Six nouveaux comptes rendus parus dans Outre-mers, revue d’histoire (2013)

vendredi 3 janvier 2014.
 
Les six comptes rendus de livres qui suivent sont parus dans la revue Outre-mers, revue d’histoire, n° 380-381, 2ème trimestre 2013, pp.357-358, 359-361, 362-364, 365-367 et 371-376.

- BEN FRADJ Chokri, Oliviers et oléiculture en Tunisie, de l’Antiquité à la crise des années 30. Paris, L’Harmattan, septembre 2011, 96 p.
ISBN : 978-2-296-56328-5

Cet essai, modestement sous-titré « quelques pages d’une histoire gigogne », évoque l’histoire de l’arbre fruitier le plus typique de la Tunisie à travers l’histoire du pays, tout en se concentrant essentiellement sur l’époque coloniale, la plus riche en documentation. Il analyse cependant en détail le développement accéléré de cette culture à partir du bey Hammouda Pacha (1782-1814), mais insiste surtout sur la période coloniale, la première à produire des statistiques régulières. Celles-ci montrent d’abord un essor sans précédent de la production au début du XXème siècle, puis elle devient très irrégulière entre 1915 et 1925, avant de connaître un nouvel essor sans précédent entre 1925 et 1935 (550.000 quintaux en 1932, 600.000 en 1933, et de nouveau 550.000 en 1934). Ainsi, ce que les apologistes du protectorat célébraient en 1931 comme l’une des plus grandes réussites de la mise en valeur coloniale, aboutit à une grave crise économique - partie intégrante de la grande crise des années 1930 - qui se double d’une grave crise sociale, et qui contribue à créer un terrain favorable à l’implantation du mouvement nationaliste relancé par Habib Bourguiba et son Néo-Destour (créé en 1934). S’appuyant à chaque instant sur les travaux d’historiens tunisiens et d’autres spécialistes de l’histoire de la Tunisie, qu’il cite fréquemment en notes, l’auteur veut surtout décloisonner l’histoire de son pays en brisant les séparations artificielles entre les diverses branches thématiques d’une histoire unique.

Il reconnaît néanmoins dans son introduction et dans sa conclusion, la dimension culturelle particulière du fruit de cet arbre dans la mémoire familiale longue qui est la sienne et celle d’une grande partie des Tunisiens : « Petit-fils et arrière-petit-fils de paysans oléiculteurs du Sahel tunisien, notre enfance a, en effet, baigné - en partie - dans cette ambiance, si particulière et bien familière à ce milieu, faite de labeur, de patience, d’inquiétude, (face à une sécheresse qui dure ou se répète) mais aussi de communion autour de petits bonheurs et de moments de joie quand de substantielles pluies de printemps puis d’automne laissent espérer une année d’abondance ». Mais dans sa conclusion, il résume d’autres dimensions moins riantes de son sujet que « le portrait d’un pays ouvert à l’autre qu’il nourrissait sensiblement plus qu’il ne s’en nourrissait » : « Cette médaille ayant, tout naturellement, son revers, la masse des oléiculteurs tunisiens a vite fait de se trouver piégée par le caractère devenu rapidement injuste et inégal de ces échanges dès que la balance des rapports de force entre le sud et le nord de la Méditerranée bascula, de manière décisive, en faveur de ce dernier. La colonisation française n’aura, ensuite, qu’à emprunter un chemin largement balisé, broyant, au passage, oléiculteurs et autres paysans autochtones exposés - sans arme ni défense - à la mécanique déboussolée d’un capitalisme sauvage sans frontières, amis aussi sans morale. Comment s’étonner, alors, que le duo olivier et huile d’olive soit, aussi, devenu un vecteur - parmi d’autres - d’une contestation qui, sourde ou déclarée, avait fini par sceller la jonction de l’économique et du social avec la politique ? »

- MAATOUG Fredj, John F. Kennedy, la France et le Maghreb . Préface de Jacques Thobie. Paris, L’Harmattan, avril 2012, 353 p.
ISBN : 978-2-296-96095-5

L’historien tunisien Fredj Maatoug avait soutenu en 1993 à la Sorbonne, sous la direction de Jacques Thobie, une thèse portant sur les positions du sénateur puis président démocrate John Kennedy relatives à la décolonisation du Maghreb. Près de vingt ans après, il en a publié ce livre centré sur l’élaboration d’une nouvelle politique des Etats-Unis, visant à encourager la France à renoncer à sa souveraineté sur l’Algérie pour éviter que la prolongation d’une guerre coloniale aboutisse à renforcer l’intrusion du bloc soviétique sur la rive méridionale de la Méditerranée. Ce problème a déjà inspiré d’autres travaux tels que ceux de l’historienne tunisienne travaillant aujourd’hui en France, Samya El Machat, publiés par L’Harmattan en 1996, sur les relations entre les Etats-Unis et les nationalistes des trois pays du Maghreb, ou encore le livre de l’historien américain Irwin M. Wall aujourd’hui traduit en français sous le titre Les Etats-Unis et la guerre d’Algérie, publié par les éditions Soleb en 2006. Ce nouvel ouvrage n’en est pas moins très intéressant.

En effet, à voir ce livre commencer par l’évocation du célèbre discours du 2 juillet 1957 , prononcé devant le Sénat par le sénateur John Kennedy pour réclamer une révision radicale de la politique américaine de soutien inconditionnel à la France alliée, on pouvait se demander si le futur président était dupe du discours idéologique américain sur l’anticolonialisme qui était censé s’imposer aux Etats-Unis, parce qu’ils étaient eux-mêmes issus d’une révolution anticoloniale, symbolisée par la fameuse « Tea party » de Boston, où des Américains déguisés en Peaux-rouges avaient jeté à la mer les cargaisons de thé de la Compagnie des Indes. Mais le lecteur est rapidement rassuré : la position du futur président ne reposait nullement sur ces illusions idéologiques, mais sur des analyses beaucoup plus approfondies. Le livre a le grand mérite de présenter, en plus des analyses du futur président, un aperçu de toutes les influences qui ont pu les inspirer et des réactions qu’elles ont provoquées, aux Etats-Unis, en France et ailleurs. En ce qui concerne la nature même du conflit franco-algérien, nous lisons avec le plus grand intérêt (p. 123) que dans une de ses lettres, Arthur Schlesinger Jr. lui confiait : « Je suis sûr que la question algérienne est, sur de nombreux points, comme tu as dû le penser à maintes reprises, similaire à la question irlandaise (y compris la présence des colons), et qu’elle est en train d’avoir sur la politique française, un peu, l’effet qu’avait eu la question irlandaise sur la politique britannique avant la Première guerre mondiale ». C’était en effet un argument très parlant pour un descendant d’immigrés irlandais, en même temps qu’une analogie historique tout-à-fait soutenable. En même temps, on lit avec le même intérêt l’importante contribution de l’historienne Lorna Hahn, critiquant radicalement la politique menée par la France en Algérie depuis 1830. On voit que le sénateur Kennedy était un vrai intellectuel en même temps qu’un politicien ambitieux.

S’il voulait fonder une nouvelle politique américaine sur la compréhension du bien fondé de la révolte du FLN, John Kennedy était sans doute sincère en pensant que les Etats-Unis devaient sauver leurs amis français d’eux-mêmes, et que la négociation avec les nationalistes algériens devait être le meilleur moyen de sauvegarder leurs intérêts essentiels autant que possible. Mais surtout, il pensait que la reconnaissance même tardive du droit à l’indépendance du Maroc et de la Tunisie aurait pu rétablir une vraie paix en Afrique du Nord si la France avait adopté la même attitude en Algérie, et que la prolongation de la guerre d’Algérie, avec un risque d’extension aux deux pays voisins, risquait au contraire de favoriser la radicalisation révolutionnaire du FLN et l’intrusion du bloc soviétique dans la région. Le sénateur Kennedy plaçait beaucoup d’espoirs dans la politique nettement pro-occidentale du président tunisien Habib Bourguiba. L’administration républicaine, si elle rejeta hautement les propositions du sénateur Kennedy, essaya néanmoins de faire pression sur l’allié français par sa proposition de « bons offices » destinés à régler le conflit franco-tunisien de Sakiet-Sidi Youcef (février 1958), ce qui provoqua indirectement la révolution du 13 mai 1958 à Alger, mais le retour du général de Gaulle au pouvoir à Paris lui inspira une attitude plus prudente.

Pourtant le sénateur Kennedy ne revint guère sur sa proposition du 2 juillet 1957 avant son élection contre Nixon à la fin 1960, et une fois élu président, il s’abstint de faire pression sur le président Charles de Gaulle parce qu’il l’admirait et qu’il lui faisait confiance, tandis que son partenaire français le soutenait très fermement dans la recrudescence de la guerre froide à Berlin et à Cuba en 1961 et 1962. Il s’abstint même de soutenir Habib Bourguiba dans la crise de Bizerte qui l’opposa à la France en juillet 1961. En fin de compte, on peut dire que le président Kennedy déçut ceux qui avaient attendu de lui une tout autre politique américaine envers la France pour lui imposer l’indépendance de l’Algérie, et la première visite du président Ahmed Ben Bella à Washington en octobre 1962 précéda de très peu sa visite beaucoup plus amicale à Fidel Castro. Pourtant, Fredj Maâtoug nous montre que la personne du président Kennedy a continué à bénéficier d’une bonne image à Alger jusqu’à sa mort, mais ce n’était pas le cas de la politique américaine, qualifiée d’impérialiste. Du point de vue américain, nous pouvons conclure plus nettement que l’auteur : le président Kennedy n’a pas pu appliquer la nouvelle politique préconisée par le sénateur en juillet 1957, parce qu’il était déjà trop tard, le FLN ayant pris goût à l’alliance avec les Etas communistes, mais aussi parce que le regain de la guerre froide l’a poussé à compter plus que jamais sur l’alliance française. Allons plus loin : le président Kennedy a oublié les leçons qu’il voulait tirer en 1957 de la guerre française d’Indochine en se laissant entraîner vers une nouvelle guerre au Vietnam, alors que le président français en tira les leçons.

- ORKIBI Eithan, Les étudiants de France et la guerre d’Algérie. Identité et expression collective de l’UNEF (1954-1962) . Préface de Gilles Manceron. Paris, éditions Syllepse, octobre 2012, 294 p.
ISBN : 978-2-84950-353-9

Ce livre est une version remaniée d’une thèse de sciences politique soutenue à l’Université de Tel Aviv en 2011, mais réalisée grâce à une bourse d’étude annuelle à l’Institut d’études politiques de Paris, et en collaboration étroite avec le GERME (groupe d’étude et de recherche sur le mouvement étudiant). L’appartenance de l’auteur en Israël au groupe de recherche ADARR (analyse du discours, argumentation et rhétorique) de l’Université de Tel Aviv, explique une dimension particulière à son travail, qui est l’utilisation systématique du concept politologique ou anthropologique d’éthos (caractère en grec), aux multiples sens qui inspirent plusieurs développements de la thèse.

Sa dimension historique, fondée sur une bibliographie très riche, consiste en une analyse très précise, appuyée sur de nombreux textes, de l’évolution des positions prises par les responsables de l’UNEF appartenant à la tendance appelée « minoritaire » ou « minos » - qui avaient été brièvement majoritaire au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, juste assez pour faire adopter par le congrès de Grenoble en 1946 le principe d’engagement du « jeune travailleur intellectuel » dans la vie de la cité - avant que le retour en force des « majos » rétablisse dans sa direction la prépondérance de la tendance favorable à la conception originelle de l’apolitisme du mouvement étudiant. L’étude ne s’enferme pas vraiment dans le cadre chronologique indiqué sur la couverture : après avoir rappelé la Charte de Grenoble et présenté les deux grandes tendances « minoritaires » (à savoir les étudiants socialistes, et les étudiants catholiques de gauche issus de la JEC), elle aborde et analyse de près la « querelle étudiante » qui leur donna la victoire sur les « majos » dès 1956, à la faveur des remous provoqués par la guerre d’Algérie et par la grève des étudiants musulmans algériens ordonnée le 19 mai 1956 par l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) suivant les consignes du FLN. Puis, après que la nouvelle direction « mino » eut réussi à surmonter une première scission décidée par plusieurs associations locales « majos » en 1957-1958, la troisième partie montre l’escalade qui conduisit la nouvelle UNEF à jouer une rôle militant de plus en plus directement engagé et de plus en plus efficace, de la campagne contre la modification du régime des sursis (1959-1960) à un engagement politique contre la guerre d’Algérie de plus en plus net, qui aboutit en juin 1960 à la reprise des relations officielles avec l’UGEMA, puis à la formation d’une alliance avec plusieurs syndicats d’enseignants (FEN, SNI, SNES, SNET), et avec des universitaires et intellectuels réputés, pour la grande manifestation du 27 octobre 1960. C’est alors que l’étude s’arrête, à l’apogée de l’UNEF comme mouvement social et politique capable de mobiliser la masse des étudiants.

Les trois principaux animateurs du GERME, Jean-Philippe Legois, Robi Morder et Alain Monchablon, présentent pour finir un utile épilogue qui sert de conclusion au livre, et dans lequel ils indiquent pourquoi le 27 octobre ne fut qu’un fragile apogée du mouvement étudiant. Ils distinguent en effet cinq facteurs de déclin : - une centralité éphémère par rapport à la gauche, notamment à cause de l’hostilité du PCF et de ses militants étudiants ; - l’épuisement des « générations algériennes », remplacées par de nouvelles tendances politiques qui s’affrontent ; - la perte de la reconnaissance officielle de l’UNEF par le gouvernement, qui lui retire sa subvention en 1961 et va jusqu’à favoriser contre elle la formation d’un nouveau syndicat « apolitique », la Fédération nationale des étudiants de France (FNEF) ; - le relâchement des liens entre étudiants français et algériens après l’indépendance ; - et enfin, la politisation à outrance des diverses tendances. Peut-être aurait-il fallu indiquer plus clairement que la notion si critiquable d’apolitisme était pourtant indispensable à un mouvement qui prétendait toujours être « l’Union nationale des étudiants de France ». En effet, les « minos » avaient momentanément réussi à rassembler la majorité des étudiants français contre la guerre d’Algérie parce que la plupart d’entre eux y trouvaient leur intérêt évident ; mais ce ne fut plus le cas une fois cette guerre terminée, car aucune autre revendication ne pouvait plus rassembler la grande majorité des étudiants.

- REVEL Gaston, Un instituteur communiste en Algérie. L’engagement et le combat (1936-1965) . Carnet, correspondance, discours et photographies de Gaston Revel, présentation et notes par Alexis Sempé. Préface de Jacques Cantier. Cahors, La Louve éditions, mai 2013, 463 p.
ISBN 978-2-916488-59-2

Alexis Sempé, ancien étudiant d’histoire à l’Université de Toulouse-Le Mirail, doit être félicité d’abord pour sa rédaction très scrupuleuse, qui n’affirme rien sans s’appuyer sur des sources et une bibliographie très solide. Mais aussi et surtout pour sa présentation d’un document beaucoup plus riche que ceux que l’on trouve habituellement dans l’historiographie consacrée aux communistes algériens. En effet, le personnage de Gaston Revel est étonnant parce qu’il n’a pas toujours été un communiste exemplaire : il l’est devenu. Mais sa carrière se divise en deux parties : la première, jusqu’en 1941, est atypique, alors qu’à partir de 1942 ou 1943 elle se rapproche de plus en plus du type idéal du parfait militant communiste. Et la clé de voute de cet itinéraire étonnant se trouve dans la période allant de septembre 1941 à octobre 1942, qui est malheureusement un blanc documentaire, étant donné l’absence des carnets de Gaston Revel allant de 1938 à 1944, signalée dans la note 11 de la page 16. Il faut souhaiter que ces deux carnets soient retrouvés un jour, et qu’ils n’aient pas été détruits, car ils permettraient peut-être d’éclairer l’étonnante évolution des positions de l’auteur [1].

En effet, dans une première période, de 1935 à 1941, nous voyons Gaston Revel évoluer d’une manière très complexe entre plusieurs positions idéologiques contradictoires. D’abord un antimilitarisme de tradition socialiste, puis sous l’influence de la guerre d’Espagne, une tentation anarchiste, mais surtout un rapprochement avec les communistes qui va de pair avec une remise en cause de son pacifisme, jusqu’à ce que le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 le désoriente profondément. Mais surtout, le plus étonnant est son amitié avec un jeune hongrois de son âge, Janos Mezei, dont il discute la tendance pro-fasciste sans la condamner, avec une largeur d’esprit tout à fait étonnante. Et le résultat de toutes ces influences est, après la fin de sa campagne de France subie sans conviction, son adhésion enthousiaste à la Révolution nationale et au collaborationnisme du maréchal Pétain et de l’amiral Darlan, sans l’ombre d’une critique jusqu’au milieu de l’année 1941. Durant cette période, sa découverte de l’Algérie à deux reprises, en tant qu’élève instituteur à Bouzaréah (1936-1937) puis en tant qu’instituteur dans un village perdu de l’Est algérien (1940-1942) ne semble pas lui avoir fait découvrir la nécessité de condamner le colonialisme sans appel. Sa dernière lettre à Janos Mezei, datée du 22 septembre 1941, s’inquiète du sort de son ami, dont il reste sans nouvelles et qu’il peut supposer mobilisé pour la participation de la Hongrie à l’agression allemande du 22 juin 1941 contre l’URSS, et elle lui dit le plus grand bien de sa présence volontaire à un stage à l’Ecole des cadres de la jeunesse d’El Riath, dirigé par le colonel Van Ecke (qui allait participer l’année suivante à la réussite du débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 à Alger, mais pouvait-on le savoir plus d’un an auparavant ?).

Puis à partir de son arrivée à Bougie en octobre 1942, suivie rapidement par sa deuxième mobilisation en décembre, nous le voyons peu à peu retrouver une conscience politique de gauche, sympathisant apparemment avec les communistes et condamnant le vichysme, souhaitant dès juin 1943 "repartir en France pour tâter le terrain". Mais c’est seulement après sa démobilisation (été 1945) et un retour à Bougie qui ne semble pas avoir été projeté en octobre 1945, que nous le voyons désormais adopter le comportement d’un militant communiste exemplaire. Nous le voyons alors sous les traits d’un homme de conviction, prêt à tout sacrifier pour ce qu’il croit être juste, mais aussi avec beaucoup moins de largeur d’esprit qu’avant la guerre. En effet, après une dernière rencontre à Budapest avec Janos Mezei en 1947, il rompt avec lui pour presque vingt ans quand celui-ci fuit la Hongrie et lui expose, par lettre, ses raisons de le faire en 1948. D’autre part, son absence d’Algérie en mai 1945 paraît lui avoir facilité l’acceptation du retournement vertigineux de la position des communistes envers les nationalistes (qui les fit passer en quelques semaines du rôle d’hommes de main des fascistes à celui de victimes des fascistes). Mais on s’étonne de son absence de réaction aux massacres de civils européens commis le 20 août 1955 par le FLN du Nord-Constantinois, comme si ce fait absolument contraire à la doctrine internationaliste des PCA et PCF n’avait jamais existé. Il est vrai que cette attitude ne lui était pas personnelle, et qu’elle n’a toujours pas été remise en question par les communistes jusqu’à nos jours. Elle donne presque l’impression que le PCA était une secte, où des militants d’origine française ou juive algérienne pouvaient avoir des relations très amicales avec des Algériens musulmans - ce qui était bien le cas de Gaston Revel - mais qui soutenait politiquement le FLN alors que celui-ci ne partageait pas du tout les mêmes principes internationalistes. Après la fin de la guerre, Gaston Revel est obligé de constater l’échec de cette politique, mais il s’accroche le plus possible à ce qui reste de son idéal, comme on le voit dans sa tardive lettre de réconciliation avec Janos Mezei (19 juillet 1966) : on aimerait savoir ce qu’il a pu lui écrire après que le dernier gouvernement communiste hongrois eut provoqué l’effondrement du communisme soviétique en ouvrant le rideau de fer en 1989. Mais ces remarques critiques n’enlèvent rien à l’intérêt considérable du travail d’Alexis Sempé, qui mérite d’être lu et médité.

- ZELLER Guillaume, Oran, 5 juillet 1962. Un massacre oublié . Paris, Tallandier, préface de Philippe Labro, mars 2012, 223 p.
ISBN : 978-2-84734-899-6

Le sujet du livre de Guillaume Zeller ainsi que son nom, rappelant celui de l’un des quatre généraux du « putsch d’Alger » (22-25 avril 1961), pourrait inspirer une certaine méfiance quant à son caractère historique, mais ce serait bien à tort. En effet, Guillaume Zeller est bien un petit-fils du général André Zeller, et il reconnaît très honnêtement que les idées qu’il en a héritées dans ses jeunes années étaient aussi éloignées des idées largement majoritaires en métropole que de l’histoire. Mais il explique aussi honnêtement dans son introduction comment ces idées reçues de son histoire familiales ont été ébranlées, dans la seconde moitié des années 1990, par un stage au Service historique de l’armée de terre (SHAT), suivi par une vacation au service « histoire orale » qui lui permit de recueillir les témoignages sonores des principaux témoins de la guerre d’Algérie encore en vie, et de modifier profondément sa vison de cette guerre. Sans le connaître personnellement, je peux témoigner que, en lisant des comptes rendu de livres d’histoire qu’il rédigeait il y a quelques années sur un site internet spécialisé, j’avais été très favorablement impressionné par la sûreté et la mesure de son jugement sur l’histoire de la guerre d’Algérie. Il se présente comme journaliste, mais après avoir lu son livre je n’hésite pas à lui donner aussi le titre d’historien.

Le sujet de ce livre est la tragique journée du 5 juillet 1962 à Oran, qui fut marquée par un massacre de Français passé à l’époque presque inaperçu, en tout cas très largement sous-estimé, et qui le reste encore malgré les nombreux ouvrages qu’il a inspirés. Guillaume Zeller explique ainsi l’origine de son livre : « jusqu’à présent, je n’avais guère prêté attention à cet hypothétique épisode, où je voyais volontiers un excès d’imagination de la part des « pieds-noirs », incapables de faire leur deuil de « leur » Algérie. La « boucherie d’Oran » ne serait-elle qu’une version propagée par les rapatriés pour entretenir leur rancœur - parfois leur haine - contre les responsables de la fin de la présence française en Algérie ? Sans jamais contester les souffrances des pieds-noirs, ce récit m’a longtemps paru trop atroce pour être vrai. Je pensais qu’il décrédibilisait par ses exagérations les revendications légitimes des rapatriés. En ce cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, qui donne lieu à de multiples célébrations, j’ai voulu tenter de reconstituer le déroulement de la journée du 5 juillet afin de vérifier si le récit était aussi déformé que je le supposais. Ce qu’on découvre est stupéfiant. Témoignages, archives, études : une multitude de documents méconnus confirmaient qu’un massacre de grand ampleur avait eu lieu à Oran ce jour-là. Cette journée, l’une des plus sanglantes de ce qui n’était déjà plus un conflit, est ignorée », et les témoins dévoilent « des plaies toujours à vif ».

L’auteur ne prétend pourtant pas avoir fait un travail vraiment neuf sur ce sujet trop méconnu : « Ce livre n’a pas la prétention de refaire un travail scientifique sur le drame du 5 juillet 1962 à Oran que, répétons-le, des historiens ont déjà mené et continuent d’enrichir grâce à l’ouverture progressive des archives. C’est plutôt un véritable puzzle que j’ai tenté de reconstituer, en rapprochant ces différents travaux et en les étoffant de nouveaux témoignages et documents ». En effet les notes, les sources et les remerciements aux témoins entendus permettent de constater que l’auteur a utilisé, comme un bon journaliste et un vrai historien, tout ce qui pouvait lui permettre de dépasser les points de vue particuliers. On y retrouve notamment les principaux travaux d’historiens, reconnus ou non, publiés ou inédits : L’agonie d’Oran, enquête collective de témoins rassemblés autour de l’historien Claude Martin (trois éditions en 1985, 1996 et 2000), les thèses inédites d’une historienne française, Régine Goutalier, L’OAS en Oranie, soutenue à Aix-en-Provence en 1975, et d’un historien algérien, Karim Rouina, soutenue à Montpellier en 1980, « Essai d’étude comparative de la guerre d’indépendance de l’Algérie de 1954 à 1962 à travers deux villes : Oran et Sidi-Bel-Abbès », puis la thèse de Jean Monneret, La phase finale de la guerre d’Algérie, soutenue à Paris IV en 1998 et publiée en version abrégée en 2000, et enfin le livre bref (200 pages) mais très dense, fondé sur toutes les archives publiques françaises, que Jean-Jacques Jordi a publié en 2011 sous le titre Un silence d’Etat, les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, publié en 2011 par les Editions SOTECA, sans oublier les utiles mises au point de l’archiviste d’Oran Fouad Soufi. L’existence de tous ces travaux importants et de nombreux témoignages, les uns et les autres encore très peu connus, justifie assurément la publication de la synthèse que Guillaume Zeller a entreprise.

En effet, son livre retrace en puisant aux meilleures sources tous les événements de la guerre d’Algérie qui se sont déroulés à Oran, en développant plus particulièrement l’affrontement du FLN et de l’OAS en 1961 et 1962, puis la lutte de la seconde contre le cessez-le-feu décidé à Evian le 18 mars 1962 par le gouvernement français (représenté sur place par le général Katz) et le GPRA, la brève accalmie qui dura une semaine fin juin-début juillet, et enfin la tragique h-journée du 5 juillet. Les faits, tels que les ont vécus les Français d’Oran, sont aujourd’hui suffisamment connus, et l’ont peut citer comme le fait l’auteur un bilan approchant de 700 morts et disparus, qu’a établi Jean-Jacques Jordi en montrant la bonne concordance entre la liste nominative des morts et disparus et l’évaluation établie en 1964 par un rapport secret mais officiel du secrétariat d’Etat aux rapatriés. Mais une grave incertitude subsiste sur les causes de cette tragédie. La mise en cause de tirs commis par des despérados de l’OAS, affirmée par le général Katz dans son rapport du 12 juillet 1962 et maintenu par celui-ci dans ses Mémoires en 1993, n’a jamais été prouvée. Le capitaine Bakhti, chef de la zone autonome d’Oran du FLN-ALN, a publiquement accusé en juillet 1962 des bandits algériens venus des quartiers musulmans du Petit-Lac, de Lamur et de Médioni, mais ceux-ci faisaient partie de l’ALN avant d’être mis en accusation, et les « auxiliaires temporaires occasionnels » servant de police algérienne ont été désarmés pendant une semaine pour avoir participé aux fusillades. On peut aussi penser que les bombardements des quartiers musulmans par l’OAS, quotidiens depuis le 19 mars jusqu’au 27 juin, ont fait naître dans la population algérienne une soif de vengeance presque irrépressible. Mais depuis quelques années, l’hypothèse d’une provocation menée par l’ALN du colonel Boumedienne pour discréditer le GPRA et aider à porter Ben Bella au pouvoir, soutenue depuis longtemps par l’un des principaux contributeurs de L’agonie d’Oran, Jean-François Paya, contre le scepticisme de Jean Monneret, a reçu le soutien des historiens Gilbert Meynier (auteur d’une importante histoire du FLN) et Jean-Jacques Jordi. Le livre de Guillaume Zeller permet au lecteur une bonne initiation à ces questions très complexes, mais il a aussi contribué à m’inspirer le projet de chercher à y voir encore plus clair par une étude historiographique de tous les récits disponibles de ces terribles événements.

- ZYTNICKI Colette, Les Juifs du Maghreb. Naissance d’une historiographie coloniale . Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, et Centre Alberto-Benveniste , août 2011, 391 p.
ISBN : 978-2-84050-782-6

Ce livre est issu du mémoire d’habilitation de notre collègue toulousaine Colette Zytnicki, et explore l’un des principaux axes de ses recherches : l’historiographie des juifs du Maghreb. Dans son introduction, elle part d’une citation de la première histoire publiée en français des juifs d’Afrique du Nord, celle d’Abraham Cahen, publiée en 1867, qui constate le silence relatif des histoires et des chroniques sur « l’état des juifs des temps anciens dans l’Afrique septentrionale », et estime que, même si l’on peut nuancer aujourd’hui ce jugement, « il n’en reste pas moins que si l’on place la focale sur l’historiographie, on pourrait reprendre presque mot à mot son constat. Comment est née l’histoire des juifs d’Afrique du Nord ? Quels en étaient le contexte et les conditions de sa production, ses usages intellectuels et politiques ? Autant de questions qui, semble-t-il, n’ont pas été vraiment abordées en leur globalité. En bref, l’histoire des Juifs du Maghreb n’a pas été vraiment historicisée ». Après avoir évoqué en détail la mise en histoire du passé des Juifs, elle constate le retard de la prise en considération de celui des juifs du Maghreb, et le fait qu’elle s’est produite pour l’essentiel en langue française et dans le cadre de l’empire colonial français. « Au contraire des bilans et études historiographiques présentées plus haut, dont l’interrogation principale porte sur la manière dont les Juifs ont écrit leur histoire, il a semblé pertinent de savoir comment les Juifs d’Afrique du Nord sont devenus objets d’histoire dans le contexte singulier de la domination coloniale française. Autrement dit, il s’agit non pas de se livrer à une simple analyse de l’historiographie juive portant sur les israélites en Afrique du Nord, mais de comprendre par qui, selon quelles modalités et à quelles fins fut écrite leur histoire au moment même où ils sont entrés dans l’influence française par le biais de la colonisation ».

Colette Zytnicki s’intéresse donc, non seulement à la vision des auteurs juifs, mais aussi à celle des auteurs non juifs, dont beaucoup ont exprimé plus ou moins nettement dans leurs écrits des stéréotypes anti-juifs, et ont obligé les auteurs anti-juifs à en tenir compte : « C’est en Algérie que furent publiés les premiers travaux concernant les Juifs d’Afrique. (...) Et pendant les périodes de crise politique qui prennent souvent en Algérie une coloration antisémite, le passé des Israélites de la région devient un enjeu du débat. La thèse soutenue part Claude Martin en 1936 explique ce contexte ». Puis l’élargissement des territoires conquis par la France en Afrique du Nord a suscité de nouvelles interrogations : « D’où viennent les israélites d’Afrique du Nord ? La question a nourri bien des études, suscité bien des polémiques qui sont loin d’être éteintes encore aujourd’hui. Alors qu’aucune trace matérielle n’atteste leur présence avant l’ère chrétienne, peut-on affirmer, comme le fit Nahum Slouschz, l’érudit nationaliste, qu’ils furent le peuple source de la région ? Ces thèses iconoclastes, la découverte de vestiges hébraïques anciens, mais également la volonté des autorités coloniales de faire la lumière sur l’origine des Berbères font naître au Maroc toute une littérature composite où la légende le dispute à l’érudition ». Le livre s’intéresse aussi à la réception des récits historiques parmi les populations juives d’Afrique du Nord, en plaçant la focale sur les écoles que l’Alliance israélite universelle avait fondées dans les protectorats à partir des années 1860, et dont l’un des maîtres, David Cazès, devint un historien amateur. Enfin, il fait le point sur la production historique après 1945, en recherchant si l’après-guerre a représenté un tournant scientifique, et si le reflux de la propagande coloniale, consécutif à la décolonisation, a permis l’émergence d’une nouvelle génération émancipée des idéologies antérieures.

A travers cette analyse extrêmement riche, et appuyée sur des citations très révélatrices, deux principaux thèmes de réflexion s’imposent au lecteur. Le premier est la confrontation entre les auteurs juifs, souvent originaires de la France métropolitaine, ou tout au moins fortement marqués par l’idéologie assimilationniste républicaine des juifs français, et des auteurs non juifs, dont beaucoup ont une vision faussée par l’idéologie antisémite qui leur fait considérer l’oppression des juifs par les autorités musulmanes comme justifiée par les vices répugnants qu’ils leur attribuent, et en conséquence condamner la politique républicaine d’assimilation réalisée en Algérie par le décret Crémieux d’octobre 1870. Dans cette perspective, la thèse soutenue en 1936 à Paris par l’historien français d’Algérie Claude Martin, sur Les israélites algériens de 1830 à 1902, apparaît comme « un ouvrage ambigu », une maladroite tentative d’arbitrage entre les positions de ces deux camps, à laquelle on peut justement reprocher de les mettre sur le même plan. Colette Zytnicki en présente en plusieurs pages (pp. 111-121) une analyse fouillée qui en signale à juste titre et les faiblesses et les mérites. Sa thèse, qui fut « la première thèse soutenue en Sorbonne sur les Juifs d’Afrique du Nord », « livre les représentations d’un non juif à l’égard d’une minorité dont le statut et le mode de vie suscitent toujours autant de ressentiment parmi les Français d’Algérie. Claude Martin qui fait alors preuve d’un engagement républicain bon teint devint par la suite un défenseur et un chantre de l’Algérie française ». Jugement trop rapide sur un historien qui, même s’il avait la réputation d’être « très éloigné des sentiments philosémites » (selon Michel Ansky, Les juifs d’Algérie du décret Crémieux à la Libération, Paris, éditions du Centre de documentation juive contemporaine, 1950, p. 54) a rédigé dès 1962 la première Histoire de l’Algérie française, 1830-1962, méritant vraiment ce titre. La conclusion de Colette Zytnicki n’en est pas moins convaincante : « Le livre de Claude Martin est donc un témoignage sur l’opinion très ambivalente d’un colon (sic) amené à s’intéresser à ses concitoyens juifs. L’ouvrage a néanmoins été souvent utilisé par ses successeurs. André Chouraqui le cite volontiers tout en remarquant les ambiguïtés qu’il ne manque pas d’épingler : « Ces contradictions font partie de la manière de cet auteur qui rachète son information très complète par les sentences sommaires qui déparent son bel ouvrage » (...) ».

Le deuxième thème est celui de la très grande antiquité affirmée par de très nombreux auteurs du peuplement juif de l’Afrique du Nord. L’une des principales sources de cette idée est un passage du grand historien maghrébin Ibn Khaldoun, traduit en français au XIXème siècle, qui semblait présenter la grande héroïne de la résistance berbère aux conquérants arabes, la Kahena, comme étant juive. En fait, remarque à juste titre Colette Zytnicki dans une note (p 125), « la thèse de la judéité de la Kahena est aujourd’hui contestée par les historiens H. Z. Hirschberg, Mohamed Talbi et Yves Modéran. (...) Jean-Marie Lasserre, dans son article paru dans l’Encyclopédie berbère, t. 26, consacré au judaïsme dans l’Antiquité, est formel. Si l’hypothèse d’une appartenance au christianisme est encore à vérifier, celle d’une Kahena juive est à exclure. La fin d’un mythe ? Non, car bien des ouvrages récents persistent à voir dans la reine des Aurès une princesse juive ». De plus, une chanson juive recueillie à Tunis par David Cazès (citée p. 31) faisait de la Kahéna une farouche ennemie des juifs.

D’autre part, de nombreux auteurs modernes se sont appuyés sur des affirmations d’auteurs antiques et médiévaux tels que Flavius Josèphe, Eusèbe de Césarée, Procope, ou encore Ibn Khaldoun, qui attribuaient aux Berbères une origine orientale (plus précisément cananéenne ou yéménite), pour prêter hardiment aux juifs une installation en Afrique du Nord aussi vieille que celle de leurs cousins phéniciens. Or là encore, les historiens actuels ne trouvent aucun fondement historique à ces affirmations téméraires. Comme l’a écrit Jean-Marie Lasserre, sur le terrain et dans les textes, rien n’atteste « une présence juive à l’ouest des Syrtes avant l’ère chrétienne. (...) Les juifs de l’Afrique à l’ouest des Syrtes n’apparaissent donc dans la lumière historique qu’au IIème siècle de notre ère et surtout au IIIème ». La présence de communautés juives dans les montagnes berbères du Sud marocain - qui ne furent jamais soumises à l’empire romain - est pourtant un fait qui a justement retenu l’attention, mais la date et les modalités particulières de leur installation restent à jamais inconnues. Or l’idée mythique d’une très ancienne présence juive en Afrique du Nord, ayant permis un large mouvement de conversion de Berbères au judaïsme, se retrouve pourtant chez la plupart des auteurs cités par Colette Zytnicki, notamment dans ceux du premier auteur de thèses d’histoires soutenues à Paris sur ce sujet en 1909, Nahoum Slouschz. L’influence de celui-ci sur les auteurs postérieurs apparaît considérable, jusqu’aux travaux d’un éminent historien de l’Université de Strasbourg, Marcel Simon, et jusqu’à Marche vers l’Occident, les juifs d’Afrique du Nord , livre écrit pour un large public par André Chouraqui en 1952.

Ainsi, l’historiographie des juifs d’Afrique du Nord à l’époque coloniale, qu’elle vienne d’auteurs juifs ou non juifs, apparaît aujourd’hui bien peu scientifique. On peut espérer qu’elle l’est devenue depuis, mais la remarque de Colette Zytnicki à propos du mythe de la Kahena (« La fin d’un mythe ? Non, car bien des ouvrages récents persistent à voir dans la reine des Aurès une princesse juive ») est malheureusement bien fondée - comme le prouve la lecture du livre récent de l’intellectuel israélien antisioniste Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Fayard 2009 - ce qui rend le présent livre d’autant plus intéressant et plus utile. Signalons pour finir un autre ouvrage très volumineux et détaillé, de près de 1.000 pages, celui de Georges Bensoussan, Juifs en pays arabes, le grand déracinement, 1850-1975, publié en 2012 par les éditions Tallandier, qui permet de situer celui-ci dans une problématique plus large encore.

Guy Pervillé

Dans le même numéro, on trouvera également (pp. 364-365) un compte rendu de mon livre La France en Algérie, 1830-1954, par mon collègue Bernard Droz.

[1] Après la sortie du livre, Alexis Sempé a retrouvé ces carnets, qui déçoivent car ils se limitent à une sèche énumération de faits. On peut supposer logiquement que l’agression allemande contre l’URSS a pu faire revenir Gaston Revel à sa position antérieure au pacte germano-soviétique du 23 août 1939, et aussi qu’il a pu recevoir de sa famille des informations sur l’entrée en guerre du parti communiste en France et sur la répression qui l’a frappé en conséquence. A partir de décembre 1941 au plus tard, l’échec du plan Barbarossa combiné avec l’attaque japonaise contre les Etats-Unis et la déclaration de guerre de l’Allemagne contre ceux-ci, sans que le Japon en fasse autant contre l’URSS, rendait la victoire sur l’Allemagne prévisible.



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