De Gaulle et le problème algérien autour de 1958 (2008)

vendredi 11 juillet 2008.
 
Cet article est une version corrigée de celui intitulé De Gaulle et le problème algérien en 1958, qui vient de paraître dans Outre-mers, revue d’histoire, n° 358-359, 1er semestre 2008, pp. 15-27.

De Gaulle et le problème algérien autour de 1958 [1]

Charles de Gaulle, rappelé au pouvoir en mai 1958 pour sauver l’Algérie française, savait-il déjà qu’en moins de quatre ans il la conduirait à l’indépendance et l’abandonnerait au pouvoir du FLN ? Avait-il déjà changé d’avis, et délibérément trompé ses auditeurs sur ses véritables intentions ? Avait-il même conçu depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale un projet de décolonisation de l’Algérie et de tout l’Empire, comme il l’a prétendu à partir du 11 avril 1961 ? Ces questions ont été longtemps controversées. D’un côté, les antigaullistes farouches n’ont pas mis longtemps à trouver dans ses déclarations des indices puis des preuves de ses mauvaises intentions, et il leur a lui-même facilité la tâche en prétendant après coup avoir prévu et voulu la décolonisation beaucoup plus tôt qu’on l’avait cru à l’époque. De l’autre, le général Challe a estimé au contraire que le chef de l’Etat avait constamment improvisé sa politique algérienne sans savoir vraiment où il allait aboutir. Entre les deux, certains historiens ont estimé, en se fondant sur ses seules déclarations publiques, que de Gaulle avait bien changé de politique, mais beaucoup plus lentement qu’il l’a prétendu lui-même [2]. Et pourtant, aucune de ces interprétations ne me semble entièrement exacte. J’essaierai donc de retracer successivement ses véritables intentions sur l’Algérie avant son retour au pouvoir, puis comment il essaya de réaliser son plan, non sans être obligé de le modifier plus d’une fois par des circonstances imprévues.

Révélation progressive ou évolution du plan gaullien

Si l’on s’en tient à ses seules déclarations publiques [3], de Gaulle semble bien être resté jusqu’en juin 1958 un ferme partisan de l’Algérie française. On pourrait citer à l’appui de nombreuses déclarations du président du CFLN et du GPRF, notamment son télégramme du 12 mai 1945 ordonnant au gouverneur général Chataigneau d’affirmer publiquement “la volonté de la France victorieuse de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté française” par une “minorité d’agitateurs” après les violentes émeutes durement réprimées du 8 mai 1945. Et celles du chef du RPF le 15 mai 1947 à Bordeaux, le 18 août 1947 au sujet du projet de statut de l’Algérie, et le 12 octobre 1947 à Alger [4], où il avait affirmé l’Algérie “partie intégrante de la France”. Le 30 juin 1955, dans sa dernière conférence de presse avant son retour, n’avait-il encore préconisé “l’intégration [... de l’Algérie] dans une communauté plus large que la France”, semblant ainsi approuver l’action du gouverneur général Jacques Soustelle, considéré comme l’un de ses proches ? Rappelé au pouvoir en mai 1958 grâce à l’action d’hommes réputés aussi fidèles à sa personne qu’à l’Algérie française, comme Jacques Soustelle et Michel Debré, n’avait-il pas commencé par s’engager publiquement à maintenir la souveraineté de la France, en évoquant “dix millions de Français à part entière” le 4 juin 1958 à Alger, puis en criant “Vive l’Algérie... française” [5] à Mostaganem ?

Mais aussitôt après avoir reçu l’investiture des foules d’Algérie, de Gaulle se mit à infléchir sa politique par petites touches successives. Dès le 13 juillet 1958, il annonça que l’Algérie aurait une “place de choix” dans l’ensemble de type fédéral qui allait remplacer l’Union française sous le nom de Communauté. Le 3 octobre, à Constantine, il reconnut la “personnalité propre” d’une Algérie associée à la France. Devenu président de la Vème République en janvier 1959, il proclama le 16 septembre suivant le principe du droit des Algériens à l’autodétermination, et suggéra, entre les solutions extrêmes de la “sécession” et de la “francisation”, l’option moyenne d’une Algérie autonome dans la Communauté. Après la révision du statut constitutionnel de la Communauté, suivi de son éclatement au printemps 1960, le Général s’éloigna davantage de ses premières déclarations en optant explicitement pour une “Algérie algérienne” (14 juin 1960), puis pour une “République algérienne” (4 novembre 1960), et enfin en acceptant de négocier l’avenir de l’Algérie et des relations franco-algériennes avec le FLN comme interlocuteur privilégié, contrairement à tout ce qu’il avait répété de septembre 1959 à novembre 1960.

Peut-on croire que le général de Gaulle ait pu changer d’avis aussi vite, après avoir si brièvement tenté la dernière chance de la politique d’intégration ? [6] N’est-il pas plus vraisemblable qu’il était revenu au pouvoir avec des arrière-pensées cachées ?

Les arrière-pensées cachées du Général

C’est en tout cas ce qu’il a lui-même prétendu dans sa conférence de presse du 11 avril 1961 (les événements d’Algérie n’auraient fait que le confirmer dans ce qu’il avait “pensé et démontré depuis plus de vingt ans” [7]) ; et ce qu’il a révélé dans ses Mémoires d’espoir, puis répété devant son ancien collaborateur Bernard Tricot : “Eh bien oui, il y avait longtemps que je croyais qu’un jour ou l’autre l’Algérie deviendrait indépendante, sans que je sache comment cela se ferait” [8]. Sans avoir de plan rigoureusement préétabli, il était déjà convaincu que l’impossibilité de réaliser l’assimilation ou l’intégration des Algériens musulmans dans la nation française, et celle de maintenir sa domination par la force sur un autre peuple au temps de la décolonisation, ne laissaient d’autre voie que l’acheminement vers l’indépendance par une procédure d’autodétermination [9]. Ses déclarations de juin 1958 n’auraient donc été qu’un expédient pour gagner du temps “jusqu’au moment où le bon sens aurait percé les brumes”. Cet aveu de duplicité a ravivé la rancune des partisans de l’Algérie française, ou suscité l’incrédulité de certains [10]. Pourtant, de nombreux témoignages et documents démontrent que, s’il simplifie la vérité, il ne la trahit pas fondamentalement.

Dès juin 1958, de Gaulle n’a pas caché son scepticisme sur l’intégration (mot qu’il s’abstenait désormais d’employer) de l’Algérie à la France [11]. Il en a expliqué les raisons avec une rude franchise à plusieurs interlocuteurs, notamment le 22 décembre 1958 au directeur de L’Echo d’Alger Alain de Sérigny, ami de Jacques Soustelle : « Les Arabes, ce sont les Arabes, ce ne sont pas des gens comme nous. L’avenir de l’Algérie ? au mieux, de l’Houphouët-Boigny, au pire du Sékou Touré. Et puis, nous avons le monde entier contre nous. Il faudra bien trouver une solution qui puisse, en définitive, mettre fin à cette guerre » [12]. Et le 5 mars 1959 au député gaulliste Alain Peyrefitte : “Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri [...]. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions, et après-demain quarante ?”. La différence des niveaux de vie et des comportements démographiques, et l’absence de frontière politique, produiraient inévitablement une immigration massive : “Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées”. Ainsi, “la France ne serait plus la France”, c’est-à-dire “un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne” [13].

Il avait acquis cette conviction avant même le début de l’insurrection. Dès juin 1954, l’économiste et démographie Alfred Sauvy l’avait trouvé “résigné à l’abandon” [14] parce que l’explosion démographique de l’Algérie et du reste de l’Afrique française rendait trop coûteuse pour la métropole la politique de développement accéléré décidée dix ans plus tôt par le CFLN. Mais l’extension de l’insurrection et de ses appuis extérieurs n’avait fait qu’aggraver son pessimisme. De 1955 à 1958, alors que l’ancien secrétaire général du RPF Jacques Soustelle se faisait l’apôtre de l’intégration, De Gaulle avait confié à de nombreux interlocuteurs que l’Algérie deviendrait tôt ou tard inéluctablement indépendante, tout en refusant de le proclamer publiquement. Le 18 mai 1955, il avait expliqué à Louis Terrenoire son diagnostic et ses intentions : “Nous sommes en présence d’un mouvement général dans le monde, d’une vague qui emporte tous les peuples vers l’émancipation. Il y a des imbéciles (sic) qui ne veulent pas le comprendre ; ce n’est pas la peine de leur en parler. Mais il est certain que si nous voulons nous maintenir en Afrique du Nord, il nous faut [...] créer les conditions d’une nouvelle association. Or, ce n’est pas ce régime qui peut le faire. Moi-même, je ne serai pas sûr de réussir... mais bien sûr je tenterai la chose” [15]. Le même jour, le successeur de Soustelle et de Terrenoire à la tête du RPF (mis en sommeil, mais pas totalement supprimé), à savoir Jacques Foccart, publia dans sa Lettre à l’Union française [16] un curieux éditorial qui démentait que l’Algérie pût être une véritable province française . Expliquant que l’Algérie était un « enfant de la France », mais n’était pas la France, il demandait : « Mais peut-on faire qu’un enfant et sa mère, qui sont même chair et même sang, ne soient pas cependant un mais deux êtres ? » [17] Ces faits éclairent les déclarations du Général dans sa dernière conférence de presse avant le 13 mai 1958, celle du 30 juin 1955, dans lesquelles il recommanda de “substituer partout l’association à la domination”, une association définie soit comme “un lieu de nature fédérale entre Etats”, soit comme une “intégration dans une communauté plus large que la France” (et non pas une France fédérale). On pouvait dès lors comprendre que l’Algérie ne devait plus être assimilée à la métropole, mais être traitée comme les autres “territoires d’outre-mer” que le Général proposait d’associer à la France dans une “communauté de forme fédérale”, depuis la conférence coloniale de Brazzaville [18] (janvier-février 1944) et depuis les débats constitutionnels de 1946. Après coup, cette dernière déclaration sonne comme une prophétie, car elle avait très bien prédit l’échec de la IVème République en Algérie dans les années 1955 à 1958, malgré le dévouement d’hommes de valeur tels que le dernier gouverneur général devenu l’apôtre de l’intégration, le gaulliste Jacques Soustelle.

Peut-on préciser davantage la date et les circonstances de cette prise de conscience ? Selon le témoignage d’André Philip, ancien membre du CFLN, c’est lors des débats précédant l’ordonnance du 7 mars 1944 que de Gaulle aurait répondu à sa proposition d’aller jusqu’à l’autonomie : “Allons, vous savez bien que tout cela finira par l’indépendance !” [19]. Les archives du CFLN permettent en effet d’éclairer le cheminement de ses réflexions depuis sa découverte du problème algérien à Alger en 1943.

Après avoir laissé le général Catroux rétablir l’autorité française défiée par le Manifeste du peuple algérien à l’initiative de Ferhat Abbas, le président du CFLN avait décidé le 11 décembre 1943 une relance de la “politique d’assimilation ou d’intégration” en faveur des élites et des masses musulmanes. Le général Catroux avait alors expliqué que les propositions de la commission des réformes représentaient la dernière chance de cette politique, et que si celle-ci échouait, il faudrait prévoir la création d’un Etat algérien garantissant la coexistence de deux communautés comme au Liban. Mais le général de Gaulle avait aussi été mis en garde par un rapport du Commissaire aux colonies René Pleven contre le conséquences de l’accession d’indigènes à la citoyenneté française sans renonciation à leur statut personnel musulman ou coutumier, si ce précédent était généralisé à tout l’Empire : “Dès lors la France, après avoir été le vieux foyer occidental, disons même chrétien, que l’on connaît et que l’on aime, ne deviendrait-elle pas une nation mixte [...] ? Ne serait-ce pas une véritable novation historique, le mot France n’ayant plus le même sens avant le projet Valleur et après ce projet ?” [20] Ce nouvel “édit de Caracalla” remettrait en cause la définition de l’identité nationale.

De Gaulle avait d’abord suivi les suggestions de Catroux, par la décision du 11 décembre 1943, puis dans une moindre mesure par l’ordonnance du 7 mars 1944, enfin par celle du 17 août 1945, qui octroya aux électeurs musulmans du deuxième collège une représentation à l’Assemblée nationale égale à celle du premier [21]. Mais après les débats des deux assemblées constituantes sur l’élargissement de l’accès des musulmans du second collège au premier, le président du RPF désavoua celui du CFLN. Le 15 mai 1947 à Bordeaux, il rappela son œuvre en oubliant l’admission des élites musulmanes dans le premier collège par le CFLN : “Dès le 7 mars 1944, il accordait aux musulmans d’Algérie le droit de suffrage dans leur propre collège et celui d’être élus”. Et le 18 août 1947, il déclara que le statut de l’Algérie alors en discussion devrait être fondé sur une association équilibrée entre les deux catégories de la population, impliquant l’institution de deux collèges électoraux également représentés et composés d’électeurs soumis au même statut personnel (de droit français ou de droit musulman), c’est-à-dire l’abrogation de l’ordonnance du 7 mars 1944. En se prononçant pour une association garantie par la souveraineté française entre deux populations destinées à rester distinctes, De Gaulle avait rompu avec la politique d’assimilation qu’il avait d’abord cautionnée.

Mais il camoufla habilement cette rupture sous des formules rassurantes comme “l’Algérie partie intégrante de la France” du 12 octobre 1947, ou “l’intégration dans une communauté plus large que la France” du 30 juin 1955. Dès cette époque il pratiqua le double langage qui lui fut reproché plus tard. Quand la guerre d’Algérie déchaîna les passions, il révéla le fond de sa pensée aux interlocuteurs qu’il croyait capables de l’approuver. Mais il fit démentir toutes les rumeurs fondée sur ses propos privés le 12 septembre 1957, et il fit croire à Jacques Soustelle que son pessimisme sur l’avenir de l’Algérie française ne tenait qu’à l’incapacité de la IVème République [22] : « Sur l’intégration, il demeure réservé, parce qu’il n’est pas sûr que tous les Musulmans l’accueilleraient favorablement. Par contre, il estime que la pacification doit être menée énergiquement et accompagnée d’un grand effort social, éducatif, psychologique et politique, cette étape devant aboutir à une intégration qu’il souhaite, mais qui devrait résulter des aspirations réelles des masses musulmanes. » [23]

En mai 1958, appelé par le Comité de salut public d’Alger pour sauver l’Algérie française et attendu par d’autres comme le seul homme capable de mettre fin à la guerre, De Gaulle se présenta en arbitre, refusant de rendre son arbitrage avant d’avoir entendu les parties et d’avoir les moyens de l’appliquer [24], et fut investi dans l’équivoque par une large majorité. Il fut toutefois obligé de duper les Français d’Algérie et les chefs militaires par des paroles apparemment intégrationnistes en juin 1958, pour éviter qu’une “vague de stupeurs et de fureurs ne fasse chavirer le navire”. Mais il se mit très vite à les nuancer et à les corriger par étapes. Cette révélation fractionnée eut un double inconvénient : elle inspira aux partisans de l’Algérie française les pires soupçons sur ses intentions finales, et elle encouragea les chefs du FLN à maintenir leurs exigences en attendant de nouvelles concessions. Mais elle était aussi nécessaire pour tenter de rallier peu à peu les gaullistes eux-mêmes à ses arrière-pensées. Ce fut un succès dans le cas de la plupart d’entre eux, notamment du Premier ministre Michel Debré qui admettait à l’avance que le Général puisse avoir raison contre son avis [25], et de Jacques Foccart, qui dit avoir évolué hors du maintien de l’Algérie française seulement après le retour du Général au pouvoir et grâce à ses arguments convaincants : « Plusieurs fois il m’a dit, d’une façon assez pathétique, ceci : ‘Si l’homme que je suis, avec mon hérédité, avec ma culture, avec mon passé, fait ce que je fais, vous imaginez bien que ce n’est pas sans souffrance. Je le fais parce que c’est la seule chose que l’on doit faire. Je boirai le calice jusqu’à la lie ‘. » [26] Mais pas dans le cas de Jacques Soustelle, qui se sentit trahi et préféra la rupture au reniement de ses convictions [27].

Révélation et adaptation du plan initial

Le plan que De Gaulle tenta d’appliquer de juin 1958 à juin 1960 (et plus franchement à partir du 16 septembre 1959) ne poursuivait donc pas l’intégration de l’Algérie dans la France, mais dans la Communauté d’allure fédérale créée par la Constitution de la Vème République pour associer à la France les peuples d’Outre-mer : “C’est pour l’Algérie que je fais la Communauté”. Communauté qui n’était pas seulement l’aboutissement logique du régime d’autonomie des gouvernements coloniaux instauré par la loi-cadre Defferre de juin 1956, mais qui était aussi et surtout le fruit de ses propres réflexions sur les liens possibles à maintenir entre la métropole et ses anciennes « colonies » depuis la conférence coloniale de Brazzaville en janvier-février 1944 [28]. Cependant, comme il l’avait avoué dès 1955 à Louis Terrenoire, il n’était pas sûr de réussir durablement son vieux projet de Communauté. Confronté à la montée des aspirations indépendantistes en Afrique noire, il décida en août 1958 de fonder celle-ci sur le principe d’autodétermination permanente, qui ne pouvait en garantir la durée : “La Communauté, c’est de la foutaise ! Ces gens-là, à peine entrés, n’auront qu’une idée, celle d’en sortir !” [29] Mais peu de gens imaginaient alors que l’Algérie pourrait légalement sortir de la Communauté après avoir voté massivement oui au referendum du 28 septembre 1958, sans il est vrai que la catégorie juridique à laquelle elle appartenait fût clairement définie. Selon Michel Debré, alors garde des sceaux du gouvernement de Gaulle, « nul n’en parle, sinon pour affirmer que, partie intégrante de la France et de la République, aucune règle particulière ne doit figurer dans la Constitution. Cependant Pierre Pflimlin un soir me semble-t-il, m’interrogeant du regard, émet l’opinion que la construction de la Communauté peut constituer une structure d’accueil. Dans un silence approbatif, le Général déclare qu’il est trop tôt pour prendre une décision, mais que c’est pour l’avenir une hypothèse, parmi d’autres » [30].

Seule la Guinée de Sékou Touré opta pour la sécession en votant “non” au référendum du 28 septembre 1958. Les autres territoires de l’Afrique noire française et de Madagascar (sauf les Comores et Djibouti) choisirent après le oui à la Constitution le statut d’Etat autonome dans la Communauté, mais ils pouvaient toujours la quitter en demandant le transfert de toutes les compétences communautaires. L’option qu’il proposa le 16 septembre 1959, du “gouvernement des Algériens par les Algériens appuyés sur l’aide de la France et en union étroite avec elle, pour l’économie, l’enseignement, la défense, les relations extérieures” [31], correspondait exactement au statut d’Etat de la Communauté sans en porter le nom, mais celui-ci était déjà menacé de caducité.

En effet, les dirigeants de la Fédération du Mali (associant le Sénégal et le Soudan) venaient de demander le transfert de toutes les compétences communes sans sortir de la Communauté. De Gaulle hésita jusqu’au 11 décembre 1959 pour accepter d’ouvrir des négociations avec le Mali, puis avec la République malgache : elles aboutirent en mars 1960, puis furent entérinées par une révision de l’article 86 de la Constitution. La loi du 4 juin 1960 créa une “Communauté rénovée”, confédération d’Etats qui servirait de cadre à l’émancipation du Mali et de Madagascar. Mais dès le 6 juin, le président de la Côte-d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny, jusque-là partisan du renforcement de la Communauté en un véritable Etat fédéral, réclama l’indépendance avant toute négociation d’accords de coopération, donnant ainsi le signal de l’éclatement de la Communauté en août 1960.

Le problème algérien après la fin de la Communauté (1960-1962)

Ainsi, lorsque le 14 juin 1960 de Gaulle acheva de dévoiler sa préférence pour “l’Algérie algérienne” associée à la France, il voyait se disloquer le cadre sur lequel il avait longtemps compté pour servir de transition entre la souveraineté française et l’indépendance. Il ne pouvait plus cacher très longtemps que l’Algérie serait un Etat souverain, en accord ou en rupture avec la France. Cette révélation aurait sans doute été moins difficile s’il avait réussi à obtenir la soumission d’une grande partie des maquis ALN de l’intérieur de l’Algérie, qui lui fut proposée par les trois principaux chefs de la wilaya IV (Algérois) à l’Elysée le 10 juin 1960 [32]. Mais il essaya d’obtenir concurremment le ralliement du GPRA à son plan d’autodétermination, ce qui provoqua le retournement du chef militaire Si Mohammed contre ses camarades Si Salah et Si Lakhdar et son ralliement au GPRA. Profondément affecté par cet échec personnel, le général de Gaulle traversa deux périodes de dépression et songea à démissionner en juillet et en octobre 1960. Mais son premier ministre Michel Debré le persuada qu’il devait rester pour réaliser l’inévitable indépendance de l’Algérie, parce que “si ce n’est pas vous, ce ne sera personne. L’Algérie sera un cancerpourlaFrance” [33]. C’est alors qu’il se résolut à relancer son action pour débarrasser la France du problème algérien par le discours du 4 novembre 1960, dans lequel il innova en évoquant “la République algérienne, laquelle n’a jamais existé mais existera un jour”

Il ne s’agissait pourtant pas encore de livrer l’Algérie au FLN en reconnaissant ses dirigeants comme le “Gouvernement provisoire de la République algérienne”, ce que de Gaulle n’avait pas cessé de refuser en des termes apparemment irrévocables du 16 septembre 1959 au 4 novembre 1960. Depuis juin 1958, il avait invité les chefs des insurgés à rendre leurs armes et à se transformer en un parti politique agissant légalement pour atteindre leurs buts légitimes par la voie démocratique au moyen du suffrage universel et du collège unique. Cette politique de “paix des braves” aurait - peut-être - failli diviser le GPRA en décembre 1959 [34], et abouti au double échec de l’affaire Si Salah et des entretiens de Melun en juin-juillet 1960.

Pour mieux “noyer le FLN dans la démocratie”, de Gaulle avait également espéré voir émerger des urnes une “troisième force” renonçant à l’attentisme, qu’il avait appelée le 10 novembre 1959 le “grand parti du progrès algérien” [35]. Mais après l’échec de Melun, il dut constater que les élus musulmans qui n’étaient pas restés favorables à l’intégration [36] refusaient de prendre des responsabilités sans l’accord du FLN.

Dans ces conditions, les Français d’Algérie dont la grande majorité avaient accueilli l’autodétermination et la République algérienne comme des promesses trahies, auraient peut-être encore eu une chance de sauvegarder leurs intérêts. De Gaulle l’expliqua le 25 novembre 1960 au député Pierre Laffont, directeur de L’Echo d’Oran : “La solution de l’Algérie algérienne repose sur eux. C’est la chance que je leur offre. S’ils refusent de la jouer, bien sûr, tout sera perdu” [37]. Ces propos rendent moins invraisemblable la proposition qui aurait été faite le 12 novembre 1960 au général Jouhaud, dirigeant du Front de l’Algérie française (FAF), par des émissaires de Matignon et de l’Elysée : proclamer une République française d’Algérie au nom du droit à l’autodétermination des Algériens qui refusaient de se soumettre au FLN [38]. Ainsi, l’éventail des avenirs possibles semblait encore assez largement ouvert quand un prochain référendum sur l’autodétermination fut annoncé le 16 novembre 1960, et son texte publié le 8 décembre. C’est alors que se décida le destin de l’Algérie.

Du 9 au 13 décembre 1960, le président de la République fit un dernier voyage dans l’intérieur du pays. Le FAF ordonna une grève générale ; ses jeunes militants harcelèrent les gendarmes mobiles et les CRS pour entraîner l’armée à prendre parti comme le 13 mai 1958 ; certains auraient même projeté d’assassiner de Gaulle. Les autorités civiles autorisèrent les musulmans à contre-manifester en faveur de la politique gaullienne. A Alger et dans les grandes villes les contre-manifestations furent encadrées par des militants du FLN, qui firent acclamer le GPRA et brandir des drapeaux algériens. Des heurts violents les opposèrent aux Européens jusqu’à l’intervention de l’armée, qui rétablit l’ordre [39]. De Gaulle, abrégeant son voyage, en tira les leçons : aveuglement du FAF (qu’il interdit le 15 décembre), inconsistance de la “troisième force”, et impossibilité de mettre fin à la guerre sans un accord avec le FLN, qu’il décida de “mettre au pied du mur” après le référendum [40].

Le référendum du 8 janvier 1961 devait habiliter le gouvernement à prédéterminer l’autodétermination en organisant des institutions algériennes provisoires. Il rencontra une double opposition : celle des défenseurs de l’Algérie française, et celle du GPRA et des partisans d’une négociation politique avec celui-ci, qui redoutaient une algérianisation de la guerre. En métropole, avec une participation de 76,5 % des inscrits, le “oui” obtient 79 % des suffrages exprimés ; l’importance des “non” et des votes nuls des partis de gauche hostiles à une « solution Bao Daï » (PCF, PSU) permettait d’évaluer à moins de 10 % l’audience des partisans de l’Algérie française. En Algérie l’abstention, conforme aux ordres du FLN, obtenait une majorité relative de 42 % des inscrits (absolue dans les quartiers musulmans des grandes villes) ; le “oui”, préconisé par les autorités civiles et militaires, 39 % (surtout des ruraux musulmans) ; et le “non”, signifiant le refus de la sécession, 18 % (pourcentage proche de celui des Européens dans le corps électoral). De Gaulle en conclut qu’il avait reçu mandat de faire la paix le plus vite possible. Ce n’était déjà plus la même politique que celle qu’il avait proposée du 16 septembre 1959 au 4 novembre 1960.

Dès le 9 janvier 1961, le président de la République et son premier ministre décidèrent de relancer les négociations avec le FLN [41], en acceptant les “bons offices” de la diplomatie suisse [42]. Après de premiers contacts secrets, il décida le 15 mars d’engager des négociations officielles, dont la date, fixée d’abord au 7 avril, fut ajournée par le FLN ; elles s’ouvrirent enfin à Evian le 20 mai, après l’échec du “putsch des généraux” (22-25 avril 1961).

Ces négociations manifestaient la renonciation du général de Gaulle à des principes qu’il avait longtemps proclamé intangibles : le préalable de la remise des armes (accepté par Si Salah en juin 1960) ou tout au moins d’un cessez-le-feu [43], remplacé par une “trêve unilatérale des opérations offensives” que le FLN dénonça comme un piège ; la limitation de l’ordre du jour aux garanties de l’autodétermination (il fut en fait élargi à l’avenir de l’Algérie et des relations franco-algériennes) ; les discussions parallèles avec d’autres tendances politiques [44]. Ainsi, le GPRA se trouvait reconnu de facto (sinon de jure) comme le seul interlocuteur valable du gouvernement français et le futur gouvernement de l’Algérie. De Gaulle avait donc changé de politique, sans l’avouer. Il avait fait sienne la nouvelle doctrine de l’autodétermination élaborée par l’opposition de gauche lors des colloques juridiques de Royaumont (juin-juillet 1960), Aix-en-Provence (décembre 1960-janvier 1961) et Grenoble (3-5 mars 1960) [45].

Mais ces concessions majeures ne furent pas suffisantes. Les conférences d’Evian (20 mai-13 juin) et de Lugrin (17-28 juillet) achoppèrent sur les droits des Français d’Algérie et sur l’appartenance du Sahara. Faute d’entente avec le FLN, de Gaulle envisagea pragmatiquement d’autres solutions : formation d’un exécutif provisoire algérien (dont la représentativité aurait été problématique [46]), dégagement unilatéral (impliquant le rapatriement de tous les habitants voulant rester français et l’expulsion des Algériens de France), ou partage durable du pays, au risque de pérenniser la guerre [47]. Mais il ne pouvait supporter longtemps une guerre sur deux fronts opposant les forces de l’ordre aux deux terrorismes rivaux du FLN et de l’OAS (qui se présentait comme le dernier recours des Français d’Algérie).

Pour sortir de l’impasse, de Gaulle reconnut le 5 septembre 1961 la souveraineté de l’Algérie sur le Sahara [48] ; mais il refusa de renoncer à la procédure d’autodétermination en négociant officiellement avec le GPRA l’indépendance et le cessez-le-feu, puis les relations franco-algériennes (comme l’avait proposé le 24 octobre 1961 son nouveau président Ben Khedda [49]). Les deux parties ayant hâte d’en finir, les négociations reprirent en secret et aboutirent aux accords préliminaires des Rousses (18 février 1962), qui furent officiellement renégociés à Evian du 7 au 18 mars 1962.

Ainsi, on peut difficilement admettre que De Gaulle ait poursuivi de 1944 à 1962 une seule politique de décolonisation de l’Algérie. Après avoir renoncé dès 1947 à la politique d’assimilation, il dut attendre jusqu’en 1958 pour tenter une politique d’association. De 1958 à 1962, il essaya successivement l’Algérie autonome dans la Communauté, puis l’Algérie algérienne ouverte à tous, enfin la République algérienne constituée par une négociation avec le FLN (sans oublier les politiques alternatives de dégagement ou de partage envisagées durant l’été et l’automne 1961 pour faire pression sur celui-ci [50]). On peut néanmoins admettre l’interprétation rétrospective des Mémoires d’espoir : si De Gaulle savait en juin 1958 que l’Algérie était destinée à l’indépendance, il ne savait pas encore comment et avec quels partenaires il pourrait l’y conduire. Mais on doit aussi constater que les gaullistes étaient loin d’avoir tous compris quelle serait l’orientation de sa politique algérienne avant le 13 mai 1958, et que s’il avait disparu à ce moment-là, à supposer qu’ils soient restés au pouvoir, leur politique algérienne aurait sans doute été très différente [51].

Guy Pervillé

Cet article fait partie du dossier thématique intitulé "1958 et l’Outre-mer français", sous la direction d’Yvan Combeau, dont voici le sommaire :

-  Présentation, par Yvan Combeau.

-  De Gaulle et le problème algérien en 1958, par Guy Pervillé.

-  L’élection législative du 30 novembre 1958 en Algérie, par Bernard Droz.

-  1958, la Communauté franco-africaine : un projet de puissance entre héritage de la IVème République et conceptions gaulliennes, par Frédéric Turpin.

-  L’administration coloniale et le référendum du 28 septembre 1958 dans les fédérations d’AOF et d’AEF, par Francis Simonis.

-  Les "réseaux Foccart" en Outre-mer à la fin de la IVème République. une étude de cas : le capitaine de gendarmerie mobile Dargelos, par François Audigier.

-  La proclamation de la République malgache : transmission de l’Etat et malentendus fondateurs, par Didier Galibert.

-  Le référendum de 1958 à la Martinique, par Léo Elisabeth.

-  La Nouvelle-Calédonie en 1958, ou la primauté du territorial sur le national, par Frédéric Angleviel.

[1] Cet article est une mise à jour des pages 184 à 196 de mon livre Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Paris, Picard, 2002, et une réponse à celui d’Irwin M. Wall cité plus loin.

[2] L’interprétation de Xavier Yacono, citée plus loin, vient d’être répétée par l’historien américain Irwin M. Wall dans son livre France, the United States, and the Algerian War, University of California Press, 2001, traduction française Les Etats-Unis et la guerre d’Algérie, Paris, Editions Soleb, 2006 : “Les premières actions de de Gaulle furent tout d’une pièce, orientées vers le seul but fixé de garder l’Algérie française. C’est seulement en septembre 1959 qu’il modifia son but en concédant l’autodétermination en principe et en fixant comme objectif de réaliser une étroite association entre l’Algérie et la France”.

[3] Comme Xavier Yacono, De Gaulle et le FLN, Versailles, Editions de l’Atlanthrope, 1989. Cf. l’étude des discours gaulliens par Jeannine Verdès-Leroux, Les Français d’Algérie de 1830 à aujourd’hui. Une page d’histoire déchirée, Paris, Fayard, 2001, pp. 441-471.

[4] Textes reproduits par Jacques Soustelle, Vingt-huit ans de gaullisme, Paris, La Table ronde, 1972, pp. 432-441.

[5] Avec un silence entre “Algérie” et “française”, selon son gendre Alain de Boissieu, Pour servir le général, Plon, 1982, p. 101.

[6] Ce que semblait admettre Xavier Yacono, De Gaulle et le FLN, p. 26 (citant une déclaration de l’amiral Philippe de Gaulle au Figaro, 11-11-1971).

[7] Conférence de presse du 11 avril 1961, Discours et messages, t. 3, Plon, 1970, p. 289.

[8] Mémoires d’espoir, Plon, 1970, pp. 48-51 ; cf. Bernard Tricot, Les sentiers de la paix, Plon 1972, pp. 364-365.

[9] Formule préconisée dès le 7 octobre 1956 par Monseigneur Duval, archevêque d’Alger (cf. Le cardinal Duval, évêque en Algérie, entretiens avec Marie-Christine Ray, Le Centurion, 1984, p. 244, et Au nom de la vérité, réédition Cana et Albin Michel, 2001, p. 56).

[10] Cf. Yacono, op. cit.

[11] Alain de Sérigny, Echos d’Alger, t. 2, L’abandon, Presses de la Cité, 1974, pp. 298-301, et 325-331.

[12] Alain de Sérigny, Echos d’Alger, t. 2, op. cit., p. 331.

[13] Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Editions de Fallois et Fayard, 1994, p. 52.

[14] Alfred Sauvy, L’Europe submergée, Dunod-Bordas ; 1987, p. 132, et De Paul Reynaud à Charles de Gaulle, Casterman, 1972, p. 199.

[15] Louis Terrenoire, De Gaulle et l’Algérie, Fayard, 1965, p. 41. Cf. Charles-Robert Ageron, “De Gaulle et l’Algérie algérienne”, dans L’Algérie algérienne, de Napoléon III à de Gaulle, Sindbad, 1980, pp. 239-254.

[16] Organe de liaison avec les cadres du RPF d’Outre-mer, qui dura jusqu’à la fin de 1958. Voir aux Archives de la Fondation Charles de Gaulle, RPF 602 à 604. Cité dans ma communication sur “Le RPF et l’Union française”, in De Gaulle et le RPF, Paris, Armand Colin, 1998, p. 529.

[17] Lettre à l’Union française, n° 284, 18 mai 1955. Le plus étonnant est que Jacques Foccart resta très proche des idées de Jacques Soustelle, et crut pouvoir annoncer que l’Algérie était vraiment devenue française dans le n° 432 du 12 juin 1958 (après son retour triomphal en Algérie avec de Gaulle). On peut donc supposer que l’éditorial du 18 mai 1955 lui avait été directement inspiré par le Général.

[18] Voir les contributions de Charles-Robert Ageron au colloque Brazzaville, aux sources de la décolonisation, Plon, 1988.

[19] Cité par Jean-Raymond Tournoux, La tragédie du général, Plon, 1967, p. 188-189 (en note).

[20] “Mémorandum pour contribuer à l’étude du projet Valleur”, à en-tête du Commissariat aux colonies, affaires politiques (rédigé par le directeur Henri Laurentie ?), Archives du quai d’Orsay, 995, pp. 60-61. Albert Valleur, membre de la commission des réformes musulmanes, avait proposé d’accorder une forme atténuée de citoyenneté française sans perte du statut personnel à tous les musulmans algériens.

[21] L’ordonnance du 7 mars 1944 avait promis la citoyenneté française aux musulmans non admis à voter dans le premier, mais avait laissé à la future Assemblée nationale le soin d’en fixer les modalités.

[22] Cf. la lettre du 4-12-1956 reproduite par Soustelle, op. cit., p. 446, et Sérigny, op. cit, pp. 243-247.

[23] Sérigny (citant Soustelle), op. cit., pp. 246-247.

[24] Conférence de presse du 19 mai 1956, Discours et messages, t. 3, p. 10.

[25] Voir ma contribution sur “Continuité et évolution des idées de Michel Debré sur l’Algérie” au colloque Michel Debré et l’Algérie, s. dir. Maurice Vaïsse, Paris, Editions Champs Elysées, 2007, pp. 207-213. Cf.la lettre de Michel Debré datée du 25 septembre 1958, reproduite par celui-ci dans ses Mémoires, t. 3, pp. 203-204.

[26] Voir Foccart parle, entretiens avec Philippe Gaillard, Paris, Fayard et Jeune Afrique, 1995, p. 123.

[27] Voir son témoignage, Vingt-huit ans de gaullisme, op. cit.

[28] Voir les contributions de Charles-Robert Ageron au colloque Brazzaville, janvier-février 1944. Aux sources de la décolonisation, Institut Charles de Gaulle et Institut d’Histoire du temps présent, Paris, Plon, 1988 ; et mon explication du discours de Brazzaville dans mon recueil de textes commentés L’Europe et l’Afrique de 1914 à 1974, Paris et Gap, Ophrys, 1994, pp. 53-63.

[29] Voir les communications de Paul Isoart, Christian Bidegaray, Semi-Bi Zan et Charles-Robert Ageron au colloque : L’Afrique noire française : l’heure des indépendances, s. dir. C.-R. Ageron et Marc Michel, Editions du CNRS, 1992.

[30] Michel Debré, Mémoires, t. 2, Albin Michel, 1984, p. 390. Cependant, plusieurs auteurs ont estimé que rien dans la Constitution de 1958 n’empêchait juridiquement la séparation de l’Algérie. Voir les Documents pour servir à l’histoire de la Constitution de 1958, La Documentation française, 1987, 1988 et 1991, et L’écriture de la Constitution de 1958, s.dir. Didier Maus, Louis Favoreu et Jean-Luc Parodi, Economica et PUAM, 1992 ; et les articles de G. Bensadou, L’Algérianiste, n° 71, septembre 1995, pp. 42-48, et J. F. Paya, Pieds-noirs d’hier et d’aujourd’hui, n° 94, octobre 1998, pp. 22-23.

[31] Discours et messages, t. 3, Plon, p. 121.

[32] Sur cette “affaire Si Salah”, voir ma tentative de mise au point dans Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Paris, Picard, 2002, pp. 166-168, et surtout la thèse de Robert Davezac, La montée des violences dans le Grand Alger, 1er juin 1958-30 avril 1961, soutenue à Toulouse le 31 janvier 2008. Cette thèse a révélé (pp. 635-638) que Si Salah avait annoncé une trève pour les civils dans un communiqué adressé à L’Echo d’Alger et au Monde le 21 juin 1960. Ce fait bizarrement oublié par tous les livres explique l’étonnement des représentants du GPRA à la conférence de Melun, mentionné par Mohammed Harbi, Une vie debout, Mémoires politiques, t. 1, Paris, La découverte, 2001, pp. 324-325.

[33] MichelDebré,Mémoires, t. 3, Gouverner, p. 260, et Entretiens avec le général de Gaulle, pp. 20-22, Albin Michel, 1988 et 1993.

[34] Plusieurs témoignages convergents affirment que de Gaulle à la fin de 1959 aurait proposé secrètement au GPRA de reconnaître une République algérienne dans un “Commonwealth français”, à condition que des représentants des Français d’Algérie participent à son gouvernement ; cf. Amar Hamdani, Krim Belkacem, Balland, 1973, pp. 287-288 ; Henri Jacquin, La guerre secrète en Algérie, Olivier Orban, 1977, pp. 253-254 ; et Alain de Boissieu, op. cit., pp. 127-128 (qui cite des confidences de son beau-père en janvier 1960). Cf. les articles d’Albert-Paul Lentin dans Historia-Magazine-La guerre d’Algérie, n° 299-76 et 303-78, pp. 2217-2218 et 2273. Mais Michel Debré n’en dit rien dans ses Mémoires, et le témoignage de Redha Malek, L’Algérie à Evian, Le Seuil, 1995, pp. 49-50, suggère que de Gaulle se serait fait des illusions.

[35] Discours et messages, p. 138.

[36] Les députés, élus en novembre 1958 sur des listes mixtes comportant obligatoirement au moins deux tiers de musulmans, étaient presque tous intégrationnistes au début. D’abord rattachés au groupe UNR, leur majorité s’en détacha en juillet 1959 pour former le groupe « Unité de la République ». En 1961, le « Rassemblement démocratique algérien », manipulé par le FLN, se détacha de l’UNR.

[37] Tournoux, op. cit., pp. 595-602.

[38] Edmond Jouhaud, Ce que je n’ai pas dit, Fayard, 1977, pp. 163-179. Cf. Tournoux, Jamais dit, Plon 1971, pp. 224-255. Michel Debré n’en dit rien dans ses Mémoires, ce qui ne vaut pas une réfutation.

[39] Le bilan fut très lourd à Alger : 96 morts (dont 6 Européens) et 370 blessés hospitalisés (dont 53 Européens), pas tous imputables à la répression.

[40] Cf. Terrenoire, op. cit., pp. 205-216 ; et Peyrefitte, op. cit., pp. 71-74.

[41] Cf. Terrenoire, op. cit., pp. 218-220 ; Tricot, op. cit., pp. 218-223 et Debré, Gouverner, pp. 267-269.

[42] Cf. Olivier Long, Le dossier secret des accords d’Evian . Une mission suisse pour la paix en Algérie, Lausanne, 1988, Alger, OPU, 1989.

[43] “Je n’accepterai jamais d’avoir des contacts avec eux [le FLN] tant que les combats continueront. Je ne céderai jamais sur ce point”, avait-il dit à Pierre Laffont le 22-11-1960 (Tournoux, La tragédie du général, p. 598). Mais il avait déjà renoncé à la remise des armes. Cf. la réponse du commandant en chef Crépin à une instruction du Premier ministre du 5 décembre 1960, reproduite par Maurice Faivre, “Entretien avec le général Crépin”, L’Algérianiste, n° 75, septembre 1996, pp. 56-57.

[44] Notamment le MNA, que le ministre des affaires algériennes Louis Joxe avait dit vouloir consulter, provoquant l’ajournement par le FLN des pourparlers d’Evian annoncés pour le 7 avril 1961.

[45] Cf. la “Charte de l’autodétermination” adoptée à Grenoble, dans Le Monde, 7 mars 1961. L’origine de cette nouvelle conception paraît plus complexe, si l’on tient compte des travaux du groupe de réflexion réuni depuis 1956 autour du gaulliste de gauche Gilbert Grandval, avec la participation de Pierre Racine, chef de cabinet du Premier ministre Michel Debré, selon Redha Malek, L’Algérie à Evian, Paris, Le Seuil, 1995, pp. 366-393.

[46] Voir Jean Morin, De Gaulle et l’Algérie, mon témoignage, 1960-1962, Albin Michel, 1999,pp. 172-202.

[47] Solution qu’il fit étudier et populariser un moment par Alain Peyrefitte. Voir son livre C’était de Gaulle, Paris, Fayard, 1994, pp. 76-92.

[48] En fin de compte, les richesses énergétiques du Sahara, mises en valeur à partir de 1956, furent un facteur neutre : elles motivèrent les partisans de l’intégration ( même de Gaulle espéra un moment les garder), mais elles créèrent en même temps les conditions de l’indépendance de l’Algérie.

[49] Une semaine après la féroce répression de la manifestation organisée le 17 octobre 1961 à Paris par la Fédération de France du FLN (manifestation non violente, mais faisant suite à plusieurs mois d’attentats visant des policiers). Cf. Jean-Luc Einaudi, La bataille de Paris, Le Seuil, 1991, et Octobre 1961, un massacre à Paris, Fayard, 2001 ; et Jean-Paul Brunet, Police contre FLN, le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999.

[50] Sur la mission confiée par de Gaulle au député Alain Peyrefitte d’étudier et de populariser l’hypothèse du partage, voir ses livres, Faut-il partager l’Algérie ?, Plon, décembre 1961, et C’était de Gaulle, op.cit., pp. 76-91.

[51] Voir aussi mon article “De Gaulle et l’Algérie : évolution des conceptions”, Guerre d’Algérie-magazine, n° 8, juin-juillet-août 2007, pp. 54-61, et ma communication au colloque de Rennes (22-24 mai 2006) sur “Le retour de Charles de Gaulle : changement de régime et changement de politique algérienne de la France”, publié par Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier sous le titre Les partis et la République, La recomposition du système partisan, 1956-1967, Presses universitaires de Rennes, 2007, pp. 193-201.



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