Troisième (et dernière ?) réponse à Malika Rahal (2022)

mardi 4 octobre 2022.
 
Cet article est la suite logique des deux comptes rendus partiels que j’ai consacrés au livre de Malika Rahal, le premier en janvier ( - "Première réponse à Malika Rahal » : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=485) et le deuxième en février 2022 ( - « Deuxième réponse à Malika Rahal » : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=487). Je conseille à mes lecteurs de les lire ou relire à la suite dans l’ordre chronologique de rédaction.

Il est temps pour moi de revenir sur le livre de mon ancienne étudiante Malika Rahal, Algérie 1962. Une histoire populaire, Paris, La Découverte, 2022, pour essayer d’en rendre compte dans sa totalité, en gardant un souci d’impartialité en dépit des lignes déplaisantes qu’elle m’y a consacrées (p 32). En effet, mon regretté collègue et ami Omar Carlier - membre du jury de la thèse d’habilitation de Malika Rahal - m’avait mentionné dans l’introduction de son dernier livre [1] encore à paraître (p 11) parmi les principaux spécialistes de l’histoire de l’Algérie contemporaine au même titre que Raphaëlle Branche (également présente dans ce jury) et Sylvie Thénault [2]. Mon opinion n’est donc pas a priori négligeable, me semble-t-il.

Le livre de Malika Rahal est structuré en quatre grandes parties dont la première est ainsi définie (p 19) : « La première est celle de savoir ce que 1962 fait à la violence. En effet, avant de permettre l’accalmie, 1962 constitue d’abord un paroxysme de violence qui sidère les observateurs étrangers, selon un paradoxe qui n’est qu’apparent puisqu’on le retrouve dans nombre d’autres conflits. Le cessez-le-feu ouvre même une période de violence renouvelée, avec le déchaînement de celle de l’OAS, ainsi que certaines violences vengeresses de fin de guerre et des violences interalgériennes qui se prolongent. Ces violences sont liées pour les unes au désarroi à l’approche de la fin du monde colonial, pour les autres à l’effervescence collective de l’approche de l’indépendance. Sortir du caractère unique du cas algérien pour penser la comparaison avec d’autres sorties de guerre permet de les ré-explorer à nouveaux frais ».

Première partie : violences

Cette première partie commence par un chapitre intitulé « le sang volé » qui retient immédiatement mon attention parce que mon disciple Grégor Mathias avait travaillé et publié sur ce sujet délicat, avec mon approbation et mon soutien, depuis 1998, donc depuis près d’un quart de siècle [3]. Malika Rahal part de sa lecture à Washington en 2014, d’un rapport du consul des Etats-Unis à Alger William J. Porter, daté du 28 mai 1962, qui présentait à ses supérieurs une rumeur qu’il considérait comme infondée, circulant dans Alger depuis une dizaine de jours, sur des enlèvements de Français d’Algérie suivis de prises de sang forcées au profit du FLN : « Comme je le suis moi-même en tant qu’historienne, le consul Porter est gêné de faire état d’une rumeur qu’il considère comme fausse. Car autant le dire tout de suite, je n’ai rien trouvé qui puisse la confirmer. Si Porter en fait état, c’est, - dit-il - parce qu’elle a un effet sur ceux qui la rapportent et qui l’entendent. Pour l’historienne aussi, les rumeurs (malgré leur caractère erroné ou à cause de cela) ont une grande puissance de révélation du monde dans lequel elles s’inventent et dans lequel elles circulent » (p 25). Elle se lance alors dans une démonstration qui se veut rationnelle et qui paraît au début crédible, visant à montrer en quoi la rumeur s’appuie en partie sur des faits vrais et en quoi elle n’est pas fondée. Elle commence par rappeler à juste titre la réalité des enlèvements d’Européens qui se sont multipliés après le cessez-le feu et en cite le bilan officiel reconnu par le secrétaire d’Etat Jean de Broglie en 1964 (plus de 3.000 enlevés après le 19 mars 1962, dont près de 1.700 disparus, ce qui est loin d’être négligeable). Puis elle signale les transferts de blessés algériens par le FLN hors des hôpitaux français où leur sécurité était menacée par les attaques incessantes de l’OAS vers des cliniques improvisées. Et enfin le problème du sang nécessaire pour les transfusions, qui d’après elle ne posait pas de difficultés particulières de manque de donneurs.

Mais la confiance que je lui accordais a priori s’effondre brusquement à lire la page 32 quand elle critique le travail de Grégor Mathias et le soutien que je lui ai apporté en des termes polémiques et sans respecter les règles élémentaires du débat historique. En effet, elle s’égare et elle égare ses lecteurs en omettant l’essentiel : l’existence d’un ensemble de documents cohérent établissant l’enlèvement du légionnaire Esteban Sanchez à Arzew (Oranie) le 8 mai 1962 par le FLN et sa libération tout près d’Alger dans la nuit du 1er au 2 août 1962, durée durant laquelle il aurait été soumis à des prises de sang forcées suivant un message adressé clandestinement à son frère le 30 juin et réexpédié par celui-ci au siège de la Légion étrangère à Sidi-Bel-Abbès [4]. Suivant ses supérieurs eux-mêmes, ce serait le premier cas démontré de ce qui était jusque-là considéré comme une simple rumeur sans fondement. D’autre part, elle m’accuse à tort de « renverser la charge de la preuve » en « reprochant aux historiens qui écartent ces rumeurs de ne pas prouver que le crime n’a pas eu lieu », ce qu’elle juge « navrant ». En réalité, j’estime que les historiens doivent se comporter comme de bons juges d’instruction en instruisant à charge et à décharge sans s’enfermer a priori dans une seule hypothèse.

C’est ce que j’ai tenté à plusieurs reprises, en m’efforçant de rassembler toutes les mentions connues de ces prises de sang forcées pour essayer d’apprécier leur valeur probante, avec le complément des documents d’archives systématiquement consultés par Jean-Jacques Jordi pour la rédaction de son livre Un silence d’Etat, les disparus européens de la guerre d’Algérie, publié à Paris aux éditions SOTECA en 2011. Dans la presque totalité des cas, il est impossible de conclure faute de connaître à la fois les noms des personnes concernées et des témoins, les lieux et les dates des faits allégués. Mais il apparaît néanmoins que les allégations concernant des enlèvements suivis de prises de sang forcées ne sont pas absentes des archives publiques, et qu’elles sont beaucoup plus nombreuses et plus précoces à Oran - où le premier cas cité est daté du 21 avril 1962 - qu’à Alger, où la rumeur venue d’Oran est attestée à la fin avril ; mais pourtant Jean-Jacques Jordi cite un rapport de la sécurité militaire d’Alger qui y mentionne la présence alléguée de deux militaires portés déserteurs dans un lieu de détention servant à des prises de sang forcées en mai-juin 1962 [5]. Il n’est donc pas possible de conclure que le dossier des prises de sang forcées est vide et doit être définitivement refermé, contrairement à ce que prétend Malika Rahal.

D’autre part, son explication attribuant l’origine de cette rumeur à l’OAS ne va pas de soi, puisque l’OAS d’Oran avait gardé le silence durant un mois sur ces allégations avant de rendre compte du cas d’un sous-officier enlevé le 23 mai à Mostaganem et qui se serait évadé avant de subir une prise de sang forcée [6]. Elle se contredit d’ailleurs elle-même en citant l’avis bien fondé du consul américain, suivant lequel ces rumeurs étaient de nature à ruiner le moral des partisans de l’OAS, ce qui servait objectivement le FLN.

Enfin, Malika Rahal affaiblit elle-même sa démonstration en utilisant (pp 29-30) un témoignage précis, celui de l’étudiant en pharmacie Albert Faucher, affecté au laboratoire d’analyses de l’hôpital militaire de Tizi-Ouzou : « Dans ses lettres à sa fiancée, il raconte avoir l’appui du FLN pour organiser les dons de sang en nombre à partir du 22 mai, selon les besoins, et se montre impressionné par la discipline des volontaires ». Mais ce qui est devenu vrai à partir du 19 mai ne l’était pas encore le 18, puisque ce jour-là il écrivait à sa fiancée : « J’ai continué à travailler pour la collecte du sang. Nous allons pouvoir grouper le personnel de l’hôpital et celui de la préfecture. Tout allait pour le mieux quand la section FLN de Tizi-Ouzou a interdit aux musulmans de donner leur sang, en attendant les instructions de Belkacem, à qui la question a été soumise (Belkacem est un Kabyle de Dra-el-Mizan bien connu ici [7]). Il paraît qu’on attend une réponse d’un jour à l’autre. S’il n’y en a pas lundi, j’essaierai de relancer de nouveaux contacts avec les autorités FLN (à moins que les accords ne soient rompus »). En effet Grégor Mathias, qui analyse le même témoignage, en retient la grande inquiétude exprimée par le témoin depuis le 19 mars 1962 et surtout depuis le début avril quant à la possibilité d’assurer la continuité du service de transfusion sanguine après le départ prévisible des chasseurs alpins : « Notre gros souci pour le moment c’est la question du sang. Nous allons essayer (...) d’établir un service civil de donneurs volontaires avec fichier, pour cela nous allons voir le directeur de l’hôpital, le maire ou le préfet et lancer un appel sur Radio Tizi Ouzou. Je viens d’être appelé par les chirurgiens qui sont très inquiets aussi pour cette question de sang, ils n’aiment pas voir les malades leur claquer entre les mains ! » (pp 209-210, 14 h, 19 mars 1962). Et il donne de nombreux exemples de la répugnance de la plupart des Algériens à donner leur sang même pour sauver des compatriotes jusqu’au 18 mai, ce qui le conduit à rapporter sans objection la prétendue rumeur des prélèvements sanguins forcés par le FLN sur les Européens quand elle parvient jusqu’à ses oreilles le 8 mai 1962 : « Les autorités du FLN se sont préoccupées de la question du sang pour leurs blessés ; pour la trancher elles ont kidnappé des Européens qui ont été saignés à blanc » (p 361). Ainsi la prétendue démonstration de Malika Rahal tourne au fiasco, et tout lecteur exigeant pourra apprécier la valeur probante de cette démonstration suivant laquelle la fourniture de sang par des donneurs algériens musulmans n’aurait jamais été un problème en Algérie en 1962.

Je ne suis donc pas convaincu par les dernières pages de son premier chapitre (pp 33-38), qui analysent « la profondeur historique de la rumeur » en la rattachant au racisme colonial du XIXème siècle par un exercice de virtuosité formelle sans véritable démonstration. Contrairement à Raphaëlle Branche, qui lors de la soutenance d’habilitation de Malika Rahal, le 24 juin 2021, l’avait félicitée d’avoir « tordu le cou à la rumeur du sang » [8], j’estime que sa démonstration sur ce point capital n’est pas du tout concluante.

Les trois chapitres suivants sont globalement plus convaincants, mais le cinquième, consacré à « L’événement : Oran 1962 », me fait alterner entre des réactions opposées d’approbation et de désapprobation. En effet, si j’adhère à l’essentiel de son récit du 5 juillet 1962 à Oran, trois objections graves se présentent néanmoins à mon esprit.

D’abord l’absence de toute précision, de toute explication sur l’action de l’OAS d’Oran, qui paraît purement démoniaque. L’image qui en est donnée vient du consul américain William Porter : « Nulle part ailleurs, l’Organisation armée secrète n’a été aussi puissante, aussi impitoyable, et aussi soutenue par la masse de la population qu’à Oran. Les musulmans étaient parqués dans ce qu’on a appelé le pire ghetto depuis Varsovie systématiquement bombardés, privés des produits de base de la vie, et étaient massacrés par des gangs de voyous avec une forme de plaisir lorsqu’ils s’aventuraient en dehors de leur enclave » (p 88). Ainsi que du médecin suisse envoyé par le CICR, le docteur Chastonay : ils reprennent l’un et l’autre la comparaison avec la destruction du ghetto de Varsovie par les nazis en 1943, citée par les médecins algériens eux-mêmes. Malika Rahal est bien consciente des limites de cette explication, mais elle n’en propose pas d’autre. Or, si l’étude de la mémoire peut se contenter de ces images stigmatisantes, ce n’est pas le cas de l’histoire qui a besoin d’établir les faits et de chercher à les expliquer, comme je l’ai tenté dans mon livre Oran, 5 juillet 1962, publié par les éditions Vendémiaire en 2015 et complété ensuite par plusieurs articles placés sur mon site [9].

D’autre part, un reproche complémentaire peut être adressée à Malika Rahal, celui de considérer le début de 1962 comme le commencement absolu de cette violence attribuée à la seule OAS. Or c’est oublier que le FLN, après deux ans d’accalmie due à l’efficacité de la répression française, avait pratiqué un terrorisme visant systématiquement la population civile européenne depuis le début de l’année 1961 et jusqu’en mars 1962, comme le prouve pour Oran la liste détaillée des « Actions héroïques des Fidayin de la ville d’Oran (1er janvier 1961-10 mars 1962) », publiée dans le livre de l’ancien moudjahid Mohammed Benaboura, OAS-Oran dans la tourmente, 1961-1962 (pp 44-107), sans la moindre trace d’autocritique. Ainsi, l’escalade du terrorisme avait commencé en 1961 par le fait du FLN avant d’être accélérée à partir de février 1962 par celui de l’OAS.

Enfin et surtout, un paragraphe du livre de Malika Rahal ne peut être lu sans étonnement, c’est celui qui termine la page 100 : « Le 9 juillet, la presse publie les chiffres officiels du massacre et fait état de cent-un morts (soixante-seize Algériens et vingt-cinq ‘Européens’) et cent-quarante-cinq blessés (cent-cinq Algériens et quarante ‘Européens’). Le registre des décès de la mairie d’Oran comptabilise pour le mois de juillet quant à lui trente-six disparus, dont treize ont été inscrits en 1963 soit à partir d’un registre du consulat de France (dix) soit à partir d’un jugement du tribunal de grande instance d’Oran (trois) : ce décompte indique que l’on a inclus ultérieurement des disparus de cette journée. Outre la participation populaire, les témoignages confirment que les victimes sont en réalité loin d’être seulement ‘européennes’. Fouad Soufi s’interroge sur les victimes algériennes et sur les causes de leur mort : ont-elles été victimes de la fusillade ? Ou de la dure répression mise en œuvre par les autorités algériennes pour mettre fin à la violence ? Ceux que les témoins nomment volontiers des ‘harkis’, au sens générique de ‘traîtres’, semblent avoir été visés durant le massacre lui-même. Ce décompte est régulièrement contesté dans les récits sur le ‘massacre oublié’. Il demeure pourtant le plus solide que nous ayons, et indique cet autre fait totalement occulté de l’événement : s’il approche la réalité, l’explosion de la violence vengeresse aurait fait plus de victimes ‘musulmanes’ que de victimes ‘européennes’ [10] ».

Or cette conclusion est stupéfiante car jusque-là, comme je crois l’avoir suffisamment démontré dans mon livre Oran 1962 déjà cité, tous les historiens sérieux, algériens et français, s’accordaient pour penser que le nombre de morts enregistrés à Oran en juillet 1962 donnait une idée fausse de leur nombre réel qui était beaucoup plus important chez les Français que chez les Algériens. L’archiviste algérien d’Oran Fouad Soufi répétait en 2002 que, selon le commissaire central adjoint, « il aurait été recensé 235 corps, dont ceux de dix femmes et de douze enfants », en précisant en note : « Cette comptabilité macabre n’a de sens que dans la mesure où elle nous renseigne sur l’intensité du drame. Qu’il y ait eu plus ou moins de morts n’enlève rien au caractère odieux de l’événement. Toutes les personnes interrogées à Oran - sauf une - ont condamné ces crimes et jeté l’opprobre sur ceux qui les ont commis ou ont regretté leurs actes : “J’avais dix-neuf ans, je ne savais pas ce que je faisais !” ». Et un peu plus loin il demandait : « Combien de personnes furent entraînées dans la mort ? 200 ? 2 000 ? Le dossier des disparus est ouvert » [11].

Quant aux auteurs français, si beaucoup parlent encore de 3.000 morts et disparus sans le démontrer, les historiens sérieux ont toujours estimé qu’ils devaient se compter par centaines, comme Jean Monneret en 2006 dans son livre La Tragédie dissimulée, Oran, 5 juillet 1962 [12]. Se fondant sur les rapports du Deuxième bureau, il constatait que ce service avait recensé 453 cas d’enlèvements, englobant ceux qui avaient été perpétrés les 5, 6 et 7 juillet à Oran et dans les environs ; mais un certain nombre de libérations postérieures permettent d’abaisser ce nombre à 365. Plus tard, le Quai d’Orsay a fait établir une base de données indiquant que 88 personnes ont été retrouvées ou relâchées, mais comportant aussi un certain nombre de cas « incertains » : « Nous préférons qualifier 365 d’ordre de grandeur », concluait-il.

Puis en 2011 Jean-Jacques Jordi, après avoir bénéficié de nombreuses dérogations du Premier ministre François Fillon pour accéder à des archives publiques restées secrètes, publia son livre Un Silence d’Etat. Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie. Il révisa le bilan à la hausse en s’appuyant sur celui qu’avait établi en 1963 un collaborateur du secrétaire d’Etat aux rapatriés Jean de Broglie, Jean-Marie Huille : « Il y a eu 671 victimes françaises des événements d’Oran (disparues et décédées) [...]. Les disparus constituent dans leur très grande majorité des cas de très fortes présomptions de décès. Il est évident que nous n’en saurons jamais davantage et que nous ne retrouverons aucun corps. » Et il conclut lui-même son enquête sur un bilan très proche : « L’examen des dossiers administratifs personnels du Service central des rapatriés et des différentes archives me donne un chiffre de 353 personnes disparues et 326 personnes décédées - dont les décès ont été constatés - [soit 679 personnes] du 26 juin au 10 juillet 1962 sur le grand Oran soit, à quelques unités près, l’évaluation de Jean-Marie Huille. Nous pouvons donc affirmer, et en tenant compte des cas dits incertains, que les journées tragiques d’Oran ont fait quelque 700 morts européens (décédés et disparus) auxquels il faut ajouter une centaine de morts musulmans » [13].

Le plus étonnant est que Malika Rahal, qui cite le livre de Jordi dans sa note 26 p 462, n’en a visiblement pas tenu compte, sans pour autant se justifier. Elle donne ainsi l’impression d’un fâcheux décalage entre son répertoire bibliographique et sa lecture très incomplète des livres qu’elle a elle-même répertoriés - parmi lesquels se trouve aussi mon livre sur le 5 juillet 1962 à Oran.

Il ne suffit pourtant pas d’exprimer ici mon incrédulité : il reste à dire ce qui manque pour rendre à cette première partie la cohérence que l’on pouvait en attendre.

Le paroxysme de violence qui marque l’année 1962, alors même que le cessez-le feu a été ordonné par les deux parties présentes à Evian le 18 mars, est imputable à l’OAS qui a refusé de l’appliquer et a voulu le mettre en échec, mais sa responsabilité n’était pas la seule. En effet, le FLN avait refusé tout cessez-le-feu avant l’aboutissement des négociations, comme Bernard Tricot, le conseiller du général de Gaulle, l’a rappelé dans ses Mémoires : « Il ne faut pas parler seulement de l’OAS ! Le FLN a aussi commis et continué à commettre pendant toute la durée des négociations un nombre de crimes effroyable ! Sans cesse pendant que nous discutions de garanties, nous apprenions qu’un colon, qu’une famille venaient d’être massacrés : cela n’était guère encourageant pour l’avenir. Nous avons fait des efforts sincères pour réaliser une trêve : jamais nous n’avons eu la moindre contrepartie. Un jour que Joxe en avait demandé, Krim répondit : ‘C’est impossible, mais vous verrez, si la négociation avance, cela se fera tout seul, les crimes s’atténueront’. Ils ne se sont pas ‘atténués’, et ce fut très mauvais non seulement pour la négociation, mais aussi pour la manière dont les Européens pouvaient se représenter l’avenir » [14]. Cet état de fait a lourdement pesé sur la crédibilité des accords d’Evian et favorisé le soutien des Français d’Algérie à l’OAS comme à leur dernier espoir.

D’autre part, si la conscience nationale des Algériens musulmans s’est renforcée durant toute la guerre en proportion de leurs souffrances, et s’est exprimée de plus en plus fortement à partir de décembre 1960, elle n’en a pas moins été contrariée par la dureté de la discipline imposée par l’ALN à cette population, comme le Journal de Mouloud Feraoun (publié par les éditions du Seuil en 1962) l’a montré très clairement plus d’une fois [15] - ce que confirme aussi la réaction au cessez-le-feu enregistrée le 19 mars à Tizi-Ouzou par Albert Faucher, que je citerai plus loin. Même des soutiens étrangers du FLN qui n’étaient pas des tendres, comme le maréchal yougoslave Tito et comme le Premier ministre chinois Chou-en-Laï, ont dit aux dirigeants algériens : « Il y a trop de sang dans votre révolution » [16]. Au postulat mythique d’un peuple uni contre l’ennemi étranger servi par des traîtres impardonnables, il convient d’opposer la réalité de multiples guerres civiles inavouées, dans lesquelles la plus extrême violence a été employée au nom du FLN-ALN pour venir à bout des « berbéristes », des « messalistes », des communistes, de certains leaders nationalistes jugés dangereux par leurs collègues - comme Ramdane Abane en 1957 - , de prétendus traîtres comme les victimes innocentes de la « bleuite » et de son épuration sanglante organisée par le colonel Amirouche (manipulé par les services secrets français) en 1958, et enfin des anciens « harkis » massacrés en 1962 en dépit des accords d’Evian.

Mon impression générale sur cette première partie est donc celle d’une démonstration manquée. Parce que Malika Rahal, si elle a bien lu et utilisé avec pertinence les deux témoignages principaux qui attestent la rumeur des prises de sang forcé à Oran et à Alger (ceux du père de Laparre et de Francine Dessaigne) sans fournir aucune preuve de leur réalité factuelle, n’a pas recherché systématiquement dans toute la mesure du possible toutes les mentions de cette supposée rumeur, et n’a pas tenu compte des documents officiels signalés par Jean-Jacques Jordi dans son livre cité, ni de ceux qui ont été révélés par Grégor Mathias et par le général Fournier concernant le sort du légionnaire Esteban Sanchez-Caceres. Mais aussi pour une raison plus générale : la difficulté d’aborder le vaste sujet qu’elle a voulu traiter (comment le peuple algérien a vécu la fin de la guerre d’indépendance et en a gardé la mémoire à partir de 1962) sans mentionner d’abord tous les faits antérieurs susceptibles d’y avoir contribué.

Les trois parties suivantes

Je reprends donc ma lecture avec une certaine inquiétude, mais très vite celle-ci se dissipe et fait place à une curiosité intense. En effet, les trois parties suivantes n’appellent aucune critique fondamentale de ma part, bien au contraire.

La deuxième partie, intitulée « Corps » (pp 121-237), est consacrée à « la crise que connaissent le FLN et la gouvernance de la Révolution durant l’année 1962 ». Les témoignages recueillis « posent la question de savoir comment continuer à faire corps dans les circonstances nouvelles de la paix où l’on n’aura d’autre antagoniste que soi-même. Pourra-t-on vivre entre soi ? » (p 121). La troisième partie, intitulée « Espaces » (pp 241-335) met en valeur « la simultanéité de sentiments incompatibles, parfois même chez les mêmes personnes (deuil et fête, peur et espoir, espoir et désillusion) ; celles de dynamiques opposées (cessez-le-feu et paroxysme de la violence ; silence des armes et explosions de plastic) ou de mobilités aux itinéraires entrecroisés dans un pays-foumilière (chercher refuge en ville et fuir les quartiers urbains ; quitter le pays et rentrer chez soi). La logique voudrait que ces sentiments et ces dynamiques interviennent les uns après les autres, mais ils interviennent en même temps et ces expériences contradictoires participent de l’effervescence qui fait de 1962 un moment révolutionnaire » (p 241). Enfin, la quatrième partie, intitulée « le temps » (pp 339-410), prend en compte « le temps vécu qui est autre chose qu’une simple durée ». (...) « L’attente des premiers mois de 1962 n’est plus la même que celledesannéesprécédentes : elle est plus dense, plus impatiente. Inquiète ou heureuse,l’anticipation de cequi vient ne cesse en tout cas d’aspirer le présent vers l’avenir » (p 340). Mais l’élan vers l’avenir n’exclut pas pour autant l’élaboration de la mémoire du passé, en remontant du présent jusqu’en 1830, comme le montrent les derniers chapitres de cette partie.

Je garde donc de ma lecture une impression très favorable - même si je maintiens les critiques que j’ai formulées sur sa première partie et que je suis peut-être le seul (avec Grégor Mathias) à avoir formulées jusqu’ici. Incontestablement, le livre de Malika Rahal est important parce qu’il met en valeur la mémoire vivante de la grande majorité du peuple algérien, sans ignorer les nuances et les contradictions. Il s’oppose par là à une histoire par en haut qui a mis au premier plan le rôle des élites politiques, rassemblées sous le nom de « mouvement national » ou de « Front de libération nationale », et ce choix novateur est amplement justifié. Cependant, sans vouloir la contredire, il me paraît bon de revenir sur deux points.

Premièrement, le livre de Malika Rahal démontre d’une manière éclatante l’existence d’une mémoire nationale algérienne qui rassemble la grande majorité des Algériens, et qui n’est pas réductible au simple effet de la propagande déployée par le FLN et par l’Etat qu’il a fondé depuis bien plus d’un demi-siècle. Ce fait a été amplement démontré par les sondages d’opinion réalisés simultanément en France et en Algérie par l’institut CSA à la veille du 1er novembre 2004 [17]. A lire ces sondages, et les réponses qu’ils apportent, il apparaît que la politique mémorielle de l’Algérie indépendante, au lieu d’être simplement un moyen pour les détenteurs du pouvoir de leur en garantir la conservation, fait l’objet d’un large consensus, fondé sur les mémoires individuelles et familiales de la plupart des Algériens et pas seulement sur la propagande étatique officielle.

Mais cela ne veut pas dire que cette mémoire nationale majoritaire soit une mémoire unique et univoque, et Malika Rahal le reconnaît très honnêtement en n’oubliant pas de mentionner les mémoires divergentes que sont celle des messalistes (partisans du MNA fondé par Messali Hadj en décembre 1954 et qui refusa toujours de se fondre dans le FLN) et celle des « harkis » ayant pris librement ou non le parti de la France. Pour autant, ces mémoires minoritaires non reconnues par l’Etat algérien ont-elles été suffisamment reconnues par les historiens ? La question peut être posée à partir du témoignage apporté par la correspondance d’Albert Faucher (citée par Malika Rahal et par Grégor Mathias) sur les réactions que celui-ci avait recueillies à l’annonce du cessez-le-feu du 18 mars 1962 à Tizi-Ouzou :

« 18 h 30. Je viens d’assister à un spectacle que je n’oublierai jamais ; je suis allé en ville pour acheter une carte, et je me trouvais chez le libraire musulman quand la radio a annoncé officiellement le cessez-le-feu, et le discours du général de Gaulle ce soir. Il y avait là d’autres musulmans ; alors que j’attendais une explosion de joie à cette nouvelle, ils se sont regardés et se sont mis à pleurer, et le libraire m’a traduit leur état d’esprit dans des paroles si émouvantes que j’en suis encore tout bouleversé : « Pourquoi la France nous abandonne-telle, qu’allons-nous devenir sans elle ? Il était normal que le Maroc et la Tunisie acquièrent leur indépendance, ils avaient une histoire et un gouvernement, le sultan, le bey. Mais qu’avons-nous ? Une bande d’arrivistes que nous ne connaissons pas. Nous nous sommes battus à Cassino, nous les Kabyles, et aussi les Arabes et les goumiers de l’Ouarsenis, et beaucoup sont morts pour la France, et nous trouvions que le monde n’avait pas su assez que cette victoire était une victoire française, nous avons un cœur de Français, et la France ne veut plus de nous. Qu’est-ce que nous sommes maintenant ? Des bâtards ! Ce matin 5 000 d’entre nous ont assisté à l’enterrement du professeur musulman [18], la consigne était donnée, pas d’arme et beaucoup de dignité. Elle a été respectée et beaucoup d’Européens ont assisté à l’enterrement côte à côte avec les musulmans. Il nous serait facile d’écraser l’OAS, ces lâches qui posent du plastic la nuit, nous savons où les trouver. Mais c’est la France qui nous abandonne, alors nous ne savons plus que faire, nous ne nous sentons plus chez nous ! Autrefois vous pensiez quand nous disions cela que nous mentions, qu’en pensez-vous maintenant que nous risquons notre peau à vous le dire ? »

Dans les rues la nouvelle circulait de bouche à bouche, mais avec une impression de résignation : « le cessez-le-feu est signé, la France s’en va, inch Allah ». Seuls certains jeunes semblaient heureux, mais sur notre passage les gens nous regardaient avec des larmes dans les yeux. Et ceci en pleine Grande Kabylie, le fief du FLN ! Et je me sens maintenant gêné quand je rencontre mes employés kabyles, j’ai honte de représenter auprès d’eux un pays qui les plaque, et de partir alors qu’ils me montrent tous les jours leur confiance et le désir qu’ils ont que je reste. Et c’est vrai, comment marchera l’hôpital quand nous serons partis, et le commerce, tout ici vient de France et la monnaie est française. Je ne tourne pas casaque vers l’Algérie française, car les Pieds-Noirs se sont rendus souvent odieux, mais je constate tristement que cet abandon de la France n’est pas une réussite, et qu’elle entraîne le mépris d’une foule de gens qui avaient mis leur confiance en elle et qu’elle abandonne » [19].

A lire ce témoignage, il semblerait que les Kabyles auraient eu un premier mouvement de regret et d’inquiétude en apprenant la fin prochaine de l’Algérie française et l’avènement prochain de l’Algérie indépendante pour laquelle tant de leurs compatriotes avaient pourtant sacrifié leurs vies. Cela nous incite à nous demander si le patriotisme de la population algérienne était une constante ou s’il était susceptible de fluctuations en fonction des événements. La réponse se trouve dans le Journal 1955-1962 de Mouloud Feraoun, que Malika Rahal a plusieurs fois cité, et qui a fait partie de mes premières lectures sur la guerre d’Algérie. C’est le témoignage d’un fils de famille pauvre devenu instituteur dans sa Kabylie natale, puis écrivain en langue française, mais qui était resté assez proche de son peuple pour enregistrer fidèlement et analyser finement ses réactions aux événements. Or ce qui m’a frappé dans cette lecture, c’est la rapide alternance de notations et de jugements contradictoires, logiquement incompatibles. On y lit en effet, à quelques pages d’intervalle, que les Algériens se sont ralliés librement aux maquisards de l’ALN à cause des injustices de la France, mais aussi qu’ils ne peuvent leur pardonner leurs propres injustices, ou encore qu’ils n’espèrent plus que la fin de la guerre quels que doivent en être les vainqueurs ; et ces variations se répètent sans cesse au cours de ces dures années. Ce qui a conduit l’auteur à vouloir arrêter son journal en juillet 1959 - au moment où le plan Challe s’abattait sur la Kabylie - en lui donnant la conclusion suivante :

« Pour ce qui me concerne, je pense pouvoir à présent abandonner ce récit. Un récit sans prologue et qui n’aura pas d’épilogue. Le prologue, il fallait le chercher dans un siècle de colonialisme et pour nous de servitude, l’épilogue il faudrait le prévoir dans l’avenir incertain qui me concerne très peu et que mes enfants accepteront quel qu’il soit, tel qu’il sera. Moi, je veux dire ma génération, mes enfants, je veux dire les jeunes générations.

Ces jeunes générations accepteront l’avenir parce qu’elles sont suffisamment instruites, conscientes et fières pour le forger. Ce sera leur avenir, quelle que soit l’issue du combat. Et cette possibilité de s’épanouir, puis de se déterminer, ce sera en définitive le fruit de notre commune souffrance, la victoire chèrement acquise. Oui, vive l’Algérie ! Gloire à ceux qui sont morts pour elle afin que d’autres puissent lever la tête et crier leur délivrance à la face de l’humanité honteuse et complice. Mais quand l’Algérie vivra et lèvera la tête, je souhaite qu’elle se souvienne de la France et de tout ce qu’elle lui doit » [20].

Mais après plusieurs vaines tentatives d’interruption, il reprit son Journal le 27 novembre 1960, après que le général de Gaulle eut reconnu le droit de la République algérienne à exister le 4 novembre :

« à présent, ce sont les Français que gagnent la lassitude. Les Arabes, eux, reprennent espoir et comprennent que la délivrance est proche. Une délivrance qui viendra de cette lassitude et se con fondra avec la victoire. Oui, je pense que ce sera la victoire. Incontestablement la victoire de la population qui a accepté la souffrance et surtout la victoire du fellagha qui n’a jamais cessé de se manifester peu ou prou, malgré les sacrifices les plus lourds et l’inimaginable disproportion entre la force dont il peut faire preuve et celle dont dispose son adversaire. L’indépendance est désormais acquise. Grâce aux patriotes, grâce au patriotisme. Vive l’Algérie ! Que vienne à s’instaurer n’importe quel régime, il sera le bienvenu pourvu qu’il émane des Algériens eux-mêmes » [21].

A ces deux dates, l’issue annoncée par lui était « la victoire » du peuple algérien, mais en 1959 ce n’était pas la victoire du FLN-ALN, qui devenait au contraire logiquement prévisible en novembre 1960, puisque le général de Gaulle avait clairement annoncé que l’Algérie était vouée à l’indépendance et que la France allait renoncer à sa souveraineté sur elle. Les manifestations de décembre 1960 qui réclamèrent avec éclat l’ouverture de négociations entre De Gaulle et Ferhat Abbas n’aurait donc pas dû être une surprise pour la direction extérieure de l’insurrection, mais ses dirigeants ne les avaient pas prévues, car ils restaient traumatisés par « l’affaire Si Salah » qui avait failli faire éclater le FLN-ALN au profit de la France en juin 1960. Nous pouvons en déduire que l’éventail des issues possibles de la guerre s’est brusquement réduit à la fin de 1960, ce qui a fait rapidement disparaitre l’attitude non engagée de ceux que De Gaulle appelait dans sa conférence de presse du 10 novembre 1959 « les attentistes, vous qui ne bougez pas et qui faites perdre son temps à l’Algérie » au lieu de devenir « le grand parti du progrès algérien ». En effet, depuis la fin 1960, les trois options annoncées par le discours du 16 septembre 1959 sur l’autodétermination du peuple algérien (sécession, francisation, ou autonomie d’une Algérie algérienne) se réduisaient pratiquement à une seule : l’indépendance, avec ou sans accord entre la France et le FLN. C’est alors que cette option devint incontestablement et définitivement l’option majoritaire. Ce n’était plus un choix proposé à tous les Algériens, mais l’enjeu de la négociation à venir entre les deux parties en guerre pour rétablir la paix.

D’autre part, l’histoire populaire qui nous est proposée par Malika Rahal ne doit pas nous faire oublier l’histoire par en haut, celle des dirigeants du FLN et chefs de l’ALN qui rivalisaient plus que jamais pour s’emparer des pouvoirs, des fonctions et des biens matériels abandonnés par les Français en 1962. Un excellent exemple se trouve dans les Mémoires de Lakhdar Bentobbal, enregistrés et mis par écrit entre 1980 et 1986 par l’historien algérien Daho Djerbal et qui viennent d’être publiés par celui-ci en 2021 et 2022 [22].

Lakhdar Bentobbal, né en 1923 dans une famille modeste de Mila, à l’ouest de Constantine, était vite devenu un militant nationaliste ardent, convaincu depuis mai 1945 que la lutte armée était la seule voie pouvant conduire à l’indépendance de l’Algérie. Engagé dans l’Organisation spéciale (OS) chargé de préparer les futurs combattants à la guerre depuis la fin de 1947, il avait gravi tous les échelons de la hiérarchie du FLN-ALN, devenant dès janvier 1955, après la mort de Didouche Mourad, le second du nouveau chef de la wilaya du Nord-Constantinois, Zighoud Youcef, puis son successeur après sa mort en septembre 1956, et passant à l’extérieur en mai 1957 pour devenir l’un des trois chefs les plus puissants du FLN-ALN, avec Belkacem Krim et Abdelhafid Boussouf. Or son récit dépourvu de toute langue de bois ne nous cache rien de son désenchantement croissant à mesure qu’il s’élève dans la hiérarchie.

Lakhdar Bentobbal est relativement discret sur les choix faits par son chef Zighoud entre mai et août 1955 de renoncer au strict respect des civils préconisé par Didouche en ordonnant de s’en prendre systématiquement aux civils européens, et aux hommes politiques algériens ayant tenté de négocier avec les autorités françaises ou pris position contre la violence. Il ne rapporte pas qu’un « libéral » européen nommé Henry Rohrer, après avoir écrit le 30 juillet 1955 pour la revue Esprit un article dans lequel il signalait que le FLN ne frappait pas les Européens civils ni les Arabes innocents, fut retrouvé le 20 août 1955 à Hammam Melouane avec une hache fichée dans son crâne, pas plus que le massacre de tous les passagers européens d’un autocar près de Bône le 17 septembre 1955, qui scandalisa Roger Le Doussal [23] : « Etions-nous dans le cadre proclamé par le FLN le 1er novembre d’une lutte pour une nation algérienne démocratique égale pour tous, ou étions-nous bel et bien dans le cadre d’une guerre sainte pour une nation musulmane dont les mécréants devaient être exclus ? Car qu’avaient fait ces gens pour mériter d’être tués ? Ne pas être musulmans ! Comment leurs assassins les considéraient-ils donc, pour les abattre ainsi, de sang froid, à la chaîne, pire que du bétail ? Etait-ce cela la “lutte armée” contre le colonialisme ? »

Il ne mentionne pas davantage les critiques formulées lors du Congrès de la Soummam (août 1956) par le chef politique d’Alger Abane Ramdane, et rapportées par Mohammed Harbi : « Selon Abane, l’insurrection du Nord-Constantinois, en s’attaquant pêle-mêle aux Européens et aux nationalistes modérés, facilite le jeu des colons ». Mais il rapporte la difficulté qu’il eut à obtenir du Congrès le désaveu des rémunérations excessives perçues par le chef de la wilaya kabyle Belkacem Krim et ses proches, et l’impossibilité d’obtenir de celui-ci une sanction contre son subordonné Amirouche, coupable d’avoir fait massacrer les habitants d’un village kabyle après avoir fait assassiner le frère du bachagah Ourabah : « Le résultat de cette opération avait été la levée de la première harka de grande importance et une manifestation qui avait réuni, à Sétif, près de 1200 hommes armés. (...) Nous craignions qu’une telle pratique ne produise des divisions au sein du peuple et que cela nous amène à la guerre civile. Nous ne voulions pas que les populations tournent leurs armes contre nous au lieu de combattre la France » (p 313). Plus largement, Zighoud et Bentobbal avaient eu beaucoup de mal à admettre l’intégration des partis réformistes algériens dans la direction politique du FLN, et ne l’avaient accepté que par respect pour Larbi Ben M’hidi qui soutenait Abane. Mais ils étaient revenus du Congrès désenchantés, et Zighoud, qui était très optimiste sur le succès de la révolution le 1er novembre 1955, était devenu beaucoup plus inquiet, comme il le confia à Bentobbal en septembre 1956 : « à voir l’orientation qu’ils suivent et les gens qu’ils ont choisis, sois sûr que la révolution a échoué. Il reste la guerre pour l’indépendance ; je te conseille de ne compter que sur toi-même ; ce ne sont pas des gens qui te seront d’une quelconque aide ou secours » (p 333).

Dans les pages 268 et 269 du premier tome, Bentobbal critiquait sévèrement les modes de fonctionnement des autres wilayas en les opposant à la sienne. En Oranie (dirigée depuis le Maroc par Boussouf), « l’organisation n’a jamais vécu à l’intérieur de ses bases. Il n’y a jamais eu cette forme de terreur où le fort s’oppose au faible, seulement l’organisation n’a jamais existé comme une entité. Il y avait des unités qui circulaient (...), elles n’ont pas causé tellement de mal au peuple, mais elles ne l’ont pas organisé non plus ». En Kabylie (fief de Krim), « où la discipline était de fer, ce n’était pas des unités individualistes comme ce l’était pour l’Aurès, mais du moment qu’elles portaient des armes, elles avaient droit à imposition et à répression. Elles ne rendaient compte à personne et personne n’avait droit de leur demander des comptes, de peur de subir encore plus le poids des représailles ». « Dans les Aurès, c’était l’armée à l’état pur. Le peuple n’existait pas. Avant que quelqu’un ait pris une arme, il n’était pas considéré. D’un autre côté, il y avait une multitude d’unités et (...) il n’y avait pas d’autorité centrale. (...) La région la plus forte (...) prenait le pouvoir ».

Au contraire dans la wilaya 2 (Nord-Constantinois), « l’armée n’était pas maîtresse, les djounoud avaient la force, mais c’était toujours l’assemblée de douar, le comité inter-douars qui était composé de responsables civils qui décidait. Le chef militaire était présent, il siégeait avec eux, mais en qualité de membre sans plus. Cela était valable jusqu’au degré le plus élevé de la hiérarchie. Au conseil de wilaya siégeaient autant les responsables civils que militaires et les décisions étaient communes ». C’est pourquoi, « quand le djoundi avait besoin du peuple pour assurer une garde, pour trouver un refuge, pour couper une route ou pour se ravitailler, tout le monde se mobilisait parce que lui et le peuple subissaient le même destin ».

Ainsi, « certaines régions n’aboutissaient pas fatalement à un pouvoir personnel ou à une dictature ou à un pouvoir militaire pur mais quand cela arrivait, elles tombaient dans l’anarchie et l’anarchie basée sur la force est toujours négative ». Et il concluait : « La révolution de ce point de vue, si on la considère dans sa globalité, n’a pas atteint son idéal. C’est-à-dire qu’elle n’a pas abouti à une organisation du peuple où tout le monde participe à la décision et où tout le monde a son mot à dire ». Ainsi, l’œuvre du Congrès de la Soummam restait très incomplète et imparfaite.

Dans d’autres pages, il exprimait très clairement son désaccord avec la ligne générale de ce Congrès : « les personnalités qui furent intégrées dans les instances avaient le même profil, la même pensée politique. Qu’ils fussent nationalistes MTLD ou ‘Ulamas (...) tous étaient sur le plan politique fondamentalement UDMA (...). Entre des révolutionnaires du genre de Abane et de Ben M’hidi, qui étaient eux en plein dans la guerre, et des gens du personnel politique ancien, il existait bien des différences, mais celles-ci étaient en réalité très restreintes. Tous s’accordaient en fait pour rentrer dans la guerre, la diriger et finir par être ceux qui négocieront la paix. Tous s’accordaient aussi et surtout pour être contre la longue durée de la guerre. Celle-ci allait en effet à l’encontre de leurs intérêts car une guerre de longue durée ferait participer tout le peuple, elle l’amènerait à un degré de maturité politique plus élevé, et ainsi il serait plus difficile de lui faire abandonner les droits qu’il aurait acquis tout au long de la lutte au bénéfice de quelqu’un. En un mot il fallait que soit mis fin à la guerre avant que le peuple et les responsables des maquis ne parviennent à un conscience politique élevée, c’est-à-dire qu’il fallait les prendre de vitesse » (p 353).

Il exprimait aussi une position personnelle très paradoxale, populiste et néanmoins élitiste : « Si la révolution avait adopté un modèle idéologique, cela aurait été un échec. Elle serait restée minoritaire. C’était passer par la guerre civile, s’entretuer avant de lutter contre l’ennemi. (...) Cela n’aurait jamais réussi. D’abord, les révolutionnaires, combien sont-ils ? Est-ce que le peuple est révolutionnaire ? Je dirai non. Il n’a jamais combattu pour la révolution. Il croit en la révolution mais il ne lutte pas pour elle. Il croit en la remise en cause et au chambardement de toute la société, pour qu’il puisse prendre les rênes du pouvoir, mais ce qu’il vise en fait c’est l’intérêt individuel. (...) Donc la révolution n’aurait jamais eu lieu en Algérie. Elle ne pouvait se faire qu’à travers la guerre et par l’unité nationale. Il fallait à l’intérieur de l’appareil forger l’esprit révolutionnaire » (p 363).

Après que Bentobbal eut décidé, sur l’invitation pressante de Krim, de rejoindre l’extérieur en mai 1957, accédant ainsi à la direction centrale du FLN-ALN, son désenchantement devint permanent. Dans le deuxième tome de ses Mémoires, il rapporte une succession ininterrompue de conflits internes. La lutte pour la direction se joue d’abord entre Abane Ramdane, qui invoque la primauté du politique sur le militaire, et la coalition des trois principaux chefs militaires issus des wilayas de l’intérieur, Krim, Boussouf et Bentobbal. On savait qu’Abane avait été attiré dans un guet-apens au Maroc à la fin 1957 puis étranglé sur l’ordre de Boussouf, mais on ne savait pas qu’il avait le premier sollicité l’accord de Bentobbal pour éliminer Boussouf, ni que Krim avait projeté d’éliminer Boussouf et Bentobbal avant de se raviser et d’en informer ses victimes potentielles. Si la nécessité de faire bonne figure sur la scène internationale imposa la formation d’un Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) réunissant toutes les tendances sous la présidence nominale de Ferhat Abbas le 19 septembre 1958, la distinction entre les militants civils, qui n’avaient qu’un pouvoir de représentation, et les chefs militaires qui détenaient les forces armées des wilayas, était bien réelle, et elle se renforça en 1959 quand l’échec du ministre des forces armées Belkacem Krim à forcer le passage à travers les frontières imposa une longue réunion des dix principaux chefs militaires pour tenter de répondre au défi politique et militaire du général de Gaulle avant de réunir le CNRA en décembre 1959-janvier 1960. Krim, Boussouf et Bentobbal s’entendirent encore pour ordonner l’assassinat du sénateur Chérif Benhabylès qui avait rencontré secrètement Ferhat Abbas et Ahmed Francis, afin de décourager toute tentative de « troisième force » entre la France et le FLN le 28 août 1959 (pp 116-117).

Dans ces années de crise, Bentobbal devenu ministre de l’intérieur du GPRA - c’est-à-dire chargé des organisations du FLN encadrant les populations algériennes de France, de Tunisie et du Maroc - se comporta comme un arbitre essayant d’éviter l’échec de la révolution, notamment en 1959 quand la wilaya II refusa de se joindre aux purges sanglantes ordonnées par le colonel Amirouche de la III, et en 1960 quand le mécontentement des wilayas de l’intérieur contre l’impuissance du GPRA se traduisit par la révolte de Si Zoubir contre la direction de la wilaya V au Maroc et par l’affaire Si Salah (simplement évoquée) en wilaya IV (Algérois). Même si les manifestations de décembre 1960 à Oran puis Alger et d’autres grandes villes éclatèrent sans que le GPRA les eut prévues, et contribuèrent à l’acceptation par le général de Gaulle de la négociation politique avec le GPRA en 1961, la contestation de son autorité par l’état-major général de l’ALN dirigé par le colonel Boumedienne suscita de nouvelles inquiétudes.

Privé de son poste dans le nouveau GPRA formé en août 1961 par son ennemi Ben Khedda, mais resté ministre sans portefeuille, Bentobbal alla rendre visite à Ben Bella et aux autres leaders du FLN emprisonnés par les Français pour les informer des pourparlers, et il participa très activement aux négociations des Rousses et d’Evian. Croyant un moment avoir sauvé la révolution, il fut rapidement déçu par les intrigues de Ben Bella cherchant à renverser le GPRA avec l’aide du colonel Boumedienne. Lors du CNRA de Tripoli (20 mai-7 juin 1962) qui adopta à l’unanimité un programme socialiste que presque personne n’avait lu, il n’approuva pas Ben Khedda de fuir la confrontation avec Ben Bella, mais il ne cacha pas non plus à ce dernier sa profonde déception : « Je t’avais jusque-là beaucoup défendu, mais au bout du compte tu t’es révélé être un tout autre homme que celui que je croyais. Je suis arrivé à la conclusion que j’avais devant moi un monstre et non un homme ayant des qualités pour diriger la révolution » (p 276).

Ses dernières pages reprennent son analyse d’une révolution trahie par ceux qui étaient parvenus à s’infiltrer dans sa direction : « la révolution a été déclenchée contre la volonté d’un grand nombre de ceux qui se trouvaient maintenant dans ses rangs. Pour autant que certains l’aient désirée effectivement, ils l’ont fait en pensant déclencher une guerre de libération contre la France. Tous, cependant, convenaient que cette guerre devait aboutir à un accord avec une certaine France, une France qui se perpétuerait en Algérie. Ils ne voulaient pas de rupture parce que toute rupture, quelle qu’elle soit, avec l’ancienne puissance coloniale, signifiait la semence de la révolution » (p 291). Et il ajoute : « Il ne s’agit pas là d’une analyse politique, mais d’un simple diagnostic des faits tels qu’ils se sont produits. Parmi tous les cadres que j’ai connus lors de cette dernière session du CNRA, ceux qui étaient pour l’aboutissement effectif de la guerre sur une perspective révolutionnaire peuvent se compter sur les doigts d’une main » (p 292). Encore omet-il de rapporter les graves événements qui suivirent l’indépendance, notamment son arrestation à Constantine dans la nuit du 24 au 25 juillet 1962 par l’un de ses anciens subordonnés rallié au colonel Boumedienne.

Ainsi, cette contribution à l’histoire par en haut de la guerre d’indépendance algérienne, qui supporte la comparaison par son indépendance d’esprit avec l’œuvre historique de Mohammed Harbi, laisse au lecteur l’impression déprimante d’une révolution manquée, et non pas celle, exaltante, de l’avènement d’une ère nouvelle.

Terminons cette réflexion sur l’année 1962 en Algérie en rappelant que le CNRA réuni à Tripoli du 20 mai au 7 juin 1962, au lieu de ratifier les accords d’Evian signés et paraphés par Belkacem Krim le 18 mars, les avait secrètement désavoués en adoptant à l’unanimité le « programme de Tripoli » qui les dénonçait comme une « plateforme néocolonialiste » à démanteler le plus vite possible. Ce qui n’avait pas empêché le GPRA de faire voter Oui à l’indépendance et aux accords d’Evian par le peuple algérien lors du référendum de ratification le 1er juillet 1962 [24], permettant ainsi à ce peuple abusé d’approuver massivement à la fois l’indépendance et la paix négociée avec la France, sans savoir que la direction du FLN en avait jugé autrement. Quant au gouvernement français, il crut naïvement durant la crise de l’été 1962 que toutes les tendances algériennes en lutte pour le pouvoir reconnaissaient également les accords d’Evian [25], avant de découvrir en septembre 1962 que le programme de Tripoli les avait désavoués sans qu’il en fût informé. Ainsi, les dirigeants français avaient été trompés, mais le peuple algérien également.

Guy Pervillé.

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[1] Qui est la publication par les éditions Bouchène des trois premiers volumes de sa thèse de doctorat d’Etat sur travaux intitulée Socialisation politique et acculturation à la modernité. Le cas du nationalisme algérien (de l’Etoile Nord- Africaine au Front de libération nationale).

[2] Citation de cette introduction inédite, p 11 (à propos du livre de Pierre Vermeren, Misère de l’historiographie du Maghreb post-colonial (1962-2012), Editions de la Sorbonne, 2012) : « Il conviendrait de nuancer aussi les assertions radicales relatives à la « misère » durable de l’historiographie française du Maghreb dans les années 1990-2000. Car Guy Pervillé est déjà bien présent avant d’être élu professeur à Nice en 1995, tandis que Sylvie Thénault et Raphaëlle Branche soutiennent en 1999 et 2000 des thèses dont la qualité laisse présager une belle carrrière dans la recherche algérienne, parfaitement confirmée dix ans plus tard. Bien sûr, P.Vermeren n’ignore pas l’arrivée de ces nouveaux talents, qui appartiennent au demeurant à deux strates générationnelles différentes. Il est vrai que leurs travaux s’arrêtent à la guerre d’indépendance, sans franchir le Rubicon, du moins au moment où celui-ci prépare son HDR. Mais on peut vite s’apercevoir que ces trois poids lourds (sic) sont là pour près de vingt ans, et qu’ils ne se limiteront pas à la seule « guerre d’Algérie ». Dès le départ pour le premier, dès l’extension de leur recherche pour les secondes ». En fait, j’avais commencé mes recherches en 1970, quelques mois après Omar Carlier et deux ans avant Benjamin Stora, en même temps que mon camarade à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm Jacques Frémeaux.

[3] Voir sur mon site l’historique de cette longue recherche : « Les prises de sang forcées en Algérie en 1962 : mythe ou réalité ? » (2011) (http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=261), et « Du nouveau sur les prises de sang forcées : la libération du légionnaire Esteban Sanchez » (2019, avec un PS rajouté en octobre 2020 ) (http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=434 ).

[4] Voir le texte de ces documents dans ma « première réponse à Malika Rahal » (2022) sur mon site (http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=434 ), et ma « Deuxième réponse à Malika Rahal » (http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=487 ).

[5] Voir dans ma première réponse à Malika Rahal : Note de renseignements du 16 juin 1962, direction de la sécurité militaire du corps d’armée d’Alger. Objet : Hôpital FLN (Valeur : F.6) : « D’après un renseignement d’origine civil et privé recueilli le 22 mai à Alger, l’adjudant GAGNAIRE et le sergent TORRES du 21 ème RT, portés déserteurs à compter du 20 mai 1962 se trouveraient dans un hôpital FLN situé Rue de l’Usine à Alger en limite du quartier Belcourt. Cet hôpital grande bâtisse, disposant d’une cour intérieure, se situe à gauche dans la rue de l’Usine, et tournant le dos au boulevard BRU et près des escaliers terminant la rue de l’Usine à l’autre extrémité. Une quarantaine d’Européens seraient séquestrés au même endroit, jouant le rôle de donneurs de sang ». Jordi précise en note : « Ces deux militaires, enlevés le 3 mai 1962 et considérés comme déserteurs par l’armée, ont rapidement été rétablis dans leur honneur après ce témoignage et sont désormais inscrits sur la colonne « Morts pour la France » du Mémorial du Quai Branly ». Référence : SHD 1 H 1212.

[6] OAS Zone 3, tract T 649 daté du 26 mai 1962.

[7] Très vraisemblablement, il s’agissait de Belkacem Krim, père fondateur de la wilaya 3 du FLN-ALN, vice-président du GPRA et seul signataire algérien des accords d’Evian du 18 mars 1962...

[8] Soutenance enregistrés sur Youtube, https://www.youtube.com/watch ?v=h3zfGmpgZFg .

[9] « A propos de l’OAS d’Oran : réponse à un lecteur oranais » http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=341 ; « A propos d’un événement occulté : le massacre du 5 juillet 1962 à Oran » http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=353 , et « Réponse à Gérard Rosenzweig » http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=366 .

[10] C’est moi qui souligne.

[11] Contribution de Fouad Soufi dans La Guerre d’Algérie dans le mémoire et l’imaginaire, A. Dayan-Rosenman, L. Valensi (sd.), Saint-Denis, Bouchène, 2004, pp. 133-147.

[12] Jean Monneret, La Tragédie dissimulée, Oran, 5 juillet 1962, Paris, Michalon, 2006, p 151.

[13] Jean-Jacques. Jordi, Un Silence d’Etat. Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, Paris, SOTECA, 2011, pp 94 et 96.

[14] Bernard Tricot, Mémoires, Paris, Quai Voltaire, 1994, pp. 154-155.

[15] Voir les citations commentées dans mon article « La guerre subversive en Algérie : la théorie et les faits » (1975), sur mon site http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=138 .

[16] Jean-Claude Guillebaud, « D’une torture à l’autre », Sud-Ouest-Dimanche, Bordeaux, 17 juin 2001, p. 2.

[17] Sondages publiés dans Le Monde du 30 octobre 2004, p 10, et résumés dans mon Histoire de la mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, SOTECA, 2022, pp 103-105.

[18] Il s’agit sans doute de l’écrivain Mouloud Feraoun, ami d’Albert Camus, assassiné le 15 mars 1962 à Alger par l’OAS avec ses cinq camarades inspecteurs des Centres sociaux Max Marchand, Marcel Basset, Robert Eymard, Salah Ould Aoudia et Ali Hammoutène. .

[19] Albert Faucher, Quand les cigognes claquaient du bec dans les eucalyptus, Paris, Fayard, 2012, pp 205-207.

[20] Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962. Paris, le Seuil, 1962, pp 297-298.

[21] Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962, pp 303-304.

[22] Daho Djerbal, Lakhdar Ben Tobbal. T1, Mémoires de l’intérieur, Alger, éditions Chihab, novembre 2021, 399 p. ; t 2, La conquête de la souveraineté. Alger, Editions Chihab, mars 2022, 303 p.

[23] Roger Le Doussal, Commissaire de police en Algérie (1952-1962), Paris, Riveneuve, 2011, pp 315-317.

[24] Question posée : "Voulez-vous que l’Algérie devienne un Etat indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ?" Le Oui rallia 91,23% des électeurs inscrits et 99,72% des suffrages exprimés. Le gouvernement français avait d’abord voulu poser deux questions distinctes portant l’une sur l’indépendance, et l’autre sur les accords d’Evian.

[25] Instructions du ministre Louis Joxe à l’ambassadeur de France Jeanneney datées du 9 août 1962, reproduites dans A. Liskenne, L’Algérie indépendante. L’ambassade de Jean-Marcel Jeanneney (juillet 1962-janvier 1963), Paris, Armand Colin, 2015, p 92.



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