A propos de l’OAS d’Oran : réponse à un lecteur oranais (2014)

samedi 27 septembre 2014.
 

Depuis le 4 août dernier, je suis en correspondance avec un des lecteurs de mon livre, Oran 5 juillet 1962, leçon d’histoire sur un massacre. Oranais d’origine, il m’a très courtoisement, signalé une lacune de ce livre : le point de vue des dirigeants de l’OAS d’Oran ; et il m’a recommandé de lire pour le connaître celui de Claude Micheletti, Fors l’honneur, publié en 2002 et en 2003, aujourd’hui épuisé. Je lui ai répondu que j’avais moi aussi ressenti une lacune de ce genre en citant trop longuement les Mémoires du général Katz alors que je n’avais pas de quoi lui opposer la vision de son adversaire Charles Micheletti (le père de Claude Micheletti). Puis je me suis souvenu qu’en réalité je possédais depuis quelques années la collection des « Messages, directives et commentaires » de l’OAS Zone III (Oranie) du 23 mars 1961 au 27 juin 1962, établi en mai 2004 par Guy Pujante, et que celui-ci m’avait personnellement remis à l’occasion d’un congrès des Cercles algérianistes. Cet oubli, qui prouve que ma mémoire n’est plus ce qu’elle était jadis, est injustifiable, sinon en signalant que j’avais voulu rédiger mon livre le plus rapidement possible en me contentant de relire au plus vite les ouvrages que j’avais déjà lus ; or je n’avais fait que survoler ce précieux recueil de documents parce que d’autres tâches plus urgentes avaient accaparé mon attention. Ce n’était d’ailleurs pas le seul exemple, puisque je n’avais pas davantage trouvé le temps de lire entièrement le « Voyage au cœur de l’OAS  » (2005) dont mon collègue Olivier Dard m’avait personnellement adressé et dédicacé la deuxième édition mise à jour en janvier 2011. Maintenant que ma retraite me laisse davantage de temps libre, je dois constater que j’aurais dû prendre le temps de lire attentivement au moins ces deux livres, ainsi que celui de Claude Micheletti, avant d’écrire le mien. Cela étant reconnu, il reste une question essentielle : cette regrettable lacune dans mes lectures a-t-elle modifié les conclusions que j’ai cru devoir en tirer ?

Pour répondre à cette question, après avoir rappelé quelles sources j’avais utilisées pour évoquer la stratégie de l’OAS dans mon livre, je me propose de récapituler les principales informations sur cette organisation que j’avais tirées de mes lectures avant de le rédiger. Puis de revenir sur les enseignements que j’aurais pu et dû retirer des deux ouvrages essentiels que je viens d’évoquer. Enfin, quand j’aurai réussi à me procurer le livre de Claude Micheletti, je pourrai formuler mes conclusions définitives, pour autant que des conclusions puissent l’être.

Une convergence paradoxale

La question que je me pose est celle-ci : ai-je eu raison de terminer mon introduction par les deux phrases suivantes : « La fuite en avant des dirigeants militaires et civils de l’OAS se poursuivit : l’organisation poussa à l’extrême son harcèlement des quartiers musulmans, dans l’intention de contraindre le FLN à rompre le cessez-le-feu et d’obliger l’armée française à intervenir pour protéger la population française d’Oran. Cette stratégie du pire, poursuivie jusqu’au 28 juin alors même que l’OAS d’Alger avait déposé les armes (et justifiée par l’idée folle de pouvoir conserver au moins un « réduit oranais ») aboutit, une semaine plus tard, à la catastrophe du 5 juillet » [1]. Leur formulation est sans doute un peu trop abrupte, mais leur fond est-il ou non valable ?

Dans la suite du livre, ce jugement paraît justifié par l’accord paradoxal de deux témoins que tout opposait : le général Katz, envoyé à Oran pour combattre l’OAS, et le très jeune officier Guy Doly-Linaudière, sympathisant de celle-ci à plus de 100% si cela était possible.

Le premier écrit dans ses Mémoires (p. 83) : « Pas de doute, la rébellion (c’est-à-dire l’OAS) cherche à déclencher par la provocation des heurts entre les deux communautés pour nous obliger à intervenir en force contre les Musulmans. Elle espère ainsi empêcher la signature des accords d’Evian. Plus tard, elle fera tout pour entraîner leur rupture. Pourtant, ni le Général Salan dont les consignes secrètes viennent d’être révélées, ni le Général Jouhaud ne semblent être les instigateurs d’un tel comportement.
Le Général Salan proscrit toute action de masse qui ferait le jeu du pouvoir. Il demande que cesse le racisme dont font preuve les Français d’Algérie, racisme qui ne peut que leur être fatal. Il sait, depuis l’échec du putsch des généraux, que l’Armée dans sa grande majorité demeure fidèle au Gouvernement. Un nouveau pronunciamento avec prise de pouvoir en France semble maintenant du domaine de l’utopie et à exclure.
Il ne reste à ses yeux qu’une solution : intensifier chaque jour la lutte révolutionnaire. S’il donne l’ordre d’exécuter en Métropole des enlèvements spectaculaires de membres de familles gaullistes ou d’agents du pouvoir, il ne prescrit pas les actes insensés dont Oran est le théâtre quotidien. Tandis que dans les ministères et les chancelleries on ne parle que de cessez-le-feu, dans les rues d’Oran on ne connaît que la violence » [2].

Une violence aveugle qui d’après le général Katz, ne serait donc pas ordonnée par les chefs militaires de l’OAS, mais probablement par ses dirigeants civils dont Charles Micheletti était le plus important.

Quant au jeune lieutenant Guy Doly-Linaudière, arrivé du Constantinois le 9 mai 1962, en sympathie totale avec l’OAS, il condamne sa mollesse quand celle-ci se résigne à cesser le combat à Alger le 16 juin : « En ne s’attaquant plus aux musulmans depuis quinze jours, l’OAS perd sa seule chance de faire basculer l’armée. Je crains qu’elle soit devenue molle, qu’elle ne soit dépassée. L’OAS a tort d’avoir arrêté les attentats contre les musulmans. En provoquant une réaction de ceux-ci, c’était le seul moyen de faire intervenir l’armée contre les Arabes. L’armée n’attend que cela depuis des mois. Par excès de timidité dans la virulence, l’OAS est en train de rater le coche. Il fallait mettre l’Algérie à feu et à sang. Certes, cela brûle, mais il manque les milliers de morts qui sont notre seul salut. Les Arabes qui n’ont pas nos scrupules chrétiens, eux, bientôt ne s’en priveront pas : ils sont près de gagner » [3].

Et le 27 juin, au moment où l’OAS d’Oran se résigne à son tour à cesser le feu, il la condamne également : « L’OAS aussi, d’ailleurs, est lâche. À tout instant elle garde - et elle gardera jusqu’au bout - le moyen de conquérir Oran et de faire la ‟plate-forme” qui sauverait l’Algérie. Il faut dix minutes à une compagnie commando pour investir Châteauneuf, pendre Katz et le remplacer par un général français. Il faut une heure pour occuper tout Oran. Ecœurée à un point innommable, l’armée est plus que jamais ‟à prendre” et ne demande qu’à basculer » [4].

Cette convergence étonnante entre deux témoins que tout oppose est frappante, mais est-elle suffisante pour établir la réalité du fait que les deux croient également pouvoir affirmer ? J’ai tendance à croire qu’un accord entre deux témoins appartenant à des camps opposés est un bon indice de validité de leur jugement commun. Mais je dois reconnaître que ce n’est pas en soi une preuve suffisante.

Mes premières lectures sur l’OAS

En fait, j’avais déjà conçu mon interprétation en comparant plusieurs ouvrages sur l’OAS que j’avais lus depuis plusieurs années.

Le premier par sa date de publication est intitulé OAS parle . Ce recueil de documents de l’OAS envoyés aux éditions Julliard par un dépositaire anonyme - en qui la rumeur publique voyait l’historien sympathisant de celle-ci Raoul Girardet, qui trente ans plus tard préfaça le livre de Guy Doly-Linaudière - fut publié en 1964 par un autre historien dont les opinions n’étaient pas du tout les mêmes, Pierre Nora.

On y trouve notamment l’instruction n° 29 du général Salan, datée du 23 février 1962 et visant à fixer la stratégie offensive de l’OAS pour mettre en échec les accords entre le gouvernement français et le GPRA, ébauchés par la conférence secrète des Rousses (11-19 février) dont le résultat positif venait d’être annoncé. Le général Salan se déclarait décidé à prendre l’initiative pour mettre en échec l’application des futurs accords d’Evian : « Je veux que nous puissions, dans toute la mesure du possible, être maîtres des événements. Je veux les provoquer, en bref, j’écarte a priori toute idée défensive au profit d’une offensive généralisée dont je vous expose ci-dessous les grandes lignes. Les commandements de régions ayant toute liberté et toute initiative pour les adapter à la physionomie propre de leurs territoires respectifs ». Il prévoyait en détail un plan d’action associant la population des villes et des campagnes d’Algérie, l’armée invitée à déserter, et les maquis devant compléter les actions urbaines. Mais l’adversaire désigné était avant tout le pouvoir gaulliste, et l’action contre le FLN apparaissait dans un seul paragraphe, avec un caractère défensif : « Dans le cas de descente de musulmans, la population européenne sera invitée à rester chez elle en position défensive. Il sera disposé en des points judicieusement choisi des éléments de défense armés et susceptibles de protéger par le feu la population au cas où les forces de l’ordre s’avéreraient impuissantes à canaliser les mouvements » [5].

D’autre part, le même recueil de documents de l’OAS publiait une page de carnet du colonel Broizat, datée du 16 mars 1962, qui apportait un éclairage critique d’une importance capitale sur les débats internes à la direction du mouvement. Lors d’une « longue entrevue avec de jeunes dirigeants de l’OAS, dont deux musulmans », après une discussion sur les maquis en voie de constitution dans l’Ouarsenis, le débat en arriva à l’action à mener dans les villes :
« L’action dans les villes et en particulier à Alger présente de grands dangers. Quelques-uns estiment que la seule solution consiste à durcir encore un terrorisme aveugle et de plus en plus sanglant. Cette violence seule peut aboutir à des résultats tels que l’affrontement des communautés et l’obligation pour l’armée de prendre le parti de la Résistance, même malgré elle. La violence a réussi au FLN et sans elle de Gaulle n’aurait jamais abandonné l’Algérie au GPRA.

Je leur ai dit que personnellement je m’opposais toujours au terrorisme aveugle en tant que chrétien et même en tant qu’homme occidental. Nous n’avons absolument pas le droit, même pour une question d’efficacité, d’utiliser des méthodes qui sont la négation des valeurs que nous défendons. C’est la raison pour laquelle nous avons condamné le FLN et que nous condamnons le régime gaullien qui utilise les mêmes procédés avec les barbouzes. C’est même une des raisons essentielles qui justifient la Résistance.
Leur point de vue est différent.
Il ne s’agit pas d’imposer des idées par la violence mais seulement de se défendre pour survivre. La violence tyrannique est celle de l’adversaire contre laquelle il faut s’opposer efficacement. Contre un tel ennemi, seule l’efficacité a valeur. Cette violence qu’ils préféreraient ne pas utiliser s’impose donc comme le seul moyen. Elle n’est pas plus inhumaine, ni plus immorale que les bombardements aveugles des villes allemandes pendant la guerre parce que Churchill estimait que « le moral de l’Allemagne était un objectif militaire ». Et que dire de Hiroshima et de Nagasaki dont les conséquences se prolongent encore ! » [6]

Ce débat fondamental m’est apparu d’une importance capitale, et je l’ai naturellement mis en relation plus tard avec les deux citations du général Katz et de Guy Doly-Linaudière, puisque ces trois témoins, en dépit de leurs divergences profondes, disaient la même chose sur l’existence d’un terrorisme aveugle de l’OAS visant la population musulmane pour faire échouer le cessez-le-feu entre le FLN et l’armée française.

Cinq ans plus tard, en 1969, est paru le livre du capitaine Jean Ferrandi, 600 jours avec Salan et l’OAS, fondé sur les notes quotidiennes du fidèle compagnon du chef de l’OAS. On y trouve des preuves abondantes que le général a toujours désapprouvé le terrorisme aveugle, dressant une communauté contre l’autre, parce qu’il jugeait nécessaire une participation non négligeable de musulmans au soulèvement qu’il préconisait contre l’accord imminent entre le gouvernement français et le FLN. Et que dès le 24 février 1962 (lendemain de la rédaction de son instruction générale n° 29) il a condamné et vainement tenté d’empêcher les « ratonnades systématiques » qui se multipliaient de Bab-El-Oued à Maison Carrée et dans le centre d’Alger. Leur responsabilité fut attribuée au chef de l’ORO, Jean-Claude Pérez, par le conseiller du général Salan, Jean-Jacques Susini [7]. C’est dans ce contexte que se situe le débat du 16 mars rapporté plus haut par le colonel Broizat.

Peu après, deux journalistes très éloignés de l’OAS ont apporté des compléments utiles à ces témoignages. L’Américain Paul Hénissart a publié en 1970 une histoire de l’OAS fondée sur de nombreux entretiens avec d’anciens acteurs et témoins, parmi lesquels Jean-Jacques Susini, proche du général Salan, et Jean-Claude Pérez. Citant leurs témoignages, il analyse ainsi les raisons de cette dérive du terrorisme de l’OAS :
« A Alger, il y avait partout des musulmans, dira le docteur Pérez, et notre sécurité était devenue bien incertaine. Entourés d’espions, il nous emblait que nous ne serions bientôt plus en mesure d’agir. »
Voilà donc pourquoi il était devenu capital d’ôter l’envie à tous les musulmans, y compris les vieilles femmes de ménage, de s’aventurer dans les quartiers européens. D’ailleurs, en obligeant les Arabes à se confiner dans la Casbah et dans Belcourt, on leur créait des problèmes d’hygiène et de ravitaillement pratiquement insolubles et du même coup l’on prouvait l’inaptitude du FLN à les résoudre ».

Le journaliste ne cache pas sa difficulté à admettre ces raisons : « Ces explications sont peu convaincantes. On est tenté de n’y voir qu’un masque maladroitement jeté sur le fanatisme racial pur et simple - pourtant Susini et Pérez, dans des entretiens séparés qu’ils ont accordé à l’auteur de ce livre, ont cherché à justifier leur action par les mêmes arguments. L’un et l’autre affirment de façon insistante n’avoir jamais cédé à l’affolement et à la confusion ; ils appliquaient une stratégie élaborée de sang-froid pour faire face à une situation donnée. Néanmoins, ils ne se faisaient aucune illusion sur les résultats qu’ils pouvaient en attendre... Qu’on lui reproche d’avoir fait couler des rivières de sang, Susini réplique : « Nous n’étions pas là pour jouer. La victoire était la seule justification de notre entreprise. [8] » Pour Pérez, cette accumulation de meurtres était une opération de survie... » [9]

Quant à Yves Courrière, publiant en 1971 le dernier volume de sa grande histoire de la guerre d’Algérie, il y traitait la première moitié de l’année 1962 avec le parti pris du témoin engagé qu’il avait alors été, renonçant à l’impartialité dont il s’était réclamé dans la majeure partie de son récit. Sans interviewer des anciens de l’OAS, il critiquait leurs actes en s’appuyant sur de longues citations de documents d’archives, malheureusement sans références permettant de les vérifier aujourd’hui. Après avoir raconté la tragique fusillade de la rue d’Isly (26 mars 1962), il dévoilait une note accusatrice adressée au général Salan par les colonels Godard, Vaudrey et Gardes, faisant le procès de ses méthodes de commandement [10], puis la réponse tout aussi sévère du général Salan, qui s’appuyait notamment sur un échange de correspondance entre les colonels Godard et Château-Jobert.

Le message de ce dernier, qui avait pris le commandement de l’OAS du Constantinois, était cité avec sa référence :
« L’Organisation Armée Secrète, écrit-il, devait être la « troisième force » qui, entre un gouvernement français d’abandon et la menace fell’, se donnait comme but de rallier à elle toutes les forces de résistance pour l’Algérie française.
Or le comportement de membres qui, probablement, appartiennent à l’OAS et qui, en tout cas, ne sont pas hautement désavoués par elle, s’oppose à ce ralliement.
Chez les Français - que ce soit en Algérie, en Métropole, DANS L’ARMEE - s’exprime maintenant sans réserve l’écoeurement que soulèvent les actions aveugles contre la masse musulmane... Elles favorisent la séparation complète des deux communautés. C’est le début d’une ségrégation qui ne se fera d’ailleurs pas au profit des Européens. C’est une politique qui mène tout droit à la partition localisée, puis généralisée (...) Admettre cette séparation, c’est entamer un processus d’abandon auquel précisément l’OAS devait s’opposer » [11].

Et plus loin, Yves Courrière citait encore un autre message du colonel Château-Jobert, daté de la fin avril, qui mettait en cause le comportement de l’OAS à Alger mais aussi à Oran : « Je comprends très bien que l’on ait voulu à Oran et particulièrement à Alger FAIRE SORTIR A TOUTE FORCE LES MUSULMANS pour que l’armée soit amenée à se manifester « par les armes » contre le FLN. Ceci mettrait l’armée du côté de l’OAS. Or, il se trouve qu’actuellement l’OAS qui devait être la troisième force entre le FLN et les forces gaullistes, et devait dans cette fonction « recueillir » l’armée et la masse musulmane, rend impossible par le jeu de ses actions et des exécutions qu’on lui impute, le rapprochement vers nous de l’armée et des musulmans » [12]. Cette citation apporte une quatrième caution à l’hypothèse sur la stratégie de l’OAS que j’ai cru devoir suivre.

Afin d’en savoir plus sur la position du colonel Château-Jobert, j’ai pu consulter deux autres livres. Le premier paru est celui de Claude Mouton, publié en 1973 sous le titre La Contrerévolution en Algérie, « Le combat de Robert Martel et de ses amis ». Ce livre très riche de détails est une mine de renseignements sur l’action de tous les courants « ultra » de l’Algérie française, mais le lecteur est très embarrassé par les choix qui le sollicitent en permanence, entre des indications de faits qui semblent pouvoir être fiables, et des interprétations idéologiques très subjectives, inspirées par le catholicisme intégriste de Robert Martel. Celui-ci, qui accueillit le général Salan et le général Jouhaud dans sa ferme après l’échec du putsch d’avril 1961, ne réussit pas à les convaincre de suivre sa ligne. Il est sévère à leur égard, mais surtout envers Jean-Claude Pérez, qu’il avait exclu de son mouvement l’UFNA dès 1956, et envers Jean-Jacques Susini, qu’il suspectait de trahison. En 1962, il plaça tous ses espoirs dans le colonel Château-Jobert, rallié à l’OAS et chargé de diriger son organisation du Constantinois. Claude Mouton écrit notamment qu’après la mort suspecte du capitaine Le Pivain (7 février 1962) à Alger, « Susini maintenant allait avoir les mains libres pour faire tirer sur les Casbah. A la même époque, à Constantine, les activistes, qui recevaient les directives de Susini, parlaient de canonner la cité musulmane de Bel-Air, et répandaient le bruit que Claude (Mouton) et Robert (Martel) allaient maintenant avoir leur tour » [13]. Puis Claude Mouton réussit à prendre contact avec le colonel Château-Jobert (arrivé à Constantine le 29 janvier 1962), et à le convaincre de suivre la ligne de Robert Martel.

Le colonel Château-Jobert a lui aussi témoigné de son itinéraire dans son livre Feux et lumière sur ma trace, faits de guerre et de paix, publié en 1978. Il y confirme l’authenticité des documents cités par Yves Courrière, puisqu’il cite une partie de sa « longue lettre » datée du 18 avril 1962 ( en réponse à une lettre du général Salan reçue le 10 avril) déjà citée par celui-ci : « Il se trouve qu’actuellement l’OAS qui devait être la troisième force entre le FLN et les forces gaullistes, et devait dans cette fonction « recueillir » l’armée et la masse musulmane, rend impossible par le jeu de ses actions et des exécutions qu’on lui impute, le rapprochement vers nous de l’armée et des musulmans.
Ici, partout, dans le bled comme dans les villes, mes musulmans qui recherchent cependant des contacts nous font dire : « Vers quoi maintenant peuvent se retourner ceux qui ne veulent pas du FLN puisque l’OAS systématiquement s’attaque à nous, musulmans, qui ne lui avons rien fait ! »
Il est évident qu’il y a là une contradiction incroyable dans le même temps où l’on essaye un rapprochement « utilitaire » avec le MNA.
La persistance d’une telle orientation est généralement considérée comme « criminelle » et « néfaste », et en tarderait pas à amener une scission dans nos organes de direction » [14].

Ainsi, concluait Château-Jobert, « étant donné que ni les colonels ni le général Salan n’étaient d’accord pour l’emploi d’un terrorisme aussi révoltant, j’en arrivais à l’évidence d’une trahison à l’intérieur de l’OAS. (...) L’OAS des militaires était doublée par une OAS « politique » absolument dénuée de tout sens moral et même de simple bon sens » [15]. Le lendemain 19 avril il rencontra Claude Mouton à Philippeville, et trouva chez lui l’explication de tout ce qu’il soupçonnait. Puis le 1er mai à Constantine, il reçut Robert Martel et fut gagné par sa doctrine « contrerévolutionnaire ». Un mois plus tard, il désapprouva totalement les contacts pris par Jean-Jacques Susini [16] avec Abderrahmane Farès puis avec Chawki Mostefaï. Il rejeta aussi une dernière proposition de ralliement apportée par un envoyé de Susini avec des menaces en cas de refus, et « bien qu’étant sans nouvelle de Gardy, je me doutais bien que lui non plus ne se laissait pas faire » [17].

Mais de quel côté penchait l’OAS d’Oran ? Organisée par des dirigeants civils locaux, elle avait à sa tête des chefs militaires envoyés par l’OAS d’Alger, d’abord le général Jouhaud arrivé le 20 août 1961, puis après son arrestation le 25 mars 1962, le général Gardy.

Dans ses trois livres de mémoires successifs, le général Jouhaud est revenu sur les motivations fondamentales et sur les principaux aspects de son engagement dans la direction de l’OAS, et notamment à la tête de celle d’Oran. Dans son deuxième livre, Ce que je n’ai pas dit (juin 1977), il revenait à plusieurs reprises sur l’attitude des musulmans, convaincus après l’échec du putsch et l’ouverture des négociations d’Evian de la victoire du FLN et de la défaite de la France : « Dès lors, que pouvions-nous espérer de cette population musulmane ? Un choc psychologique pourrait-il, une fois encore, la faire basculer ? Contre toute apparence logique, nous le pensions, et je reste encore persuadé qu’un succès de l’OAS, qu’ils admiraient car ils la craignaient, aurait pu réaliser un miracle. La réconciliation restait du domaine du possible » [18]. Un peu plus loin, il revenait encore sur son état d’esprit : « Finalement, la masse musulmane attendait du vainqueur, quel qu’il fût, de pouvoir vivre en paix. En 1958, elle s’était portée vers la France, elle lui avait tendu les mains. La France s’était refusée à comprendre qu’une révolution s’opérait en Algérie. Elle avait, avec de Gaulle, commis une erreur monstrueuse, impardonnable. Etait-elle, cette foule musulmane, malgré son indolence, hostile aux Français d’Algérie ? Sincèrement, je ne le crois pas. Chaque Européen avait trop de preuves de sentiments de confiance, sinon d’amitié, que lui manifestaient les Musulmans qu’il connaissait ou avec lesquels il travaillait, pour accorder foi à la réalité de la haine qu’auraient nourrie les Musulmans à son égard [19] ». Et il en citait pour preuve les manifestations de fraternisation franco-musulmanes sous le drapeau tricolore qui avaient eu lieu à des dates aussi tardives que le 7 mars 1962 à Mers-el-Kébir - après le massacre particulièrement odieux d’une mère de famille européenne avec ses deux enfants - et le 21 mars 1962 à Djéniène Meskine (entre Oran et Sidi-Bel-Abbès). Puis il insistait sur les contacts qu’il avait pris, en tant que chef de l’OAS d’Oran, avec des personnalités musulmanes telles que les députés UNR de l’Oranie Deramchi et Mekki, et le cheikh Bentekkouk. Enfin il revenait longuement sur l’interdiction des « ratonnades » par l’OAS, qui les avait condamnées plusieurs fois par tracts et par radio, notamment le 28 et le 30 octobre 1961, tout en flétrissant la mauvais fois de tous ceux qui en profitaient pour les attribuer à la dite OAS [20].

De même, dans son dernier livre publié en 1983, Serons-nous enfin compris ?, le général Jouhaud revenait sur la même condamnation de ces odieuses « ratonnades » : « Quant à moi, m’adressant à la population, je réprouvais ces attaques contre les Musulmans, cette vengeance aveugle risquant d’abattre des innocents pro-français, des anciens combattants parfois. Je désavouais toute manifestation à caractère raciste. Nous menacions même les parents de coercition si leurs enfants se laissaient entraîner à de tels excès. Il est vrai qu’il est difficile de prêcher la résignation dans certains cas, où - j’en ai été le témoin - un fils apprend la mort de son père, victime d’un attentat comme l’avait été son frère, récemment » [21]. Un peu plus loin, il affirmait que par son action, « L’OAS a sauvé des hommes, elle était devenue le recours contre l’exil », en s’appuyant sur le témoignage d’un jeune combattant de l’OAS ayant publié ses souvenirs sous le nom de Henri Martinez : « L’OAS, écrit-il, rendra aux principaux quartiers pieds-noirs une sécurité réelle. Ce simple mot sécurité signifie que qu’environ 1.500 Oranais ne sont pas mort, par la simple existence des Deltas et de leur détermination face au FLN. Mille cinq cent vies épargnés par la crainte salutaire que nous inspirons aux tueurs, devenus soudain moins acharnés quand ils se mirent à rencontrer autre chose que des victimes faciles... » [22]. Et encore plus loin, le général résumait ainsi sa position : « Je tiens à rappeler combien j’ai réprouvé le terrorisme aveugle. Je l’ai vigoureusement condamné et des tracts distribués à Oran en témoignent. Car indépendamment des cas de conscience que pose la responsabilité de la violence, l’Algérie, telle que nous la concevions, ne pouvait voir le jour qu’avec l’étroite coopération des Musulmans et des Européens. Mais les passions se déchaînèrent lorsque furent renvoyés en Algérie des milliers de fellaghas prisonniers (...) relâchés conformément aux stipulations des accords d’Evian. C’est alors que le contre-terrorisme européen dut faire face à l’action conjuguée des rebelles et de certains services de police français. Nous l’avons dit, de nombreux compatriotes eurent la vie sauve, le FLN modérant son action par crainte des représailles de notre contre-terrorisme. » Et il condamnait « le parti pris révoltant des moyens d’information qui s’étendent longuement sur le terrorisme de l’OAS, le seul qui semble avoir existé, tandis qu’un voile discret est jeté sur celui du FLN » [23].

Quelques années plus tard, en 1986, le journaliste Rémi Kauffer publia un livre intitulé OAS, histoire d’une organisation secrète, en s’appuyant sur de nombreux témoignages venant d’acteurs appartenant à toutes les tendances, y compris l’OAS d’Alger et celle d’Oran. Dans un style très journalistique, l’auteur s’efforçait néanmoins de combiner le récit des faits et leur interprétation. Il mentionnait l’instruction rédigée le 23 février 1962 par le général Salan, et ses suites immédiates : « La foule n’attend d’ailleurs pas les instructions de « Soleil ». Dès le lendemain, des ratonnades ensanglantent Bab-el-Oued. L’OAS les désapprouve ». Et il continue son récit : « La tension monte encore d’un cran (...) . Le 26, 13 Musulmans sont assassinés en pleine rue d’Alger. Le 28, l’explosion d’une voiture piégée fait 25 morts et 38 blessés à Oran. Elle entraîne des contre-manifestations musulmanes qui tournent à l’émeute : 65 morts, 100 blessés au moins ». Et l’auteur souligne que « jour après jour, la marge de manœuvre de l’organisation activiste se réduit. Première conséquence : la multiplication des attentats. Entre la fin de 1961 et le début de 1962, on est passé du stade d’un terrorisme relativement sélectif à celui d’un terrorisme de plus en plus systématique : collectif, aveugle. Le chiffre des victimes fait un bond : vingt, trente morts par jour. Parfois plus. Tous les attentats ne sont certes pas imputables à l’OAS. Mais, fait nouveau, le terrorisme de l’organisation activiste tue plus que son « concurrent » FLN. A Alger comme à Oran, les Européens tirent à vue sur les Musulmans, les Musulmans abattent les Pieds-noirs » [24].

De même, le chapitre consacré au tournant du 19 mars 1962 commence par une analyse digne d’intérêt. Selon Rémi Kauffer, le cessez-le-feu d’Evian entraîne un changement fondamental : « l’organisation nationaliste algérienne devient un mouvement légal. Tout au contraire, c’est l’OAS qui devient la seule force illégale ». Et d’après lui, « ce sont les civils de l’OAS qui saisissent le mieux cette donnée », alors que les militaires persistent à vouloir espérer chez leurs anciens camarades un « acte d’indiscipline collective » de grande ampleur. D’autre part, « avant Evian, d’âpres débats traversaient en permanence les organes dirigeants de l’OAS sur l’identité de l’adversaire principal (...). Les accords du 18 mars changent les données du problème, contraignant l’organisation à lutter sur deux fronts, contre deux forces qui seront immanquablement conduites à se donner la main, fût-ce à contrecoeur.
« Nous n’avons plus qu’une seule chance, Il faut agir immédiatement. Créer, à chaud, un affrontement sanglant entre soldats français et militants FLN. Faire voler en éclats l’accord conclu à Evian... » plaident les plus durs.
Le 21 mars, ils passent à l’offensive. Des affrontements armés entre gendarmes mobiles et militants activistes se soldent par une dizaine de morts. L’après-midi, l’OAS met en batterie son unique mortier sur Alger. Une pluie d’obus s’abat sur la place du Gouvernement. Des dizaines de passants algériens sont tués ou blessés ».
Mais la provocation ne réussit pas : « pour la première fois depuis le début de la guerre, militants FLN et militaires français coopèrent pour ramener le calme » [25], et ils y réussissent.

Puis le 22 mars, l’OAS en vient à tenter d’imposer à l’armée son autorité sur le quartier de Bab-el-Oued à Alger : « puisque le FLN contrôle entièrement les quartiers arabes dans lesquels la troupe ne pénètre même plus, pourquoi ne pas agir de la même manière dans les quartiers européens ? Pourquoi ne pas en faire des zones OAS ? [26] » Ce plan tourne rapidement à la catastrophe, en provoquant la brutale reconquête du quartier par l’armée française, puis quatre jours après la sanglante fusillade des manifestants européens par un barrage de tirailleurs dans la rue d’Isly (26 mars 1962). Enfin l’échec total du maquis OAS de l’Ouarsenis achève de prouver l’impuissance de l’OAS d’Alger, qui se livre alors à un terrorisme de plus en plus systématique, avant de faire volte face en acceptant de négocier un accord avec l’Exécutif provisoire faute de trouver une issue plus crédible.

Des lectures que j’aurais pu et dû faire

A partir du milieu des années 1990, ma promotion au rang de professeur a réduit le temps dont je disposais pour suivre de près la bibliographie de la guerre d’Algérie. C’est pourquoi je n’ai pas pu exploiter à fond tous les livres sur l’OAS dont la publication avait attiré mon attention.

En 2002 l’ancien militaire Georges Fleury, qui avait déserté en 1962 sans rejoindre l’OAS, a publié une Histoire secrète de l’OAS beaucoup plus détaillée mais qui ne présente pas des analyses aussi claires que celles de Rémi Kauffer. On peut y trouver néanmoins des éléments peu connus, tels que cette note du président de la République adressée le 22 février 1962 à Michel Debré, Louis Joxe et Pierre Messmer : « Il faut prendre garde qu’à l’occasion du cessez-le-feu et si les musulmans des villes arborent des drapeaux verts, les forces de l’ordre ne s’excitent et ne fassent feu. Cela n’aurait aucun avantage et entraînerait beaucoup d’inconvénients. Il y a lieu de donner des ordres sur ce point » [27]. Cette instruction peut avoir contribué à diffuser parmi les autorités la crainte de voir l’OAS la justifier en provoquant délibérément des réactions violentes du FLN pour empêcher le cessez-le-feu à venir.

Mais la publication la plus importante est celle du livre de l’historien Olivier Dard, Voyage au cœur de l’OAS, publié en 2005 et réédité en 2011 [28]. Ce livre est fondé principalement sur les archives de l’OAS d’Alger, confiées à l’auteur par Jean-Jacques Susini. Même si l’OAS d’Oran n’est pas au cœur du sujet, elle n’en est pourtant pas absente. De nombreuses remarques soulignent son originalité par rapport à celle d’Alger, et la nécessité de ne pas les confondre.

Il confirme tous les documents que j’ai déjà cités, et permet de mieux les situer dans leur contexte. Par exemple, les « ratonnades » qui ont commencé le lendemain des instructions données par le général Salan le 23 février 1962 en réaction au meurtre d’un chauffeur de taxi à Bab-el-Oued sont désavouées non seulement par le journal du capitaine Ferrandi, qui signale à plusieurs reprises l’incompréhension et la réprobation du chef suprême de l’OAS, mais aussi par une note du colonel Vaudrey, patron du grand Alger. Celui-ci précise que « l’action menée le 26/02 (...) est d’origine extérieure à moi-même et je n’en ai été à aucun moment informé par quiconque ». Déplorant l’effet produit par cette action « dans l’ensemble incomprise et très mal vue de la population », il a décidé le 27 février de démentir par un communiqué « avoir déclenché la moindre ‘ratonnade’ à Alger ou Oran », en soulignant que l’OAS « respecte et défend les musulmans comme les Européens » et « ne se livre pas au terrorisme aveugle contrairement au FLN ». Le colonel met en cause des équipes dont une est dirigée par le dénommé « Jésus » (de Bab-el-Oued), et estime que le commandement doit « condamner, interdire et combattre sans délai et par tous les moyens des actions qui ne peuvent que nuire de la façon la plus certaine et la plus grave à la cause qui est l’objet de notre combat » [29]. Il est soutenu par le général Gardy qui, le 2 mars, somme Jean-Claude Pérez de s’expliquer : « Il est indispensable d’être éclairé et de prendre toutes mesures nécessaires concernant les responsables de ces événements d’une part, et d’en éviter le retour d’autre part » [30]. Le lendemain, Jean-Claude Pérez répond très fermement qu’il est « d’un avis diamétralement opposé » à Vaudrey et Gardy, affirme que « les événements sont très bien contrôlés par nous » et que « le but de la manœuvre est en voie d’être atteint », à savoir : « mise en œuvre prématurée par les forces de l’ordre de leur plan de quadrillage, riposte FLN aux dépens des FSE et des FO, clashs sanglants quotidiens entre FO et FLN, « grincements » dans les actuelles négociations par de nouvelles exigences du GPRA compte tenu de l’action terroriste de l’OAS, suppression de l’argument officiel « le cessez-le-feu, c’est la paix » et son remplacement par cette autre vérité qui fait peur au gouvernement (et à vous-mêmes à ce qu’il me semble) , « le cessez-le-feu, c’est le bain de sang ». Il expose ainsi d’une manière parfaitement claire une véritable stratégie de provocation, et conclut en défiant les chefs militaires : « C’est une chose que de faire la guerre révolutionnaire quand on est du côté des forces de l’ordre légales avec de gros moyens et une autre que de la faire en position de rébellion et de faiblesse de moyens momentanée. Sans remonter très loin, le FLN est un exemple suffisant » [31]. Deux jours plus tard, il adresse au général Gardy un rapport détaillé sur son activité du 26 février au 4 mars, en jugeant nécessaire de la poursuivre jusqu‘à l’élimination physique des militants du FLN. Le 8 mars, le colonel Vaudrey capitule en se disant convaincu, reprochant seulement à Jean-Claude Perez de ne pas l’avoir informé à temps.

D’autres chefs de l’OAS d’Alger se souciaient de la voir reprendre l’initiative sans attendre la fin de la négociation entre le gouvernement français et le GPRA. Dès le 15 février, le colonel Godard avait écrit : « Il y a actuellement trois larrons en jeu. Que deux d’entre eux cessent le combat n’a qu’une importance très relative (sic), puisque l’OAS, 3ème larron, continuera à presser sur la gachette. Agissons donc comme si l’accord était signé, et marquons simplement dans notre propagande la volonté d’aller vraiment jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à ce que mort s’ensuive » [32]. Le général Gardy répondait le 16 février : « il faut que l’annonce éventuelle d’un accord gaullo-FLN s’accompagne d’une intensification de l’action sous toutes ses formes », afin de marquer la volonté de l’OAS d’aller jusqu’au bout. Il proposait notamment d’enregistrer à l’avance des allocutions du général Salan et des principaux chefs de l’OAS afin de « galvaniser la volonté de résistance de la population » [33]. Le colonel Vaudrey s’attachait à préciser, dans une instruction du 16 février, les modalités d’une mobilisation morale et matérielle, qui devait être « réalisée pour le 5 mars dernier délai ». Il envisageait trois scénarios. Le premier, jugé improbable, prévoyait d’ « empêcher la réalisation de tout accord De Gaulle-GPRA ». Le deuxième, considéré comme une « priorité », était de « provoquer la dénonciation par le GPRA de l’accord éventuellement réalisé ». Et le troisième, « empêcher la réalisation pratique des accords » et paralyser la réalisation du processus prévu [34]. L’instruction générale n° 29 du général Salan répondait donc à une demande de ses proches subordonnés, celle de prévoir et de provoquer le cours des événements à venir.

Mais en pratique, l’OAS d’Alger ne put devancer l’aboutissement de la conférence d’Evian (18 mars 1962) et la proclamation du cessez-le-feu (19 mars). Et ses tentatives d’application de la directive n° 29 du général Salan tournèrent très vite au désastre à Alger (Bab-el-Oued et rue d’Isly) et dans l’Ouarsenis. Le 6 avril, le général adressa à ses subordonnés son instruction générale n° 32 par laquelle il voulait réorganiser l’OAS. Il s’attira en retour la véhémente réponse des colonels Godard, Gardes et Vaudrey - déjà citée par Yves Courrière - qui rejetait toute responsabilité dans le désastre de la rue d’Isly et dénonçait l’absence de toute information des chefs par leurs subordonnés. Godard lui répondit très fermement le 9 avril, en lui démontrant l’échec total du maquis de l’Ouarsenis, et en répétant la nécessité de rétablir la discipline dans l’organisation : « Quant à Pérez, je constate que son action sur les musulmans qui sont dégroupés « blind » est notre propre condamnation. Il s’agit là d’ailleurs de la politique prônée depuis longtemps par Susini. Je m’y suis toujours opposé et aujourd’hui plus que jamais » [35]. Le mécontentement était général dans les instances dirigeantes de l’organisation d’Alger. Le général Gardy, qui était arrivé à Oran le 14 avril pour prendre la succession du général Jouhaud arrêté le 25 mars, estimait le 17 avril « capital de préciser d’urgence les buts et objectifs que nous poursuivons, dans la situation nouvelle née des accords d’Evian et des événements des dernières semaines ». Il dressait un constat sans appel : « Il ne suffit plus d’affirmer : « Algérie française », intégrité du territoire national. Dans la dégradation actuelle, de tels objectifs sont devenus utopiques, au moins pour l’immédiat compte tenu de nos moyens. Il serait illusoire de considérer que l’OAS peut reconquérir l’intérieur de l’Algérie, ni même certaines fractions de l’intérieur ». Pour lui, la raison imposait de « défendre ce qui peut être défendu avec des chances de succès, c’est-à-dire les grands centres du littoral à forte densité européenne, avec un hinterland à définir, proportionné à nos possibilités » [36].

Puis l’arrestation du général Salan le 20 avril plongea l’OAS d’Alger dans une crise d’autorité sans précédent. Le colonel Godard proposa aussitôt une nouvelle structure de direction (dont il ferait partie avec Vaudrey, Gardes, Pérez, Susini, Gardy et Château-Jobert), et un nouveau plan d’action prévoyant de continuer le combat sur le principe de l’intégrité nationale et de l‘Algérie dans la France, afin de « s’opposer par tous les moyens à la réalisation du référendum » qui ne pourrait conduire qu’à « l’indépendance, c’est-à-dire la perte de l’Algérie ». En dernier ressort, l’OAS jouerait sa dernière carte en déclenchant « une action insurrectionnelle généralisée s’étendant à l’ensemble de la communauté européenne » [37]. Le colonel Gardes lui apporta son appui en rappelant la nécessité de régler « la question de l’action contre les Musulmans à Alger qui conserve encore son caractère aveugle », et en affirmant la nécessité de « conserver réellement à nos côtés, dans certaines formes d’action et dans les opérations ouvertes, le maximum de musulmans ». En effet l’OAS ne saurait « ni laisser tomber ou paraître laisser tomber des hommes qui ont payé et vont payer plus encore leur fidélité à la France ni abandonner délibérément le support psychologique constitué par l’appui des musulmans qui ne veulent pas du Fell, même si cet appui n’est que trop platonique, trop peu engagé ». Gardes rejetait pourtant l’idée d’une insurrection généralisée comme « un acte de désespoir sanglant » [38]. Mais l’opposition la plus totale vint de Jean-Claude Pérez, qui réaffirma notamment la nécessité du terrorisme pour chasser les espions musulmans des quartiers européens d’Alger : « si l’on veut nous interdire le terrorisme, il faut plier bagage et envisager un dégagement progressif mais total » [39]. Il proposait de séparer la direction de l’OAS en deux branches, une militaire et une civile. Godard reçut dès le 22 avril l’appui le plus complet du général Gardy, qui se considérait comme le successeur désigné du général Salan. Il lui annonça également sa volonté de faire de l’Oranie « une entité territoriale totalement soustraite à l’autorité pseudo-légale actuelle », à savoir un Etat autonome basée sur cinq principes fondamentaux : « Attachement à l’Occident, à la culture et au droit français, aux libertés fondamentales. Résolument antiraciste, admettant toutes les confessions, et notamment ouverte à l’admission des musulmans anti-FLN comme « citoyens à part entière ». Détermination à l’adoption d’une politique vigoureusement sociale. Opposition farouche au FLN, au communisme et au gaullisme. Attachement à l’idée européenne » [40].

Ces échanges de vue n’aboutissant pas, Godard tenta de relancer à la fin avril la constitution d’un comité directionnel de l’OAS d’Algérie présidé par le général Gardy, mais sans succès. Du 25 avril au 12 mai, les liaisons ne fonctionnaient plus entre Oran et les autres organisations de l’OAS. Le général Gardy fit savoir le 14 mai son soutien aux propositions du colonel Godard, seul moyen de sauvegarder l’unité de l’OAS. Il souligna qu’il prenait position au nom de l’ensemble de l’OAS d’Oranie, dont les principaux responsables « ne veulent (...) être liés qu’à une organisation cohérente et non divisée contre elle-même » et capable de réaliser « l’unité entre civils et militaires ». Si l’on n’y parvenait pas, cela marquerait « la fin de l’OAS » et la « défaite certaine ». Dans ce cas, le général Gardy se désolidariserait de ce qui pourrait être fait à Alger, pour mener en Oranie « un combat isolé » [41].

Ces précieuses informations fournies par le livre d’Olivier Dard nous permettent de tirer trois conclusions sur les orientations de l’OAS. D’abord, la réalité à Alger d’une stratégie de la provocation, consistant à harceler la population musulmane pour entraîner la rupture du cessez-le-feu par le FLN et obliger ainsi l’armée française à intervenir contre lui. Mais aussi le fait que cette stratégie du pire, clairement assumée par Jean-Claude Pérez, n’y a jamais fait l’unanimité des principaux responsables de l’OAS. Et enfin, l’impossibilité de généraliser le cas d’Alger à Oran, puisque ses deux chefs successifs, le général Jouhaud puis le général Gardy [42], ont toujours clairement condamné tout acte de violence aveugle. Ces derniers constats m’obligent à reconnaître une erreur de méthode, et à la corriger en revenant sur la formulation trop absolue des phrases que j’ai citées au début de ce texte pour la prochaine édition de mon livre.

La même conclusion ressort clairement de l’ensemble des textes de l’OAS d’Oran dont la collection, intitulée OAS Zone III (Oran), messages, directives et commentaires, réunie en mai 2004 par Guy Pujante, m’a été remise par celui-ci lors d’un Congrès des cercles algérianistes (à Perpignan en janvier 2012, quelques mois avant son décès). Ce recueil, qui rassemble tous les textes diffusés par l’OAS d’Oran du 23 mars 1961 au 27 juin 1962, confirme entièrement les Mémoires du général Jouhaud sur deux points essentiels : la ferme condamnation des « ratonnades » par l’OAS, et ses nombreux appels destinés à la population musulmane, souvent lus en arabe par des militants musulmans. Il faut notamment signaler les deux émissions diffusées sur les ondes de la télévision le soir du 14 février 1962, l’une en arabe [43] par un « français musulman », et l’autre en français [44], pour revendiquer et justifier les attaques lancées ce jour-là par les commandos musulmans de l’OAS contre les membres du FLN dans les quartiers de la Ville Nouvelle, Carteaux, Chollet, Médioni. Le deuxième précisa que seuls les membres du FLN étaient visés, et invita tous les musulmans qui n’en étaient pas à reprendre sans crainte leur travail dans la ville européenne (contrairement à ce qui allait se passer à Alger).

A partir du 3 mars, l’odieux assassinats de Madame Ortega et de ses deux jeunes enfants à Mers-el-Kébir provoqua d’abord des vengeances assumées par l’OAS et une séparation des populations européenne et musulmane [45], puis dans un deuxième temps de spectaculaires manifestations de réconciliation des deux populations sous le drapeau tricolore à l’occasion des obsèques des victimes le 7 mars, soulignées par une nouvelle émission en arabe sur les ondes de la radio et de la télévision [46]. Celle-ci souligna également que « L’OAS EST FORTE ET JUSTE », et en donna comme preuve l’exécution de « 400 assassins et égorgeurs du FLN » à la Prison civile le 5 mars. Pourtant l’explosion d’un véhicule piégé en Ville Nouvelle le 28 février ne fut pas signalée. Mais d’autres émissions rappelèrent à partir du 3 mars, beaucoup plus brièvement, « que de nombreux musulmans combattent dans nos rangs », et que « les explosions qui retentissent en Ville Nouvelle avec une fréquence accrue » le prouvaient à l’évidence [47]. Peu après, le 8 mars, une autre émission rappela incidemment : "Il a fallu qu’une "machine infernale" éclate en Ville Nouvelle pour que la population d’Oran apprenne que même l’armée n’avait pas accès dans ce quartier..." [48].

L’annonce du cessez-le feu entre le gouvernement français et le FLN, aboutissement prévu de la deuxième conférence d’Evian, fut préparée à l’avance par l’enregistrement d’allocutions des généraux Salan [49] et Jouhaud [50], et par l’annonce préalable de 24 heures de pavoisement et de grève de protestation. Le 20 mars, une nouvelle émission félicita les Oranais pour leur discipline patriotique, et annonça que « pour nous, le cessez-le feu n’existe pas (...). La guerre continue : guerre contre le FLN, guerre contre tous ceux, fonctionnaires ou militaires, qui, à partir d’aujourd’hui, basculeraient dans le camp ennemi » [51]. Elle indiqua aussi que l’OAS avait repoussé aujourd’hui vers 15 heures « les tueurs FLN » qui voulaient pénétrer en ville européenne. Le 22 mars, un nouveau tract de l’OAS dénonça un sanglant incident ayant opposé la veille des gendarmes mobiles à la population, annonça une grève générale de protestation, et interdit « AUX GENDARMES MOBILES ET AUX CRS DE PATROUILLER EN VILLE, DE JOUR OU DE NUIT, A COMPTER D’AUJOURD’HUI. Leur rôle doit être d’éviter le choc entre les communautés, leur place, à la limite des quartiers respectifs de ces communautés. Alors qu’aucune force de l’ordre ne pénètre en quartier musulman, NOUS NE PERMETTRONS PAS QU’ELLES VIENNENT PROVOQUER LES HABITANTS DES QUARTIERS EUROPEENS (...) » [52]. Cet ordre paraît comparable à celui donné par l’OAS d’Alger d’évacuer Bab-el-Oued le même jour, mais il était plus audacieux en prétendant faire de tous les quartiers européens d’Oran une zone réservée à la souveraineté de l’OAS, et en justifiant ce statut par l’abandon de fait des quartiers musulmans au FLN. C’était très paradoxal de la part de l’OAS qui refusait de reconnaître les accords d’Evian, mais son véritable but était sans doute d’obliger les « forces de l’ordre » à choisir leur camp. C’était aussi une première reconnaissance du fait que la ville était désormais officiellement coupée en deux.

En tout cas, durant les semaines et les mois suivants, l’OAS continua de mener sa guerre sur deux fronts, dans ses quartiers contre les gendarmes mobiles et CRS, et dans les quartiers musulmans contrôlés par le FLN au moyen de fusillades et de bombardements au mortier [53]. Ces dernières actions étaient toujours présentées comme défensives, et jamais comme des provocations. Il est vrai que la volonté du FLN oranais d’appliquer loyalement le cessez-le-feu d’Evian n’allait pas de soi, puisque le chef de la wilaya V avait voté - comme le colonel Boumedienne - contre la ratification de l’accord préalable des Rousses au CNRA de février 1962. Les appels au soutien des musulmans lancés par l’OAS ne disparurent pas, mais ils devinrent peu à peu de plus en plus rares et brefs, après un appel d’un cousin du bachaga Boualem à soutenir le maquis OAS de l’Ouarsenis le 6 avril 1962 [54].

L’arrivée du général Paul Gardy, qui avait annoncé par un discours enregistré sa nomination à la succession du général Jouhaud le 29 mars [55], ne semble pas avoir entraîné de changement visible dans le contenu des appels de l’OAS d’Oran avant la publication de son plan de réduit oranais le 6 juin. On remarque cependant un texte étonnant à la fin de l’émission du 14 mai 1962 : « Certains se sont étonnés qu’à l’occasion du 13 MAI, hier, l’OAS ne marquât point cette date par quelque exploit.
Pour nous, le 13 mai reste la date de la réconciliation des Communautés, de la Fraternité retrouvée. C’est volontairement, et pour commémorer tout au moins en pensée cette journée, que nous n’avons hier accompli à Oran aucune action guerrière. Nous ne faisons pas la guerre aux musulmans, pas plus que les Américains et les Anglais ne faisaient de 1942 à 1945 la guerre aux Français parce qu’ils bombardaient leurs villes et faisaient de nombreuses victimes dans la population civile. La guerre était faite aux Allemands qui occupaient la France et à ceux des Français qui les aidaient. Nous faisons, nous, la guerre au FLN qui occupe la ville musulmane, et à ceux des Français qui collaborent avec lui.
Pour des raisons de sécurité, il y a en outre dans Oran une « ligne de démarcation » qu’il nous faut faire respecter par les musulmans tant que les ennemis ne seront pas vaincus.
Mais ils le seront bientôt. LA FRATERNITE ET L’UNION DES COMMUNAUTES SERONT ALORS RETROUVEES » [56].

Signée des initiales G.H., cette mise au point d’une importance capitale - qui rappelle le débat interne à l’OAS d’Alger rapporté le 16 mars 1962 par le colonel Broizat - rompait avec la propagande habituelle en donnant l’impression que l’OAS d’Oran commençait à douter de la position qui était la sienne en février et mars 1962. Elle me semble en effet traduire un débat interne à l’Organisation, qui semblerait se demander si son harcèlement des quartiers musulmans, bien qu’il visât le FLN, ne risquait pas de lui aliéner toute leur population ; même si la conclusion répétait toujours le même acte de foi intégrationniste.

Pourtant, des actions de l’OAS contre le FLN dans les quartiers musulmans continuent d’être signalées par la suite, même si l’on n’y trouve pas toutes celles qui sont signalées par le général Katz dans ses Mémoires. Par exemple, les bombardements au mortier des 20 et 24 mai 1962 ne sont pas signalés par les appels de l’OAS, qui préfèrent appeler « nos frères musulmans » à participer à sa lutte dans ses appels du 26 et du 29 mai [57]. Pourtant, la poursuite des bombardements des quartiers musulmans par l’OAS jusqu’en juin 1962 n’est pas douteuse.

Ainsi, la lecture des appels de l’OAS donne la double impression contradictoire d’un attachement sincère à l’idéal d’une Algérie franco-musulmane, mais aussi d’un affrontement de plus en plus systématique avec le FLN, dont les habitants des quartiers musulmans ne pouvaient que souffrir de plus en plus.

Les enseignements du livre de Claude Micheletti

J’ai enfin pu me procurer le livre de Claude Micheletti (décédé en 2005), qui fut avec son père Charles Micheletti l’un des principaux dirigeants de l’OAS d’Oran. Ce livre publié en 2002 et 2003 chez des éditeurs presque confidentiels aurait mérité d’être mieux connu [58]. Fondé sur une très riche documentation abondamment citée, il constitue une réponse indispensable à la version du général Katz, qu’il s’attache à démentir. Mais le plus frappant dans ce livre est sa volonté de réfuter l’idée suivant laquelle l’OAS aurait délibérément mis en œuvre une stratégie de la provocation, idée que j’ai moi-même adoptée pour les raisons qui viennent d’être exposées. En deux pages énergiques (pp 117-118), il dément catégoriquement cette interprétation, en la présentant comme une fiction malveillante :

« Contrairement à ce qui est proclamé avec une indignation affectée et fera ensuite l’objet d’une unanimité fort justement suspecte, l’OAS Z.III n’a jamais imaginé mettre en œuvre le mauvais scénario qui lui est odieusement prêté de faire réagir violemment les musulmans pour pousser l’armée à s’interposer et prendre parti. Tout dément cette hypothèse mise en avant pour continuer à nous disqualifier ». Pourtant, je crois avoir démontré que ce plan avait bien été conçu et pratiqué par au moins une partie non négligeable de l’OAS d’Alger.

Mais Claude Micheletti justifie son refus d’une telle stratégie par la volonté de faire renaître la fraternisation de mai 1958 : « La fraternisation demeure, avec l’indispensable révolution sociale, la condition première d’une victoire durable. Nous le savons mieux que quiconque et demeurons les seuls à le réaffirmer sans cesse avec force et conviction ». Le fait que Charles Micheletti était, avant son engagement dans l’OAS, le président du patronat chrétien d’Oranie [59], doit nous inciter à prendre au sérieux cette affirmation. Mais, continue son fils Claude, « Encore faut-il d’abord remporter la bataille ».

Et il continue ainsi : « La lecture des documents produits ici pour la première fois prouve que notre combat est uniquement dirigé contre le FLN, pour l’aspect offensif, et contre tous ceux qui souhaitent nous détruire pour le défensif. Le plan Tonnerre est établi dans la seule optique d’une prise de pouvoir dirigée à l’encontre de prétendues autorités que nous ne reconnaissons plus comme telles. L’Etat, par les décisions illégales de son chef, s’est mis hors-la-loi et s’expose à l’obligation de désobéissance qu’il connaît si bien. Si le plan n’écarte pas le recours à la violence, il est opportun de souligner l’esprit qui l’anime, manifestant clairement le souci d’éviter les heurts sanglants et n’envisageant le recours à la force des armes qu’en dernier ressort » [60]. Le plan « Soleil » puis « Tonnerre » dont il est question ici, et qui est reproduit intégralement en annexe du livre [61], est un plan de prise du pouvoir à Oran élaboré en août 1961 et qui fut très favorablement accueilli par la direction de l’OAS d’Alger. Il fut suivi plus tard par des « suggestions » tendant à définir précisément une stratégie visant à atteindre méthodiquement l’objectif final [62], mais ce plan d’ensemble ne fut jamais élaboré par la direction centrale de l’OAS.

Puis l’auteur en revient à la réfutation énergique du plan que ses adversaires lui attribuent faussement : « Le stratagème, que nos adversaires tentent de nous attribuer, est par ailleurs inconcevable car notre connaissance des forces terroristes exclut une tentative d’affrontement direct émanant d’elles, dont l’issue ne pourrait que leur être fatale à Oran. (...) Non ! Jamais la moindre allusion ou instruction concernant une pareille tactique démentielle ne nous est parvenue d’Alger ou d’ailleurs. Cette idée a été agitée par d’autres, dans de bien noirs desseins, profitant de l’équivoque inévitable qui s’attache à toute action clandestine. Il est tristement vrai (...) qu’ « avec le temps, n’importe quelle imposture prend force de vérité ». (...) Par contre (...) cette supposée stratégie dont on nous accuse à tort est en tous points celle choisie et mise en application par nos ennemis. Non seulement ils s’acharnent volontairement, et depuis sept ans, à exacerber cette haine qui répugne à la majorité des deux populations, mais encore ils oeuvrent avec la complicité de certains éléments de notre armée (...) à instaurer une affreuse guerre civile que nous nous appliquons à éviter de plus en plus difficilement. Les provocations se multiplient journellement à ces fins (...) [63] ». Elles sont donc subies et non voulues, mais peuvent elles rester sans répliques ?

Or quelques pages plus haut, Claude Micheletti a fourni de précieuses indications sur des actions offensives menées par l’OAS contre le FLN dans les quartiers que celui-ci contrôle : « A plusieurs reprises, les commandos de François, renforcés de quelques éléments contrôlés habituellement par Ali, vont, de nuit, semer une saine terreur au cœur de la Ville Nouvelle et autres secteurs réputés inaccessibles. Les « plastics » explosent sans discontinuer pendant deux bonnes heures », et ces attaques nocturnes paraissent inexplicables. « De mythiques commandos musulmans sont évoqués, comme est également soupçonné l’ennemi héréditaire, le MNA (...). Si des musulmans luttent effectivement à nos côtés, ils ne sont malheureusement pas suffisamment nombreux pour former un groupe autonome. La solution de l’énigme se trouve être tout simplement dans la possession du plan des égouts de la ville, le courage surtout de nos hommes et leur relative insensibilité aux mauvaises odeurs... [64] ». Des rapports de police confirment l’effet psychologique de ces opérations et indiquent la date des principales, qui ont eu lieu le 14 février 1962. Opérations qui ont, comme on l’a vu plus haut, été abondamment exploitées par l’action psychologique de l’OAS Zone III.

Deux semaines plus tard (28 février 1962), « la décision est prise de frapper un autre grand coup contre la subversion en plaçant une bombe de forte puissance, en plein jour, devant le pseudo-« tribunal juridique », accessoirement dépôt d’armes, situé dans l’ancienne Medersa, boulevard Joseph Andrieux, en Ville Nouvelle. Les hommes du FLN s’agglutinent en nombre autour de ce haut lieu de la rébellion, palabrant interminablement toute la journée, y fomentant leurs prochains exploits meurtriers, assurés de l’impunité et protégés de l’extérieur par les nouveaux alliés, les vigilants gardes rouges. Nos observateurs ont précisé que les femmes et les enfants ne sont pas admis dans ces assembles masculines ». Une machine infernale commandée par un « crayon chimique » est installée dans une 403 Peugeot, conduite par un volontaire français musulman pour franchir les deux barrages, celui des gardes rouges et celui du FLN. Celui-ci en revient couvert de sueur après avoir livré sa charge, qui explose une heure et demie plus tard. « Le bilan s’avère très lourd et le nombre des morts recensés à l’Hôpital civil dépasse à lui seul les soixante-quinze victimes, tous des hommes jeunes à l’exception de deux femmes et d’un jeune garçon » [65]. Mais le général Jouhaud accueille cet exploit « de fort méchante humeur », et les émissions de propagande de l’OAS n’en diront pas un mot, contrairement aux explosions du 14 février.

Puis, après la longue réfutation citée plus haut de la volonté provocatrice attribuée à l’OAS, un récit détaillé nous expose le ralliement d’un officier instructeur du 11ème choc, connu sous le pseudonyme de Ralph, qui forme un commando chargé de fabriquer et de mettre en œuvre des mortiers artisanaux d’une grande précision. « A l’exception du coup de force en attente où les moyens seront différents, l’accès direct aux repaires FLN, que nous souhaitons détruire, nous est maintenant interdit ». C’est pourquoi ce commando sera chargé de pilonner des objectifs soigneusement repérés : « Le pilonnage s’exerce ainsi régulièrement sur des objectifs prioritaires, à la stupeur des fellagha et la fureur de leurs complices, les gardes mobiles interposés mais impuissants. Compte tenu des ignobles comportements envers la population civile européenne, les attaques viseront plus tard les cantonnements de ces unités situés en secteur musulman, comme ceux des ATO (Auxiliaires temporaires occasionnels) à la disposition du FLN [66] ».

L’auteur continue alors par un paragraphe qui évoque la conclusion citée plus haut de l’émission du 14 mai 1962 : « Il est hors de doute que l’utilisation de ces armes de guerre ne permet pas toujours d’épargner une population intimement mêlée à ceux qui leur sont imposés comme chefs reconnus par nos propres gouvernants. Il n’y a pas de guerre propre, il n’existe que des guerres gagnées ou perdues, et dans ce cas, « Vae victis », malheur aux vaincus. L’aviation, chère au général Jouhaud, n’a pas renoncé par souci d’humanisme aux attaques aériennes massives sur les villes allemandes, italiennes, et bien entendu françaises, pendant le dernier conflit mondial. Des millions de tonnes de bombes ont été déversées sur leurs habitants civils pour atteindre des buts considérés comme importants. (...). La défaite eût transformé ces faits d’armes considérés comme glorieux ou pour le moins valeureux en massacres impardonnables. Pour aussi regrettables que puissent être les inévitables bavures de ces opérations OAS limitées, il est avéré que le nombre des victimes innocentes en est infime » [67]. Conclusion qui paraît très difficile à croire, puisque même aujourd’hui les drones américains utilisés contre les terroristes dans les zones tribales du Pakistan ne tuent ou ne blessent pas que des coupables [68].

Après le 19 mars, alors que le général Katz intensifie sa répression, l’OAS intensifie elle aussi ses attaques contre les « gardes rouges » et contre le FLN : « Les repaires FLN sont également soumis aux pilonnages intensifs de nos mortiers qui opèrent le plus souvent de façon bi-journalière » [69]. Au début avril, au moment où l’OAS d’Alger vient de commettre un attentat particulièrement sanglant contre les dockers du port, l’OAS d’Oran continue à ordonner aux employeurs de « maintenir une embauche sans discrimination » : « En réalité ces pauvres gens, qui ne sont pas, malgré nos efforts, à l’abri de quelques fanatiques irresponsables, désobéissent en fait aux ordres formels du FLN, encourant de fatales répressions. Les musulmans, dans leur grande majorité, aspirent naturellement à une paix retrouvée, ne peuvent que regretter d’être parfois les victimes de nos actions visant un FLN qui se fond au milieu d’eux. Ils sont incontestablement lassés des abus et des excès d’une tyrannie exercée à leur encontre par des rebelles installés et imposés avec la complicité française » [70].

Mais depuis la fin du mois d’avril, le FLN utilise la foule musulmane pour arrêter la circulation sur certaines routes afin de capturer des otages : « Encadrés par des membres du FLN, en tenue et en armes, ce sont effectivement des hommes, femmes et enfants qui sont qui sont poussés à dresser ces barrages meurtriers sur les routes, selon une méthode éprouvée de longue date. Nos commandos interviennent donc sans possibilité ni raison d’observer un quelconque discernement, et il ne reste plus alors pour nos faciles détracteurs qu’à hurler avec les loups : « Oui, l’OAS exécute bien aveuglément femmes, enfants et civils innocents ! » [71]. Au début de mai, « la tension est alors à son comble, et tant pour la sécurité des FSE que pour celle des FSNA, nous décidons à cette époque de leur interdire pratiquement le libre accès à la ville européenne » [72]. Et après avoir reproduit un tract du FLN proposant ses services à l’armée française pour « chasser les derniers colonialistes de notre sol et détruire l’OAS », Claude Micheletti conclut avec rage : « Qui pourrait à présent nous reprocher les impitoyables représailles exercées quotidiennement sur ces scélérats ? Camions citernes d’essence piégés lancés avec une folle audace contre des objectifs surprotégés, mitraillages aux armes lourdes, tirs de mortiers et de grenades à fusil, mines plates déclenchées à distance, engins explosifs divers, embuscades, tous les moyens sont utilisés pour sanctionner les acteurs de cette abjecte association franco-FLN » [73]. Moyens qui ont été utilisés au moins jusqu’au 19 juin suivant une information du Monde, d’après laquelle ce jour-là 10 obus de mortier avaient été envoyés sur le quartier Victor Hugo, parmi lesquels 4 avaient explosé dans un dépôt d’essence Shell où était cantonné un élément d’un régiment d’infanterie, qui eut 19 blessés dont un décéda [74].

Ainsi, il me faut admettre que rien dans le récit de Claude Micheletti n’autorise à parler comme je l’ai fait de « stratégie de provocation » de la part de l’OAS d’Oran. Les citations de Guy Doly-Linaudière ne prouvent rien, puisque ce jeune officier n’était arrivé du Constantinois que le 9 mai et qu’il n’avait jamais fait partie de l’OAS à proprement parler. Si j’ai trouvé des preuves d’une telle stratégie dans mes lectures, elles ne concernent qu’une partie de l’OAS d’Alger, et ne sauraient engager celle d’Oran. Et ce d’autant moins que l’observation du cessez-le-feu d’Evian par le FLN est loin d’être un fait incontestablement établi, au moins à Oran [75]. Mais si la provocation n’est pas avérée dans ce cas, est-il possible d’admettre que l’OAS d’Oran n’ait fait que riposter aux provocations du FLN sans jamais se soucier des conséquences prévisibles ? Même en visant les repaires du FLN aussi précisément que possible, les servants des mortiers de l’OAS ne pouvaient ignorer que leurs ennemis en tireraient une volonté de venger tôt ou tard la mort de leurs camarades, et que même les civils algériens non visés en tant que tels pourraient en tirer la même conséquence. La citation de Henri Martinez invoquée par le général Jouhaud, que j’ai reproduite plus haut, suivant laquelle l’OAS aurait sauvé 1.500 vies, n’est pas convaincante parce qu’elle est à courte vue. Une fois que l’OAS aurait évacué Oran, n’était-il pas prévisible que viendrait l’heure de la vengeance contre les civils oranais, que ce fût par un complot délibéré et/ou par une réaction spontanée de la foule au premier coup de feu tiré le 5 juillet ?

Mais pourquoi donc ai-je cru pouvoir attribuer à l’OAS d’Oran une ligne de conduite qui n’était pas la sienne ? Sans doute parce qu’il est très difficile d‘admettre que des hommes aient pu s’embarquer dans une telle aventure sans avoir une stratégie qui leur permette d’espérer - si peu que ce fût - une victoire. La motivation négative (impossibilité d’accepter le reniement des promesses de mai-juin 1958 par le général de Gaulle) est facile à comprendre, mais pouvait-elle suffire à des militaires et à des militants qui prétendaient combattre au nom de la vraie France ? Olivier Dard a bien exprimé dans son livre l’insuffisance des explications par la « folie » de l’OAS : « Sont en particulier stigmatisées les « folies » de l’OAS décrite comme « une organisation qui ne respectait plus rien » et « tuait indistinctement ». Et il a répondu à cette vision péjorative par une double série de remarques : « Elle fait d’abord l’impasse sur les violences du FLN et l’attitude des forces de l’ordre dont le comportement à l’égard des Français d’Algérie a pu être une source d’exaspération pour nombre d’entre eux. Par ailleurs, si la violence de l’OAS est une évidence, saurait-elle seulement s’analyser comme un simple laisser-aller général et une folie meurtrière ? N’est-elle pas plutôt le produit d’un plan réfléchi et d’un terrorisme assumé  ? [76] » Telle est l’hypothèse que j’ai suivie, en trouvant dans mes lectures un certain nombre de faits qui allaient dans ce sens.

Mais si ces faits étaient suffisamment probants dans le cas de l’OAS d’Alger - même si, comme le remarque Olivier Dard, elle restait divisée - ils ne l’étaient pas dans celui de l’OAS d’Oran, qui a toujours attendu de la première la définition de la stratégie du mouvement ; et c’est pourquoi j’aurais dû conclure que si l’OAS Zone III avait une tactique assez efficace, elle n’avait pas de stratégie. Le livre de Claude Micheletti en fournit des preuves abondantes. A de nombreuses reprises, il exprime des jugements sévères sur le général Jouhaud et sur le général Salan, qui furent l’un et l’autre victimes de leur trop grande et naïve confiance envers les officiers français, et aussi sur les déclarations démobilisatrices qu’ils ont cru devoir faire depuis leur prison. Mais il y a plus grave. Plus d’une fois, les chefs civils de l’OAS d’Oran avaient réclamé à la direction centrale de l’Organisation la définition d’une véritable stratégie adaptée aux nécessités de la lutte jusqu’à la victoire qu’ils voulaient croire possible (« Nous sommes convaincus que la victoire est au bout » [77] ), mais sans jamais l’obtenir. A la place de ce plan, le général Salan ne donna jamais rien de plus que son instruction générale n° 29 du 23 février 1962, remarquable par ses « contradictions rédhibitoires » [78], et qu’une phrase citée plusieurs fois qui semblait attendre cette victoire d’un hasard imprévisible (« Vous verrez, les événements feront que... »). Mais le général, qui avait déployé de grands efforts pour rallier à sa cause les leaders de l’opinion métropolitaine, avait dû constater que le nouveau « Conseil national de la Résistance », formé en mars 1962 par Georges Bidault, n’avait qu’une audience infime, et les forces politiques hostiles au général de Gaulle n’ont pas voulu tenter de lui reprendre le pouvoir avant que celui-ci eut mis fin à l’Algérie française et au problème algérien. De Gaulle n’était pas le seul obstacle à renverser, la grande majorité des Français métropolitains attendait de lui la fin de la guerre d’Algérie. Ainsi l’attentisme opportuniste qui fut tant reproché au général Salan ne faisait que traduire l’amère vérité sur les chances infimes d’une victoire de l’OAS.

A cause de cette carence supposée de la direction centrale d’Alger, l’OAS d’Oran n’avait pu que mener sa lutte locale avec une tactique efficace, économe de ses forces ; mais elle ne reçut jamais l’ordre de chasser les forces gouvernementales et ennemies de la ville d’Oran et de toute l’Oranie, alors qu’elle se croyait encore capable de le faire. Je dois répondre à mon lecteur que ces affirmations sur une victoire possible, répétées de très nombreuses fois d’un bout à l’autre du livre, sont un acte de foi jamais remis en question par son auteur après 1962, mais qu’il ne résiste pas à l’examen. C’est parce que l’OAS d’Oran n’a pas gaspillé ses forces qu’elle a tenu plus longtemps que celle d’Alger, mais elle n’avait pas davantage de chances de remporter la victoire dans une double guerre civile, caractérisée par une tragique disproportion des forces en présence. Sous cet angle, la comparaison qu’a faite le général Katz avec les journées parisiennes de juin 1848 et avec la guerre civile de 1871 à Paris entre les Communards et les Versaillais n’est pas dépourvue d’intérêt [79].

Guy Pervillé

[1] Oran, 5 juillet 1962, leçon d’histoire sur un massacre, Paris, Vendémiaire, 2014, p 11. C’est moi qui mets en italiques.

[2] Joseph Katz, L’honneur d’un général, Oran 1962, Paris, L’Harmattan, 1993, p 83. C’est moi qui mets en italiques.

[3] Guy Doly-Linaudière, L’imposture algérienne, les lettres secrètes d’un sous-lieutenant de 1960 à 1962, Paris, Filipacchi, 1992, pp 223-224. C’est moi qui mets en italiques.

[4] Ibid., p 234.

[5] OAS parle. Paris, Julliard, 1964, pp 169-176. Les italiques sont dans le texte cité.

[6] Ibid., pp 264-265.

[7] Jean Ferrandi, 600 iours avec Salan et l’OAS, Paris, Fayard, 1968, pp 265, 270, 271, 273.

[8] Douze ans plus tard, le livre de Michelin Susini, De soleil et de larmes, Paris, Robert Laffont, 1982 (p. 191), apporta son témoignage, confirmant le ralliement de Susini et de son ami le lieutenant Roger Degueldre à la nécessité d’imposer une séparation entre les quartiers européens et musulmans : « Roger n’envisage qu’une solution : interdire l’accès des quartiers européens aux musulmans non munis d’une justificatif de travail. (...) Degueldre constate qu’il faudra en arriver malheureusement à interdire purement et simplement les secteurs européens aux musulmans. Malgré la vigilance déployée, des terroristes s’infiltrent parmi les travailleurs ».

[9] Paul Henissart, Les combattants du crépuscule, Paris, Grasset, 1970, p 416.

[10] Yves Courrière, Les feux du désespoir, Paris, Fayard, 1971, pp 583-584 et 586.

[11] Ibid., p 585. Les capitales sont de l’auteur du texte cité.

[12] Ibid., pp 622-623.

[13] Claude Mouton, La Contrerévolution en Algérie, « le combat de Robert Martel et de ses amis », Chiré en Montreuil (86 Vouillé), 1973, p 570.

[14] Colonel Château-Jobert, Feux et lumières sur ma trace, Paris, Presses de la Cité, 1978, p 288.

[15] Ibid., pp 288-289.

[16] « Ce garçon intelligent qui hésitait entre le marxisme et le nazisme dans son choix du tremplin qui lui offrirait le plus de chances d’une brillante carrière politique », Mouton, op.cit., p 292.

[17] Château-Jobert, op. cit., p 296.

[18] Edmond Jouhaud, Ce que je n’ai pas dit, Paris, Fayard, 1977, pp 231-232.

[19] Ibid., p 243.

[20] Ibid., pp 245-249.

[21] Edmond Jouhaud, Serons-nous enfin compris ?, Paris, Albin Michel, 1983, p 135.

[22] Ibid., pp 139-140.

[23] Ibid., p 220.

[24] Rémi Kauffer, OAS, histoire d’une organisation secrète, Paris, Fayard, 1986, pp 256-257.

[25] Ibid., pp 265-266.

[26] Ibid., p 267.

[27] Georges Fleury, Histoire secrète de l’OAS, Paris, Grasset et Fasquelle, 2002, p 569.

[28] Olivier Dard, Voyage au cœur de l’OAS, Paris, Perrin, 2005, et collection Tempus, 2011. Je citerai cette dernière édition.

[29] Dard, op. cit., p. 219.

[30] Ibid.

[31] Ibid., pp 219-220. Souligné dans le texte.

[32] Ibid., p 232.

[33] Ibid., p. 233.

[34] Ibid.

[35] Ibid. pp 271-272. Dégroupés « blind » signifie abattus en aveugle (cf Dard citant Perez pour le premier mot p 142).

[36] Ibid. pp 273-274.

[37] Ibid. p 277.

[38] Ibid. p 279.

[39] Ibid. p 280.

[40] Ibid. pp 283-284.

[41] Ibid. p 288.

[42] En prévision des manifestations FLN du 1er novembre 1961 à Alger, le général Gardy avait préconisé que « l’ensemble de la population européenne » reste chez elle et se cantonne à « une attitude strictement défensive ». Au cas où le service d’ordre officiel n’aurait pas suffisamment réagi à des « manifestations massives » du FLN, « des éléments OAS bien composés et encadrés devraient provoquer adroitement les incidents nécessaires et suffisants pour rendre inévitable l’intervention des ‘forces de l’ordre‘ ». Mais il fallait éviter à tout prix « des chocs et incidents sanglants entre les manifestants musulmans et la population européenne » et « le déclenchement par réaction de manifestations européennes pouvant devenir plus ou moins générales, donnant prétexte à une répression par les ‘forces de l’ordre‘ ». Dard op. cit. pp. 151-152.

[43] Référence T/568.

[44] T/569.

[45] Voir le deux « Avis à la population de Mers-el Kébir, du 1er mars 1962.

[46] T/579.

[47] T/577. Voir aussi par la suite T/580 (8 mars), t/582 bis(10 mars).

[48] T/580 (8 mars).

[49] T/585.

[50] T/586.

[51] T/592.

[52] T/594.

[53] T/592, T/593, T 594 bis, T/597, T/600, T/617, T/618, T/620, T/622, T/623, T/625, T/627.

[54] T/609.

[55] T/601.

[56] T/637.

[57] T/649 et T/650.

[58] Claude Micheletti, Fors l’honneur.La guérilla OAS à Oran en 1961/1962. Editions Curutchet, 2002,etJean-Louis Pons, 2003. Je cite cette dernière édition.

[59] Ibid., p 209.

[60] Ibid., p 117-118.

[61] Cité p. 43 et reproduit pp 307-315.

[62] Texte reproduit pp 66-67.

[63] Ibid., p 118.

[64] Ibid., pp 113-114.

[65] Ibid., pp 115-116.

[66] Ibid., pp 119-120.

[67] Ibid., p120.

[68] Voir le graphique reproduit dans Courrier international n° 1200 du 31 octobre au 6 novembre 2013, p 8.

[69] Micheletti, op. cit., p 200.

[70] Ibid., p 212.

[71] Ibid., p 226.

[72] Ibid., p 232.

[73] Ibid., pp 232-233.

[74] Le Monde, 21 juin 1962.

[75] Et même ailleurs, selon Olivier Dard (op. cit., p 255) : « Si le 19 mars lui-même ne marque pas un tournant, très vite il apparaît que, sur le terrain, les accords d’Evian ne signifient pas la paix. Les copies des BRQ adressé au général Ailleret, à Pierre Messmer et à Louis Joxe durant les premiers jours suivant les accords égrènent une litanie de violences. Elles émanent du FLN qui continue de s’en prendre aux forces de l’ordre mais surtout aux Français de souche européenne (c’est le début des enlèvements) et à des musulmans (règlements de comptes avec le MNA) », et pas seulement de l’OAS.

[76] Dard, op. cit., p 252.

[77] Conclusion du projet déjà cité, reproduit par Claude Micheletti, op. cit., pp 66-67.

[78] Ibid., p 164.

[79] Katz, op. cit., pp 23-24.



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