le peuple algérien au FLN, son unique représentant ». Contrairement à ce qui a été prétendu plus tard, elle devait être « violente » et servir de « première et véritable répétition de la nécessaire expérience pour l’insurrection générale ». Les instructions du FLN ordonnaient de « transformer les villes en cités mortes ; d’organiser des actions de commandos dans les quartiers européens ; de monter des embuscades sur les routes et d’attaquer tout véhicule civil ou militaire qui passerait » [36].

Pendant ce temps, les « contre-terroristes » intensifiaient leur action, en liaison avec des officiers des services secrets en activité qui leur fournissaient des renseignements ; le groupe de Georges Watin fit de la « Villa des sources » un centre de torture privé [37], où périrent plusieurs « suspects » enlevés. En même temps, des comploteurs civils et militaires tentèrent de les manipuler pour entraîner l’armée à prendre position contre le gouvernement légal. Le 28 décembre 1956, deux jours après un attentat manqué contre le bachaga Aït Ali, le président de la Fédération des maires d’Algérie, Amédée Froger, fut assassiné par un terroriste qui réussit à s’enfuir. Le surlendemain, ses obsèques traversant à pied le centre-ville dégénérèrent en une sanglante « ratonnade » à la nouvelle de plusieurs explosions de bombes au cimetière, à Bab-el-Oued et rue Michelet, ainsi que dans des églises. Initialement attribuées aux communistes par L’Echo d’Alger, ces attentats sont aujourd’hui reconnus par les anciens de l’ORAF, qui avaient voulu créer un climat de panique pour entraîner l’armée à prendre le pouvoir [38]. Mais leurs aveux n’impliquent pas qu’ils aient assassiné Amédée Froger. Ce meurtre fut d’abord attribué au FLN, puis à un membre du MNA (arrêté en février 1957), qui avoua puis se rétracta en invoquant la torture, mais fut néanmoins condamné à mort et guillotiné [39]. Beaucoup plus tard, Yves Courrière désigna Ali la Pointe [40] selon le témoignage de Yacef Saadi, mais ce dernier démentit toute responsabilité du FLN [41]. Celle-ci a pourtant été attestée par deux auteurs algériens qui prétendent avoir connu le ou les exécutants du meurtre [42].

Deux semaines plus tard, le 16 janvier 1957, deux roquettes visant le général en chef Salan tuèrent dans son bureau son aide de camp le commandant Rodier. D’abord attribué à tort aux communistes (à cause de sa technique perfectionnée), cet attentat s’avéra être l’œuvre de membres de l’ORAF, qui avouèrent avoir été manipulés par de mystérieux comploteurs venus de Paris et du Maroc [43].

Débordé des deux côtés par le déchaînement des violences, le ministre résidant Robert Lacoste avait délégué, dès le 7 janvier, les pouvoirs de police pour le maintien de l’ordre dans le département d’Alger au général Massu. Celui-ci comptait surtout sur l’éradication du terrorisme FLN pour venir à bout de sa conséquence, le « contre-terrorisme » des ultras [44].

Reflux et résurgence des terrorismes

Les méthodes employées par les « forces de l’ordre » sous l’autorité du général Massu pendant la « bataille d’Alger », et les polémiques qu’elles suscitèrent, ne relèvent pas de notre sujet. Il nous reste à rechercher si leur résultat fut une éradication complète et définitive du terrorisme algérien, et de son antagoniste français d’Algérie.

Dès le 28 janvier 1957, l’intervention des parachutistes de Massu pour briser la grève, empêcher tout attentat, et démanteler les réseaux FLN-ALN marqua un tournant, que reconnut Ben Youcef Ben Khedda : « La grève des huit jours changea la situation du tout au tout, quarante-huit heures à peine après son déclenchement, nous avions perdu l’initiative » [45]. La reprise des attentats en février n’empêcha pas l’arrestation de Larbi Ben M’hidi et la fuite des autres membres du CCE vers l’extérieur. Toutefois, l’organisation FLN-ALN, reconstituée par Yacef Saadi, reprit l’offensive en juin 1957, avec deux attentats particulièrement meurtriers qui donnèrent à ce mois le bilan le plus sanglant (251 morts et blessés). La volonté du FLN de provoquer des représailles aveugles (« ratonnade » meurtrière aux obsèques des victimes du Casino de la Corniche le 11 juin) fut dénoncée par des observateurs aussi différents qu’Alain de Sérigny et François Mauriac [46]. Pourtant, elle n’est pas incontestable : Yacef invoquait la vengeance des vingt-six morts et douze blessés victimes des représailles de parachutistes après un attentat au Ruisseau le 17 mai, l’appel au secours des maquisards de l’Algérois aux prises avec les paras de Massu retirés d’Alger, et la riposte aux exécutions de condamnés à mort [47].

Une fois les derniers réseaux terroristes et politiques démantelés en septembre et octobre 1957, la « bataille d’Alger » s’acheva par une défaite du terrorisme, qui aurait commis en quatorze mois 751 attentats, et causé 314 morts et 917 blessés [48]. Dans les mois suivants, l’organisation militaro-policière commandée par le général Massu resta seule à encadrer les quartiers musulmans ; ce qui permit une participation croissante d’une partie de leurs habitants aux manifestations pour l’Algérie française, qui culminèrent avec les fraternisations de mai et juin 1958. Le scepticisme affiché par les dirigeants du FLN devant cette « mascarade » camouflait leur inquiétude exprimée dans des rapports confidentiels.

Pourtant, les sentiments nationalistes n’avaient pas disparu, ni les tentatives de reconstituer des réseaux terroristes à partir des maquis voisins. Dès le 6 juin (deux jours après la visite triomphale du général de Gaulle), deux Européens furent assassinés dans la Casbah. De juin 1958 à janvier 1960, il n’y eut presque pas de mois sans attentats ou tentatives d’attentats ; leur fréquence et leur gravité s’accrurent à partir de septembre 1959, contribuant à faire monter la tension chez les Européens jusqu’à la fusillade du 24 janvier 1960 [49]. Après une régression entre février et avril, les attentats reprirent en mai et juin. Cependant, leur bilan resta très en deçà de celui des années 1956 et 1957.

Une évolution comparable mais non identique s’observe à Oran. Le terrorisme s’y manifesta d’une manière presque continue de septembre 1956 à septembre 1958. Le plus grand nombre de morts fut atteint en janvier 1957 (33), mais après une diminution en 1957 et dans le premier semestre de 1958, le mois d’août fut marqué par une remontée soudaine (22 morts). Suivirent deux années de calme presque parfait, d’octobre 1958 à septembre 1960 [50].

C’est en novembre et décembre 1960 que se manifesta clairement le « basculement » d’une grande partie des populations musulmanes urbaines en faveur de la « République algérienne », et contre l’opposition des « ultras » de l’Algérie française. Les manifestations violentes de ces derniers contre la politique du général de Gaulle pendant son dernier voyage en Algérie (9-13 décembre 1960) provoquèrent des contre-manifestations musulmanes d’abord spontanées, mais vite récupérées par les organisations locales du FLN, à Oran puis à Alger dès le 10 décembre, puis à Blida, Bône, Constantine... Ces contre-manifestations prirent un tour violent et destructeur, qui entraînèrent des réactions d’autodéfense d’Européens, puis l’intervention brutale de l’armée [51]. Désormais, les villes se partagèrent entre quartiers européens et musulmans, opposés par leurs sentiments, et de plus en plus contrôlés par des organisations hostiles. L’affrontement renaissant des deux terrorismes contraignit les « forces de l’ordre » à combattre sur deux fronts, jusqu’à ce que le gouvernement français réussisse à s’entendre avec le FLN.

La résurgence du terrorisme à Alger en 1961 est mal connue, parce que les témoignages concernent presque tous le côté français. Une esquisse peut néanmoins être proposée à partir des données synthétisées par le préfet de police d’Alger Vitalis Cros [52]. D’après lui, les terrorismes du FLN et du Front de l’Algérie française (FAF) clandestin, puis de l’Organisation Armée secrète (OAS) ont fortement progressé, particulièrement après l’échec du putsch du 22 avril 1961. Les attentats du FLN ont retrouvé en septembre, puis en décembre, leur niveau de la fin 1956 (une centaine par mois). Ceux des « ultras » ont été constamment plus nombreux. Mais à partir de mai 1961, il convient de distinguer parmi les actions de l’OAS les explosions de plastic, faisant plus de bruit et de peur que de mal ; et les « opérations ponctuelles » visant à tuer. Les premières augmentent spectaculairement jusqu’à un sommet de septembre à novembre (entre 300 et 350 par mois), alors que les meurtres restent moins nombreux que les attentats du FLN. Puis, à la fin de l’année, les plasticages interdits par le général Salan [53] diminuent, alors que les assassinats se multiplient et rattrapent ceux du FLN [54].

Le début de 1962 voit une escalade sans précédent des terrorismes. Le nombre des attentats OAS dépasse à la mi-janvier celui des attentats FLN, mais les deux terrorismes continuent de croître parallèlement jusqu’à la mi-mars. A cette date, suivant un rapport de Vitalis Cros au Premier Ministre Michel Debré, le niveau de violence du début de 1957 est largement dépassé : « Il y avait dans Alger au début de 1957 plus de deux divisions avec 122 attentats par mois, tous FLN, et le concours de la population pour les combattre. Il y a aujourd’hui deux fois et demi moins d’effectifs, avec deux fois et demi plus d’attentats FLN et un nombre supérieur d’attentats OAS, soit cinq fois plus d’attentats et une population indifférente, hostile au pouvoir ou terrorisée ». Puis le cessez-le feu du 19 mars 1962 fait diverger les courbes : envolée vertigineuse du nombre des attentats OAS et des victimes musulmanes [55], retombée des attentats FLN et des victimes européennes en avril et mai. Toutefois, on peut se demander si les statistiques préfectorales ont suffisamment pris en compte les enlèvements [56] d’Européens organisés après la mi-avril par la Zone autonome d’Alger sous les ordres de Si Azzedine, ainsi que les attentats du 14 mai qu’il revendiqua publiquement.

L’interprétation de cette évolution est délicate, faute de connaissances précises sur l’histoire du FLN d’Alger entre décembre 1960 et mars 1962. On sait pourtant que celui-ci a intensifié son terrorisme anti-européen pendant la trêve unilatérale du 20 mai au 10 août 1961, faisant ainsi le jeu de l’OAS [57] ; et qu’il a organisé les 1er et 5 juillet des manifestations contre la partition de l’Algérie, durement réprimées, et suivies d’une nouvelle vague de terrorisme. On ne sait pas bien quel a été l’impact des attentats anti-FLN commis par le « Front algérien d’action démocratique » (FAAD), scission du MNA manipulée par les services secrets français [58]. On croit savoir, par Yves Courrière [59], qu’après l’arrestation par la police des deux chefs envoyés par la wilaya IV, leurs collègues rescapés avaient décidé de relancer le terrorisme aveugle le 20 octobre, puis de le cibler davantage contre l’OAS en novembre.

De son côté, l’OAS prétendait réserver ses coups aux ennemis et aux « traîtres » (FLN, communistes, gaullistes, informateurs et agents de la lutte anti-OAS, notamment les « barbouzes » [60]) ; mais très vite les opinions furent sanctionnées comme les actions. Le général Salan et le général Jouhaud, chefs suprêmes des organisations d’Alger et d’Oran, condamnaient formellement les « ratonnades » qui faisaient le jeu des terroristes FLN [61], et menaçaient leurs auteurs (qu’ils présentaient arbitrairement comme des agents provocateurs communistes ou gaullistes). Mais dans un deuxième temps, il semble que les leaders militaires de l’OAS furent débordés par des chefs de commandos formés en grande partie à l’école du « contre-terrorisme ». L’instruction générale n°29 du 23 février 1962, signée par le général Salan, prévoyait de mettre en échec le prochain cessez-le-feu par une insurrection organisée dans les villes et les maquis, avec la participation de la foule européenne, d’un bon nombre de musulmans et d’unités militaires ralliées [62]. Il vit aussitôt son plan dévoyé en « ratonnades systématiques » [63] incompatibles avec son rêve d’un nouveau 13 mai. Il ne put empêcher l’application d’une stratégie de provocation, visant à susciter par des attentats aveugles le déferlement de foules musulmanes contre les quartiers européens, afin d’obliger l’armée à intervenir et à rompre le cessez-le-feu. Ce plan fut attribué à Jean-Claude Pérez par Jean-Jacques Susini [64], mais d’autres témoins appartenant à l’OAS l’imputent à Susini [65].

Enfin, quand tous les espoirs de basculement de l’armée eurent été brisés par le blocus de Bab-el-Oued et la fusillade de la rue d’Isly (26 mars 1962), l’OAS sombra dans une violence de plus en plus illimitée et irrationnelle. Tout en continuant à harceler les quartiers musulmans, elle voulut chasser tous les musulmans des quartiers européens pour empêcher les infiltrations d’espions et de terroristes et les enlèvements [66], par des meurtres en série qui, à leur tour, provoquèrent des représailles de plus en plus meurtrières [67]. Du côté du FLN, on peut se demander dans quelle mesure les chefs de la Zone autonome avaient voulu la dérive qui a conduit d’une action dirigée contre l’OAS à une insécurité générale, laquelle a directement provoqué l’exode massif de la population européenne [68].

En guise de conclusion provisoire, observons simplement qu’il n’est pas possible d’expliquer l’évolution de chacun des deux terrorismes en faisant abstraction de l’autre. En 1961, le FLN a travaillé pour l’OAS, comme en 1962 l’OAS a travaillé pour le FLN en lui ralliant la quasi-totalité des Musulmans. Et les tragédies qui ont endeuillé les villes d’Algérie en 1962 ne peuvent s’expliquer sans tenir compte de toutes les violences antérieures.

Guy Pervillé

Annexes (malheureusement non reproduites par l’éditeur) :

N°1 : « Attentats commis par le FLN dans l’agglomération algéroise, 1956-1957 : la bataille d’Alger ». Source : Philippe Tripier, Autopsie de la guerre d’Algérie, Editions France-Empire 1972, p. 631. Total en 22 mois : 970 attentats.

N°2 :Victimes des attentats (tués et blessés), de janvier 1956 à juin 1957. Source : photographie d’un exposé du colonel Godard devant les autorités, cahier photo central du t. 3 des Mémoires du général Salan Total en 18 mois : 1442 victimes

N°3 : Les terrorismes dans le secteur Alger-Sahel de janvier 1956 à mai 1962. Source : article de Vitalis Cros, préfet de police d’Alger en 1962, dans Historia Magazine - La guerre d’Algérie, n°109, p. 3144.

N°4 : Morts victimes des terrorismes à Oran, 1956-1962. Source : informations du Monde utilisées par Yannick Boulard dans son TER « La guerre d’Algérie à Oran », Nice 1996.

Après une introduction de Jean-Pierre Rioux, et avant les conclusions de Maurice Vaïsse, le colloque Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie se compose des trois parties suivantes :

Première partie : LES FORCES EN PRESENCE

-  Jean-Charles Jauffret : Une armée à deux vitesses en Algérie (1954-1962) : réserves générales et troupes de secteur

-  Alban Mahieu : Les effectifs de l’armée française en Algérie (1954-1962)

-  Martin S. Alexander : Les évaluations militaires britanniques des capacités de l’armée française en Algérie (1955-1958)

-  André-Paul Comor : l’adaptation de la Légion étrangère à la nouvelle forme de guerre

-  Jacques Frémeaux : la gendarmerie et la guerre d’Algérie

-  Patrick Boureille : La Marine et la guerre d’Algérie : périodisation et typologie des actions

-  Tramor Quemeneur : Réfractaires français dans la guerre d’Algérie (1954-1962)

-  Dalila Aït-el-Djoudi : L’image des combattants français vus par l’ALN (1954-1962)

-  Gilbert Meynier : Le FLN/ALN dans les six wilayas : étude comparée

-  Sadek Sellam : La situation de la wilaya IV au moment de l’affaire Si Salah (1958-1960)

Deuxième partie : LES THEATRES MILITAIRES

-  Daho Djerbal : Les maquis du Nord-Constantinois face aux grandes opérations de ratissage du plan Challe (1959-1960)

-  Jean-Louis Planche : De la solidarité militante à l’affrontement armé : MNA et FLN à Alger (1954-1955)

-  Frédéric Médard : Le Sahara, enjeu scientifique et technologique (1947-1967)

-  Jacques Vernet : Les barrages pendant la guerre d’Algérie

-  Benjamin Stora : Le Maroc et les débuts de la guerre d’Algérie (1953-1956)

-  Maurice Faivre : Le renseignement dans la guerre d’Algérie

-  Marie-Catherine Villatoux : La reconnaissance aérienne dans la lutte anti-guérilla

Troisième partie : UNE GUERRE D’UN TYPE NOUVEAU ?

-  Charles-Robert Ageron : Une dimension de la guerre d’Algérie : les "regroupements" de population

-  Zahir Ihaddaden : La désinformation pendant la guerre d’Algérie

-  Noara Omouri : Les Sections administratives spécialisées et les sciences sociales

-  Marie-Catherine et Paul Villatoux : Le 5ème bureau en Algérie

-  Maria Romo : Le gouvernement Mendès France et le maintien de l’ordre en Algérie en novembre 1954

-  Guy Pervillé : Le terrorisme urbain dans la guerre d’Algérie (1954-1962)

-  Raphaëlle Branche : La lutte contre le terrorisme urbain

-  Sylvie Thénault : La justice militaire pendant la guerre d’Algérie : les relations entre les magistrats et les autorités militaires

-  Mahfoud Kaddache : Itinéraire d’un militant nationaliste : Ouamara Mohammed, dit "Rachid"

-  Maurice Dumont : Les unités territoriales

[1] Cf. Guy Pervillé, « Pour une histoire urbaine de la décolonisation de l’Algérie », communication au colloque Conquêtes, colonisation, résistances de la Faculté des sciences sociales de Tunis (novembre 1998).Il convient de rendre hommage à la thèse pionnière de Miloud Karim Rouina, Essai d’étude comparative de la guerre d’indépendance de l’Algérie de 1954-1962 à travers deux villes :Oran et Sidi-Bel-Abbès, Université de Montpellier III, 1980.

[2] Sur la situation particulière des Juifs algériens entre les Européens et les Musulmans, voir notamment le dossier « Les Juifs et la guerre d’Algérie », dirigé par Yves Aouate, dans Archives juives n° 29/1, 1996, pp. 4-86.

[3] Sur la valeur documentaire de cette presse, en dépit de son parti-pris « colonialiste », voir la communication de Djamila Amrane au colloque Le retentissement de la Révolution algérienne, Alger, ENAL, et Bruxelles, GAM, 1985, pp. 90-108.

[4] Voir La guerre d’Algérie par les documents, t. 1, L’avertissement, Vincennes, SHAT, 1990 (sous la direction de Jean-Charles Jauffret).

[5] Pourtant, Lamine Debaghine aurait dit après le débarquement américain du 8 novembre 1942 : « Il faut créer un fossé irréversible entre les Européens et nous ». Cité par Omar Carlier, Entre nation et jihad, Histoire sociale des radicalismes algériens, Paris, Presses de Sciences Po, 1995, p. 28 note 2.

[6] Renseignement sur l’activité du PPA, Constantine, 25 mai 1945, SHAT 4 Q 119. Reproduit dans L’avertissement, op. cit., p. 375.

[7] Bulletin de renseignement d’avril 1946, SHAT 1 H 1729, La guerre d’Algérie par les documents t. 2, Les portes de la guerre, SHAT 1998, p. 121.

[8] Tract diffusé le 17 juillet 1946, SHAT 1 H 1430, Les portes de la guerre, op. cit., pp. 140-141.

[9] Rapport de Hocine Aït Ahmed au comité central élargi du PPA, décembre 1948, reproduit par Mohammed Harbi, Les archives de la Révolution algérienne, Paris, Editions Jeune Afrique, 1981, p. 17.

[10] Rapport du CIE de Constantine, 19 juin 1945, cité par Francine Dessaigne, La paix pour dix ans, Calvisson, Editions J. Gandini, 1990, p. 109 ; enquête de L’Echo d’Alger sur l’insécurité en Kabylie, 2 et 3 avril 1947, citée par Alain de Sérigny, Echos d’Alger, t. 2, L’abandon, Presses de la Cité 1974, pp. 64-66.

[11] SHAT 1 H 1430, Les portes de la guerre, op. cit., pp. 155-157.

[12] Rapport cité de Hocine Aït Ahmed, in Harbi, op. cit., pp. 17-19.

[13] Proclamation du FLN dans Harbi, op. cit., pp. 101-103, et dans La guerre d’Algérie, sous la direction d’Henri Alleg, Temps actuels 1981, t. 3, pp. 508-510, suivie de l’appel de l’ALN pp. 510-511.

[14] Yves Courrière, Les fils de la Toussaint, Fayard 1998, p. 256.

[15] Jean Vaujour, De la révolte à la révolution, Albin Michel 1985, pp. 328-329 et pp. 338-344 ; Claude Paillat, La liquidation, Robert Laffont 1972, p. 166, pp. 182-183 et pp. 192-193. Cf. le tract d’Abane, Le bilan de neuf mois de combats : « Les combats contre l’armée française ne nous ont pas fait oublier nos traîtres. Plus de 500 ont été abattus. Une centaine porteront le reste de leurs jours la marque de leur trahison. »

[16] Directives du général Cherrière au général Allard citées par Courrière, Le temps des léopards, Fayard 1969, pp. 108-109 ; et l’instruction n° 11 du général Allard, 19 juin 1955, SHAT 1 H 1944 / 1, citée et commentée par Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie, Hachette 1999, pp. 170-173.

[17] Courrière, op. cit., pp. 176-182.

[18] Charles-Robert Ageron, « L’insurrection du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois », La guerre d’Algérie et les Algériens, Armand Colin 1997, pp. 25-50.

[19] Allaoua Abbas, neveu de Ferhat Abbas, fut tué, et plusieurs autres blessés. Cf. René Mayer (homonyme du député de Constantine), Mémoire déracinée, L’Harmattan 1999, pp. 200-203, et Ferhat Abbas, Autopsie d’une guerre, Garnier 1980, p. 106.

[20] Courrière, op. cit., pp. 203-215.

[21] Selon Jean-Louis Planche, la violence de l’affrontement FLN-MNA à Alger a été largement surestimée.

[22] Texte du tract dans le Journal de Mouloud Feraoun, Plon 1962, pp. 50-51. Cf. Abbas, op. cit., p. 151.

[23] Courrière, op. cit., pp. 239-259 ; cf. Mohammed Lebjaoui, Vérités sur la Révolution algérienne, Gallimard 1970, pp. 38-55.

[24] Texte dans La guerre d’Algérie, sous la direction de Henri Alleg, op. cit., t. 3 p. 531.

[25] La seconde interprétation est suggérée par Mouloud Feraoun, op. cit., p.91 (9 mars 1956), la première par Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Maspero 1961 (avis qui paraît corroboré par des rapports sur les excès de la répression cités par Philippe Bourdrel, La dernière chance de l’Algérie française, Albin Michel 1996, pp.58-61).

[26] Courrière, op. cit., pp. 357-358.

[27] Des ordres semblables sont attestés par des témoins algériens, à Oran le docteur Tami Medjbeur, Face au mur, ou le journal d’un condamné à mort, Alger, SNED 1981 (cite le chef ALN Moulay qui avait donné à ses hommes « l’ordre d’abattre tout Européen se trouvant à leur portée », p. 90), et deux témoins cités dans la thèse de M.K. Rouina ; en petite Kabylie le docteur Bensalem Djameleddine, Voyez nos armes, voyez nos médecins, Alger, ENAL 1985 (« Première mission : abattre un Européen, n’importe quel Européen, pourvu que ce soit un Européen », p. 213). Sur le sens du mot « fidaï » (sacrifié), préféré à « terroriste », voir El Moudjahid n° 1, juin 1956 (réédition t. 1 p. 15) et n° 9, 20 août 1957 (réédition t. 1 pp. 106-107).

[28] Pierre Demaret, « Contre-terrorisme : la peine du talion », Historia Magazine - La guerre d’Algérie n° 208, pp. 470-474. Nous n’avons pas retrouvé cet « exploit » dans la presse algéroise.

[29] Mohammed Lebjaoui, Bataille d’Alger ou bataille d’Algérie ?, Gallimard 1972, pp. 18 et 24 ; et Jean-Philippe Ould-Aoudia, Un élu dans la guerre d’Algérie, Tirésias 1999, p. 172 note 41.

[30] Courrière, op. cit., pp. 348-351. Cf. le témoignage de Daniel Timsit, Algérie, récit anachronique, Saint Denis, Bouchène 1998, pp. 26-30.

[31] Courrière, op. cit., pp. 393-394.

[32] Première publication dans El Moudjahid (clandestin) n° 4, novembre 1956, deuxième en 1957. Réédition de Belgrade, 1962, t. 1 pp. 61-73.

[33] Jean-Luc Einaudi, Pour l’exemple, l’affaire Fernand Iveton, L’Harmattan 1986. Cf. D. Timsit, op. cit., pp. 32-38 et pp. 43-45.

[34] L’Algérie et son destin, croyants ou citoyens, Arcantère 1992, p. 152.

[35] Abane Ramdane,héros de la guerre d’Algérie, L’Harmattan 1988, pp. 136-137 et p. 263.

[36] Texte déjà cité par Claude Paillat dans ses Dossiers secrets de l’Algérie en 1962, reproduit par K. Mameri, op. cit., pp. 254-256 et pp. 318-320. Au contraire, selon Courrière (op. cit., pp. 450 et 473), le terrorisme devait être intensifié avant la grève ; et suspendu pendant celle-ci.

[37] Jacques Delarue, L’OAS contre de Gaulle, Fayard 1981, pp. 9-42.

[38] Bob Maloubier, La confession de Philippe Castille, Filipacchi 1988, pp. 59-63.

[39] Selon les témoins du meurtre, l’assassin s’était enfui en boitant, comme le suspect arrêté Badèche Ben Hamdi. Voir Pierre Pellissier, La bataille d’Alger, Perrin 1995, pp. 166-168.

[40] Courrière, op. cit., pp. 425-427.

[41] Yacef Saadi, La bataille d’Alger, t. 1 : L’embrasement, Editions Etc 1982. Cf. son intervention dans le débat suivant la diffusion des Années algériennes sur A2, octobre 1991.

[42] Lebjaoui, Bataille d’Alger, ..., op. cit., p. 294. Cf. Boualem Djeffour, « L’exécution de Froger », dans Récits de feu, présentés par Mahfoud Kaddache, Alger, SNED 1977, pp. 210-212.

[43] Sur l’affaire du bazooka, voir Maloubier, La confession de Philippe Castille, op. cit., et Raoul Salan, Mémoires, Presses de la Cité 1972, pp. 91-144 (qui conclut à la culpabilité du général Cogny, commandant les troupes françaises au Maroc, et de Michel Debré à Paris). Cf. la défense d’Alain Griotteray dans P. Pellissier, La bataille d’Alger, op. cit., pp. 83-94, et celle de Michel Debré dans ses Mémoires, t. 2, pp. 276-281.

[44] Jacques Massu, La vraie bataille d’Alger, Plon 1971, pp. 146-147.

[45] Cité par Mahfoud Kaddache, « Les tournants de la guerre de libération au niveau des masses populaires », dans La guerre d’Algérie et les Algériens, op. cit., p. 67.

[46] Cités par Philippe Bourdrel, La dernière chance, op. cit., pp. 141-142.

[47] Courrière, op. cit., pp. 524-526 et p. 537. Sur la fusillade du Ruisseau, voir un rapport officiel dans Lebjaoui, Bataille d’Alger, op. cit., pp. 192-198.

[48] Bilan cité par Jacques Chevallier, Nous, Algériens !, Calmann-Levy 1958, p. 147. Cf. la courbe des 970 attentats en 1956-1957 dans Philippe Tripier, Autopsie de la guerre d’Algérie, France-Empire 1972, p. 631, et la courbe du nombre de victimes (1442 morts et blessés) illustrant un exposé du colonel Godard dans le cahier photo central du t. 3 des Mémoires du général Salan. Il convient de vérifier si les attentats et les victimes du contre-terrorisme y sont incluses ou non.

[49] Après l’échec de la « semaine des barricades », les « ultras » se manifestèrent par des explosion de plastic, encore peu nombreuses en 1960.

[50] Voir la courbe des morts victimes des terrorismes à Oran de 1956 à 1962 signalés par Le Monde, tirée du TER de Yannick Boulard, « La guerre d’Algérie à Oran », Nice 1996.

[51] Bilan officiel à Alger : 96 morts (dont 6 Européens) et 370 blessés hospitalisés (dont 53 Européens).

[52] Voir son livre, Le temps de la violence, Presses de la Cité 1971, p. 205, et son article « L’enfer algérois », Historia Magazine - La guerre d’Algérie, n° 109, pp. 3143-3148 (illustré d’un graphique p. 3144, reproduit en annexe).

[53] Jean Ferrandi, 600 jours avec Salan et l’OAS, Fayard 1969, pp. 223-224 (21 novembre 1962).

[54] Charles-Robert Ageron, (« L’OAS Algérie-Sahara », dans Les droites et le général de Gaulle, Economica 1991, pp. 145-157) compte 9 « opérations ponctuelles » en septembre 1961, 13 en octobre, 28 en novembre, 97 en décembre.

[55] Selon Vitalis Cros, « L’OAS a fait trois fois plus de victimes dans les six derniers mois que n’en a fait le FLN entre le début de 1956 et la fin de mars 1962 » (article cité, p. 3146). Cf. Ageron, op. cit., p. 151, et la thèse de Jean Monneret, La phase finale de la guerre d’Algérie, Paris IV 1997, pp. 133-135.

[56] Selon la thèse de Jean Monneret, les enlèvements visant d’abord à démanteler l’OAS, se sont multipliés à partir de la mi-mars, et surtout de la deuxième semaine de mai 1962. D’abord concentrés à Alger et à Oran (213 à Alger et 86 à Oran du 19 mars au 1° juin), et dans leurs environs, ils se sont généralisés après le 1er juillet (thèse citée pp. 360-362 et documents intercalés entre les pp. 394 et 395).

[57] Jean Morin, De Gaulle et l’Algérie, mon témoignage, Albin Michel 1997, pp. 215-218 (« Quand le FLN roule pour l’OAS »).

[58] L’organisation terroriste d’Alger aurait été « démantelée », selon Maurice Faivre, « Services secrets et « troisième force » : le FAAD 1960-1962 », dans Il n’est point de secrets que le temps ne révèle, CEHD et Lavauzelle 1998, pp. 203-224.

[59] Courrière, Les feux du désespoir, Fayard 1971, pp. 464-466.

[60] Ces volontaires gaullistes du « Mouvement pour la coopération » de Lucien Bitterlin passèrent très vite de la contre-propagande au renseignement et à l’action anti-OAS. Ils servirent de leurre pour détourner l’attention de l’OAS des véritables « super-policiers » de la « Mission C ». Cf. Jean Morin, op. cit., pp. 237-245.

[61] Voir les instructions du général Salan du 20 octobre 1961 et 12 janvier 1962 dans OAS parle, Julliard (coll. Archives) 1964, pp. 101-111 et 166-168.

[62] OAS parle, op. cit., pp. 169-176.

[63] Ferrandi, op. cit., pp. 263 (19 février 1962) et 265 (24 et 25 février).

[64] Selon Ferrandi, op. cit., pp. 265, 271 (12 mars) et 273 (17 mars). Cf. le carnet du colonel Broizat du 16 mars dans OAS parle, pp. 263-265.

[65] Le colonel Chateau-Jobert, Feux et lumière sur ma trace, Presses de la Cité 1978, pp. 280, 285 et 288-289 ; et Jacques Roseau dans l’émission De Gaulle et l’OAS, TF1 03/01/1991 (cité par Jean-Philippe Ould-Aoudia, L’assassinat de Château-Royal, Tirésias 1992, pp. 113-114.

[66] Cf. Micheline Susini, De soleil et de larmes, Robert Laffont 1982, p. 191, et Jean-Claude Pérez, Le sang d’Algérie, Editions du Camelot et de la Joyeuse garde (sic) 1991, pp. 35-36.

[67] L’accélération des enlèvements dans la deuxième semaine de mai 1962 suivit l’explosion d’un camion piégé au milieu des dockers attendant l’embauche au port d’Alger le 2 mai.

[68] Cf. Monneret, thèse citée, pp. 365-368



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