Le point sur... la guerre d’Algérie (1983)

dimanche 20 mai 2007.
 
Cet article a été publié dans la revue de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie, Historiens et géographes, n° 293, février 1983, pp. 635-652.

Vingt ans après son dénouement, la guerre d’Algérie va-t-elle enfin entrer dans notre Histoire ? Déjà les acteurs et les témoins de ces « événements » vieillissent ou disparaissent peu à peu. Nos élèves et nos étudiants ne les connaissent que par ouï-dire ou par des lectures, quand ils ne les ignorent pas tout à fait. À leur demande plus ou moins consciente et exprimée, comment répondre ? Si nos collègues n’ont pas déjà fixé leur opinion, ils risquent d’être désorientés par une historiographie surabondante et contradictoire, alors que la recherche historique est à peine entamée. C’est pour les aider que je présente cet essai, encore prématuré, d’état de la question.

Surabondance et insuffisance de l’historiographie

L’historiographie de la guerre d’Algérie [1] est florissante : environ 200 titres en vingt ans (sans compter les rééditions ni les éditions multiples). On observe des fluctuations à court terme autour de la moyenne annuelle, les pointes correspondant à des anniversaires. La plus nette fut 1972, avec 22 titres nouveaux. 1982 s’annonce bien, avec 10 au moins pour le premier semestre.

Cette production est très inégalement répartie suivant les langues et les nationalités des auteurs et des éditeurs, ainsi que suivant les genres et les tendances ; mais elle tend depuis peu vers plus d’équilibre. Dans l’ensemble, la prépondérance de la langue française est écrasante ; celle des éditeurs et celle des auteurs français ne l’est guère moins. Tous les auteurs algériens écrivent en français, et la plupart se font publier en France. Mais l’Algérie commence depuis peu à éditer des recherches algériennes (d’ailleurs effectuées en France). En dehors de ces deux pays, les États-Unis et la Grande-Bretagne, suivis de loin par l’Allemagne Fédérale, sont les seuls foyers importants de travaux et de publications ; les traductions en français sont malheureusement trop rares.

Les témoignages plus ou moins fortement engagés représentent encore la grande majorité de la production. Viennent ensuite les récits journalistiques, les œuvres proprement historiques, visant à expliquer autant qu’à raconter, restent les plus rares, surtout en France.

Parmi les auteurs, on peut distinguer trois tendances principales. D’un côté, les partisans de l’Algérie française ou de l’intégration, qui ont longtemps été les plus nombreux à s’exprimer. A l’opposé, ceux de l’indépendance (Algériens, et sympathisants) se sont beaucoup moins manifestés jusqu’à ces derniers temps. Entre les deux, certains auteurs ont tenté d’expliquer ou de justifier la politique changeante de la métropole, et particulièrement celle du général de Gaulle. Le partage des tendances est plus équilibré et moins tranché parmi les auteurs étrangers au conflit.

L’évolution qualitative de cette historiographie se résume en trois étapes. Jusqu’en 1968, la guerre d’Algérie n’est pas finie pour tout le monde, les derniers condamnés de l’OAS restant en prison ou en exil. D’où l’écrasante prépondérance des plaidoyers pour l’Algérie française et des réquisitoires contre ses ennemis. Au contraire, les gaullistes veulent tourner la page, et les partisans du FLN sont absorbés par les problèmes de l’Algérie indépendante. Puis, en moins de deux ans, le climat politique est transformé par les troubles de mai-juin 1968, l’amnistie accordée en juillet aux « ultras » de l’Algérie française, la retraite du général de Gaulle en avril 1969, la publication de ses Mémoires d’espoir suivie de peu par sa mort en novembre 1970. Ces événements suscitent, de 1968 à 1972, une floraison sans précédent de « témoignages pour l’Histoire », au ton généralement moins polémique. En même temps paraissent plusieurs récits journalistiques et les premières tentatives d’explication historique. Mais les passions ne sont pas encore éteintes : on se souvient des incidents provoqués par le film de Pontecorvo, La bataille d’Alger, et des véhémentes réponses à La vraie bataille d’Alger du général Massu.

Après 1972, l’historiographie se rapproche d’un meilleur équilibre entre les tendances, et même entre les nationalités des auteurs. Le fait le plus remarquable de ces dernières années est l’apparition de publications régulières d’auteurs algériens - qui pour la première fois en 1981 équilibrent en quantité comme en qualité leurs homologues français - et même de véritables historiens algériens, qui ne trouvent guère leurs équivalents chez nous.

La recherche historique est en effet très inégalement répartie. Jusqu’à présent, la plupart des publications viennent des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne Fédérale. La part de l’Algérie était presque nulle avant la parution en 1981 des thèses de Mohammed Teguia et de Slimane Chikh ; mais celle des Algériens était déjà très honorable, en tenant compte de l’œuvre de Mohammed Harbi, réalisée et publiée en France. Quant à notre pays, sa contribution à l’histoire scientifique du conflit n’est pas à la mesure de sa part dans son historiographie. Bien que des études sérieuses aient déjà été publiées par des témoins plus ou moins engagés, on ne peut voir sans inquiétude le petit nombre de thèses soutenues et publiées par des Français [2].

Pourtant, le nombre des mémoires de maîtrise d’histoire et de DES de Sciences Politiques consacrés à la guerre d’Algérie depuis 1962 montre que les bonnes volontés ne manquaient pas au départ. La plupart se sont laissé décourager par des obstacles réels, mais dont on surestime la gravité. Les difficultés sont celles de toutes recherches en histoire très contemporaine d’un pays étranger (atténuées par le fait que la plupart des sources sont en français). L’inaccessibilité des archives publiques est compensée par l’existence d’acteurs et de témoins survivants qui peuvent communiquer leurs archives privées. L’exhaustivité des sources ne peut être que relative ; il s’agit de tirer parti de toutes celles qui sont accessibles. La vraie difficulté est de définir un sujet assez précis pour éviter de se perdre dans l’océan de la documentation. Les sujets ne manquent pas, ce sont les chercheurs qui leur font défaut.

Mais les causes de cette carence ne sont pas purement individuelles. On peut souhaiter que les Pouvoirs Publics, qui n’ont rien fait depuis 1962 pour favoriser ces recherches, n’aggravent pas leur difficulté en aliénant à l’État algérien les archives de l’Algérie française, rapatriées à Aix-en-Provence [3]. Et on espère que le nouvel Institut d’Histoire du Temps Présent, qui vient de succéder au Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, se hâtera de mettre à son programme la décolonisation de l’Empire français (que son prédécesseur n’avait pas négligé). Enfin, on peut penser que l’histoire de la guerre d’Algérie bénéficierait de l’amélioration d’une conjoncture professionnelle particulièrement défavorable aux jeunes historiens (manque de postes dans l’enseignement supérieur et au CNRS, absence d’un statut d’enseignant chercheur dans le secondaire).

Bibliographie de base

L’insuffisance de la recherche et l’absence consécutive d’un véritable débat historique ne facilitent pas la tâche des professeurs, qui ne sauraient maîtriser seuls cette énorme historiographie. Heureusement, les ouvrages généraux se font moins rares, sans être encore trop nombreux. Pour situer la guerre dans une perspective historique, il convient de commencer par les deux Histoire de l’Algérie contemporaine éditées par les PUF = le « Que sais-je ? » de Charles-Robert Ageron, et le grand ouvrage de référence en trois volumes, le premier (1830-1870) dû à Charles-André Julien, le second (1871-1954) à Charles-Robert Ageron, le troisième se faisant toujours attendre. Dans une optique moins anticolonialiste, L’histoire de l’Algérie française de Claude Martin, publiée en 1963 et rééditée en 1979 chez Robert Laffont nous semble inégalée par sa lucidité. Parmi les ouvrages entièrement consacrés à cette guerre, on peut distinguer trois catégories. Les récits journalistiques dans lesquels la facilité de lecture compte autant que le fond sont les plus accessibles. Le genre fut d’abord illustré par les quatre volumes d’Yves Courrière (Les fils de la Toussaint, 1968 ; Le temps des léopards, 1969 ; L’heure des colonels, 1970 ; Les feux du désespoir, 1971) parus chez Fayard. Dans un style de roman, ils eurent le mérite de donner la parole aux combattants de tous les camps. Ils sont malheureusement entachés de quelques erreurs de détail (pas toujours imputables à l’auteur) ; la plus fâcheuse étant la pseudo-démonstration de 3 994 disparitions pendant la bataille d’Alger par un document officiel dont le caractère probant ne résiste pas à l’examen [4]. La formule fut reprise en 1971, moins brillamment mais avec une documentation sérieuse, par l’équipe de Bernard Michal, (Le destin tragique de l’Algérie française, Genève, Éditions de Crémille, 4 vol.) ; puis d’une façon plus anecdotique en 1979 et 1980 par Philippe Aziz (Le drame de l’Algérie française, Genève, Idégraf et Vernoy, 2 vol.).

D’autres publications donnent à l’image ou au document brut une importance au moins égale à celle du texte. On peut mentionner dans ce genre les albums de photos commentées, publiés en 1972 par Yves Courrière (La guerre d’Algérie en images, Fayard 1972, texte et photos de son film de montage cité plus loin), et en 1972 par Jean-Jacques Servan-Schreiber (La guerre d’Algérie, Éditions Paris-Match). Plus composites, des publications collectives rassemblent témoignages, documents et illustrations. Les principales sont la série hebdomadaire d’Historia Magazine publiée de 1971 à 1974 par les Éditions Tallandier sous la direction d’Yves Courrière ; et les deux volumes édités par la Société de Production Littéraire sous celle de François Porteu de la Morandière (Soldats du djebel, 1979) et de Philippe Héduy (Algérie française, 1980).

Enfin, les études historiques proprement dites. Pierre Beyssade, Français d’Algérie et ancien administrateur de commune mixte, présentait dès 1968 une interprétation lucide des causes de sa défaite (La guerre d’Algérie, Culture-Arts-Loisirs, et Éditions Planète-Denoël). Le journaliste Claude Paillat, auteur des Dossiers secrets de l’Algérie (1961 et 1962), publie en 1972 un récit nostalgique de la fin de l’Empire français (La liquidation, 1953-1962), qui vaut surtout par son apport considérable de témoignages et de documents inédits. Aussi bien documenté par ses fonctions au Ministère de la Défense Nationale, l’ancien officier Philippe Tripier proposa la même année une remarquable synthèse (Autopsie de la guerre d’Algérie, Éditions France-Empire), malheureusement faussée par la théorie de la guerre subversive. La récente Histoire militaire de la guerre d’Algérie (Albin Michel 1982) du colonel Henri le Mire, ancien adjoint du général Massu, procède de la même tendance que les auteurs précédents.

Aux antipodes idéologiques se situe l’équipe de militants communistes réunie autour d’Henri Alleg. Leur monumentale Histoire de la guerre d’Algérie (Éditions Temps Actuels, 1980, 3 vol.), vaut surtout par son considérable apport documentaire (témoignages inédits de militants communistes et nationalistes, utilisation de toutes les publications antérieures) et iconographique. La tendance est sans surprise : mise en valeur des rôles positifs du PCA et du PCF, dénonciation des politiques socialiste (rédigée avant le 19 mai 1981) et gaulliste, mais aussi art d’esquiver les nombreux et graves problèmes que posa la collaboration du marxisme-léninisme et du nationalisme algérien.

Entre ces deux familles d’esprits également passionnées, le récent ouvrage de Bernard Droz et d’Évelyne Lever (Histoire de la guerre d’Algérie, Le Seuil, 1982), apparaît comme le premier travail proprement historique. Bonne synthèse de toutes les publications antérieures, ce livre recommandable pour une sérieuse initiation vient combler une lacune.

De l’abondante production historique anglo-saxonne, un seul ouvrage d’ensemble a été traduit : l’Histoire de la guerre d’Algérie de l’Anglais Alistair Horne (Albin Michel, 1980). Celui-ci vaut surtout par son point de vue impartial (bien que sympathisant de la nation française). Malheureusement, il est entaché de nombreuses erreurs de détail qui montrent la difficulté de s’improviser spécialiste de l’Algérie en « trois ans de travaux forcés » et est publié sans notes [5]. On attend toujours la traduction de la grosse thèse de l’Allemand Hartmut Elsenhans : Frankreichs Algerienkrieg (Munich, Carl Hanser Verlag, 1974).

Le point de vue algérien ne fut longtemps connu que par la propagande du FLN. A défaut de la réédition en trois volumes du Moudjahid (1956-1962), introuvable hors d’Algérie, le recueil d’André Mandouze, La Révolution algérienne par les textes, publié en 1961-1962 et réédité en 1975 (Éditions d’aujourd’hui, Plan de la Tour, Var) reste un instrument de travail très utile. L’interprétation officielle, nuancée par de bons témoignages, a été profondément renouvelée par l’œuvre de Mohammed Harbi : Aux origines du FLN, (Christian Bourgois, 1975) ; Le FLN, mirage et réalité (Éditions Jeune Afrique, 1980) complété en 1981 par un recueil de documents inédits : Les archives de la Révolution algérienne (même édition). Militant nationaliste et intellectuel marxiste, longtemps proche des plus hauts responsables du FLN, il allie l’expérience du témoin et la rigueur de l’historien pour détruire des mythes flatteurs.

La critique est plus discrète dans la thèse de science politique de Slimane Chikh, « La Révolution algérienne, projet et action » publiée en 1981, sous le titre L’Algérie en armes ou Le temps des certitudes, à Paris (Economica) et à Alger (Office des Publications Universitaires). Cet office a publié en même temps la thèse de 3e cycle de Mohammed Teguia, L’Algérie en guerre, essai d’histoire de l’ALN par un ancien officier de la wilaya IV, très bien informé et documenté.

Les travaux de ces trois militants ne doivent pas faire oublier le remarquable Journal de Mouloud Feraoun (Éditions du Seuil, 1962, non épuisé). Le témoignage de cet instituteur écrivain, signé du sang de son auteur assassiné par l’OAS en 1962, donne une idée plus juste de cette guerre que la meilleure synthèse. Placé par son origine et par sa culture à la frontière des deux camps, cet Algérien non violent tire de sa sensibilité et de sa lucidité des analyses d’une profondeur inégalée (sinon par Mohammed Harbi), dont les contradictions mêmes reflètent celles de la situation vécue par son peuple.

Bien entendu, les documents audio-visuels ne peuvent être négligés. Mais aux nombreuses reconstitutions plus ou moins romancées, il faut préférer autant que possible les documents authentiques. Pour donner à voir l’ensemble du conflit, le long métrage d’Yves Courrière et Philippe Monnier, La guerre d’Algérie, Reggane films, 1972), reste irremplaçable. Pour amorcer un débat, on dispose du troisième volet de l’enquête d’André Harris et Alain de Sédouy « Français si vous saviez » (« Je vous ai compris »). On utilisera avec prudence les documents unilatéraux, tels que Algérie 1954 : la révolte d’un colonisé (collection « Images de l’Histoire » dirigée par Marc Ferro), habile montage de bandes d’actualité « colonialistes » détournées par des commentaires qui justifient l’insurrection et ses méthodes, ou les films de propagande.

Les manuels du secondaire n’accordent qu’une place réduite à la guerre d’Algérie : au mieux quelques pages dans le cadre de la décolonisation et quelques paragraphes dans les leçons sur la IVe et la Ve République. Au risque de simplifier abusivement, ils s’en tiennent à quelques points qui leur paraissent essentiels, illustrés par quelques brefs textes et documents figurés. Pourtant, cette question tient une place non négligeable dans le programme des classes techniques (1re E et F, terminales G) ; celle-ci a été accrue par les nouveaux programmes en 3e, et va l’être dès 1983 pour les terminales A, B, C, D. On souhaite que ces dernières puissent bénéficier d’une information plus abondante.

Essai d’état de la question

Jusqu’à présent tous les manuels que nous avons consultés peuvent se résumer, à quelques nuances près, en quelques points. L’insurrection du 1er novembre 1954 y est expliquée par des causes internes : l’inégalité économique entre les populations européenne et musulmane, aggravée par une inégalité démographique en sens contraire, le racisme, l’opposition des colons et de la métropole à toute réforme. Cette insurrection devient une guerre atroce, par les embuscades et les attentats, et par la répression (les manuels mettant plus ou moins l’accent sur l’un ou l’autre aspect). La guerre se prolonge à cause du refus de l’indépendance par les gouvernements de la IVe République, les Français d’Algérie, et les cadres de l’armée. Mais, bien que l’ALN soit progressivement réduite, le FLN conserve le contrôle ou l’appui de la majeure partie de la population. Ce fait, ainsi que la lassitude de la métropole et les pressions extérieures, pousse le général de Gaulle à la négociation. Celle-ci aboutit en dépit des révoltes civiles et militaires d’Alger et du terrorisme de l’OAS, aux accords d’Évian qui reconnaissent l’indépendance de l’Algérie dans la coopération avec la France et la coexistence des communautés. Mais, par la faute de l’OAS, les « Pieds noirs » fuient en masse vers la métropole, abandonnant leurs biens et leurs morts.

Cette version commune suit la ligne de la politique gaullienne approuvée le 8 avril 1962 par les neuf-dixièmes des suffrages métropolitains, tout en manifestant un minimum de compassion pour les rapatriés. Elle correspond également à l’opinion majoritaire des Français d’aujourd’hui, révélée par un sondage publié dans L’Express n°1477 du 27 octobre au 2 novembre 1979 [6]. Mais l’existence d’un large consensus n’écarte pas le risque de choquer les sentiments de la minorité attachée à l’Algérie française (notamment des rapatriés) et plus encore des « Français musulmans », dont la tragédie est entièrement ignorée. Le point de vue de ces manuels est trop métropolitain pour rendre exactement compte de ce qu’ont vécu les habitants de l’Algérie.

Bien qu’il soit prématuré de présenter un état de la question avant que le débat scientifique ait commencé, nous tenterons de faire le point sur les principaux sujets de controverse, en rappelant les opinions contraires pour indiquer ce qui nous semble vrai [7]. Si nos interprétations n’étaient pas admises par tous, les critiques seraient les bienvenues pour amorcer un débat nécessaire.

Sur les causes et les responsabilités de la guerre, les versions des deux camps s’opposent absolument. Pour les nationalistes algériens, l’insurrection fut l’ultime recours de leur peuple contre l’oppression colonialiste après l’échec de toutes les tentatives d’émancipation pacifique. Pour les défenseurs de l’Algérie française, celle-ci fut le fait de la subversion étrangère qui exploita les insuffisances de l’œuvre accomplie en manipulant une minorité de fanatiques et de bandits. En réalité, il faut distinguer les causes immédiates et les causes profondes.

La guerre d’Algérie a été déclenchée au nom du peuple algérien par une fraction du parti nationaliste MTLD, pour tirer celui-ci de la crise qui le déchirait, et pour tenir les promesses faites aux partis frères tunisien et marocain, en combattant jusqu’à l’indépendance des trois pays. Le petit groupe des responsables n’avait pas consulté le peuple dont il prétendait exprimer la volonté. Mais ils n’en étaient pas moins de vrais nationalistes, et non pas des agents de la « subversion ». L’aide promise par l’Égypte et par la Ligue arabe a sans doute joué un rôle capital dans leur décision, mais leurs motivations profondes étaient algériennes.

En effet, le mythe de l’Algérie française a caché aux responsables français les causes profondes de l’insurrection. L’Algérie restait foncièrement musulmane, en dépit de la conquête, de la colonisation, et d’une acculturation partielle. La contradiction entre la prépondérance croissante de la colonie européenne dans l’administration et l’économie du pays, et la diminution de son poids démographique face au rapide essor de la population musulmane, était explosive. Or, la politique française n’admettait pas d’autre solution que l’assimilation ou l’intégration, qui semblaient de plus en plus illusoires. Le refus de toutes les revendications nationalistes, même des plus modérées, rendait inévitable le recours aux armes. Quant au partage des responsabilités entre les Français d’Algérie et ceux de France, c’est un faux problème.

La généralisation de l’insurrection en moins de deux ans a reçu, elle aussi, deux explications contradictoires. Pour les uns, le peuple algérien s’est soulevé unanimement, ou s’est rallié spontanément à ses libérateurs. Pour les autres, la masse de la population fut asservie par un terrorisme systématique. En fait, les insurgés ont recouru à la combinaison de trois moyens :
-  la propagande, faisant appel à la solidarité religieuse et patriotique pour les combattants de la Guerre Sainte (Moudjahidine) contre les occupants étrangers et infidèles ;
-  le terrorisme, moral et physique, dénonçant comme traîtres et châtiant impitoyablement tous les opposants ;
-  la provocation, par des embuscades ou des attentats terroristes, de représailles françaises contre les hésitants. Les soutiens extérieurs (arabes, afro-asiatiques et communistes), et surtout les victoires des nationalistes tunisiens et marocains contribuèrent au rapide essor du FLN.

On discute encore pour savoir si la guerre d’Algérie aurait pu se terminer dès 1956, comme les crises de Tunisie et du Maroc. Selon certains, la volonté de paix du peuple français fut trahie par le gouvernement Mollet, incapable d’imposer son autorité aux Français d’Algérie et aux chefs militaires. Suivant d’autres, le pacifisme des Français fut balayé par une vague de nationalisme. La réalité est plus complexe. La paix n’était nullement en vue le 22 octobre 1956, quand l’avion des négociateurs algériens fut détourné par les militaires français. En effet, le FLN exigeait la reconnaissance de sa représentativité exclusive, et de l’indépendance de l’Algérie. L’éventuelle acceptation de ces conditions aurait fait éclater le gouvernement et sa majorité parlementaire. Et l’opinion métropolitaine elle-même était divisée en deux tendances approximativement égales [8]. Faute d’une majorité indiscutable (impossible sans les communistes), le risque de guerre civile était sérieux, et le resta jusqu’à la fin de la IVe République.

De 1956 à 1960, la guerre fut la « seule négociation » entre les adversaires. De 1956 à 1958, le FLN espérait encore briser la combativité des Français par un nouveau Dien-Bien-Phu ; de 1958 à 1960 au contraire, l’armée française s’efforça de détruire l’ALN coupée de ses bases frontalières pour réduire à l’impuissance « l’appareil extérieur de la rébellion ». A travers ces deux phases, cette guerre conserva ses caractères distinctifs.

L’aspect strictement militaire est le mieux connu. L’énorme inégalité des effectifs et des armements empêcha l’ALN de dépasser le stade de la guérilla. Elle progressa cependant jusqu’au début de 1958, puis régressa à l’intérieur pendant que « l’armée des frontières » continuait à se renforcer. Le terrorisme, c’est-à-dire l’emploi de la violence contre des civils ou des combattants non armés, compensa en partie l’infériorité de l’ALN. Cette forme de guerre a suscité les jugements les plus divers : arme des lâches contre les innocents, ou des faibles contre les forts ? Sans prétendre clore ce débat toujours actuel, il convient de distinguer plusieurs types de terrorisme : externe ou interne, suivant qu’il vise des « colonialistes » ou des « traîtres », sélectif ou aveugle, vengeur ou provocateur. Le terrorisme en retour entraîne la répression, légale ou illégale, individuelle ou collective. Ou plutôt les deux camps prétendent répondre au « terrorisme » de l’autre, s’arrogent le droit de châtier les « crimes de guerre » de leurs ennemis, et tous ceux qui en sont solidaires. Des deux côtés, le châtiment ou la prévention de ces crimes justifie le recours à la torture quand la persuasion ou l’intimidation ne suffisent pas à fournir le renseignement.

Mais la violence n’est pas le seul moyen de lutte. Les deux camps recourent à l’arme psychologique. La « guerre psychologique » vise à détruire le moral de l’ennemi en manipulant l’information, en provoquant des défections, en retournant les prisonniers, ou en semant une injuste suspicion. « L’action psychologique » vise à entretenir le moral des siens et à rallier les hésitants, en exaltant la valeur de sa cause et en dénigrant celle de l’adversaire, ou en inculquant la certitude de la victoire et des avantages qu’elle apportera. Mais la propagande seule est impuissante : elle suppose le contrôle préalable de la population, et doit être complétée par des réalisations tangibles (soins médicaux, écoles, emplois). Mieux placés que l’ALN vivant sur le dos des habitants, les responsables français crurent pouvoir tarir son recrutement par des plans de développement économique et social.

Cependant, les deux camps recherchent à l’extérieur des soutiens diplomatiques, financiers et militaires : alliance atlantique et occidentale pour la France, États arabes, afro-asiatiques et communistes pour le FLN. La définition même de la guerre est une arme. Le FLN y voyait un conflit international, et prétendait restaurer l’État algérien détruit par l’agression française de 1830 en proclamant le GPRA le 19 septembre 1958. La France, au contraire, niait officiellementlaguerre, prétendant maintenir l’ordre ou « pacifier » l’Algérie troublée par une minorité de « rebelles » ou de « hors la loi ». Mais elle accusait de « subversion » les États étrangers qui les soutenaient, et le « communisme international ».

La thèse du FLN est plus proche de la vérité. En effet, celui-ci était bien une organisation politique entièrement algérienne, poursuivant l’indépendance de l’Algérie, et qui sut conserver la sienne envers tous ses alliés. Mais si le FLN était indiscutablement algérien, représentait-il toute l’Algérie ? La proclamation du 1er novembre 1954 offrait aux Français d’Algérie le choix entre la nationalité algérienne et le statut d’étrangers. Mais, en dehors d’une minorité « libérale » acceptant l’indépendance, et de quelques dizaines de personnes qui optèrent en pleine guerre pour le FLN, leur masse voulut rester française dans une Algérie française. Dès 1955 ou 1956, le terrorisme aveugle de l’ALN les visa en tant que « colonialistes », démentant ainsi la propagande du Front, et celle de son allié le PCA.

Mais la population musulmane représentait, par son nombre, l’enjeu essentiel du conflit et le facteur décisif de la victoire. Sollicitée par les deux camps d’obéir et d’adhérer, elle ne pouvait accomplir son devoir envers l’un sans trahir l’autre. Ne représentant que lui-même au départ, le FLN avait réussi à faire reconnaître son autorité par la majorité des Algériens musulmans au début de 1957. Mais, de 1957 à 1960, son audience recula en même temps qu’augmentait le nombre des réfractaires, et celui des ralliés changeant de camp : en tout plus de 200.000 hommes armés par la France en 1960. Ce nombre (comparable à celui des Moudjahidine en tenant compte du renouvellement plus rapide de ceux-ci) interdit de ne voir en eux que des « mercenaires » ou des « traîtres ». Les nationalistes du MNA, refusant de rallier le FLN, furent également combattus comme traîtres. Mais les « vrais patriotes » eux-mêmes étaient divisés : le FLN souffrit de plus en plus d’épurations sanglantes et de conflits chroniques entre ses chefs, souvent tranchés par la force. Soigneusement cachés tant que dura la guerre, ceux-ci éclatèrent au grand jour après l’indépendance. Toutes ces raisons font penser que la guerre d’Algérie fut une guerre civile entre Algériens autant qu’une guerre étrangère.

Elle fut aussi une guerre civile larvée entre Français. En effet, la foi en l’Algérie française déclina rapidement parmi les dirigeants et dans l’opinion publique de la métropole. Les derniers gouvernements de la IVe République recherchèrent une solution intermédiaire entre l’intégration et l’indépendance. Puis le général de Gaulle franchit un pas décisif en reconnaissant le droit des Algériens à l’autodétermination le 16 septembre 1959. Cette évolution creusa un fossé entre la masse des Français de France, aspirant de plus en plus à la paix, et celle des Français d’Algérie, renforcés par les cadres de l’armée, qui continuaient d’exiger le maintien définitif de la souveraineté française. Par des épreuves de force de plus en plus fréquentes et violentes (6 février 1956, crise de mai 1958, barricades de janvier 1960, émeutes de décembre 1960, « putsch » d’avril 1961, enfin action terroriste de l’OAS), ceux-ci tentèrent en vain de la bloquer, après l’avoir involontairement accélérée en portant au pouvoir le général de Gaulle. Ce conflit interne prit la forme d’une guerre de sécession à rebours entre la métropole et sa colonie, et d’une lutte pour le pouvoir qui menaça la République en France même. « La discorde chez l’ennemi » sauva le FLN d’une possible défaite.

La chute de la IVe République et l’avènement de la Ve République eurent une influence décisive sur l’issue de la guerre, bien que celle-ci ait duré plus longtemps sous cette dernière que sous la précédente. On sait par de nombreux témoignages comment les gaullistes ont exploité le mécontentement des Français d’Algérie et des officiers contre le régime au profit du général de Gaulle, pendant que celui-ci se présentait en arbitre indépendant de toutes les factions. Les intentions du Général étaient et sont restées longtemps controversées. Nombre de ceux qui l’ont porté au pouvoir, l’ont accusé de tromperie ; d’autres, d’inconstance. Les Mémoires d’espoir, confirmés par de nombreux témoignages antérieurs au 13 mai 1958, prouvent que le général avait fixé les principes de sa politique algérienne avant son retour au pouvoir. Il jugeait l’intégration impossible et l’indépendance de l’Algérie tôt ou tard inévitable, mais voulait l’octroyer dans des conditions conformes à l’honneur et aux intérêts de la France, et refusait de reconnaître le FLN comme seul représentant des Algériens. Ces principes, de Gaulle les révéla progressivement de 1958 à 1960, mais il fut contraint de céder sur plusieurs points essentiels en négociant avec le GPRA l’avenir de l’Algérie et le cessez-le-feu.

L’ambiguïté de cette politique gaullienne l’a exposée à des critiques opposées. Les uns l’accusent d’avoir privé la guerre de sa justification en la terminant par un abandon ; les autres, de l’avoir inutilement prolongée. Leur seul point d’accord serait que de Gaulle a fait tuer des hommes pour rien, ou pour servir un projet néo-colonialiste voué à l’échec. Mais ils se contredisent sur la manière d’en finir plus tôt.

De Gaulle précisa ses intentions aussi vite qu’il crut pouvoir le faire en étant sûr d’être suivi. Elles furent en effet approuvées par la grande majorité des métropolitains, mais les violentes réactions qu’elles provoquèrent chez les Français d’Algérie et dans l’armée semblent justifier sa prudence initiale. Quand aux Musulmans, il voulut les rallier par une politique d’égalité civique et de progrès économique et social, tout en offrant aux insurgés, avec la « paix des braves », la possibilité de poursuivre leur action politique dans la légalité. Mais faute d’être entendu, il tenta de les contraindre à accepter ses offres en aggravant la pression militaire.

Au printemps 1960, après sa victoire sur les barricades d’Alger, de Gaulle crut toucher au but quand les chefs de la wilaya IV entrèrent en contact avec lui. Mais, contrairement aux militaires, il ne croyait pas que la victoire put régler définitivement le problème algérien. A ses yeux, l’intégration, l’assimilation et la francisation n’étaient que des formules irréalisables, qui déguisaient « le maintien de notre domination par la force » sur un peuple aspirant à l’indépendance. Pour éviter que la guerre ne reprenne après sa mort, il se prononça pour une « Algérie algérienne » associée à la France, sans reconnaître la légitimité du GPRA. Mais, en abandonnant le dogme de l’Algérie française, il dressa contre lui ceux qui l’avaient porté au pouvoir, sans satisfaire le FLN que cette première concession encouragea dans son intransigeance. Pris entre deux feux, de Gaulle vit se dérober la « troisième force » attentiste, qui le pressa de s’entendre avec le GPRA, dont les manifestations de décembre 1960 révélèrent la popularité croissante. Pour en finir, il se résigna à le reconnaître implicitement en négociant avec lui seul l’avenir de l’Algérie préalablement au cessez-le-feu. Le compromis signé à Évian fut saboté par l’OAS, mais il fut aussi désavoué par le programme de Tripoli du FLN, en tant que « plate-forme néo-colonialiste ». Ainsi de Gaulle réussit à dégager la France du guêpier algérien, mais non aux conditions qu’il avait fixées.

En somme, la guerre d’Algérie fut gagnée, non par les plus forts, mais les plus résolus. Car la force militaire n’est qu’un moyen au service d’une volonté politique. Or l’enjeu était essentiel pour le FLN algérien, alors qu’il était relativement marginal pour la France métropolitaine. De Gaulle eut la tâche ingrate de balayer le mythe de l’Algérie française pour tenter de construire une nouvelle politique en fonction de ce qu’il jugeait l’intérêt bien compris de la France. Mais son point de vue ne pouvait être celui des Français d’Algérie et de l’armée coloniale.

Le bilan des pertes humaines exprime les caractères essentiels du conflit. Comme les destructions matérielles, mais contrairement aux charges financières, elles concernent surtout les habitants de l’Algérie. Les mieux connues sont celles du camp français ; mais pour l’autre camp, les estimations varient du simple au décuple !

Les « forces de l’ordre » ont perdu 25.000 hommes (dont 15.500 au combat ou par attentat), et compté 65.000 blessés (dont 35.000 dans les mêmes conditions). Les victimes civiles du terrorisme comprenaient avant le cessez-le-feu 2.788 Européens tués, 7.541 blessés et 875 disparus, ainsi qu’au moins 16.378 Musulmans tués, 13.610 blessés et 13.296 disparus. S’y ajoutèrent après le 19 mars 1962 plus de 3.000 Européens enlevés (dont 745 seulement furent retrouvés), et plusieurs dizaines de milliers de Musulmans massacrés, dont les estimations varient de 30.000 à 150.000. C’est assez pour expliquer l’exode du million de Français d’Algérie, et de 140.000 « Français musulmans ».

Les pertes subies par la population musulmane sont, comme on l’a vu, beaucoup plus difficiles à chiffrer. Les autorités algériennes exaltent leur million et demi de Martyrs, et nombre d’auteurs se croient plus sérieux en se contentant d’un million. En fait, la forte croissance de la population musulmane entre les recensements de 1954 (8,5 millions) et de 1966 (12,5 millions), démontre l’invraisemblance de toutes ces estimations élevées [9]. Les bilans opérationnels français ont comptabilisé, jusqu’au cessez-le-feu, 141.000 « rebelles » tués, chiffre que le général de Gaulle a jugé bon de porter à 200.000 pour tenir compte des morts ignorées ou inavouables. A quoi il faut ajouter plusieurs milliers de victimes de l’OAS. Mais le FLN doit-être crédité pour sa part de dizaines de milliers de « traîtres » tués au combat ou par attentat, ou enlevés et exécutés, avant et après le 19 mars 1962 ; ainsi que de milliers de victimes des affrontements avec le MNA, des purges et des règlements de comptes internes. Au total, on peut estimer que la population algérienne aurait perdu entre 300 et 400.000 morts, chiffre compatible avec les estimations fournies en privé par d’anciens chefs de l’ALN. Faute d’une vérité statistique dont seule l’analyse démographique peut fournir une approximation valable, contentons-nous des observations suivantes :
-  Les « Moudjahidine » ont tué davantage de « traîtres » que d’ennemis ;
-  Les « forces de l’ordre » ont tué beaucoup plus de « rebelles » que ceux-ci de « Français musulmans » jusqu’au cessez-le-feu ;
-  Après celui-ci, les règlements de compte ont tendu à rétablir l’équilibre des pertes subies par la population algérienne du fait des deux camps.

Après un tel bilan, faut-il prendre parti ? L’historien a besoin d’une impartialité méthodique pour établir les faits et pour les expliquer avec toute l’objectivité possible. Il doit ensuite juger pour distinguer le vrai du faux, éliminer les innombrables erreurs qui circulent jusque dans des ouvrages sérieux. Mais la méthode historique n’impose aucun autre jugement de valeur, pas plus qu’elle ne les interdit. On peut contester la nécessité d’un engagement rétrospectif dans un conflit définitivement tranché par l’indépendance de l’Algérie (même si la libération nationale n’est pas nécessairement la libération tout court). Mais d’autres conflits analogues font rage un peu partout, et nous posent les mêmes problèmes, politiques et éthiques (notamment ceux du terrorisme et de la torture [10], ou de la fin et des moyens [11], auxquels il est impossible de rester indifférents. Dans une histoire si contemporaine qu’elle touche à l’actualité, le jugement personnel ne peut être absent. Mais il peut rester relativement « impartial », dans la mesure où il défend des valeurs universelles plutôt qu’un parti ou une nation.

Guy Pervillé

[1] Cf. G. Pervillé, « Quinze ans d’histoire de la guerre d’Algérie, 1962-1977 », in Annuaire de l’Afrique du Nord, 1976, et la rubrique guerre d’Algérie dans la bibliographie critique de cet annuaire, éditions 1977 à 1982.

[2] Citons Albert Fitte, Spectroscopie d’une propagande révolutionnaire, El Moudjahid des temps de guerre, Montpellier III 1973 (publié dans la collection Études militaires, même Université, 1974) ; André Nozière, Algérie : les chrétiens dans la guerre, Paris X, publié en 1979, Éditions Cana ; Régine Goutallier, L’OAS en Oranie, Aix-Marseille I ; Benjamin Stora, Messali Hadj pionnier du nationalisme algérien, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1978, le Sycomore, 1982 ; Guy Pervillé, Les étudiants musulmans algériens de l’Université française, 1908-1962, École des Hautes Études en Sciences Sociales. 1980. Aucune thèse d’État n’est soutenue.

[3] Sur cette affaire, soulevée par Le Quotidien de Paris et le Figaro Magazine en octobre, novembre et décembre 1981, voir la motion adoptée par la Société d’Histoire Moderne, séance du 31 janvier 1982 (Bulletin de la SHM n° 1, 1982).

[4] Cf. Le temps des léopards (document hors-texte en face de la p. 289, et lettre de démission de son auteur Paul Teitgen p. 515-517). Presque toutes les réponses au général Massu (qui estime à 300 les pertes du FLN pendant la bataille d’Alger) ont cité comme une preuve irréfutable ce document, dont le colonel Godard a démontré dans son livre Les paras dans la ville (Fayard, 1972) qu’il ne prouvait rien du tout.

[5] Plus brève, mais non encore traduite, la récente synthèse de John Talbott, The war without a name : France in Algérie, 1954-1962, (New York, Alfred Knopf, 1980, Londres, Faber and Faber, 1981), semble meilleure.

[6] Les Français pensent à 58 % que la France a eu tort de faire cette guerre ; à 54 % que la révolte s’explique par la volonté des Algériens d’être maîtres chez eux ; à 62 %, que l’indépendance était inévitable ; 45 % estiment que les Algériens ont eu raison de se révolter ; 46 % approuvent l’action du général de Gaulle ; 59 % reconnaissent la réalité du recours à la torture ; 81 % la condamnent absolument, mais 70 % condamnent également le terrorisme. Le rôle des Français d’Algérie, l’insubordination des militaires, l’action de l’OAS et celle des réseaux de soutien au FLN sont jugés avec une relative indulgence. Mais 59 % des Français souhaitent être mieux informés, et un tiers des moins de 30 ans n’ont aucune opinion.

[7] Nos analyses sont développées dans trois articles de la revue Relations internationales : « La guerre subversive en Algérie : la théorie et les faits », 1975, n° 3 ; « Guerre étrangère et guerre civile en Algérie, 1954-1962 », 1978, n° 14, et « L’insertion internationale du FLN algérien », 1982, n° 31.

[8] Cf. C.-R. Ageron « L’opinion française devant la guerre d’Algérie », Revue française d’histoire d’outre-mer, n° 231, 2e trimestre 1977.

[9] Cf. le commentaire du recensement algérien de 1966 fait par André Prenant dans le Bulletin de l’Association des Géographes Français, n° 357-358, nov.-déc. 1967, pp. 53-68. Celui-ci nous a confirmé que la différence entre son résultat et le chiffre prévisible à partir des taux de croissance observés avant l’insurrection et après l’indépendance est d’environ 500.000 personnes. Mais Xavier Yacono estime le nombre des morts algériens à 300.000 dans un article à paraître en 1983 dans la Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée.

[10] Les recherches pionnières de Pierre Vidal-Naquet sur « la torture dans la République » méritent d’être élargies à l’ensemble du problème.

[11] Sur ce point, les réflexions d’Albert Camus sont plus actuelles que jamais, bien que ses positions politiques sur l’Algérie soient dépassées.



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