La guerre d’Algérie : Que sais-je ? (2007)

vendredi 16 mars 2007.
 
La guerre d’Algérie (1954-1962), par Guy Pervillé, professeur à l’Université de Toulouse-Le Mirail, 128 p., est publiée à Paris par les Presses universitaires de France (collection Que sais-je ?, n° 3765) en mars 2007. Prix : 8 euros.

En France, il a fallu attendre la loi du 16 octobre 1999 pour que l’expression "guerre d’Algérie" soit officiellement reconnue. De 1954 à 1962, l’euphémisme "opérations de maintien de l’ordre" permettait de ne pas reconnaître le statut de belligérants à ceux que l’Etat considérait comme des "rebelles", des "terroristes"...

Dans une perspective centrée sur la France, et en partant de la chronologie des faits, cet ouvrage retrace l’histoire d’une décolonisation douloureuse. Plus de quarante ans après les accords d’Evian, il interroge nos difficultés à normaliser les rapports franco-algériens.

Professeur à l’Université de Toulouse-Le Mirail, Guy Pervillé est spécialiste de la colonisation et décolonisation de de l’empire colonial français. Il est notamment l’auteur d’un Atlas de la guerre d’Algérie, de la conquête à l’indépendance (Autrement, 2003) et de Pour une histoire de la guerre d’Algérie (Picard, 2002).

-  Table des matières :

Avant-propos, p. 3.

Chapitre I - L’Algérie coloniale, p. 5. I. Par l’épée et par la charrue : l’épopée coloniale, p. 5. II. L’échec relatif de la colonisation, p. 6. III. L’échec global de la politique d’assimilation, p. 12.

Chapitre II - Le nationalisme algérien, p. 16. I. Les origines du nationalisme algérien, p. 17. II. Sociologie du nationalisme algérien, p. 20. III. Le recours aux armes, p. 22.

Chapitre III - Le compte à rebours (1939-1954), p. 24. I. L’Algérie dans la guerre mondiale, p. 24. II. L’impact de la guerre sur les Algériens, p. 27. III. Le 8 mai 1945, p. 33. IV. La paix pour dix ans ?, p. 35.

Chapitre IV - De la révolte à la guerre, p. 42. I. La réaction de Pierre Mendès France, p. 42. II. L’échec de la pacification, p. 44. III. Le désaveu de l’intégration, p. 48.

Chapitre V - La IVème République en guerre, p. 51. I. 1956 : l’échec du Front républicain. II. 1957 : succès militaires, incertitudes politiques, p. 59. III. 1958 : de l’internationalisation du problème algérien à la crise du régime, p. 64.

Chapitre VI - De Gaulle face à la guerre (1958-1959), p. 70. I. L’été des promesses (juin-septembre 1958), p. 70. II. Les suites du référendum (octobre-décembre 1958), p. 77. III. L’évolution de l’Algérie (janvier-septembre 1959), p. 79.

Chapitre VII - Le temps de l’autodétermination (16 septembre 1959-8 janvier 1961), p. 84. I. Du discours sur l’autodétermination à la semaine des barricades (septembre 1959-janvier 1960), p. 84. II. de la "solution la plus française" à l’Algérie algérienne, p. 89. III. De l’Algérie algérienne à la République algérienne, p. 92.

Chapitre VIII - Le temps de la négociation (9 janvier 1961-18 mars 1962), p. 97. I. Du référendum au putsch des généraux, p. 97. II. Les premières négociations et leur blocage, p. 99. III. La relance et le succès des négociations, p. 102.

Chapitre IX - De la guerre à la paix ?, p. 110. I. Du cessez-le-feu à l’indépendance, p. 110. II. Bilans d’une guerre, p. 114. III. La guerre est-elle finie ?, p. 121.

Bibliographie, p. 126.

-  "La guerre d’Algérie en bref et en vrai"

La guerre d’Algérie, par Guy Pervillé. PUF, 2007. 125 pages, 8 euros.

"On pouvait tout craindre d’un "Que sais-je ?" sur la guerre d’Algérie. Notamment que, pour ne fâcher personne, ce savoir se serait résumé à un embrouillamini. Les avatars du fameux traité d’amitié franco-algérien imaginé par Jacques Chirac, le président sortant, et déjà enterré par le postulant Sarkozy qui a vendu la simple reconnaissance de la sale guerre aux suffrages des nostalgiques de l’Algérie française, pouvaient le laisser augurer.

Le petit livre de Guy Pervillé est bien mieux que cela. Certes, on peut lui reprocher quelques oublis : le rôle joué par La Question, d’Henri Alleg, ou la manifestation contre la tuerie de Charonne. Mais, en 125 pages, parvenir à restituer, honnêtement, la mécanique de cette guerre coloniale est un tour de force. Le grand intérêt de l’ouvrage est déjà dans le décor planté : l’Algérie française a cumulé violence et injustice. Le nationalisme algérien n’est pas l’invention d’une poignée de hors-la-loi. Les réformes ont toutes été sabotées. La leçon de choses est magistrale. Les milieux dirigeants ont été d’un effroyable cynisme. Le Parti socialiste s’est trahi. Quand au PCF, écrit l’auteur, "il était encore le seul grand parti à reconnaître le droit de l’Algérie à l’indépendance". Pour une fois, on n’accable pas ce parti pour telle ou telle expression ou pour l’erreur du vote des pouvoirs spéciaux en mars 1956. On lui reconnaît le fait d’avoir été, de bout en bout, contre la guerre et pour la libre détermination du peuple algérien. L’ouvrage ne dit pas tout, mais il constitue un ouvrage de référence aisé à lire et ouvert au grand public. Le mérite n’est pas mince."

Charles Sylvestre, L’Humanité, rubrique Tribune libre, 30 avril 2007.

-  La guerre d’Algérie , Guy Pervillé, PUF, 128 p., 8 euros.

" Cette courte synthèse est intéressante à plus d’un titre, par le fait qu’elle replace la guerre d’Algérie dans le cadre de l’évolution historique depuis 1830. L’auteur reconnaît que la régence d’Alger, "maintenue dans la barbarie de l’anarchie, l’ignorance et la misère", n’était ni "nationale, ni démocratique, ni sociale". La conquête française "assura la liberté des mers", et la colonisation conduisit "une oeuvre bienfaisante" : assainissement des marais, action des médecins et des instituteurs. D’autres points méritent d’être soulignés. L’adoption "de législations particulières" aux musulmans, et le refus de la citoyenneté, mirent en échec la politique d’assimilation et contribuèrent à la naissance du nationalisme. En conclusion, Pervillé estime que la revendication du gouvernement algérien pour que la France reconnaisse ses crimes coloniaux vise un objectif "de politique intérieure : obtenir un avantage décisif sur les islamistes". Face à cette revendication, le gouvernement Chirac aurait "péché par manque de réflexion sur le sens des demandes algériennes", contradictoires avec "les revendications mémorielles des Pieds-Noirs et des Harkis". On peut penser que l’objectif de Bouteflika n’est pas plus réaliste, on peut en effet avoir des doutes, après les attentats du 11 avril 2007, sur la possibilité de convertir des fanatiques."

Maurice Faivre, L’Algérianiste, rubrique Lu pour vous, n° 118, juin 2007, pp.94-95.

-  PERVILLE Guy, La guerre d’Algérie, Paris, PUF, 2007, coll. "Que sais-je ?", n° 3765, 128 p.

" La collection "Que sais-je ?" propose enfin le titre attendu de la Guerre d’Algérie. Sur ce sujet, dont il est un spécialiste reconnu, Guy Pervillé livre une synthèse parfaitement documentée et maîtrisée. La genèse du conflit se voit justement accorder trois chapitres qui, à travers les structures de l’Algérie coloniale et l’affirmation d’un nationalisme algérien radicalisé par l’épreuve de la Deuxième Guerre mondiale, met en lumière la contradiction entre l’immobilisme des autorités françaises et un environnement international de moins en moins favorable à la perpétuation du colonialisme. Les chapitres suivants décrivent avec précision les développements du conflit depuis la dite "insurrection", qui n’en fut pas une, de novembre 1954 jusqu’aux accords d’Evian de mars 1962 et leur application. Le dernier chapitre est particulièrement bienvenu, qui avance d’utiles données chiffrées sur ce que l’on peut savoir des pertes humaines et du coût économique et financier.

Tout au plus peut-on regretter que la priorité donnée à une trame narrative nécessairement complexe n’ait pas accordé plus de place à tant d’aspects structurels ou incidents du conflit : les multiples visages de la pacification française, les dissensions au sein du FLN, le positionnement des forces politiques, l’engagement des intellectuels, etc. Il faut déplorer à ce titre, et une fois de plus, la suppression des "petits caractères" qui permettaient aux "Que sais-je ?" d’autrefois d’aborder tel point particulier ou d’approfondir telle problématique. Pour autant, l’auteur renvoie à la très abondante bibliographie existante et donne, par rapport aux sondages de l’époque, un aperçu de l’évolution de l’opinion française, de moins en moins favorable à la prolongation de cette guerre.

Bernard Droz, Outre-Mers, revue d’histoire, rubrique Comptes rendus, n° 354-355, 1er semestre 2007, p. 370.

-  Guy Pervillé, La guerre d’Algérie, coll. Que sais-je ? , Paris, PUF, 2007, 126 p, 8 euros.

L’auteur retrace de manière claire et concise, suivant la chronologie des faits, toute l’histoire d’une décolonisation difficile, marquée par l’échec de la politique d’assimilation, puis d’une décolonisation douloureuse. Il s’interroge sur nos difficultés à normaliser les rapports franco-algériens. Une synthèse essentielle, parfaite introduction pour les futurs travaux universitaires sur le sujet.

Guerre d’Algérie-magazine, n° 9, septembre-octobre-novembre 2007, p.83 (rubrique Publications).

Ce Que-sais-je a connu plusieurs rééditions. Sur le dernière en date, voici le compte rendu de Franck Roubeau publié le 4 avril 2022 sur le site de la Fondation Charles de Gaulle :

La guerre d’Algérie, de Guy Pervillé. Paris, PUF, Que sais-je ?, 2021 Par Franck Roubeau.

"Soixante ans après, la guerre d’Algérie demeure notre « boîte à chagrin ». Les livres récents sur le sujet ne manquent pas et celui-ci est une réédition. Dès lors, pourquoi le lire ? La réponse est très simple. En ces temps d’affrontements mémoriels et de compétitions victimaires, avivés par l’échéance électorale élyséenne, on entend tout et parfois n’importe quoi. Il est donc indispensable de faire le point. Et à cet égard, le livre de Guy Pervillé se distingue par sa clarté et son objectivité.

Professeur émérite d’histoire contemporaine de l’université de Toulouse - Le Mirail, l’auteur propose une démarche chronologique qui évoque les faits, leur enchaînement, les acteurs, le tout chiffres à l’appui (on trouve par exemple aux pages 114 à 116 le bilan humain du conflit). Le livre refermé, on comprend mieux pourquoi il fallut 8 années pour résoudre cette décolonisation épineuse (parce que nationale et internationale, franco-française et algéro-algérienne), paradoxale (une guerre perdue sans défaite militaire), longtemps mal nommée (opérations de maintien de l’ordre, « événements ») et encore mal bornée (en particulier la date de fin).

Aurait-on pu faire l’économie d’une telle crise ? Assurément pas, essentiellement pour des raisons démographiques : on comptait un million de Français en 1954 (10% de la population totale, dont 80% en ville) vivant là depuis plusieurs générations - rien de commun avec n’importe quelle autre partie de l’empire colonial où les Français n’étaient jamais plus que quelques dizaines de milliers. Et puis il y avait la fiction de l’organisation administrative : l’Algérie était une colonie déguisée en départements, avec des mairies, des écoles, des monuments aux morts de « 14-18 » et des sous-Préfets, comme dans la Creuse ou l’Orne... 9 millions de FSNA en sus (Français de Souche Nord Africaine selon la terminologie d’époque, révélatrice de l’incapacité de penser les indigènes autrement que comme tels). La discrimination fondamentale héritée de la conquête entre les vainqueurs et les vaincus (page 8) demeura l’invariant d’un territoire qui, en mal comme en bien, fut révolutionné par 130 années de présence française. La colonisation avait ainsi créé une société inégalitaire dans laquelle la majorité des ressources du pays appartenait à une population minoritaire (page 11). Du projet Blum-Violette au statut de 1947, la volonté politique manqua pour y remédier. Dès lors, dans un pays aux communautés compartimentées et hiérarchisées (en dépit de l’universalisme républicain) et où les exactions de la conquête demeuraient vivaces dans la mémoire des mechta écrasées par la misère, la violence explosa en 1945 - en l’occurrence à Sétif et Guelma. Moyennant répression, elle se comprima de nouveau et, malgré l’avertissement du général Duval (Si la France ne fait rien, avant dix ans, tout recommencera en pire, et probablement de façon irrémédiable, cité page 34), déferla en 1954.

La IVe République, par son fonctionnement inadapté aux tempêtes de l’Histoire et son personnel politique de « boutiquiers » de la proportionnelle, révéla tragiquement ses insuffisances. Malgré le vœu d’une proportion grandissante de l’opinion publique métropolitaine, elle n’avait pas su régler le problème algérien par une négociation avec l’adversaire, parce que l’opposition farouche des Français d’Algérie, la volonté de revanche des cadres militaires et l’exclusion des communistes de la majorité gouvernementale rendaient impossible une telle solution. Faute de pouvoir faire la paix, elle fit la guerre (...). Mais, à force de déléguer ses pouvoirs aux chefs de l’armée, elle finit par en perdre le contrôle. En mai 1958, la France était menacée de guerre civile ou de dictature, sans l’intervention d’un homme providentiel (page 69).

D’homme providentiel, il ne pouvait y en avoir qu’un : Charles de Gaulle. Alors oui, il y eut le fameux « je vous ai compris » à Alger le 4 juin 1958. Oui, il y eut un « vive l’Algérie française » à Mostaganem le 6 juin. Pour énormément de Pieds-noirs qui les attendaient, ces mots furent inoubliables et, plus tard, leur oubli sonna comme une trahison. Cet « été des promesses » (page 70), Guy Pervillé l’explique comme un gain de temps dont avait besoin le Général pour construire son autorité (un groupe d’experts planchait alors sur la future constitution), avant de déployer sa politique étape par étape, avec comme boussole l’intérêt national qui commandait l’octroi de l’indépendance aux Algériens. Le cheminement, parfaitement restitué par l’auteur, fut long, tortueux et douloureux. La force de De Gaulle fut de faire la politique souhaitée par la grande majorité de l’opinion métropolitaine qu’il pouvait connaître par les sondages, et qu’il a fait entériner officiellement par les référendums. Il a pu isoler ses adversaires à défaut de les convaincre. Mais, en Algérie, il n’a pas réussi à faire accepter son arbitrage par les deux camps opposés. Ses concessions successives au FLN lui ont aliéné la grande majorité des Français d’Algérie et une grande partie des cadres de l’armée, tout en encourageant le GPRA dans son intransigeance. Il a su néanmoins mettre fin à la guerre franco-algérienne, mais sans éviter une guerre franco-française dont il a seulement limité l’ampleur (page 108-109).

C’est tout cela, et bien plus, qu’offre ce « grand petit livre » dont on sort affermi dans la compréhension d’une histoire aux multiples échos actuels, et qui mérite de rencontrer le plus large succès possible."



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