A propos d’un nouveau livre sur le 17 octobre 1961 (2017)

lundi 20 novembre 2017.
 

A propos du livre de Marie-Odile Terrenoire : Voyage intime au milieu de mémoires à vif. Le 17 octobre 1961 . Paris, Editions Recherches, 2017, 121 p.

Un récent article de Gilles Manceron, vice-président de la Ligue des droits de l’Homme et militant pour la mémoire du 17 octobre 1961, publié sur son blog de Médiapart le 16 octobre 2017 [1], a retenu mon attention en mentionnant un nouveau livre que venait de publier sur ce sujet Marie-Odile Terrenoire, la fille de l’ancien ministre de l’information du général de Gaulle, Louis Terrenoire. Intrigué par ce qu’il en disait, je me suis procuré ce livre, qui mérite assurément d’être lu, car il déjoue tous les pronostics.

On pouvait en effet se demander a priori comment celle qui se définit depuis sa jeunesse comme une militante d’extrême gauche, tout en restant fidèle à la mémoire de son père vénéré, allait pouvoir faire face à ce qui semblait être une obligation impossible : condamner la sanglante répression exercée par la police française contre les manifestants algériens du 17 octobre 1961 à Paris, sans condamner aussi la justification de cette répression par son père au nom du gouvernement. Or elle a réussi à le faire en adoptant la seule méthode convenable, celle de l’histoire. Sans que pour autant son livre n’appelle aucune critique.

Une approche personnelle très originale

Le point de départ de ce livre est un courriel reçu le 12 octobre 2011 de l’anthrolopogue et militant d’extrême gauche Emmanuel Terray, intitulé « Cinquantenaire d’un crime d’Etat » : « Qu’il s’agisse d’un crime d’Etat, personne ne peut plus en douter. Le préfet de police Papon a organisé le massacre de concert avec le ministre de l’intérieur de l’époque, Roger Frey, et leur action n’a jamais été désapprouvée ni par le Premier ministre, ni par le président de la République, le général de Gaulle. Il ne s’agit donc pas d’une bavure ou d’un dérapage, mais d’une décision politique délibérée et assumée par les plus hauts sommets de l’Etat » (p. 9).

Or cette accusation qui semblait mettre en cause, également, le ministre Louis Terrenoire, a poussé sa fille à entreprendre une longue enquête fondée sur la confrontation entre les principaux travaux d’historiens d’une part, et les indications qu’elle a extraites des notes prises par celui-ci en conseil des ministres (de février 1960 à avril 1962) et développées ensuite dans son journal intime. Elle assume crânement d’avoir suivi une hypothèse à contre courant : « ce drame (dont je ne mesurais pas l’étendue et l’horreur au moment où j’ai commencé ce travail) n’a pas été voulu ni décidé de manière délibérée par le chef de l’Etat ». Et elle poursuit : « Ma légitimité pour écrire de texte tient à cette filiation dont je suis fière. Je n’ai pas honte de la partialité de mon point de vue. Elle tient aussi à mon engagement professionnel toujours impliqué dans la défense des droits de l’Homme, de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, et à mes amitiés constantes à la gauche de la gauche depuis 45 ans. Je revendique aussi un regard neuf car je connaissais encore peu cette période de l’Histoire si douloureuse avant de l’étudier » (p. 13).

Cette position très originale permet à Marie-Odile Terrenoire de s’interroger sur « le bien fondé de cette exigence de justice plusieurs décennies après les crimes », et de penser, avec Paul Ricoeur, qu’il faut « dénoncer autant les abus de la mémoire qui s’expriment sous forme d’injonction émotionnelle que ceux de l’oubli, car les uns comme les autres peuvent exacerber les rancoeurs ». Elle ose poser la question de la définition juridique du crime d’Etat, qui reste très discutée en droit international « du fait du lien crucial avec les responsabilités individuelles qui demeurent la base pour les poursuites devant les juridictions internationales », et mettre en cause l’intention de ceux qui dans le cas du 17 octobre 1961 : « ceux qui emploient ce terme à propos du 17 octobre 1961 ont l’idée d’une opération criminelle commanditée au plus haut niveau de l’Etat. Est ce le cas ? Y-a-t-il eu ordre de tuer ? Telle est la question ». Et la réponse vient sans aucune ambiguïté : « Ce raccourci, ‘crime d’Etat’, a pour objectif avoué, dans une logique de camp, que j’exècre, d’introduire le doute (...) sur la volonté du général de Gaulle de parvenir à la décolonisation et de conclure la paix avec le FLN. Les mots sont porteurs de sens cachés. Il y a une arrière-pensée idéologique » (pp. 14-15).

En se posant de nombreuses questions à travers cette longue enquête, Marie-Odile Terrenoire a peu à peu changé sa manière de voir : « J’avance dans ce travail avec quelques hypothèses imprégnées de doutes. J’avoue aujourd’hui éprouver une forme d’indulgence vis à vis de nos gouvernants là où autrefois je n’aurais éprouvé qu’indignation. Ni accuser sans rétablir le contexte de la guerre civile et des trahisons qui se sont produites à tous les niveaux, notamment dans l’armée et la police. Ni excuser en invoquant ce contexte. Je comprends mieux les difficultés de gouverner et l’état d’esprit des gouvernants face à de si grandes responsabilités » (p.18). A la question : « Le massacre du 17 octobre 1961 a-t-il été décidé à la tête de l’Etat ? », elle répond en citant la célèbre formule de Georgina Dufoix : « responsable mais pas coupable ». Elle répète que « c’est dur de gouverner. Ce travail m’a également fait comprendre que l’on ne gouverne pas avec des bons sentiments », comme le montrent les propos du général de Gaulle en conseil des ministres. Et elle conclut son introduction en exprimant sa sympathie aux Algériens devenus français : « Je comprends que le 17 octobre 1961 soit le symbole du drame de leur communauté en France pour les enfants et petits enfants des ouvriers algériens qui se sont fait arrêter, tabasser, mutiler, tuer, ou tout simplement humilier par la police pendant cette dernière période de la fin de la guerre d’Algérie. Cela représente pour eux une manière de rester fidèles à la mémoire de la lutte de leurs parents pour l’indépendance. Mais la manière dont le souvenir de ce massacre est perpétué par la vieille garde des militants anticolonialistes porte vraiment à confusion » (p. 20).

Une enquête de type historique

Marie-Odile Terrenoire présente méthodiquement l’itinéraire qu’elle a suivi, en partant de son « cheminement » familial et personnel, pour présenter ensuite « les sources » de son étude du 17 octobre 1961, avant d’exposer « l’horreur » des faits, puis de rendre compte des « mots du Conseil » (des ministres), et enfin de conclure qu’il faut « tourner la page ».

La première partie, qui pourrait sembler à première vue très anecdotique, est en réalité indispensable pour permettre au lecteur de bien comprendre la position si originale de l’auteur, résultat d’une longue évolution : « Mon opinion a évolué par rapport à ma réaction première, mais je constate avec une infinie tristesse que cet enième épisode sanglant de la guerre d’Algérie sous la responsabilité de Papon condamné en 1998 pour complicité de crime contre l’humanité contribue à entretenir ce bain nauséabond où s’écrasent et se confondent dans la mémoire les horreurs de la Deuxième guerre mondiale et celles de la guerre d’Algérie. (...) Les hontes d’hier servent de substrat à la guerre idéologique qui, loin de calmer le jeu, attise les passions et la haine » (pp. 40-41). Son enquête aboutit enfin à l’étude des notes prises par Louis Terrenoire au Conseil des ministres et conservées aux Archives nationales.

La deuxième partie distingue donc deux types de sources : les principaux ouvrages d’historiens, et les notes prises au Conseil des ministres par Louis Terrenoire. Les documents et enquêtes des historiens consultés par l’auteur sont résumés en en indiquant les points essentiels. Elle commence par le livre de Jean-Luc Einaudi, paru en 1991 [2], dont elle ne met pas en doute le souci de vérité, puis elle examine également celui de l’historien professionnel Jean-Paul Brunet, remarquable par la « très grande prudence méthodologique » de son enquête publiée en 1999 [3]. Bien que consciente de leurs désaccords, elle refuse de prendre parti pour ou contre l’un des deux : « Jean-Paul Brunet se situe dès les premières pages de son ouvrage sur le terrain d’un différend scientifique par rapport au livre de Jean-Luc Einaudi. Il salue le fait qu’Einaudi a mené la première enquête systématique sur le sujet (...), mais il estime qu’il y a eu une surenchère au niveau de l’évaluation du nombre de morts et essaie de le prouver. L’affrontement qui s’ensuivit entre les deux chercheurs fut véhément et stérile. Chacun prit la peine de revenir par des publications postérieures sur ce qui les a divisés, alors que les horreurs qu’ils ont tous les deux dénoncées se rejoignaient peu ou prou » (p. 49).

Elle se réfère ensuite au livre des historiens britanniques Jim House et Neil Mac Master publié en anglais en 2006 et en français en 2008 [4], qui se présentait comme une synthèse entre les positions extrêmes des deux auteurs précédents. Mais elle désavoue leur conclusion qui met en cause la responsabilité des plus hautes instances de l’Etat : « le massacre doit être considéré non comme un événement isolé, comme une perte de contrôle sanglante et momentanée de la part de la police emportée par le feu de l’action, mais plutôt comme l’apogée d’une longue phase de répression brutale, organisée aux plus hauts niveaux de l’Etat français » (p. 51). En effet, elle conclut : « Pourtant, après avoir lu avec beaucoup d’attention les 538 pages de leur livre, je pense qu’ils n’apportent pas la preuve de ce qu’ils avancent. Autant Mac Master, qui a rédigé cette première partie du livre, est précis sur les exactions pour lesquelles il développe un corpus de notes important, autant il ne l’est pas sur ce qu’il suppose être des ordres. Ce sont des ordres tellement dissimulés que l’on ne retrouve pas la trace de ces ordres ». Et un peu plus loin : « Cette attitude soupçonneuse présente le pouvoir politique comme ‘un et indivisible’, alors qu’il était divisé, tout comme l’ensemble du pays et les grands corps de l’Etat, la police et l’armée. Tout en constatant (...) que de Gaulle, ‘souhaitant récupérer les pouvoirs de police que l’armée s’était octroyée en Algérie, ne s’intéressait que de très loin à la militarisation par Papon de la police parisienne’, Mac Master développe la vision d’un pouvoir gérant tout à distance et en secret pour commettre ‘des meurtres illégaux’ afin d’asseoir sa puissance » (p.52).

Au contraire, l’auteur invoque « un document sans fard » : les notes prises par son père durant les Conseils des ministres : « Ces notes prises sur le vif par mon père ne corroborent pas l’hypothèse de Jim House et de Neil Mac Master. J’y reviendrai en rapportant les mots mêmes de ces échanges. Il y a contresens sur tout ce qui motivait le chef de l’Etat dont tous les propos que mon père a recueillis traduisaient l’impatience de conclure la décolonisation et d’arriver à la paix » (p. 53).

La partie suivante analyse beaucoup plus en détail « l’horreur » de la répression, en étudiant successivement « délit de faciès et racket », « un gouvernement divisé », « Maurice Papon », « répression et engrenage de la violence », « le couvre-feu », « les manifestations », les camps d’internement », et enfin « le nombre de morts », en combinant les apports des différentes sources qu’elle utilise.

Marie-Odile Terrenoire signale notamment, d’après Einaudi, le rôle décisif dans l’organisation locale de la Fédération de France du FLN de Mohammedi Mohand Sadek, un ‘activiste’, ‘chaud partisan des actions armées’, sans scrupules envers ceux qu’il considère comme des traîtres, et vis à vis des policiers contre lesquels il multiplie les attentats : « L’Algérie est incendiée. Pourquoi ne brûlerais-je pas la France ? » (Einaudi, op. cit., p. 70).

Elle insiste également sur les divisions à l’intérieur du gouvernement, en confirmant l’analyse de Jean-Luc Einaudi, qui opposait à la ligne intransigeante envers le FLN du Premier ministre Michel Debré celle beaucoup plus ouverte d’Edmond Michelet, ministre de la justice jusqu’au 23 août 1961. Opposition que confirmait Louis Terrenoire, ami d’Edmond Michelet, dans ses notes, dans son journal et dans ses livres : « Michel Debré, me dit-il, a eu ma peau ! Le motif de désaveu, c’est l’opposition fondamentale des deux hommes sur tous les problèmes en cause, de même que leurs natures dissemblables. Le Premier est un jacobin de droite, un moine ligueur passé au service de l’Etat. Il ne pardonne pas à Edmond son libéralisme chrétien et quelques unes de ses amitiés de gauche ». Debré voulut exclure également Louis Terrenoire, mais le général de Gaulle lui imposa de le garder comme porte-parole du gouvernement.

Elle présente un portrait du préfet de police de Paris Maurice Papon, en suivant Jean-Luc Einaudi et surtout Neil Mac Master, qui le présente comme un opportuniste, « toujours prêt à se situer du coté des vainqueurs », et qui au moment du putsch du 22 avril 1961 aurait attendu quatre jours pour réagir. Puis elle analyse plus en détail les méthodes de la répression et l’engrenage de la violence en combinant systématiquement les données rapportées par Einaudi, Brunet et Mac Master, sans oublier la reprise des attentats du FLN contre les « harkis » et les policiers (22 tués en septembre et octobre 1961, plusieurs dizaines de blessés), qui créa une véritable psychose chez ces derniers : même s’il existait parmi eux des gradés et des syndicalistes qui essayaient de les retenir, nombreux étaient ceux qui « ne parvenaient plus à faire la distinction entre FLN et population nord-africaine » (Brunet p. 85, Einaudi p. 80). Mais Maurice Papon encourageait les policiers à se venger.

Après plus d’un mois d’escalade, le 5 octobre 1961, un conseil interministériel réunit autour de Michel Debré le ministre de l’intérieur, Roger Frey, le garde des sceaux Bernard Chenot, le ministre des Armées Pierre Messmer, le ministre des Affaires algériennes Louis Joxe, ainsi que Maurice Papon et le directeur de la police nationale. Il en résulta le communiqué suivant : « En vue de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes algériens, des mesures nouvelles viennent d’être décidées par la préfecture de police. En vue d’en faciliter l’exécution, il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs musulmans algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20 h 30 à 5 h 30 du matin » (Einaudi, p. 100). Couvre-feu qui, selon Roger Frey parlant au Conseil du 12 octobre, aurait été « apprécié des travailleurs nord-africains qui peuvent ainsi échapper aux convocations du FLN », et aurait provoqué une « régression du terrorisme », mais qui fut vécu comme une mesure vexatoire car discriminatoire.

Puis Marie-Odile Terrenoire évoque les manifestations et leur répression, en indiquant que le GPRA avait ordonné une manifestation pacifique, et que la police ne fut informée que le matin même. C’est alors que, selon Einaudi, les services du Premier ministre lui donnèrent carte blanche pour interdire toute tentative de manifestation, avec des moyens très limités (1.658 hommes en tout selon Jean-Paul Brunet). Dès que les colonnes de manifestants approchèrent ou entrèrent dans Paris, elles se heurtèrent à une terrible répression, redoublée par la rumeur suivant laquelle certains policiers auraient été tués. Roger Frey évoqua le soir même à l’Assemblée nationale des coups de feu qui auraient été tirés contre la police. Lors du conseil des ministres du 18, Louis Terrenoire nota les arguments du ministre et les répéta lors du point de presse qui suivit : « Le FLN a été touché par les mesures limitant la circulation nocturne, qui ont mis du même coup à l’abri de nombreux travailleurs nord-africains qui ne demandent qu’à rester paisiblement chez eux et qui ont pu ainsi échapper aux convocations et au racket (...). Sous des menaces sanglantes, les dirigeants du FLN ont obtenu que 30.000 Nord-Africains obéissent aux ordres de manifester mardi. On a eu l’impression que les pauvres bougres ne demandaient pas mieux que d’être emmenés au poste de police. Jamais la police n’a arrêté autant de monde en région parisienne. Le nombre d’arrestations atteint en effet 11.500 personnes » (p. 74) [5].

Après cette nuit de violence déchaînée, qui était pour 99 % des policiers parisiens « la consécration d’un rêve : se trouver face à face avec ceux qui, depuis de longs mois, tiraient dans leur dos », la plupart des manifestants arrêtés furent libérés dès le lendemain, mais la violence continua sur ceux qui restèrent internés au centre d’identification de Vincennes, et la presse d’abord en majorité hostile aux manifestants commença à dénoncer la violence de la répression le 19 octobre. Au conseil des ministres du 26 octobre, Roger Frey s’engagea à prendre des sanctions si les faits allégués étaient prouvés, mais aucune sanction ne fut prise. Il augmenta légèrement le bilan de la répression (6 morts au lieu des 2 allégués une semaine plus tôt), et fit état de 10.094 personnes relâchées. Le général de Gaulle dit des manifestants qu’il n’est pas possible « qu’ils soient maîtres de la rue, que c’était inévitable qu’il y ait des règlements de comptes », et ajouta même : « J’ai suspendu les exécutions (capitales) depuis que nous avons commencé les négociations avec le FLN. Mais si elles n’aboutissent pas à la fin des attentats, les exécutions seront reprises ». Louis Terrenoire rapporta dans son journal : « Il est question d’exactions policières, l’état d’esprit des gardiens de la paix de Paris s’inspire, en ce moment, d’une volonté de venger leurs morts tombés sous les balles des tueurs FLN plutôt que du strict maintien de l’ordre ». Deux ministres, Pierre Sudreau et Robert Buron, s’inquiétèrent de la brutalité de la répression signalée par des journaux de bords opposés, mais le Général leur répondit que cette concordance était moins due aux faits qu’à leur volonté commune de le viser, lui : « Ils n’ont en réalité, croyez moi, qu’une seule cible » (p. 79). Pourtant, de nombreux témoignages avaient été adressés à des membres du gouvernement et même à Madame De Gaulle.

Marie-Odile Terrenoire ne rapporte donc aucun désaveu de la violence de la répression par le général de Gaulle, bien que quelques témoignages en aient fait état. Le directeur de cabinet du ministre Louis Joxe se souvient que la manifestation avait été perçue comme « déloyale » de la part du FLN alors qu’on se préparait à la reprise des négociations [6]. Et selon les Mémoires de Bernard Tricot [7], le général de Gaulle a exprimé son « extrême mécontentement de ce qui s’est passé », mais seulement « à la fin de la seconde journée ».

Pour finir ce chapitre, Marie-Odile Terrenoire renonce à se prononcer sur le bilan des morts tués par la police, entre les 30 au minimum retenus par Jean-Paul Brunet et les 300 invoqués par Jean-Luc Einaudi. Elle cite l’estimation proposée par Neil Mac Master qui porte le nombre d’assassinats par la police à plus de 120 Algériens pour l’ensemble des deux mois (op. cit. p. 120), et constate qu’elle semble confirmée par Constantin Melnik [8], ancien conseiller technique de Michel Debré pour les questions de sécurité et de renseignement : « Cent ? Trois cents ou quatre cents, affirme la mythologie qui, le plus souvent en les amplifiant, aime à s’emparer des catastrophes et violences du passé. (...) L’horreur de cet événement-là, (...) c’est que personne, je puis en témoigner, n’a au niveau des responsables politiques ou policiers, cherché à durcir la répression. Les interpellations, les contrôles, les exactions se sont produites tout naturellement. A la limite, il aurait été possible (...) d’enquêter, de sanctionner, de condamner. Aucune volonté humaine n’aurait pu - là se glisse l’atroce - ni empêcher ni même endiguer » (p. 84).

Le chapitre suivant élargit le sujet de l’étude à l’ensemble des propos du Général sur la solution du problème algérien rapportés par Louis Terrenoire dans ses livres, ses notes et son journal. Dès 1955, il l’avait entendu lui dire (comme à Edmond Michelet un peu plus tôt) que la décolonisation était « un phénomène mondial irréversible : nous sommes en présence d’un mouvement général dans le monde, d’une vague qui emporte tous els peuples vers l’émancipation. Il n’y a que les imbéciles qui ne veulent pas le voir » [9]. Il cite de très nombreux propos du Président de la République allant dans le même sens. Après les événements du 17 octobre 1961, à la sortie du conseil des ministres du 18, le Général commente devant lui la manifestation de la veille : « C’est la preuve que j’ai raison, lorsque je parle de désengagement. Les neuf millions d’Algériens musulmans, qui seront vingt millions dans quelques années, n’acceptent plus de vivre dans les mêmes conditions qu’avant, avec le million d’imbéciles que sont les Européens d’Algérie ». Et le 26 octobre, lors du conseil des ministres suivants, il réaffirme que « l’indépendance doit sortir des urnes », et que « l’autodétermination est une formalité », mais qu’elle est essentielle : « Les réalités et les intérêts nous poussent à permettre la naissance d’un Etat algérien, mais cet Etat doit sortir des urnes ; donc d’un scrutin d’autodétermination. Et il vaut mieux qu’il ait lieu après qu’un accord aura été conclu sur l’ensemble des questions, notamment les garanties aux européens ». Il formule même devant les ministres les deux questions qui devront être posées aux électeurs algériens : - 1 - Voulez-vous un Etat indépendant ? - 2 - Voulez-vous que cet Etat coopère avec la France ? (p. 88).

La suite de ce chapitre oppose nettement l’attitude du Général envers « l’interlocuteur » (le FLN) et « l’ennemi » (l’OAS). Il s’impatiente de l’intransigeance du premier le 15 juin 1961, mais sans contester sa légitimité : « Nous avons devant nous des gens qui ont l’adhésion de la grande masse musulmane. Mais ils n’ont pas compris les buts et les intérêts de la France. Nous avons autre chose à faire qu’à engouffrer nos ressources dans cette boîte à chagrin. Notre intérêt, c’est de se débarrasser de cette boîte à chagrin. Nous y perdons tout. C’est une très mauvaise affaire, à laquelle il faut mettre un terme » (p. 91). Et le 21 février 1962, après le Conseil des ministres dans lequel Louis Joxe a rendu compte de l’accord préliminaire des Rousses, le Général resté seul avec Michel Debré et Louis Terrenoire, leur dit : « En vérité, il est miraculeux que nous en soyons arrivés à ces accords. Car, songez-y, depuis cent trente ans, ‘ils’ n’ont cessé d’être dominés, trompés, dépouillés, humiliés. Il est miraculeux qu’ils acceptent de vivre encore avec des Européens. Je ne l’aurais jamais cru ! » (Journal). Au contraire, « pour ce qui est de l’OAS, il n’y a pas de question, on la combat par tous les moyens », puisqu’il s’agit de Français révoltés contre la volonté de l’Etat et de la nation.

A partir de la mi-décembre 1961, la gauche se mobilise plusieurs fois dans la rue contre l’OAS, malgré l’interdiction de toutes ces manifestations par le gouvernement. De Gaulle s’indigne de voir son gouvernement accusé de faiblesse envers les « fascistes ». A Roger Frey, il déclare : « Vous avez bien fait d’interdire les manifestations qui, sous prétexte de s’élever contre l’OAS, se dressent contre le gouvernement ». Mais après la sanglante répression de la manifestation du 8 février contre l’OAS, qui fait 9 morts au métro Charonne, « la prise de conscience de la férocité de la police par les membres du gouvernement se fait immédiatement ». Pendant le Conseil des ministres du 14 février, selon Louis Terrenoire, « les ministres désapprouvent Roger Frey », qui est défendu par Michel Debré, et le général de Gaulle conclut avec hauteur : « Nous en verrons bien d’autres ! ... On ne peut pas ne pas ouvrir une information, mais en faisant en sorte qu’elle n’ait pas de suite immédiate. Dans cette affaire, on a vu une fois de plus une certaine faune (sic) syndicale et chrétienne. Naturellement, la radiotélévision a tout fait pour grossir l’événement. Le résultat n’est pas bon. Nous sommes au dernier moment de l’affaire algérienne, du moins je le crois, on ne peut pas se substituer à un peuple. Or ce peuple est malade : il se plait à se déchirer, voire à se battre. En tout cas, sur ce que nous avons fait, il devra trancher le plus vite possible par les moyens démocratiques, c’est-à-dire par le suffrage » (p. 96).

Enfin, Marie-Odile Terrenoire constate que « le chef de l’Etat et le gouvernement - de Gaulle, Michel Debré, Roger Frey, Louis Joxe et Pierre Messmer surtout, mais également mon père - étaient préoccupés au sujet de la loyauté des grands corps de l’Etat » (p. 97). Elle cite Michel Debré qui le 10 mai 1961 mentionne les trois administrations où il serait souhaitable d’écarter certains cadres : la police, la magistrature et l’armée ; et qui le 31 mai parle d’un « dégagement des cadres de la police et de l’armée » (p. 98). Mais elle cite également son père qui, le 6 décembre 1961, entendant le Général se plaindre du « manque de poigne » de Roger Frey, le mettait en garde contre le « sabotage » de sa politique algérienne au sein de la police, et qui dans son journal, citant Edmond Michelet, faisait le même reproche à Michel Debré (p. 99 et note 107). Ces indications sont quelque peu contradictoires.

Au sujet de Maurice Papon, elle adopte le point de vue de Maître Gérard Boulanger qui voit en lui un nouveau Fouché, mais elle constate aussi qu’elle n’a pas trouvé une seule fois son nom dans les comptes rendus et dans le journal de son père. Elle conclut enfin : « Selon toute probabilité, Maurice Papon a soufflé sur les braises de l’esprit de vengeance qui animait les policiers, puis, une fois connues les exactions, il les a couvertes. Roger Frey a couvert Maurice Papon ; Michel Debré a couvert Roger Frey, et De Gaulle, selon son habitude, a voulu étouffer l’affaire quand il l’a sue, pensant, je suppose, qu’il n’était pas souhaitable de révéler la vérité si près du but » (p. 101).

Les limites de l’enquête

Le dernier chapitre, intituler « tourner la page » est un essai de conclusion. Après une belle citation du préfet de police Maurice Grimaud - qui succéda en 1967 à Maurice Papon avec un tout autre esprit - elle aligne des réflexions un peu décousues. D’abord sur la difficulté à juger les décisions des gouvernants : « A la lecture du journal de mon père et des notes prises au Conseil des ministres, je réalise bien concrètement que gouverner, c’est faire des choix à long terme, c’est souvent, pour contourner les clivages, s’appuyer sur ceux qui vous ont élu pour faire le contraire de ce pour quoi vous avez été élu ». Mais quelque lignes plus loin, le paragraphe se termine d’une manière étonnante : « Gouverner, c’est aussi accepter les trahisons. Elles existaient au sein même du gouvernement et ne se sont pas traduites par des limogeages, sauf quand elles ont été exprimées publiquement, comme dans le cas de Jacques Soustelle ». Pourtant, si un ministre du gouvernement Debré est resté obstinément fidèle à ses idées bien connues, ce fut bien Jacques Soustelle qui fut démissionné le 5 février 1960 quand il les vit trahies par le Général [10]. Quant aux autres « traîtres », on aimerait savoir de qui il s’agit.

Puis, après avoir répété que « les violences n’ont pas été commandées par le pouvoir », elle reconnaît que « ces journées d’octobre représentent une honte qui pèse aujourd’hui sur le prestige du chef de l’Etat ». Mais elle refuse de lui faire porter seul la responsabilité de cette tragédie : « Alors que le GPRA souhaitait une trêve jusqu’à la fin des négociations, la Fédération de France du FLN savait ce qu’elle faisait en poussant les familles algériennes dans la rue. Voulant sensibiliser l’opinion française et internationale à l’injustice du couvre-feu qui visait uniquement les musulmans, elle savait qu’elle l’exposait à une police déchaînée pour venger ses morts. La Fédération de France du FLN a aussi une part importante de responsabilité » [11]. C’est vrai, mais les faits sont encore plus compliqués. En fait, Mohammed Harbi a révélé que la reprise des attentats visant les « harkis » et les policiers à la fin d’août 1961 avait été décidée à Paris, sans que la direction de la Fédération de France établie en Allemagne depuis 1958 en fût informée. Mais c’est elle qui décida le recours à une manifestation non violente de la population algérienne.

Ensuite, Marie-Odile Terrenoire en revient aux responsabilités du gouvernement français : « Mais le gouvernement français aurait dû prendre en compte les témoignages sur la barbarie qui a déferlé dans les rues de Paris le 17 octobre. Il aurait dû agir en apprenant les conditions inhumaines de détention dans les camps d’internement après les arrestations. Gouverner, c’est aussi supporter les révélations les contradictions et les oppositions sans les mépriser, ce que n’a pas su ou voulu faire De Gaulle en l’occurrence ».

Manifestement troublée, elle s’est adressée à plusieurs amis et relations pour solliciter leurs avis, qui offrent un éventail très varié. Parmi ceux-ci, j’approuve celui de Benjamin Stora, qui confirme que « la France ne voulait pas exterminer les Algériens. Il n’y a pas eu de décision politique de tuer des Algériens. Le massacre n’a été ni prémédité ni planifié ». Mais je n’approuve pas celui de Gilles Manceron, qui a résumé son analyse ainsi : « de Gaulle, - au moins depuis l’été 1959 - veut organiser l’indépendance de l’Algérie par une transition avec les Algériens - et il comprend vite ce que cela veut dire : avec le FLN ; certains de ses ministres le suivent (Joxe, Michelet, Terrenoire ), d’autres ne sont pas d’accord (Soustelle qui démissionne), et y compris Michel Debré dont De Gaulle refuse la démission et qui reste premier ministre jusqu’aux accords d’Evian. Je suis d’accord avec toi : de Gaulle considère que l’OAS est l’ennemi et le FLN le partenaire avec qui il veut construire une transition vers l’indépendance. Mais Debré pense le contraire tout en acceptant de rester à son poste et (...) Debré ne comprend pas la politique de De Gaulle et veut faire la guerre au FLN et comprend les gens de l’OAS (...) ».

En effet, Gilles Manceron a emprunté à Jean-Luc Einaudi une interprétation qui voit dans la répression du 17 octobre 1961 le résultat d’un complot visant à empêcher la reprise annoncée des négociations avec le FLN, comme il le dit lui-même : « Les hypothèses exprimées à ce sujet par Jean-Luc Einaudi m’avaient déjà conduit en 2011, dans Le 17 octobre des Algériens. La triple occultation d’un massacre, à avancer que la solution de cette énigme résidait dans l’existence au sein même du gouvernement du désaccord du Premier ministre, Michel Debré, avec la politique algérienne du général de Gaulle. Debré n’avait plus aucune prise sur le dossier algérien et conservait la responsabilité du maintien de l’ordre en France, et, quand, en août 1961, suite aux concessions du président sur la question du Sahara, un accord avec le FLN devenait rapidement possible, il s’est agi pour lui de lancer, a contrario de la politique de sortie du conflit choisie par le Général, une guerre à outrance contre la Fédération de France du FLN » [12]. Or cette hypothèse ne me convainc pas, parce que les négociations avaient déjà été interrompues trois fois [13] en 1961, et que donc leur reprise annoncée ne suffisait pas à faire de leur succès final une certitude. En réalité, c’est seulement le 9 novembre 1961, lors de la deuxième rencontre secrète de Bâle, que la réponse positive du GPRA à la demande française de « non représailles » détendit l’atmosphère et permit au dialogue de se nouer véritablement, selon Ben Khedda et Redha Malek [14]. Croire que l’aboutissement de la négociation à Evian cinq mois après le 17 octobre 1961 allait de soi n’est, me semble-t-il, qu’une illusion rétrospective.

Mais Marie-Odile Terrenoire paraît convaincue par Gilles Manceron, puisqu’elle écrit ensuite : « Les écrits de mon père démontrent qu’il (G. M.) a raison. Mon père est loyal. Il l’était sans réserve pour le général de Gaulle. Il l’était également vis-à-vis de Debré mais avec beaucoup de difficultés. Il critique souvent dans son journal les manières de faire et de penser du chef du gouvernement. Le 13 novembre 1961, par exemple, il note à propos de Debré : ‘Une fois de plus de plus, l’attitude du Premier ministre ne laisse pas de me troubler. Lorsqu’on n’a plus la foi, peut-on être le curé de la paroisse ? » La formule est plaisante, et n’est pas entièrement fausse, mais elle ne suffit pas à prouver le bien fondé de la thèse soutenue par Gilles Manceron.

Ce dernier et d’autres auteurs, comme Jim House et Neil Mac Master, ou même Pierre Vidal-Naquet, ne semblent pas comprendre la personnalité complexe de Michel Debré aux prises avec le drame algérien, qui est pourtant éclairée par les trois tomes de ses Mémoires [15] et par un précieux petit recueil de ses Entretiens avec le général de Gaulle, 1961-1969 [16]. N’oublions pas qu’au moment de constituer son gouvernement, en janvier 1959, il avait tenu à y faire entrer Jacques Soustelle, qui avait publié en 1957 Le drame algérien et la décadence française, réponse à Raymond Aron, mais aussi Edmond Michelet, qui avait publié peu après son plaidoyer Contre la guerre civile. [17] Contrairement à Edmond Michelet et à Louis Terrenoire, qui avaient bénéficié dès 1955 des confidences du Général sur l’inéluctabilité de l’indépendance de l’Algérie, Michel Debré ne comprit vraiment sa position sur l’avenir de ce pays que le 10 août 1959. Contrairement à Jacques Soustelle, qui se sentit trahi et bascula très vite vers l’opposition, il choisit d’accompagner la politique algérienne du Général en restant à son poste de Premier ministre, non sans déchirements, pour maintenir l’unité de la majorité parlementaire, l’obéissance de l’administration et celle de l’armée [18].

Si Michel Debré réussit à rassembler la grande majorité du parti gaulliste UNR derrière lui et le Général, il ne put empêcher la semaine des barricades (24 janvier-1er février 1960) et le trouble croissant du moral de l’armée. Le Premier ministre dut accepter la réduction progressive de son rôle dans l’élaboration de la politique algérienne (création du Comité des affaires algériennes en février 1960, du secrétariat d’Etat aux affaires algériennes en décembre 1960), non sans soulagement car l’accélération de l’évolution de la politique algérienne vers une indépendance rapprochée sous la direction du FLN le soumettait à rude épreuve. Michel Debré envisagea même sa démission après le discours présidentiel du 4 novembre 1960 annonçant (contrairement au texte prévu) que l’Algérie serait un jour un Etat indépendant, mais, « justement sermonné par son directeur de cabinet Pierre Racine », il y renonça. Puis il en décida le principe après la déclaration du 5 septembre 1961 (par laquelle De Gaulle renonça unilatéralement au Sahara), tout en ajournant son départ jusqu’au lendemain du règlement du problème algérien.

Mais en même temps, il continua jusqu’au bout à discuter avec le président de la République des décisions à prendre pour débarrasser la France de ce problème dans les meilleures conditions possibles. Il estima que le Général avait été trop intransigeant en renvoyant les envoyés du GPRA après la rencontre de Melun (juin 1960), et il lui remonta le moral en octobre 1960, au moment où celui-ci traversait une crise de découragement et envisageait de démissionner après l’échec de la négociation parallèle avec Si Salah : « Je me souviens de lui avoir dit ce jour-là : « Si ce n’est pas vous (qui réglerez le problème algérien) ce ne sera personne. L’Algérie sera un cancer pour la France » [19]. Tout en prônant jusqu’au bout la rupture des négociations avec le GPRA si nécessaire, il donna son accord à la signature de l’accord des Rousses (18 février 1962) - en disant : « Mon Général, nous n’aurions pas obtenu davantage. Quand la décision a été prise de négocier avec la rébellion, nous savions où nous allions. Tout maintenant est dans l’explication et dans l’application. De toute façon, la France n’en pouvait plus » [20] - et à celle des accords d’Evian (18 mars 1962). Il accompagna l’annonce au gouvernement de sa démission, le 12 avril 1962, d’un vibrant hommage au général de Gaulle, mais ne lui parla plus jamais de l’Algérie. Il fit néanmoins savoir son désaccord avec certaines conséquences de la politique suivie envers ce pays : « Je n’étais plus au pouvoir, et si l’on a su dans le secret de l’Etat que j’étais défavorable aux consignes d’abstention trop vite données à notre armée et au raccourcissement du délai prévu pour le référendum et que j’aurais souhaité une volonté plus efficace de transférer en métropole les soldats musulmans qui avaient servi sous notre drapeau, je n’avais pas à critiquer publiquement la politique suivie » [21]. Voulant être aussi fidèle à De Gaulle qu’à l’Algérie française, il a souffert un déchirement qu’il n’avait pas prévu, mais il est resté à son poste jusqu’au bout et il a donné son accord à la solution négociée qu’il n’avait pas souhaitée, non sans ressentir profondément ses conséquences tragiques. Plus tard, dans un entretien avec la regrettée Odile Rudelle, chargée de classer ses archives à la Fondation nationale des sciences politiques, il lui confia : « J’ai perdu mon honneur ».

Le 23 septembre 1961, quand Michel Debré obtint du Général le renvoi d’Edmond Michelet [22], la négociation avec le GPRA dont celui-ci était le plus chaud partisan était au point mort, et le général de Gaulle était réduit à tenter toutes les autres solutions paraissant encore possibles : la formation d’un exécutif provisoire algérien sans le FLN, confiée au Délégué général en Algérie Jean Morin et prévue pour la deuxième quinzaine d’octobre [23], le partage, proposé dans un article puis défendu en novembre 1961 par un livre du ministre Alain Peyrefitte, rédigé à la demande du président de la République [24] ; le « rapatriement » des Français d’Algérie (pour lesquels fut créé un secrétariat d’État aux rapatriés dirigé par Robert Boulin [25] à partir du 24 août), et la manipulation par les services secrets français jusqu’au 20 octobre d’une organisation messaliste issue du MNA (mais désavouée par Messali), le Front algérien d’action démocratique (FAAD) [26]. La trêve de fait qui prévalait en France depuis moins de deux mois fut rompue deux jours plus tard par la reprise des attentats du FLN contre les « harkis » de Paris (25 août) puis contre les policiers (30 août). Il est vrai que peu après, le 5 septembre, le général de Gaulle annonça qu’il renonçait à la souveraineté française sur le Sahara, ce qui devait logiquement permettre une prochaine reprise des négociations, et le nouveau président du GPRA, Ben Khedda, lui répondit le 15 ; mais cela n’arrêta pas l’offensive du FLN à Paris qui dura jusqu’à la mi octobre, au moment où fut décidée une rencontre secrète pour tenter de relancer la négociation (14 octobre). Et c’est une semaine après la manifestation du 17 que le président Ben Khedda proposa publiquement de la relancer sur des bases nouvelles.

Marie-Odile Terrenoire a cité à la page 51 de son livre une phrase de Pierre Vidal-Naquet, convaincu par Jean-Luc Einaudi et Gilles Manceron, qui s’étonnait de la contradiction totale entre la décision de reprendre les négociations et le massacre du 17 octobre 1961, et qui plaçait cette contradiction « parmi les énigmes les plus étranges que pose à l’historien et à l’honnête homme la guerre d’Algérie » [27]. Mais on peut aussi voir dans cet étonnement un signe inconscient de l’invraisemblance de l’explication proposée. En effet, un proche compagnon de route de Pierre Vidal-Naquet dans son opposition à la guerre d’Algérie, Paul Thibaud, a proposé depuis 1991 une toute autre interprétation : « A propos du 17 octobre 1961 (...), on n’a guère souligné la responsabilité du FLN. Le gouvernement français venait de décréter une trêve unilatérale des offensives en Algérie [28] ; De Gaulle, par une concession essentielle sur le Sahara, venait de relancer la négociation. Il était donc absurde de déclencher en France la campagne d’attentats contre les policiers qui fut à l’origine du couvre-feu de Papon et de la manifestation du 17 octobre. Cette erreur du FLN n’excuse en rien les crimes commis contre les Algériens. Mais elle montre que les victimes ne sont pas toujours sans reproche » [29]. Dix ans plus tard, il a développé la même analyse dans L’Express, en s’appuyant sur toutes les publications d’historiens sur le sujet : « Quels griefs demande-t-on aux Français de reconnaître, puisqu’on veut s’adresser à eux ? S’il s’agit des demandes politiques que le gouvernement français n’a pas satisfaites au cours du premier cycle des négociations, alors interrompues, la plus importante (l’algérianité du Sahara) a été acceptée publiquement par de Gaulle, le 5 septembre. S’il s’agit de protester contre l’aggravation du harcèlement par la police (...), la protestation est plus que justifiée. Mais elle aurait dû être précédée par un désaveu des attentats. Ces incohérences montrent les difficultés qu’a le FLN de sortir de la logique de l’affrontement. Le résultat sera d’envoyer une foule désarmée, pour une manifestation qui sera jugée provocante, au-devant d’une police folle, animée d’une passion vengeresse » [30].

Paul Thibaud donne ici l’exemple d’une tentative réussie d’historicisation du 17 octobre 1961 ; mais il constate que, de la part de certains militants mémoriels, la déshistoricisation continue : « Octobre 1961, fusionné avec février 1962, est devenu une illustration de l’éternel fascisme contre lequel la gauche éternellement s’affirme. Il est intéressant de remarquer que ce travail de déshistoricisation d’octobre 1961 est aujourd’hui repris et accentué par certains de ceux qui s’attachent à en réveiller la mémoire, avec cette différence que c’est plutôt le racisme que le fascisme qui désormais qualifie le crime » [31].

Un historien ne peut que lui donner raison, mais aussi s’étonner de voir que d’autres historiens ne semblent pas accorder la même importance à la recherche des responsabilités algériennes qu’à celle des responsabilités françaises. Peut-on se contenter d’écrire, comme Jim House et Neil Mac Master, que « en dépit du référendum du 8 janvier 1961, largement favorable à l’autonomie de l’Algérie, et des négociations d’Evian (du 20 mai au 13 juin) et de Lugrin (du 20 au 28 juillet), De Gaulle et Debré prolongèrent la guerre sans nécessité aucune jusqu’en septembre 1961 » [32] ? Assurément, la recherche des premières n’est pas aussi facile que celle des secondes, parce que les archives du FLN conservées à Alger restent beaucoup moins accessibles que les archives françaises. Mais certains faits troublants sont néanmoins connus.

Par exemple, les archives de la Fédération de France du FLN publiées par Mohammed Harbi en 1987 dans la revue Sou’al ont révélé que la décision de reprendre les attentats contre les « harkis » et les policiers n’avait pas été prise par les dirigeants de la Fédération de France du FLN, siégeant en Allemagne depuis 1958, et qu’ils avaient dû en demander les raisons à leurs subordonnés de Paris [33]. Il y avait donc au moins deux lignes distinctes, celle de la direction parisienne, et celle du Comité fédéral qui semble à l’origine de l’ordre de manifestation non violente de la population donné pour le 17 octobre. Mais on peut aussi s’étonner de constater que la date de rupture de la trêve de fait (le 25 août 1961) correspondait à celle de la fin de la réunion du CNRA qui avait remplacé le « bourgeois » Ferhat Abbas par le « révolutionnaire » Ben Khedda à la présidence du GPRA, et aussi à celle du départ des trois dirigeants de l’Etat major général de l’ALN (le colonel Boumedienne et ses deux adjoints) pour l’Allemagne, où ils restèrent plusieurs mois sans que l’on sache exactement ce qu’ils y firent [34].

L’ordre de manifestation du 17 octobre 1961 semble donc le résultat d’un compromis entre deux tactiques logiquement incompatibles : celle de l’affrontement armé entre les commandos de l’organisation spéciale de la Fédération de France du FLN et les forces policières françaises, et celle de la manifestation populaire non violente, qui n’était pourtant pas une pratique habituelle de sa part [35]. On ne peut que se demander si les plus hauts responsables du FLN étaient bien conscients de cette contradiction évidente - très justement signalée par Paul Thibaud - ou si au contraire il s’agissait de provoquer machiavéliquement le massacre de civils innocents pour discréditer le gouvernement français et l’obliger à capituler - comme l’a justement indiqué Marie-Odile Terrenoire. De toute façon, faire précéder une manifestation non violente d’une escalade des attentats contre les forces de l’ordre, et ce dans la capitale de la France, était une inconséquence majeure.

Sans prétendre connaître les discussions internes au GPRA, je peux au moins faire les constats suivants. Jusqu’à la fin d’octobre 1961, la prochaine reprise des négociations entre le gouvernement français et le GPRA était une hypothèse qui peu à peu a éclipsé toutes les autres, mais c’est seulement après les deux rencontres secrètes de Bâle (28-29 octobre et 9 novembre 1961) que la négociation s’est vraiment engagée, quand le GPRA eut accepté la demande française de « non représailles ». D’autre part, De Gaulle avait fait une concession majeure au GPRA dans sa conférence de presse du 5 septembre 1961, en renonçant à disjoindre les deux départements sahariens du reste de l’Algérie, décision qu’il avait prise en passant outre au désaccord de son Premier ministre Michel Debré, qui avait encore une fois songé à démissionner. Le GPRA aurait pu au moins tirer la leçon de l’attentat OAS auquel le Général échappa trois jours plus tard à Pont-sur-Seine, mais son président Ben Khedda se contenta le 15 septembre d’une réponse prudente qui ne fut pas suivie de propositions concrètes annonçant une vraie reprise des négociations durant un mois. Rétrospectivement, il paraît évident qu’il avait tout intérêt à répondre au plus vite à l’ouverture que venait de lui faire le président de la République française, parce que celui-ci était le seul homme dont on pouvait être sûr qu’il irait jusqu’au bout pour dégager la France du bourbier algérien. Le faire avec deux mois de retard entraîna de graves conséquences, dont le renforcement de l’OAS en Algérie.

L’explication la plus simple me parait être la proposition que le nouveau président du GPRA, Ben Khedda, fit publiquement une semaine après le 17 octobre. Dans son discours du 24, il suggéra de remplacer la procédure d’autodétermination (d’après lui dépassée) par « un chemin nouveau, plus court et plus aisé pour parvenir à la cessation des hostilités », qui consisterait à « engager des négociations en vue de rechercher un accord sur le principe, les modalités et la date de la proclamation de l’indépendance, ainsi que sur la conclusion du cessez-le-feu. Après quoi de nouvelles négociations pourraient s’ouvrir, qui auraient pour objet la définition de nouveaux rapports entre l’Algérie et la France et les garanties aux Français d’Algérie » [36]. Cette proposition, si elle avait été acceptée, aurait sans doute donné au GPRA une autorité considérablement renforcée par rapport à la contestation du colonel Boumedienne en lui procurant la reconnaissance officielle du gouvernement français ; mais elle n’avait aucune chance d’être acceptée par le général de Gaulle - qui maintint fermement sa position sur la nécessité de l’autodétermination (p. 88) - parce que la reconnaissance préalable du GPRA aurait compromis le résultat de la négociation en commençant par priver la France de sa souveraineté sur l’Algérie pour en faire une simple puissance occupante. Cela aurait été, pour lui, une capitulation inacceptable. En tout cas, il aurait mieux valu faire ce discours un mois plus tôt et renoncer au plus vite à l’escalade des attentats pour créer un climat d’apaisement, au lieu de tenter d’obliger la France à rendre sa capitale à l’Algérie pour lui permettre de récupérer la maîtrise de la sienne...

Il est très regrettable que ces données historiques aient manqué à Marie-Odile Terrenoire pour alimenter sa réflexion. Elle n’en pas moins le grand mérite d’avoir compris la différence fondamentale qui doit être fermement maintenue entre la mémoire et l’histoire. En effet, la mémoire du 17 octobre 1961, enfouie durant trente ans sous une épaisse couche d’oubli à cause de la fin de la guerre et de l’indépendance de l’Algérie - qui ne profita pas aux dirigeants de la Fédération de France du FLN, parce qu’ils avaient pris parti durant l’été 1962 contre la coalition Ben Bella-Boumedienne - resurgit tardivement de la demande mémorielle des jeunes franco-algériens, enfants nés en France de parents algériens. « Comment expliquer à ses enfants qu’on a combattu pour l’indépendance d’un pays où l’on n’a finalement pas choisi de vivre ? » demande Farid Aïchoun [37]. A cause de cette difficulté, il était tentant pour ces jeunes de présenter la manifestation du 17 octobre 1961 comme l’expression d’une résistance contre une volonté raciste de refouler les Algériens de France vers leur pays - idée qui n’était pas tout-à-fait absente des projets français [38] tant que la négociation avec le FLN restait interrompue. Mais cette interprétation serait pourtant un anachronisme.

En effet, jusqu’à l’indépendance, le FLN et sa Fédération de France n’envisageaient pas que la présence dans ce pays d’une importante population algérienne puisse continuer, voire se renforcer, après l’indépendance : d’après eux, les Algériens ne vivaient et ne travaillaient en France que parce que la France leur avait pris leur vrai pays. La « déclaration du FLN sur la répression et les mesures policières dans la région parisienne » datée du 17 octobre 1961, employait trois fois dans sa conclusion l’expression « l’Emigration algérienne » (avec un E majuscule) et désignait par là « les 400.000 émigrés, hommes, femmes et enfants » [39]. Trente ans plus tard, Benjamin Stora sous-titrait le livre tiré de sa grande thèse « L’immigration algérienne en France » et intitulait l’un de ses chapitres « les immigrés resteront » [40]. Dans le même livre, il avait intitulé une de ses sous-parties « le mythe du retour » en citant un tract qui déclarait alors : « Inséparable de la rupture complète de tous les liens économiques avec la France, la revendication de l’indépendance politique de l’Algérie induit le retour de l’immigration (sic) algérienne » [41].

C’est donc la transformation inattendue de l’émigration temporaire algérienne en immigration durable qui explique la mémoire actuelle du 17 octobre 1961. Une mémoire respectable, mais qui doit être clairement distinguée de l’histoire.

Guy Pervillé

[1] https://blogs.mediapart.fr/gilles-manceron/blog/161017/du-nouveau-sur-le-17-octobre-1961 , blog de Gilles Manceron, 16 octobre 2017.

[2] Jean-Luc Einaudi, La bataille de Paris, 17 octobre 1961, Paris, Le Seuil, 1991, réédition 2001.

[3] Jean-Paul Brunet, Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961. Paris, Flammarion, 1999.

[4] Jim House et Neil Mac Master, Les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire. Paris, Tallandier, 2008.

[5] Pourtant, suivant un document anonyme dû à un proche de Luis Terrenoire (qui est cité) et daté probablement du 19 octobre, le gouvernement reconnaissait que la manifestation avait été non violente, et s’interrogeait sur les rôles respectifs de la Fédération de France du FLN et du GPRA dans sa décision. Michel Lévine, Les ratonnades d’octobre. Un meurtre collectif à Paris en 1961. Paris, Ramsay, 1985, pp. 179-181.

[6] Témoignage de Jacques Legrand, cité par Chantal Morelle, Louis Joxe, diplomate dans l’âme, Bruxelles, André Versaille, 2010, p. 710.

[7] Bernard Tricot, Mémoires, Paris, Quai Voltaire, 1994, p. p. 170,

[8] Constantin Melnik, 1000 jours à Matignon. De Gaulle, l’Algérie, les services spéciaux. Paris, Grasset, 1988, p. 220.

[9] Louis Terrenoire, De Gaulle et l’Algérie, témoignage pour l’histoire, Paris, Fayard, 1964, p. 41.

[10] Voir le livre de Jacques Soustelle, Vingt-huit ans de gaullisme, Paris, La Table ronde, 1968, pp. 222-223. Marie-Odile Terrenoire aurait pu aussi réfléchir davantage aux profondes divisions créées par la guerre d’Algérie entre des hommes naguère très proches en rappelant le cas du témoin de mariage de ses parents Georges Bidault, successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil national de la résistance en 1944, qui fonda un autre CNR en 1962 pour succéder à l’OAS du général Salan.

[11] Marie-Odile Terrenoire cite à ce propos Rémy Valat, ancient archiviste de la préfecture de police, auteur du livre Les calots bleus et la bataille de Paris. Une force de police auxiliaire pendant la guerre d’Algérie. Paris, Michalon, 2007.

[12] Hypothèse déjà formulae par Gilles Manceron dans son hommage à Jean-Luc Einaudi publié le 21 mai 2014 sur le blog Mediapart. En réalité, c’est le FLN qui a repris les attentats contre les « harkis » de Paris le 25 août, et contre les policiers le 30 août (après une trêve de fait commencée le 5 juillet). Le président de la République française n’a annoncé sa renonciation au Sahara que le 5 septembre, et le président du GPRA, Ben Khedda, n’a relancé la négociation que le 24 octobre, une semaine après le 17 octobre. Deux mois ont donc été perdus.

[13] Le 31 mars 1961 (par le GPRA), puis le 13 juin (par le gouvernement français), puis de nouveau par le GPRA le 28 juillet.

[14] Ben Youssef Ben Khedda, Les accords d’Evian, Paris, Publisud, et Alger OPU, 1986, p. 30. Confirmé par Redha Malek, L’Algérie à Evian, Paris, Le Seuil, 1995, pp. 180-187.

[15] Michel Debré, Mémoires, Paris, Albin Michel, t. 1, 1984, t - 2 , 1988, t. 3, 1988.

[16] Paris, Albin Michel, 1993.

[17] Voir mes communications au colloque Edmond Michelet, un chrétien en politique, Paris, Lethielleux, 2011, intitulées « Edmond Michelet, de l’Algérie française à l’Algérie des deux peuples », pp. 103-117, et « Mise au point sur Edmond Michelet et l’affaire Si Salah », pp. 139-145. Voir sur mon site : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=263 et http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=264 .

[18] Voir ma communication au colloque Michel Debré et l’Algérie, Editions Champs Elysées 2007, pp. 207-213, « Continuité et évolution des idées de Michel Debré sur l’Algérie », et sur mon site : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=134 .

[19] Michel Debré, Entretiens avec le général de Gaulle, 1961-1969, op. cit., p. 22.

[20] Mémoires, t. 3, p. 302.

[21] Ibid., t. 3, p. 310.

[22] Sur ses relations avec Edmond Michelet, voir le chapitre "Michel Debr&é et la Justice" dans le livre de Maurice Faivre, Conflits d’autorités durant la guerre d’Algérie, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 61-71.

[23] Jean Morin, De Gaulle et l’Algérie, Mon témoignage, 1960-1962, Paris, Albin Michel, 1999, pp. 186-194.

[24] Alain Peyrefitte, Faut-il partager l’Algérie ? Paris, Plon, Tribune libre, novembre 1961. Cf les analyses critiques de la politique du Général dans Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.1, Paris, 1994, pp. 76-92, et par Jean Morin, op. cit., pp. 194-202.

[25] Voir ma communication sur « Robert Boulin, secrétaire d’Etat aux rapatriés (24 août 1961-11 septembre 1962) » dans les actes du colloque Robert Boulin, itinéraires d’un gaulliste (Libourne, Paris), sous la direction de Hubert Bonin, Bernard Lachaise, et Christophe-Luc Robin, Edition Peter Lang, Bruxelles et Berne, 2011, pp. 129-142 (sur mon site : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=260 ) .

[26] Voir Maurice Faivre, « Services secrets et « troisième force » : le Front algérien d’action démocratique (FAAD) 1960-1962 », dans la publication du Centre d’études d’histoire de la défense, « Il n’est point de secrets que le temps ne révèle », études sur l’histoire du renseignement, Limoges, Lavauzelle, 1998, pp. 203-224.

[27] Pierre Vidal-Naquet dans « Alger-Paris-Alger », préface à la réédition en 2000 du livre de Paulette Péju, Ratonnades à Paris, p. 5.

[28] Trêve annoncée le 20 mai 1961, à l’ouverture de la première conférence d’Evian, mais refusée par le FLN, et qui fut et interrompue le 11 août 1961. Par contre, le GPRA avait transmis le 5 juillet à la Fédération de France du FLN un ordre de trêve de facto.

[29] Télérama, n° 2185, 27 novembre 1991. Reproduit dans Panoramiques, n° 62, 1er semestre 2003, p. 26.

[30] Paul Thibaud, « 17 octobre 1961, retour sur une tragédie ». Article daté du 11 octobre 2001, repris et complété le 14 octobre 2011 : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/17-octobre-1961-retour-sur-une-tragedie_645790.html .

[31] Ibid.

[32] House et Mac Master, op. cit., p. 19. Voir le compte rendu publié sur mon site : “A propos du livre de Jim House et Neil Mac Master (2007), http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=384 .

[33] Voir les documents de la Fédération de France du FLN publiés par Mohammed Harbi dans un « dossier sur certains aspects occultés du FLN en France » de la revue Soua’l, n° 7, octobre 1987, pp. 109-110 ( pp. 71-73).

[34] Mohammed Harbi, dans Le FLN, mirage et réalité, Paris, Editions J.A., 1981, p. 287, rappelle qu’avant la fin de la session du CNRA qui remplaça Abbas par Ben Khedda à la présidence du GPRA, l’état-major général de l’ALN « quitte le CNRA et se rend en Allemagne où la Fédération de France du FLN a son quartier général ».

[35] Ce choix n’allait pas tout à fait de soi. Selon l’historien Gregor Mathias, La France ciblée. Terrorisme et contre-terrorisme pendant la guerre d’Algérie. Paris, Vendémiaire, 2017 (p. 14 et note 11 p. 166), des documents signalent qu’un chef de l’Organisation spéciale du FLN en région parisienne, « Japon », envisageait en septembre 1961 de « s’attaquer aveuglément à toute personne dans la rue pour frapper l’opinion publique », mais que son arrestation mit fin à ce projet.

[36] El Moudjahid, n° 86, 1er novembre 1961, réédition de Belgrade, t. 3, p. 596-598.

[37] Cité par Benjamin Stora, Ils venaient d’Algérie, L’immigration algérienne en France, 1912-1992, Paris, Fayard, 1992, p. 440.

[38] L’importance des refoulements vers l’Algérie de manifestants algériens arrêtés le 17 octobre 1961 est particulièrement caractéristique.

[39] Document publié en annexe de la thèse de Marion Abssi, « Le nationalisme algérien et ses diverses expressions dans l’immigration en France métropolitaine entre 1945 et 1965 », s.dir. Philippe Raxhon (Université de Liège) et Olivier Dard (Université de Metz), 26 octobre 2012, (volume des annexes, p. 81).

[40] Benjamin Stora, Ils venaient d’Algérie, op. cit., pp. 388-409.

[41] Stora, op. cit., p 370. Employer le mot « émigration » aurait été plus logique.



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