« L’Oranie pacifiée », sous le commandement du général Gambiez (janvier 1959 - septembre 1960) (2004)

vendredi 27 mars 2009.
 
Cet article a été rédigé avant le 30 septembre 2004 pour un colloque en l’honneur du général Gambiez organisé par mes collègues Jacques Valette et Nicole Piétri, qui a connu une longue gestation entre octobre 2000 et septembre 2004. Ce colloque, devenu entretemps purement virtuel, a dû attendre encore plus de cinq ans avant d’être publié sous le titre Les guerres du général Gambiez par les Editions L’esprit du Livre, 22 rue Jacques Rivière, 92330 Sceaux, février 2009, 218 p, 22 euros.

Les archives du fonds privé du général Gambiez concernant la guerre d’Algérie conservées au Service historique de l’armée de terre à Vincennes sont contenues dans onze cartons (SHAT 1 K 540, cartons 28 à 38). Parmi ceux-ci, cinq (cartons 28, 29, 31, 32 et 38) concernent spécifiquement le Corps d’armée d’Oran sous le commandement du général, de janvier 1959 à septembre 1960. Les autres portent sur le bref passage de celui-ci au commandement en chef de l’armée d’Algérie (février-juin 1961), ou contiennent des documents dont les dates ne sont pas nettement délimitées. Constatant la richesse de ces cartons, je n’ai pas tenté d’en tirer une synthèse de la vision du problème algérien qu’avait eue le général Gambiez. Je me suis contenté de chercher des éléments de réponse à une seule question : dans quelle mesure peut-on dire que l’Oranie était « pacifiée » [1] en septembre 1960, à l’issue de son commandement du Corps d’armée d’Oran ?

Prologue

Le général Gambiez fut nommé en Oranie après une mission particulièrement ingrate : le commandement des troupes françaises en Tunisie, placées dans une situation de moins en moins supportable par la collusion croissante de la République tunisienne avec le FLN algérien, de septembre 1957 à la fin 1958. Avant de rejoindre son nouveau poste, il passa par Alger les 31 décembre 1958 et 1er janvier 1959, pour s’entretenir avec le Délégué général du gouvernement Paul Delouvrier, le secrétaire général André Jacomet, le général Challe, commandant en chef interarmées, et les généraux Allard et Massu.

Le Délégué général expliqua d’abord au nouveau chef du Corps d’armée d’Oran, faisant fonction de préfet régional, le problème des relations entre les pouvoirs civil et militaire. Ceux-ci avaient été unifiés au profit des militaires depuis le 13 mai 1958, puis de nouveau séparés au sommet, lors du départ du général Salan en décembre 1958, par la nomination d’un délégué général civil et d’un commandant en chef militaire ; mais les généraux conservaient presque partout les pouvoirs des préfets. Il faudrait donc au général-préfet d’Oranie installer à Oran un secrétaire général chargé de l’administration civile [2], régler le « problème des sous-préfets du département de Mostaganem qui ont fait une tentative de séparation des pouvoirs », et remplacer le préfet civil de Tlemcen, « le seul préfet restant de l’ancienne équipe », dont l’attitude envers les autorités militaires était trop désinvolte [3].

Sur le plan militaire, « la pacification est avancée dans le Corps d’armée d’Oran ». Mais, « malgré la confiance entière qu’il accorde à l’armée, M. Delouvrier marque une inquiétude au sujet de la répression ». Il faut tenir compte du fait « qu’il y a eu jusqu’à présent 150.000 morts musulmans (le 1/4 ou le 1/3 de la guerre mondiale) et que chaque famille musulmane est pour ainsi dire touchée » [4]. Sur le plan politique, le Délégué général ne se leurre pas sur l’état d’esprit des musulmans, dont il donne en exemple les confidences d’une jeune fille musulmane évoluée, directrice d’une école d’infirmières à Oran : « Nous sommes près du FLN, à qui nous devons ce que nous devons, mais nous restons très attachés à la France. Nous nous interrogeons sur le présent et sur l’avenir, mais finalement nous avons décidé de ne plus penser et de faire confiance au général de Gaulle qui trouvera une solution raisonnable ». D’autres musulmans lui avaient dit qu’une des chances du général de Gaulle a été « de ne pas parler de l’intégration et de l’Algérie française ».

Puis le commandant en chef expliqua son plan stratégique, et le rôle que devait y jouer le Corps d’armée d’Oran : « Le général Challe est partisan de déclencher des opérations pour casser le FLN. Après l’opération, des commandos de chasse assureront sa pérennité et disloqueront les derniers tronçons de la rébellion. Il réfute l’objection qui est faite, que ces séquelles alimenteront la rébellion urbaine. Le plan d’opération commencera par l’Oranie le 1er février avec 5 régiments, des harkis seront mis sur pied en même temps (40.000 pour toute l’Algérie, avec priorité pour l’Oranais qui en a moins). Après la période d’opérations, le C. A. d’Oran sera taxé d’un régiment pour l’Ouarsenis et les opérations se poursuivront vers l’est avec de plus en plus de moyens récupérés. Le C. A. d’Oran servira de pilote en raison de l’état avancé de la pacification dans ce corps d’armée. Noter que la rébellion est organisée d’une façon dégressive de l’Ouest vers l’Est, en Oranie elle est organisée en sections, dans l’Algérois en compagnies, dans le Constantinois en bataillons ». Le général Gambiez nota également l’importance du barrage électrifié pour supprimer le ravitaillement en munitions venant de l’extérieur, et souligna la « ferme volonté d’aboutir « exprimée par le commandant en chef.

Le général Gambiez prit alors son commandement le 5 janvier 1959, en adressant aux cadres et aux troupes du Corps d’armée d’Oran un message par lequel il déclarait vouloir continuer l’action de son prédécesseur le général Réthoré : « En saluant fièrement vos drapeaux, vos étendards et vos pavillons, je m’incline avec émotion devant la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour la noble cause de l’Algérie française » [5].

Le temps des victoires

En prenant son commandement, le général Gambiez héritait d’un bilan militaire favorable et d’une pacification plus avancée qu’ailleurs. Suivant les rapports du 2e bureau [6], la « rébellion » n’était apparue en Oranie qu’au début de 1956, en provenance du Maroc [7]. Son premier chef Abdelhafid Boussouf [8], « théoricien marxiste », avait privilégié la mise en place de l’organisation politico-administrative sur la formation de « bandes armées », « dans le but avoué de conquérir au plus tôt les populations ». Ce qui expliquait « le caractère particulier de la rébellion en Oranie, où les actions militaires n’ont jamais pris le pas sur les activités terroristes, où les bandes, alimentées en cadres et ravitaillées à partir du Maroc, n’ont jamais dépassé l’effectif d’une compagnie, mais où la masse musulmane a été très rapidement enserrée dans un réseau politico-militaire couvrant l’ensemble du territoire » [9].

C’est pourquoi, dès août 1956, l’armée française avait porté un effort particulier sur le démantèlement de l’OPA, tout en pourchassant les « bandes » dans les djebels, et en commençant la construction d’un premier obstacle à la frontière algéro-marocaine (la « ligne Pédron », ancêtre de la « ligne Morice » construite à la frontière algéro-tunisienne à partir de juin 1957). Pourtant, « la situation qui n’avait cessé de se détériorer depuis le début de la rébellion en Oranie était devenue angoissante au début de l’année 1957. L’armement et les effectifs des bandes augmentaient et s’amélioraient chaque jour : l’implantation d’une administration rebelle, rudimentaire mais toute puissante, s’étendait sans cesse ». La population musulmane soumise à un régime de terreur obéissait de plus en plus aux mots d’ordre du FLN, et la population européenne désespérée ne comptait plus que sur elle-même pour se défendre. Le graphique de l’activité « rebelle » en Oranie [10] montre que celle-ci culmina en janvier 1957. L’armée reçut alors « une mission politico-militaire dont la recherche du contact avec les populations devenait un facteur essentiel. Grâce à un effort patient (...) la population prenait parti pour la France partout où elle pensait pouvoir compter sur notre protection. C’est ainsi qu’au mois de mai 1957, quelques harkas se créaient ; au mois d’août 1957, apparaissaient les premiers groupes d’autodéfense. En septembre, des regroupements volontaires s’effectuaient autour de nos postes. En décembre, les contacts devenaient de plus en plus fréquents ». La courbe de l’activité « rebelle » en Oranie était clairement descendante de février 1957 à février 1958, malgré plusieurs tentatives de relance en avril et mai, septembre et décembre 1957. C’est pourtant à la fin de cette année ou au début de la suivante que le « potentiel rebelle » de la wilaya V atteignit son apogée en nombre de combattants et d’armes individuelles et collectives, mais il ne fit que décliner ensuite [11].

Suivant le même rapport sur la pacification, on assistait en janvier 1958 à un « équilibre des influences ». Sentant la population lui échapper, le FLN réagit vigoureusement par un « large usage de la terreur », visant particulièrement les SAS et les délégations spéciales. Puis le choc psychologique du 13 mai marqua « un tournant décisif dans la pacification » : « L’enthousiasme qui se manifestait au cours de la visite du général de Gaulle le 6 juin, les résultats du référendum fin septembre, montraient d’une manière éclatante la prise de position des populations. Mais pour que l’engagement des habitants fût sans réserve, il fallait d’urgence améliorer leurs conditions d’existence par des réalisations concrètes » : consultations d’assistance médicale gratuite par des médecins militaires, construction d’habitat dans les centres de regroupement et travaux d’intérêt général, activités du Mouvement de solidarité féminine, création de foyers sportifs, de foyers de jeunes, de centres de formation de la jeunesse. Le FLN riposta en relançant son terrorisme urbain et rural de mai à septembre 1958, afin de ruiner l’économie du pays et de creuser un fossé entre les Européens et les musulmans [12]. Au début de 1959, « l’état d’esprit qui n’avait cessé de s’améliorer durant l’année 1958 marquait le pas. La masse qui avait entrevu la Paix à brève échéance était déçue. Le FLN déployait un effort de propagande intense, quelques bandes subsistaient dans les massifs montagneux » [13]. Des attentats relativement fréquents contre les voies ferrées (quinze entre le 15 décembre 1958 et le 29 janvier 1959) entretenaient l’inquiétude [14].

Le plan Challe devait remédier à cette situation. Durant deux mois, du 6 février au 6 avril 1959, les « réserves régionales » occupèrent en force les principales zones refuges de la wilaya V, dans l’arc montagneux des monts de Saïda-Frenda et de l’Ouarsenis, pendant que les autres troupes du corps d’armée d’Oran intensifiaient leurs actions dans les zones limitrophes et les zones frontalières. Le général Gambiez dressa le bilan de ces opérations dans un rapport « très secret » daté du 6 avril [15]. Dans l’introduction, il soulignait que « la destruction des bandes et de l’OPA a pour corollaire la reconquête des populations qui reviennent à notre influence dès que se desserre l’emprise de la terreur du FLN ». Bien que la destruction totale des « bandes » n’ait pas été réalisée, « l’atteinte portée à leur potentiel et l’élimination de l’OPA ont incontestablement détruit aux yeux des populations le mythe des zones refuges inexpugnables. Il en est résulté un renversement d’ambiance à notre profit ». Ainsi, « la période d’engagement des réserves régionales doit être considérée par le CAO comme la première phase, décisive il est vrai, de la pacification définitive de l’Oranie, et non comme une fin en soi » [16].

La mission était, en deux mois, de « disloquer et si possible détruire le dispositif rebelle (bandes et OPA) » dans les régions où il était resté le plus solide (monts de Saïda-Frenda, Ouarsenis, Dahra algérois), et simultanément d’exercer une pression continue sur les régions limitrophes afin d’isoler la zone traitée, et de « préparer la consolidation de l’assainissement escompté par l’engagement des commandos de chasse ». L’effet de choc attendu de l’engagement simultané des réserves régionales sur toutes les zones visées ne put être obtenu à cause du mauvais temps. L’effort principal fut porté d’abord sur l’Ouarsenis, puis sur le secteur de Frenda, mais « les opérations ont revêtu une allure générale de balancement des moyens pour les concentrer sur les katibas effectuant des mouvements de grande amplitude afin d’échapper à l’étreinte de nos forces ». L’unité de direction aéro-terrestre assurée par l’État-major des opérations combinées [17] (EMOC) a donné aux opérations l’impulsion, la souplesse et la coordination voulues, en permettant de concentrer les appuis aériens sur les actions principales, et de déplacer rapidement les renforts nécessaires. D’autre part, un effort particulier a été fourni par les services spécialisés de recherche du renseignement du Centre de coordination interarmées (CCI) : antennes du DOP, et moyens techniques de repérage. La conduite des opérations dans l’Ouarsenis algérois et oranais a été confiée au commandement opérationnel du général Gracieux, commandant la Xe DP [18], et dans la Zone Sud Oranais à l’adjoint opérationnel du général commandant la ZSO pour le secteur de Frenda, et pour le secteur de Saïda au colonel Bigeard, chef de ce secteur. Les résultats ont été très satisfaisants d’un triple point de vue : l’atteinte au potentiel « rebelle », la pacification, et la détente générale enregistrée dans le CAO.

Le bilan des opérations menées depuis le 6 février dans les zones opérationnelles et les zones limitrophes se traduit par « la mise hors de combat de plus de 2.400 rebelles (parmi lesquels 44 chefs militaires), soit 1.764 tués, 516 prisonniers et 141 ralliés ». Toutes les unités rebelles ont été accrochées, et ont perdu plus de 50% de leurs effectifs. Une « lutte impitoyable contre l’OPA » s’est soldée par plus de 1.000 arrestations (dont celles de 23 chefs importants). L’armement capturé totalise 398 armes de guerre (plus de 45% du potentiel), 264 armes de poing et 471 armes de chasse. Le commandement rebelle a été désorganisé par la destruction de nombreux PC et la capture de 6 postes émetteurs-récepteurs sur 9, et de nombreuses installations camouflées (ateliers ou armureries, infirmeries, dépôts de vivres ou d’habillement, cantonnements) ont été détruites. Le CAO a obtenu ces résultats au prix de pertes réduites : 76 tués, 185 blessés et 3 disparus.

La réduction des « bandes » et l’élimination de l’OPA ont entraîné une amélioration de l’état d’esprit de la population sensible à de nombreux indices (obéissance à la conscription, fréquentation des marchés, recensement volontaire). L’évolution est plus lente dans le secteur de Frenda que dans celui de Saïda ; elle est particulièrement visible dans l’Ouarsenis, dont l’exécution du plan de pacification va faire une région pilote grâce à l’implantation de nouveaux postes, au resserrement des populations (exécuté « avec le souci d’éviter tout déracinement » ) et à leur mise en autodéfense, à la construction accélérée d’un réseau de pistes et de routes.

Dans l’ensemble du Corps d’armée d’Oran, l’évolution a été la même. Le bilan global de ces deux mois est le double de celui des deux mois précédents : 3.061 « rebelles » hors de combat (2.185 tués, 666 prisonniers, 190 ralliés), et 1.812 arrestations, récupération de 538 armes de guerre, 576 armes de chasse, 345 armes de poing, et de 16 postes de radio. La détente se manifeste par une baisse de la moyenne quotidienne des actions terroristes (de 5 en janvier à 3 en février et 2 en mars), du nombre de sabotages des voies ferrées (8 dans les 19 premiers jours de janvier, un seul depuis le 20 janvier), et par l’absence de sabotage de l’aqueduc Beni Bahdel-Oran depuis le 2 novembre 1958, ainsi que par l’augmentation des engagements dans les unités régulières et les forces supplétives et par celle des ralliements de « rebelles » (47 en janvier, 68 en février, 96 en mars).

Le rapport signale ensuite les principaux enseignements à tirer de ces opérations : « primauté absolue du renseignement, nécessité d’isoler les bandes en les privant de leur soutien OPA, efficacité de la liaison étroite entre le commandement opérationnel et le commandement territorial ». Il insiste également sur la nécessité d’une présence militaire permanente sur le terrain pour continuer le harcèlement des « bandes » et pour manifester à la population la volonté de rester. La conclusion préconise l’exploitation des résultats obtenus par l’implantation des commandos de chasse, le parachèvement de l’œuvre de pacification, et la réduction des dernières bases conservées par la « rébellion » dans l’Atlas saharien, prochain objectif des réserves régionales [19].

Si le général Gambiez mettait l’accent sur la priorité absolue du renseignement et sur la nécessité d’éliminer l’OPA, il n’en jugeait pas moins nécessaire d’interdire des comportements qui mettaient en cause « l’autorité des cadres sur la troupe, l’honneur du soldat et même parfois la dignité de l’homme ». Dans une note datée du 4 mars 1959, il rappelait à tous « l’attitude dont nos troupes ne doivent, en aucun cas, se départir : - respect de la personne humaine, - respect des biens et (...) de ces mille petits riens qui font (...), pour une famille, le prix de l’existence. Dans une lutte où aucun uniforme ne distingue parfois le rebelle agissant du civil inoffensif, dans une guérilla où le meneur de jeu s’efforce d’attaquer traîtreusement, frapper à bon escient est sans doute difficile. Mais l’exaltation du combat, la rancœur ne peuvent légitimer des représailles. L’action des armes ne peut se justifier que par la pureté du but à atteindre, et tout combattant n’est digne de sa vocation que s’il peut dire en conscience, à l’instar de Savorgnan de Brazza : « Je suis pur de tout sang humain innocent ». La suite de la note confirmait la nécessité d’une destruction systématique de l’OPA pour isoler les bandes armées et leur retirer le soutien de la population, mais sans compromettre « la recherche de cadres valables et l’installation d’une organisation similaire travaillant avec nous, à notre profit, et qui seule nous permettra de garder à nos côtés la population ». Elle concluait ainsi : « Un grand pas sera fait dans la voie de la pacification si, comme l’a dit Lyautey, nous avons su dans notre lutte contre les rebelles « prendre, tout en combattant, un souci constant de n’en pas faire des irréconciliables » [20].

Une deuxième note du 27 mai, se référant à la précédente, évoquait en des termes soigneusement pesés les comptes-rendus d’opérations faisant état de suspects abattus en tentant de s’enfuir. Elle demandait à ses destinataires de prescrire à leurs subordonnés « d’établir des comptes-rendus précis, complets, et comportant les détails véridiques permettant de prouver l’authenticité des faits rapportés », et en cas d’erreurs ou de maladresses (sic), « qu’elles soient exposées en toute franchise, au besoin dans des comptes-rendus particuliers ». Il importait en effet, « pour le bon renom de l’armée comme pour l’efficacité de son action », que ses chefs de rang élevé soient au courant de tout ». Le général concluait en insistant sur l’esprit de sa note précédente, et confirmait sa conviction que « le but à atteindre, la pacification des cœurs et des esprits, ne peut l’être que dans la vérité et la justice » [21].

L’action ainsi menée continua de produire ses effets. Le rapport du 2e bureau sur l’évolution de la rébellion en Oranie, rédigé en août ou septembre 1959, caractérisait la « situation ennemie » en quatre points : - crise du commandement et des liaisons radio, aboutissant à la non-exécution des directives de l’extérieur, - reconstitution de l’OPA dans les régions les plus reculées, avec une valeur et une agressivité réduites, - survie des bandes armées « au prix d’une très grande dispersion et d’une inactivité quasi-générale », avec des effectifs (1.800 combattants) et un armement (1.700 armes de guerre) réduits aux deux cinquièmes du potentiel de la fin 1957, - présence dans les bases marocaines de « 2.000 fellaghas entraînés et armés » et de 1.500 recrues à l’instruction constituant une « menace non négligeable susceptible de remettre en cause, si elle se concrétisait, l’évolution favorable de la situation en Oranie » [22]. Le rapport complémentaire sur l’évolution de la pacification confirmait l’amélioration du climat psychologique par de nombreux indices (nombre important des ralliés, des prisonniers, et des renseignements fournis par la population, difficultés croissantes de ravitaillement et d’équipement des « rebelles », détente dans les régions les plus contaminées : Tlemcen, Mascara, Saïda, Aflou, Géryville), et montrait par des graphiques éloquents l’augmentation du nombre des harkas et des harkis, des autodéfenses, des regroupements, des SAS, des médecins militaires et des consultations de l’assistance médicale gratuite, des instituteurs militaires et de leurs élèves, et des chantiers de pacification [23].

Certains documents apportent quelques nuances à ce tableau, sans le modifier fondamentalement. Le Journal de marche du général Gambiez pour l’année 1959 comporte de nombreux rapports de visites de secteurs. Le plus volumineux est celui du secteur de Tlemcen, daté du 21 juillet [24]. D’après ce rapport, il n’y reste plus que 30 « rebelles » (plus 38 supplétifs) après un dernier gros accrochage qui en a tué 43 le 7 mars. « À Tlemcen-ville, le calme est complétement revenu, alors qu’il y a un an on enregistrait jusqu’à 4 attentats par semaine ». Cette ville, dont la population est en très grande majorité musulmane [25], « a toujours joué un rôle très important dans la vie du monde musulman. Cité sainte, où s’est développée l’élite intellectuelle et religieuse musulmane, elle s’est distinguée de tous temps par sa xénophobie » [26], et subit l’influence du Maroc. Le problème particulier de Tlemcen est que « l’élite intellectuelle musulmane est très décevante. Si l’ensemble de la population veut la paix, on ne peut plus s’appuyer sur les « vieux ». Toute notre action doit donc porter sur les jeunes, avant qu’ils soient noyautés », en exploitant la crainte du communisme athée et la promotion des femmes.

L’exposé du colonel André, commandant le secteur, présente en détail les moyens (Unités territoriales, police urbaine, CRS, GMS, commandos européens et musulmans) et les méthodes (postes de contrôle fixes, intervention des commandos, et structuration de la population par quartiers et par îlots) de la lutte contre le terrorisme et l’OPA, fondée sur la recherche du renseignement par les services spécialisés de police, de gendarmerie et de l’armée, qui viennent d’être regroupés en un « Centre de renseignement et d’action » (CRA) commandé par le chef du 2e bureau. Il souligne le déclin du terrorisme (5 ou 6 grenades par semaine en 1957, 3 par mois en 1958, 4 en six mois en 1959, avec une accalmie de quatre mois et demi sans attentat) et l’explique par la destruction des bandes armées voisines, la mise hors de combat des chefs successifs, et la destruction de l’OPA, qui reste l’objectif n°1 du CRA. Enfin, il analyse l’état d’esprit de la population en distinguant la masse et l’élite. Sans que la rébellion soit complètement éteinte dans les esprits, la masse veut la paix : « le désir de paix, le désir de la tranquillité retrouvée est plus fort que tout, tellement les familles, toutes les familles musulmanes ont souffert dans leur chair depuis le début des événements ». Et elle attend que toutes les promesses faites depuis un an soient tenues ; or la ville compte de nombreux chômeurs qui sont une proie facile pour le FLN. Quant à l’élite, elle est « tout simplement décevante » : « franchement nationaliste, elle a cru pendant longtemps à la victoire du FLN. Maintenant elle y croit beaucoup moins, mais n’en reste pas moins dans l’attentisme le plus absolu » [27]. Le colonel conclut : « Comme le FLN lui-même a fait son élite parmi les jeunes, je pense qu’il faut nous aussi nous tourner carrément vers la jeunesse et y bâtir l’élite de l’Algérie nouvelle » [28].

Espoir conforté par l’exposé du capitaine Moreau, chef du Cinquième bureau, sur un stage de formation de chefs d’îlots à Dar-Cheer, près de Tlemcen, du 19 mai au 7 juin. Les stagiaires étaient des citadins de Tlemcen (clercs de notaire, agents des PTT, agents de l’EGA, commerçants et ouvriers, dont certains avaient eu affaire à la police ou aux forces de l’ordre), « en principe volontaires », mais au début peu rassurés. « Une fois leur crainte d’être prisonniers dissipée, ils se laissèrent prendre par l’ambiance fraternelle que surent créer les instructeurs » et la section de protection. Leurs questions et leurs réactions manifestèrent « une grande soif de fraternité dans le cadre de la Nation » et « une admiration profonde pour le général de Gaulle, le seul capable de changer quelque chose ». La réussite du stage dépassa toute prévision, car cinq jours après sa fin, huit des stagiaires s’engagèrent dans l’armée (« parce qu’il n’y a que dans l’armée qu’il y ait de l’honneur », déclara l’un d’eux) ou dans les harkas. Le capitaine en conclut que la pacification peut réussir « avec le soutien de la masse et son adhésion la plus entière à la cause de la France », à condition que ses représentants aient « un cœur débordant de foi et d’amour fraternel à l’égard de gens qui (...) souhaitent ardemment être et demeurer nos compatriotes » [29].

Il subsistait néanmoins un motif d’inquiétude. Bien que le rapport du général Gambiez daté du 6 avril eût signalé que « l’atmosphère générale de détente en Oranie » avait permis « de retarder ou même de supprimer le couvre-feu dans la plupart des centres urbains » [30], le terrorisme n’y avait pas entièrement disparu, et il avait même fait sa réapparition à Oran après plusieurs mois d’interruption (novembre 1958-avril 1959) [31]. Le 13 mai 1959, le général avait visité les SAU de la Ville Nouvelle et du Petit Lac dans une atmosphère de fête, mais les attentats étaient redevenus relativement fréquents depuis le mois de juillet (5 en juillet, 2 en août, 3 en septembre et en octobre) : un dossier intitulé « terrorisme à Oran » rassemblait les fiches du deuxième bureau sur les attentats, leurs auteurs (infiltrés le plus souvent de l’extérieur de la ville), et le démantèlement des réseaux terroristes, de juillet 1959 à août 1960 [32]. Le nombre d’attentats et de victimes était généralement très inférieur à ce qu’il était en 1958, déjà très inférieur au niveau de 1957, mais il augmenta sensiblement à partir d’août 1960 [33].

Bien que la pacification restât incomplète, l’affaiblissement de la wilaya V n’en était pas moins une réalité douloureusement ressentie par les chefs les plus résolus de l’intérieur : ils exprimaient de plus en plus véhémentement leur colère devant le manque d’armes et le reprochaient au haut commandement situé à l’extérieur, incapable de les acheminer à travers le barrage électrifié. La révolte du capitaine Zoubir, venu se plaindre à Oujda à l’automne 1959, ne put être cachée [34]. Le commandant de la zone 5 (Sidi Bel Abbès-Le Télagh) exprimait les mêmes sentiments dans une lettre datée du 30 janvier 1960, où il ne cachait pas le découragement du peuple : « Ces derniers mois particulièrement, cette question s’est fait le plus sentir et l’ennemi ayant pesé le poids de notre Résistance mène sans la moindre difficulté le devant tant sur le plan militaire à l’encontre de nos unités sans moyen de défense que sur le plan politique pour gagner la sympathie du peuple. Ce dernier d’ailleurs, qui vit dans la réalité, n’hésite de montrer si ce n’est directement, indirectement son amertume et sa lassitude. Ainsi les récentes manifestations de sympathie à l’égard de l’ennemi l’ont prouvées et c’est ce qui pousse un certain GAMBIEZ de qualifier ce qu’il appelle l’« Oranie pacifiée » [35].

Le temps des doutes

Pourtant, si la situation militaire évoluait dans un sens favorable à la « pacification », ce n’était pas le cas de la situation politique. Depuis son arrivée, le général Gambiez n’avait pas manqué de s’engager publiquement « pour une Algérie nouvelle, fraternelle, et française », notamment à l’occasion du premier anniversaire du 13 mai 1958, conformément aux déclarations gouvernementales antérieures [36]. Mais le discours présidentiel du 16 septembre 1959, bien que précédé par une « tournée des popotes », fit renaître les incertitudes des militaires et des civils sur l’avenir de l’Algérie. Le général Gambiez reçut une communication du général Challe datée du 29 septembre, commentant dans un sens rassurant l’aspect politique de ce discours. Il s’agissait d’après lui d’un moyen de « désamorcer le pétard du GPRA » en vue du prochain débat de l’ONU. Le général de Gaulle n’a pas marqué de préférence entre les trois options évoquées par lui (la francisation, la fédération et la sécession), mais il « ne s’oppose pas à ce que nous jouions intelligemment la francisation », sans donner aux musulmans l’impression que leur choix n’est pas libre, et en comprenant que « pour être viable, la francisation doit être souple ». Les militaires ne doivent pas s’inquiéter, car l’application du cessez-le-feu dépendra d’eux : « Tout dépend en fin de compte de notre volonté de faire œuvre utile et française » [37]. Il traduisit ces idées dans son instruction sur la pacification en Algérie du 10 décembre 1959.

Le général Gambiez conserva également dans ses archives deux fiches datées du 24 septembre, résumant des exposés du Délégué général Paul Delouvrier. Le premier portait sur l’unité d’action entre les pouvoirs civils et militaires en voie de séparation, la globalité du rôle des sous-préfets dans la perspective du futur référendum, et l’esprit du discours du général de Gaulle, dont le sens profond était : « transformer suffisamment l’Algérie pour que celle-ci se décide dans le sens que nous souhaitons ». Ce discours était à la fois un acte de guerre (un « coup de canon diplomatique » contre l’idée de sécession répandue dans le monde par la propagande du FLN), et un acte de paix, car le nouveau référendum confirmerait en temps de paix la volonté de rester français exprimée en temps de guerre par le précédent. Le général de Gaulle a rejeté la sécession, mais il n’a pas choisi entre les deux autres solutions parce qu’en tant que chef d’un État démocratique il n’en a pas le droit. Une deuxième fiche concernant les arrestations, les tortures (« un sujet exploité par le FLN qui trouve un terrain favorable dans la presse métropolitaine et étrangère »), et les exécutions capitales, concluait que « dans le domaine de la répression, nous devons agir avec mesure et avec le souci de la dignité de l’homme » [38]. Le Délégué général déclara le 28 octobre : « Nous nous battons pour une Algérie française », et vint ensuite à Mostaganem expliquer ses directives le 30 décembre [39].

Toutefois, ces exégèses subtiles ne suffisaient pas à rassurer tous les officiers. Le 17 janvier 1960 le commandant Moisson, chef du 5e bureau de l’état-major du CAO, proposa ses réflexions personnelles sur l’évolution de la situation générale de l’Oranie. D’après lui « le climat moral et psychologique, tant dans les milieux européens que dans les masses musulmanes, ne correspond pas aux progrès indiscutables obtenus sur le plan de la sécurité générale, de l’économie, de la vie sociale, et sur celui de la lutte contre les bandes armées et l’OPA. S’il peut être très exagéré de parler de « dégradation » et de « détérioration », il est certain que les Européens sont inquiets et nerveux et que les Musulmans, attentistes par principe, se montrent plus hésitants que jamais ». C’est pourquoi il démontre « la nécessité et l’urgence d’une prise de position nette du gouvernement français sur la politique qu’il entend poursuivre pour que la province algérienne demeure française par l’adhésion sinon unanime du moins très largement majoritaire de ses populations ». La déclaration du 16 septembre n’a pas atteint son but de faire cesser le feu. Son « ton olympien et quasi désincarné a causé plus de dommages que procuré d’avantages », et un « virage net et rapide s’impose pour redresser la situation par une prise de position sans ambiguïté », qui ne peut être que « l’affirmation, par les plus hautes autorités de l’État, que l’Algérie est et demeurera une province de la France comme les autres » [40].

Pendant la semaine des barricades d’Alger (24 janvier-1er février 1960), soutenues à Oran par une grève générale et par un rassemblement permanent autour de barricades symboliques, le général Gambiez condamna clairement une « agitation stérile », tout en s’efforçant de rassurer les manifestants en déclarant avoir « une foi inébranlable autant que raisonnée » en la cause de l’Algérie française ». À l’un d’entre eux qui lui assurait que, « si de Gaulle affirmait que l’Algérie restera française, toute cette agitation cesserait », il répondit : « Moi, je vous le dis ». Le chef de l’État sembla leur répondre positivement dans son allocution du 29 janvier, en les exhortant à ne pas « douter que si, un jour, les Musulmans décidaient, librement et formellement, que l’Algérie de demain doit être unie étroitement à la France, rien ne causerait plus de joie à la patrie et à de Gaulle que de les voir choisir, entre telle ou telle solution, celle qui serait la plus française ». Le général Gambiez invita donc la population à reprendre le travail, et à venir avec lui et l’Armée devant le monument aux morts « jurer de travailler, de lutter et de combattre pour que l’Algérie reste toujours française » [41]. Il fut généralement obéi par ses subordonnés, mais il dut prendre des sanctions contre certains officiers (général Mirambeau, colonels Bigeard et de Sèze, capitaine Chabanne) qui étaient sortis de la discipline [42]. Des incidents plus inquiétants se produisirent à Mostaganem, où des centaines de jeunes musulmans tentèrent de marcher vers l’Hôtel de Ville pour réclamer la cessation de la grève et l’ouverture des magasins, en criant « Vive De Gaulle !, Vive l’Armée ! Massu au poteau ! », ou « De Gaulle avec nous ! Du pain, du travail ! » [43]

Le commandant Moisson tenta de tirer les leçons de ces événements dans deux rapports datés du 19 et du 20 février 1960 [44]. Partant du lieu commun suivant lequel, dans la guerre subversive, la population est l’enjeu et le terrain de la lutte, il lui ajoutait la notion d’arbitrage par l’autodétermination, fondée sur les déclarations présidentielles du 16 septembre 1959 et du 28 janvier 1960 : « C’EST LA POPULATION - ARBITRE DE LA LUTTE ENTRE LA FRANCE ET LE FLN - QUI DÉSIGNERA LE VAINQUEUR ET QUI FIXERA LE DESTIN DE L’ALGÉRIE [45]. Dans ces conditions, tous les efforts de tous doivent tendre vers l’ENGAGEMENT de la POPULATION dans le sens de notre combat, qui est que l’ALGÉRIE demeure FRANÇAISE. » Après une première phase de la lutte contre le FLN consistant à protéger, encadrer, administrer et informer, il fallait passer à une deuxième, visant à rassurer, engager et rapprocher les populations, par une action en surface et en profondeur, animée par « la conviction que l’Algérie nouvelle ne se fera que dans l’union de ses communautés sous le signe d’une véritable fraternité humaine ». Le deuxième rapport écartait les « solutions extrêmes » du « colonialisme désuet » et du « nationalisme abusif » pour rechercher les solutions constructives des problèmes démographiques, économiques, sociaux et politiques, dans une évolution tendant à donner aux musulmans « une vraie place de Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs ». Rejetant comme des « tendances défaitistes » les soupçons persistants d’équivoque et d’ambiguïté pesant sur les intentions gaulliennes, il concluait : « La solution la plus française, la francisation, c’est à vous tous qui la voulez de la réaliser dans les esprits et dans les faits, d’en faire une réussite si indiscutable qu’elle emporte l’adhésion du chef de l’État et celle de la Nation toute entière, dans des conditions telles qu’aux yeux du monde, nul ne puisse jamais la remettre en question ».

Il ne fallut pas longtemps pour que la confiance du commandant fût ébranlée par une succession d’indices démentant son interprétation des principes de la politique présidentielle : article retentissant de Jean Farran sur « l’Algérie algérienne » dans Paris Match dès la fin de février, communiqué du ministre de l’Information Louis Terrenoire sur les propos tenus par le général de Gaulle pendant sa deuxième « tournée des popotes » début mars, écartant l’option de la francisation au profit d’une association mal définie, et enfin le 14 juin, allocution du chef de l’État déclarant que l’Algérie serait algérienne, assortie d’un nouvel appel aux « dirigeants de l’insurrection » pour cesser le feu. Sous le coup de cet appel, l’analyse du « processsus de l’évolution de l’état d’esprit de la population européenne dans le domaine politique » faite par le commandant Moisson le 19 juin dans une fiche à l’attention du général Gambiez [46] tourne au réquisitoire. Évoquant les craintes de la plupart des Français d’Algérie à l’annonce de l’allocution du 14 juin, l’auteur dévoile ses sentiments personnels : « Il faut bien reconnaître que leurs craintes n’étaient que trop fondées. La voix du général de Gaulle n’apportait que déception et amertume, même dans les milieux connus soit pour leur libéralisme, soit pour leur attachement au général. L’option algérienne du chef de l’État, en contradiction avec le principe même du choix ouvert par l’autodétermination, provoquait une levée générale de boucliers » [47]. La conclusion semble augurer une révolte de l’armée rejoignant celle des civils : « Il faut considérer que si l’Armée dans son ensemble avait admis l’idée de risquer le pari de l’autodétermination avec l’espoir de le gagner en suscitant l’adhésion de la masse musulmane à l’Algérie française, il apparaît d’ores et déjà qu’elle répugne dans son ensemble à l’idée d’Algérie algérienne dans le sens où cette expression ouvre la porte à une formule d’autonomie conduisant fatalement à l’indépendance à plus ou moins bref délai. Il n’est en effet pas concevable que le sens de notre combat ne soit pas que L’ALGÉRIE RESTE TERRE FRANÇAISE. » [48]

Après ce lucide constat de désaccord, on pouvait s’attendre à une rupture claire et nette du commandant Moisson avec la politique gouvernementale. Il est d’autant plus surprenant de lire sa note sur l’évolution de la situation en Oranie et sur les perspectives d’avenir, datée du 10 août 1960 [49]. L’analyse part du même constat désabusé : « Il faut bien reconnaître que l’évolution du comportement des populations est loin d’avoir suivi la courbe ascendante des progrès de la pacification. Bien plus, nous devons constater honnêtement depuis janvier 1960 des signes de régression avec une recrudescence de l’attentisme de la plus grande partie des FSNA et de l’inquiétude de la majorité des FSE ». Mais au lieu de juger la situation désespérée, l’auteur affirme que « nous avons encore toutes nos chances à condition de nous lancer de toutes nos forces dans une vaste offensive de conquête de la population pour la faire basculer de notre côté »". Interprétant audacieusement les directives du commandant en chef (le général Crépin, ayant remplacé le général Challe en avril) qui donnaient la priorité à l’action militaire sur la conquête de la population, le responsable du BDL estime que le CAO a déjà atteint le stade d’un « cessez-le-feu de facto » qui impose de donner la priorité à la pacification. Il critique sévèrement l’incapacité de trop nombreux chefs à « faire cette reconversion intellectuelle qui transforme le guerrier en pacificateur, le militaire en militant, le soldat en missionnaire », et prêche la « guerre sainte » aux « chevaliers de cette nouvelle croisade » : « Il faut répéter que dans la forme de guerre subversive que nous vivons en Algérie, la population est l’enjeu et le terrain de la lutte. Il faut expliquer qu’avec le jeu de l’autodétermination c’est bien cette population qui désignera le vainqueur du conflit entre la France et le FLN, que c’est son choix qui fixera irrévocablement le destin de l’Algérie » [50]. Ce qui ne l’empêche pas de vouloir « engager la population dans une véritable prédétermination de fait dans le sens d’un avenir français de l’Algérie », protéger, connaître, informer, éduquer et organiser la « masse amorphe », afin de « l’amener à s’engager librement dans le sens de notre combat » [51]. L’auteur de ce texte étonnant, qui signe « Moisson », invoque les directives de ses supérieurs suivant son interprétation personnelle, et il veut ignorer la politique du chef de l’État, qu’il sait contraire à la sienne.

Le bilan final

Le général Gambiez était en sursis depuis mars 1960, car le général de Gaulle était revenu de sa deuxième « tournée des popotes » résolu à remplacer prochainement le commandant en chef et les trois commandants de corps d’armée [52]. À la veille de cette inspection du chef de l’Etat, le général Gambiez avait dressé un bilan de la « situation du CAO au début de mars 1960 » [53], résumé dans son introduction : « Le CAO est en pleine mue. Il abandonne son infrastructure opérationnelle pour celle de pacification. À l’abri d’un barrage étanche, la réduction des dernières bandes de l’Atlas tellien est en cours. Dès maintenant, l’Oranie utile est hors d’eau. Les bandes de l’Atlas saharien, contenues dans leurs djebels, y seront détruites en cours d’année. Ce succès dans le Nord se concrétise par la transformation de la structure de certaines unités dont la mission n’est désormais plus que de pacifier ».

Le barrage est d’une étanchéité totale dans le sens Maroc-Algérie, et presque totale dans l’autre. Seule faille : les « liaisons rapides », trafic clandestin faisant passer des armes légères et des munitions camouflées dans les véhicules autorisés à passer légalement la frontière. Mais la menace des unités rebelles qui se renforcent au Maroc immobilise 30% des moyens du CAO. Dans l’Atlas tellien, 400 rebelles constitués en petites unités se maintiennent dans quatre régions : la zone frontière Ouest, les secteurs du Telagh et de Frenda, et l’Ouarsenis. Leur élimination est en cours, et sera terminée dans l’Ouarsenis en liaison avec le CAA (Opération Cigale, juillet-septembre 1960). Celle des 550 rebelles qui se maintiennent dans l’Atlas saharien commencera prochainement par une action préparatoire en arrière du barrage dans les monts des Ksour (opérations Prométhée I, à partir du 2 avril 1960).

La pacification doit suivre, parce que dans presque tous les secteurs, il subsiste une organisation rebelle simplifiée à l’extrême, de caractère plus politique que militaire. « Maintenant son emprise sur la masse par la menace et le terrorisme, elle se manifeste principalement par la collecte de fonds. Détruite, elle repousse, vivace comme le chiendent. Si elle renaît malgré le danger, c’est par l’idéal qui anime certains des plus évolués des musulmans, par le fanatisme assez primaire de quelques autres, par l’intérêt qui pousse ceux que la rébellion fait vivre au-dessus de leur condition habituelle, par désœuvrement pour beaucoup. Elle tient le peuple non seulement par la terreur, mais aussi par l’appel aux sentiments de l’unité arabe et de l’unité dans la foi islamique, et par la perspective, irréfléchie mais attirante pour des miséreux, de partager les biens des européens et d’occuper leurs emplois » [54].

À cette organisation, l’armée oppose des « quartiers de pacification », qui couvriront prochainement « toute l’Oranie utile » à l’exception du secteur de Frenda et des secteurs de la frontière. Chaque quartier est tenu par un bataillon (doté d’un commando), dont les compagnies disposent d’un goum, pour mener des opérations autant policières que militaires, mais ils manquent de moyens humains. Chaque quartier coiffe plusieurs groupes de communes administrés par des SAS, dont les chefs militaires dépendent uniquement de la hiérarchie civile. Le général critique sur ce point la séparation des pouvoirs civils et militaires, rétablie par le décret du 20 février 1960, et il sort de sa compétence en soulignant les aspects économiques et sociaux de la pacification, pour proposer un service du travail inspiré des chantiers de jeunesse, encadré par l’armée.

Cinq mois plus tard, le bilan de la situation militaire dressé par le commandant Moisson au début de sa note du 10 août paraît confirmer tous les pronostics du général Gambiez : « À part quelques katibas squelettiques qui sévissent encore dans les Ksour, quelques bandes locales qui subsistent péniblement dans l’Atlas tellien autour de Frenda et du Telagh et de petits noyaux de terroristes ruraux et urbains, l’appareil militaire de la rébellion est à l’heure actuelle complètement démantelé et l’imperméabilité du barrage marocain lui interdit de se reconstituer par apport de l’extérieur ». Dans ces conditions, « les attentats sporadiques qui marquent le fil des jours ne risquent plus de compromettre le succès éclatant des forces du maintien de l’ordre » [55].

Pourtant, les rapports du 2e bureau rendent un son moins optimiste. Une « synthèse sur les Organisations urbaines et rurales (OUR) de la rébellion » [56], contresignée par le général Gambiez, signale qu’il existe partout une organisation politique du FLN, au contact de la population, dont l’activité, l’efficacité et la virulence sont certaines. Son chef est le caïd d’arch (tribu) dans le bled, le chef de cellule dans les villes. On constate presque partout l’auto-reconstitution de cette OUR, dont le personnel se renouvelle très rapidement sans difficulté (mais souvent avec une baisse de qualité), notamment grâce à la récupération des internés libérés et des condamnés avec sursis. Son influence et son emprise sur la population sont certaines, du fait de ses méthodes expéditives, mais aussi parce qu’une partie attentiste de celle-ci « prend une assurance sur l’avenir en donnant des gages à la rébellion ». Ses activités sont les collectes de fonds, le ravitaillement des bandes, la diffusion de la propagande chuchotée ou par tracts (notamment auprès des soldats musulmans susceptibles de fournir des munitions ou de déserter), le guet, l’hébergement ou le renseignement sur les forces de l’ordre. Le rapport conclut en proposant une série de « remèdes » répressifs et préventifs.

Un rapport non daté, mais se référant au précédent et à une lettre d’envoi du 15 septembre 1960, analyse « le terrorisme urbain en Oranie » [57], dont les récents attentats d’Oran, Sidi-Bel-Abbès, Mostaganem et Frenda ont montré la persistance et font craindre la recrudescence. Ceux-ci sont le fait de groupes d’action composés de cellules cloisonnées de trois membres, dépendant de l’adjoint militaire régional, et injectés de l’extérieur pour prolonger l’action de l’ALN [58]. Ces groupes sont répartis en trois branches suivant leurs missions et leur armement : exécution des traîtres au couteau, bombes pour faire sauter les locaux ennemis, grenades contre les attroupements de militaires, de colonialistes ou de contre-révolutionnaires. Les exécutants sont choisis parmi les jeunes voulant rejoindre l’ALN, ou parmi ceux qui désirent se racheter. La conclusion propose des procédés de lutte (insistant notamment sur le démantèlement des liaisons et sur la surveillance des nouveaux venus) par les organismes de renseignement regroupés dans les CRA.

Le départ du général Gambiez, appelé aux fonctions d’inspecteur général de l’infanterie, fut annoncé le 19 septembre par un ordre du jour du général Crépin et du Délégué général Delouvrier, saluant sa réussite dans ses actions militaires et civiles [59]. Son successeur, le général de Pouillly, prit ses fonctions le 21 septembre. L’état du Corps d’armée d’Oran lui fut présenté en détail dans un grand « briefing » [60], par des exposés sur l’évolution de la rébellion et des opérations en Oranie depuis 1956 (lieutenant-colonel Belle) [61], le point actuel de la situation rebelle à l’intérieur du CAO et à l’extérieur (commandant Laflaquière), l’évolution et le point actuel du barrage (lieutenant colonel Beck), les problèmes et les unités de pacification (colonel Canonne), les caractéristiques de chaque zone du CAO [62] et les affaires en cours (lieutenant-colonel Gras), enfin les problèmes humains et psychologiques (commandant Moisson) [63].

Le même jour, le général Gambiez formula son « testament » dans un rapport secret adressé au commandant en chef Crépin (avec copie destinée à son successeur) sur les moyens du CAO [64]. Il y signalait le fait que celui-ci avait subi depuis moins de deux ans, après le départ des réserves générales et la transformation de deux zones en zones de pacification, « une réelle perte de substance par prélèvements et dissolutions ». Le CAO a payé son assainissement par la perte de 15 bataillons, qui l’ont obligé à dissoudre des unités pour se réorganiser. Il a réussi à maintenir un certain équilibre par rapport à son territoire et à sa population (1 militaire pour près de 50 habitants), mais c’est « le minimum au-dessous duquel on ne peut descendre » ; en effet l’ALN extérieure a doublé son armement,« leterrorismeest toujours vivace, et l’organisation urbaine et rurale a toujours tendance à s’accroître », et « dans l’ambiance politique actuelle où les esprits sont frappés par la propagande du FLN, toute stagnation de notre part apparaît comme un recul ». Toutes les zones sont à la limite des moyens nécessaires, la ZOO et la ZSO à cause de la garde du barrage, la ZCO à cause de la sécurité d’Oran, la ZEO à cause de sa prochaine transformation en zone de pacification et des travaux du gazoduc Hassi R’mel-Arzew. La ZNO pourrait dégager la valeur d’un bataillon après la fin de l’opération Cigale dans l’Ouarsenis, mais « la recrudescence du terrorisme à Mostaganem [65] et le maintien de la sécurité sur le grand axe de communication de la vallée du Chélif interdisent actuellement tout prélèvement supplémentaire ». Le général n’hésite pas à conclure qu’après ce dernier prélèvement « toute nouvelle perturbation pourrait avoir comme conséquence un franchissement réussi du barrage ou une série d’attentats spectaculaires dont les graves répercussions dépasseraient nettement le seul cadre de l’Algérie ».

Le lendemain, le général Gambiez rappela et compléta par une nouvelle « note relative au comportement de l’Armée vis-à-vis des populations » sa directive du 4 mars 1959 sur le « respect absolu de la personne humaine ». Mentionnant les rapports favorables de la Commission de sauvegarde et du CICR, il signalait pourtant la persistance ou le retour de certaines pratiques répréhensibles de la part de « cadres inexpérimentés » confrontés à l’allègement du dispositif des forces de l’ordre et à la « renaissance continue de l’hydre aux cent têtes de l’OPA », croyant la combattre plus efficacement par des moyens qui créent au contraire un climat favorable à son développement, ou voulant imiter « les succès spectaculaires de commandos à base de ralliés employant parfois la manière forte envers leurs coreligionnaires » [66]. Le général condamnait de nouveau ces procédés qui sous prétexte d’efficacité détériorent la situation à long terme. Il rappelait la règle d’or de notre civilisation occidentale : « la fin ne peut justifier tous les moyens », et la nécessité formulée par Blaise Pascal de « mettre ensemble la force et la justice » : « Nous avons la force, nous nous devons d’être justes. Et si nous voulons réussir la pacification, nous devons nous faire estimer » [67].

Épilogue

Après le départ de son ancien chef, le commandant Moisson continua de lui adresser un exemplaire de ses rapports. Il persévéra dans la voie étroite qu’il avait définie le 10 août 1960 et reformulée avec un argumentaire plus développé le 21 septembre [68] et le 11 octobre [69], en s’appuyant sur l’instruction pour la pacification en Algérie du général commandant en chef (Challe) qui restait la « Bible » en la matière, et sur de nouvelles instructions de son successeur le général Crépin et du chef d’état-major de l’Armée le général Le Puloch, suivant lesquelles « le rôle de l’armée est de continuer à réaliser dans les faits une véritable prédétermination des deux communautés pour aboutir à la solution d’une Algérie la plus française possible » [70].

Mais il ne pouvait que constater l’inexorable dégradation de l’état des esprits européens et musulmans, aboutissant à un « crise de confiance généralisée », dans ses rapports de la fin octobre [71], du 3 novembre [72] et du 3 décembre [73]. Après les journées d’émeutes du 9 au 13 décembre 1960, accompagnant la visite du général de Gaulle en Algérie, qui commencèrent à Oran et opposèrent des contre-manifestants musulmans encadrés par le FLN aux manifestants européens du Front de l’Algérie française, son analyse [74], entérinée par le commandant du CAO [75], y vit « l’aboutissement de la crise générale de confiance déjà signalée, elle-même conséquence directe de la politique algérienne du gouvernement » : « Venant après une période éprouvante d’incertitude née de l’ambiguïté entretenue sur l’avenir des relations entre métropole et Algérie, la politique d’ “Algérie algérienne ” lancée dans un contexte de guerre subversive a donné lieu à des interprétations qui ont divisé les communautés. La venue du général de Gaulle a été l’occasion de l’expression de prises de position qui se sont révélées antagonistes, dans leur forme extrême, provoquée par des mouvements émotionnels, et par l’action du FLN ». Il conclut sur la position « délicate mais déterminante » de l’armée : « Étant donné qu’elle a pris conscience du fait que c’est la politique gouvernementale qui provoque la dégradation actuelle, et non pas l’inverse, et que l’application brutale de cette politique ne pourrait qu’accélérer ce processus de dégradation, l’Armée dont la mission doit viser avant tout à l’engagement de la population dans le sens d’un avenir français de l’Algérie risque de traverser une crise morale d’une exceptionnelle gravité ».

De nouveau, le commandant paraît au bord de la révolte. Dans un rapport sur l’évolution de la situation pendant l’année 1960 [76], il mesure la profondeur de sa détérioration : « Les relations entre Européens et Musulmans ont atteint un degré de tension semblable à celui de 1956 (...). Il est certain que la cassure entre les deux communautés est à nouveau béante et que l’incompréhension, voire l’opposition entre métropole et Algérie n’a fait que s’accentuer tout au long de l’année ; et c’est la pacification, prix d’un travail acharné de quatre années, que nous sentons vaciller ». Mais « loin de faire place au pessimisme », il en tire de nouvelles raisons de persévérer dans le même combat : « Seule l’Armée paraît susceptible de jeter le pont entre l’Algérie d’hier et celle de demain, entre la Métropole et l’Algérie » [77]. On est d’autant plus surpris de le voir encore tenter de relancer l’action de l’armée pour une Algérie française dans le cadre légal, sans tenir compte de la politique gouvernementale : « La politique algérienne du gouvernement étant ce qu’elle est, et il ne nous appartient pas d’en juger quelles que soient les conséquences éventuelles, elle définit néanmoins un cadre à l’intérieur duquel nous pouvons manœuvrer pour arriver à la solution la plus française possible, par opposition à la solution anti-française d’indépendance qui est le but de guerre du FLN » [78]. Même après le référendum du 8 janvier 1961, qui a clairement manifesté le soutien de la métropole à la politique d’autodétermination et d’Algérie algérienne, le commandant persiste à juger que « la situation est grave, mais tout peut être sauvé et très vite, si nous sommes décidés à réagir sans délai » et avec fermeté, « la fermeté avec laquelle l’Armée continuera à lutter contre toutes les formes d’action du FLN jusqu’à sa destruction complète » [79].

En réalité, le commandant est au bout d’une impasse. Le général en chef Crépin est en instance de départ pour s’être opposé au projet gouvernemental de trêve unilatérale [80], et dès le 9 décembre le général de Gaulle a proposé sa succession au général Gambiez [81]. Celui-ci est renseigné par de nombreux correspondants militaires et civils d’Oranie [82]. Il sait que, comme lui a dit le général de Gaulle le 31 janvier 1961, « la situation a évolué passablement (sic) » depuis son départ d’Oran, que l’Oranie n’est pas davantage pacifiée que le reste de l’Algérie, que le gouvernement recherche une solution négociée avec le FLN, et il peut prévoir que son commandement en chef ne sera pas de tout repos.

Guy Pervillé

Le livre Les guerres du général Gambiez suit le plan suivant :

-  Fernand Gambiez, général d’armée, par Jacques Valette,

-  La bataillon de choc et l’esprit "choc", par Paul Gaujac,

-  Le général Gambiez, la "guerre en style indirect" et la conversion atomique de l’armée de terre, par Jérôme de Lespinois,

-  Le général Gambiez et les catholiques vietnamiens pendant la guerre d’Indochine, par Francis Latour,

-  Les Français et les sectes en Cochinchine, par D. Domergue-Cloarec,

-  Le général Gambiez en Tunisie, par Jacques Valette,

-  "L’Oranie pacifiée" sous le commandement du général Gambiez, par Guy Pervillé,

-  Le général Gambiez face au putsch d’avril 1961, par Maurice Faivre,

-  L’Italie et le putsch des généraux d’Alger, par Michel Ostenc,

-  Le général Gambiez et la mise en oeuvre de la promotion sociale au sein des armées dans les années 1960, par Nicole Piétri,

-  Le général Fernand Gambiez et la commission française d’histoire militaire, par André Corvisier.

-  PS : Deux appels de notes n’ont pas été reproduits dans la version imprimée de mon article, ce qui a créé un regrettable décalage entre les 80 appels de notes du texte imprimé et les 82 notes réelles.

[1] Le mot « pacification » est employé dans les documents militaires suivant plusieurs sens différents : la destruction des « bandes armées » des « rebelles », celle de leur « Organisation politico-administrative » (OPA), ou le ralliement de la population par une action constructive.

[2] Le décret du 4 juillet 1959 rétablit les préfets régionaux.

[3] 1 K 540/29/d 1, Journal de marche du général Gambiez, 1er et 2ème semestre 1959, janvier 1959 (entretiens du 31 décembre avec le Délégué général et avec le général Allard).

[4] Le Délégué général multipliait par deux le bilan des pertes rebelles établi par le 2e bureau, que le général de Gaulle avait cité dans sa conférence de presse du 23 octobre 1958 (« Hélas ! 77.000 rebelles ont été tués en combattant »). Celui-ci attendit un an pour en faire autant dans sa conférence de presse du 10 novembre 1959 (« Combien il est lamentable de compter les 145.000 Algériens qui ont été tués du côté de l’insurrection »).

[5] Ibid.

[6] Rapports non datés (août ou septembre 1959) intitulés « Évolution de la rébellion en Oranie » et « Évolution de la pacification en Oranie », avec graphiques, 1 K 540/32/d 3.

[7] En réalité, la première organisation avait été balayée par la répression en novembre 1954, et reconstituée au Maroc espagnol en symbiose avec l’Armée de libération marocaine. Elle reprit ses opérations en territoire algérien le 1er octobre 1955.

[8] En réalité le deuxième, successeur de Larbi Ben M’hidi, parti pour Alger en 1956.

[9] « Évolution de la rébellion en Oranie », p. 1.

[10] « Activité rebelle en Oranie. Nombre global et mensuel des exactions », in « Evolution de la rébellion en Oranie », p. 4.

[11] Avec 4.700 combattants en octobre 1957 et 4.660 en janvier 1957, alors dotés de 3.760 armes de guerre individuelles et 135 armes automatiques collectives (graphique « Evolution du potentiel rebelle en wilaya V », in « Évolution de la rébellion en Oranie » pp. 4 et 5).

[12] Graphique « Activité rebelle en Oranie ».

[13] « Évolution de la pacification en Oranie », p. 3.

[14] Le général déclara aux cheminots que son « souci n° 1 était de gagner la bataille du rail ». « Visite du général (Gambiez) au dépôt Victor Hugo des Chemins de fer algériens à Oran le 29 janvier 1959 », dossier « La bataille du rail », 1 K 540/29/d 3.

[15] « Rapport du général d’armée Gambiez, commandant le corps d’armée d’Oran, concernant la consduite des opérations et les résultats obtenus en Oranie pendant la période d’engagement de réserves régionales (6 février-6 avril 1959) », 1 K 540/28/d 2.

[16] Ibid., p. 2. L’expression « réserves générales » n’est utilisée qu’une seule fois, comme pour souligner que les réserves stratégiques engagées ont été fournies essentiellement par le CAO, malgré la participation des troupes du Corps d’armée d’Alger dans l’Ouarsenis et le Dahra. La zone traitée empiétait sur le territoire du CAA dans ces régions.

[17] Sous l’autorité du général Jarrot, adjoint opérationnel du CAO, et du général Ezanno, commandant du GATAC/2 (Groupement aérien tactique).

[18] Seule mention explicite de la participation du Corps d’armée d’Alger à l’opération Couronne.

[19] Opérations Prométhée I, II, III et IV d’avril à novembre 1960.

[20] « Note relative au comportement des troupes vis-à-vis des populations », 4 mars 1959, 1K 540/28/d 4.

[21] « Note concernant la rédaction des comptes-rendus », 27 mai 1959, ibid.

[22] « Évolution de la rébellion en Oranie », 1 K 540/32/d 3, pp. 2-3, et graphique « Évolution du potentiel rebelle en wilaya V », ibid. p. 5.

[23] « Évolution de la rébellion en Oranie », 1 K 540/32/d 3, p. 3 sq.

[24] « Secteur de Tlemcen, inspection du général Gambiez », 21 juillet 1959, 1 K 540/29/d 1.

[25] Il n’y avait que 12.000 à 13.000 non-musulmans, dont 7.000 à 8.000 juifs, sur 85.000 habitants.

[26] Affirmation excessive. Voir les Mémoires de Messali Hadj (1898-1938), Paris, Jean-Claude Lattès, 1982, le père du nationalisme algérien, né à Tlemcen.

[27] Cf. Le témoignage du général Edmond Jouhaud, O mon pays perdu, Paris, Fayard, 1969, pp. 32-33 et 129 ; et celui du romancier Mohammed Dib dans ses romans Un été africain et Qui se souvient de la mer, Paris, Le Seuil, 1959 et 1962.

[28] « Inspection du général Gambiez le 21 juillet 1959. Exposé du colonel André, commandant le secteur de Tlemcen », 8 p, 1 K 540/29/d 1.

[29] « Inspection du général Gambiez le 21 juillet 1959. Exposé du capitaine Moreau, 5e bureau secteur de Tlemcen, 8 p.

[30] Rapport cité du 6 avril 1959, p. 18.

[31] Graphiques « Attentats terroristes » et « Lutte anti-terroriste » à Oran, 1 K 540/32/d 1.

[32] Ibid.

[33] Cf. Les graphiques « Attentats terroristes Oran-ville, 1957-1958 », et « Attentats FLN dans le secteur d’Oran », années 1958 à 1961, SHAT 1 H 3130/d 1, chemise orange : Statistiques et graphiques 1960-1962, sous-chemise jaune sable.

[34] Elle est citée dans l’exposé du lieutenant-colonel Belle sur l’évolution de la rébellion en Oranie, 21 septembre 1960, 1 K 540/32. Cf. Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, Paris, Fayard, 2002, pp. 412-416 (reproduit par Mohammed Harbi et Gilbert Meynier, Le FLN, documents et histoire, Fayard, 2004, pp. 524-528).

[35] « Une des innombrables lettres témoignant de la pénurie en armes et matériel », citées par Harbi et Meynier, op. cit. , pp. 86-87.

[36] « Déclaration radiodiffusée prononcée par le général de C. A. Gambiez à l’occasion de l’anniversaire du 13 mai », et « Message à la suite du 13 mai 1959 », 1 K 540/29/d 1.

[37] « Communication du général commandant en chef aux généraux commandants de corps d’armée et de zones le 29 septembre 1959 », 1 K 540/29/d 2.

[38] 1 K 540/29/d 10.

[39] Ibid.

[40] « Réflexions à propos de la note sur l’évolution de la situation générale en Oranie », 17 janvier 1960, 1 K 540/32/d 6.

[41] Cité par Léo Palacio, « Et à Oran, ce fut la kermesse », Historia-Magazine, La guerre d’Algérie, n° 301-77, pp. 2234-2237.

[42] 1 K 540/31/d 1 à 7 (les d 3, 4 et 6 ne sont pas consultables avant 2020).

[43] « Rapport du lieutenant-colonel Costantini, commandant provisoirement le secteur de Mostaganem, au sujet d’incidents survenus en ville européenne les 26 et 27 janvier 1960 », et « Rapport du lieutenant Le Calvez du C. A. I./2ème RT au sujet d’un incident survenu le 27 janvier 1960 au lieu dit Les trois ponts », 1 K 540/28/d 1.

[44] « L’action sur la population dans le cadre de la pacification en Oranie à la suite des événements de janvier 1960 », 5 p, et « La recherche de la solution française en Algérie », 5 p, 1 K 540/32/d 6. L’en-tête du 5e bureau, dont la suppression a été décidée le 15 février, est présente dans le premier texte et absente du deuxième.

[45] Typographie respectée. La même formule fut reprise par le commandant Moisson dans un « Mémoire sur l’action psychologique », Oran, 12 mai 1960, 1 K 540/32/d 19, p.1.

[46] Fiche à l’attention du Général, Processus de l’évolution de l’état d’esprit de la population européenne dans le domaine politique », BDL, 19-6-60, 1 K 540/32/d 6, 4 p. Le Bureau de liaison, dirigé par le commandant Moisson, avait repris certaines missions de l’ancien 5e bureau.

[47] Ibid., pp. 3-4.

[48] Ibid., p. 4.

[49] « Notes sur l’évolution de la situation en Oranie et perspectives d’avenir », 10 août 1960, 1 K 540/32/d 6, 6 p.

[50] Ibid., p. 4.

[51] Ibid., p. 5.

[52] Journal de marche et d’activité du général Ély, chef d’état-major de la Défense nationale, 5 mars 1960 (conversation De Gaulle-Ély dans l’avion du retour), cité par Maurice Faivre, Le général Paul Ély et la politique de défense (1956-1961), Paris, Economica, 1998, pp. 78-79.

[53] « Situation du CAO au début de mars 1960 », 1 K 540/32/d 6, 5 p.

[54] Ibid., p. 3.

[55] Note citée du 10 août 1960, p. 1.

[56] « Synthèse sur les Organisations urbaines et rurales de la rébellion du Corps d’armée d’Oran, août 1960 », signée par le général Gambiez et par le chef d’escadron Laflaquière, provisoirement chef du 2e bureau, 4 p, 1 K 540/32/d 13.

[57] « Le terrorisme urbain en Oranie », 4 p, 1 K 540/32/d 12.

[58] Ce sigle, longtemps ignoré contrairement à celui de FLN, est désormais employé.

[59] Cabinet militaire de la Délégation générale du gouvernement et du Commandement en chef des forces en Algérie, « Ordre du jour n° 9 », 19 septembre 1960, 1 K 540/32/d 9.

[60] « Programme de la réunion du 21 septembre 1960 », 1 K 540/32/d 10 ( ?).

[61] Rapport de 11 p et 4 p de tableaux et cartes photographiés, beaucoup plus détaillé que celui de septembre 1959. 1 K 540/32/d 19.

[62] Caractéristiques de chaque zone du CAO, 19 septembre 1960, 1 K 540/29/d 9.

[63] Texte à en-tête « BDL commandant Moisson » intitulé « Briefing présentation du CAO au général de Pouilly le 21 septembre 1960 », 1 K 540/32/d 17.

[64] Chemise intitulée « testament » du général commandant le CAO, note de 5 p en deux exemplaires, 1 K 540/32/d 16.

[65] Voir à ce sujet le récit de Belkacem Ould Moussa, Les chemins de l’indépendance, Paris, Sindbad, 1980, qui a rejoint le maquis après un attentat commis le 15 juillet 1960 à Mostaganem.

[66] Allusion probable au commando Georges de Saïda. Cf. Alain Maillard de la Morandais, L’honneur est sauf, Paris, Le Seuil, 1990, pp. 257-297.

[67] « Note relative au comportement de l’Armée vis-à-vis des populations », 22 septembre 1960, 1 K 540/28/d 4.

[68] « Briefing présentation du CAO au général de Pouilly le 21 septembre 1960 », 1 K 540/32/d 17.

[69] « Briefing du 11 octobre à l’intention des généraux commandants de zones du CAO », 6 p, 1 K 540/32/d 8.

[70] Ibid., p. 5.

[71] « Évolution de l’état d’esprit, mois d’octobre 1960 », 9 p, 1 K 540/32/d 8.

[72] « Briefing du 3 novembre à l’intention des généraux commandants de zones du CAO », 6 p, 1 K 540/32/d 8.

[73] « Briefing du 3 décembre à l’intention des généraux commandants de zones du CAO », 6 p, 1 K 540/32/d 8.

[74] « Essai d’analyse des causes et des répercussions de la crise du 9 au 13 décembre 1960 à Oran », 17 décembre 1960, 5 p, 1 K 540/32/d 8.

[75] Le rapport du général de Pouilly daté du 18 décembre, « Analyse des causes et des répercussions de la crise du 9 au 13 décembre 1960 à Oran », SHAT 1 H 2467, cité par Harbi et Meynier, op. cit. , pp. 161-163, reprend mot pour mot celui du commandant Moisson.

[76] « Évolution de la situation pendant l’année 1960 », 31 décembre 1960, 6 p, 1 K 540/32/d 8.

[77] Ibid., p. 5

[78] « Étude sur l’action en Oranie en fonction de la situation aux premiers jours de 1961 », 6 janvier 1961, 5 p, 1 K 540/32/d 8. L’auteur rappelle à la fin que la directive du 10 décembre 1959 sur la pacification et le guide d’action des groupes de contact du CAO demeurent toujours valables : « tout est dans la volonté de les appliquer ».

[79] « Note au sujet de l’évolution de l’action FLN en Oranie », 10 janvier 1961, 2 p, 1 K 540/32/d 8.

[80] Voir Maurice Faivre, Conflits d’autorités dans la guerre d’Algérie, nouveaux inédits, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 169-171.

[81] JMA du général Ély, 13 décembre 1960, cité par Maurice Faivre, Le général Paul Ély, op. cit., pp. 88-89. Cl le JMA du général Gambiez, cité par M. Faivre, Conflits, op. cit., pp. 183-185.

[82] Lettres datées du 23 novembre 1960 au 14 janvier 1961, et carte de vœux du commandant Moisson, 1 K 540/32/d 8.



Forum