La mémoire de la guerre d’Algérie dans l’extrême droite française : le cas particulier de Jean-Marie Le Pen (2013)

samedi 14 décembre 2013.
 
Cet exposé à été prononcé le 23 avril 2003 à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Paris) dans le cadre d’un séminaire organisé par Vincent Duclerc et Christophe Prochasson sur le thème général : « Comprendre l’événement : le 21 avril 2002 ». Je lui ai apporté quelques compléments plus récents, dans la perspective d’une publication que la retraite politique officielle de Jean-Marie Le Pen (janvier 2011) justifie pleinement aujourd’hui.

Laissant de côté la question de savoir si l’événement du 21 avril 2002 était principalement dû à la force d’attraction du Front national ou au comportement des électeurs et abstentionnistes de gauche, je voudrais éclairer les rapports qui peuvent exister entre la guerre d’Algérie et la percée du parti de Jean Marie Le Pen plus de vingt ans après, à travers la mémoire de cette guerre et le phénomène de l’immigration consécutive à celle-ci. Mon regret est de me contenter d’une esquisse, de remarques en pointillé, sans avoir pu faire la recherche méthodique de fond que le sujet mérite. J’aborderai donc trois parties :

1) Algérie française et extrême droite : une relation privilégiée ?

2) Algérie française et attitudes envers l’immigration d’outre-mer.

3) Jean-Marie Le Pen et Charles de Gaulle : une relation très paradoxale.

Algérie française et extrême droite : une relation privilégiée ?

C’est une idée reçue dans une partie de la gauche, et notamment à l’extrême gauche, que l’attachement persévérant à l’Algérie française serait le propre de la droite, et tout particulièrement de l’extrême droite. Mais cette idée sommaire paraît être l’effet d’un manque de perspective historique de la part de jeunes militants entrés en politique vers 1960. En effet, l’Algérie française ne s’est identifiée à l’extrême droite que tout au début (en 1830) et tout à la fin (en 1961 et 1962). Entre ces deux bornes, l’appartenance de l’Algérie à la France a fait l’objet d’un large consensus. D’abord grâce au ralliement très rapide de l’ancienne « gauche » orléaniste (passée à droite après sa victoire dans la révolution de juillet 1830) et même de la gauche républicaine, selon Philippe Darriulat [1]. Il y avait peut-être des divergences théoriques entre gauche et droite sur la manière de traiter l’Algérie et ses habitants, mais la politique d’association prônée par Napoléon III en Algérie (le royaume arabe) ou par Lyautey au Maroc (le protectorat) était-elle moins généreuse que la politique de colonisation de peuplement et de pseudo-assimilation recommandée par les républicains tels que Jules Favre et Jules Ferry ? On peut d’ailleurs contester cette conception schématique, en rappelant l’existence de contre-courants : des assimilationnistes de droite, prônant la conversion des musulmans au catholicisme, comme Monseigneur Lavigerie et le père de Foucauld, et des anticolonialistes de gauche par respect du droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes, comme Georges Clemenceau et Camille Pelletan. Mais le problème politique algérien, perçu comme une contradiction fondamentale entre les principes démocratiques et l’appartenance de l’Algérie à la France par la conquête et la colonisation, n’est apparu comme tel que dans les dernières années de la IIIème République, quand le Front populaire (y compris le Parti communiste) montra son incapacité à s’entendre avec le jeune nationalisme algérien.

A partir de là, on observe un début de clivage entre droite et gauche, mais encore très imparfait. Schématiquement, le régime de Vichy préfère l’Algérie dominée par la France à la démocratie, alors que la gauche résistante et le général de Gaulle choisissent la démocratie, mais dans le cadre français. En dehors de l’extrême gauche, l’idée d’Algérie indépendante reste aussi peu admise à gauche qu’à droite, sauf par le PCA et le PCF après la révolte et la répression du 8 mai 1945. L’insurrection du 1er novembre 1954 provoque encore une quasi-unanimité contre elle au Parlement, à l’exception des élus communistes. Mais à partir de 1955, alors que la situation militaire s’aggrave, les forces politiques se divisent suivant une logique d’affrontement gauche-droite. En 1955, alors que la majorité droitière du gouvernement Edgar Faure commence à prendre des mesures de mobilisation du contingent, les opposants à la « guerre d’Algérie » se regroupent à gauche, avec le parti communiste et le Front républicain de Pierre Mendès France et Guy Mollet. Puis de 1956 à 1958, la « trahison » du Front républicain par le gouvernement Guy Mollet et l’isolement du PCF provoquent l’apparition de « nouvelles gauches » qui voient dans le 13 mai 1958 la confirmation de leurs craintes d’un coup d’Etat fasciste. Enfin de 1958 à 1962, le général de Gaulle fait évoluer sa politique en un temps record, de l’intégrationnisme des premiers mois (soutenu par sa majorité parlementaire de droite) à l’autodétermination puis à l’Algérie algérienne et à la négociation avec le FLN. En 1961 et 1962, il bénéficie du soutien conditionnel d’une large majorité métropolitaine, comprenant ses anciens opposants de gauche, pour la paix par la décolonisation. Alors qu’en Algérie, l’Algérie française continue d’avoir le soutien désespéré d’une large majorité des Français d’Algérie, et d’une partie minoritaire des musulmans, en France métropolitaine, le soutien à l’Algérie française se rétracte clairement, de la quasi-unanimité de 1954 vers la droite la plus extrême, bien qu’il reste encore à partir de 1960 une « gauche pour le maintien de l’Algérie française ». Ce soutien s’identifie de plus en plus aux activistes les plus radicaux de l’OAS, dans lesquels les hommes de l’extrême droite, en métropole tout au moins, sont clairement sur-représentés. Deux causes majeures expliquent cette situation : l’absence de scrupule démocratique chez ceux qui s’opposent par les armes à la volonté largement majoritaire de la nation, et une revanche à prendre sur ceux qui avaient condamné l’extrême droite pour trahison en 1945 (les communistes, la gauche, plus largement les partis démocratiques et les gaullistes). Cette tentative de revanche n’en fut pas moins un échec total en 1962, malgré le succès très relatif du candidat d’extrême droite Jean-Louis Tixier-Vignancourt (ancien avocat du général Salan) aux élections présidentielles de 1965. A ce moment, Jean-Marie Le Pen l’avait activement secondé dans sa campagne électorale. Mais depuis la fin de son mandat parlementaire de député indépendant [2] en 1962, il n’était plus qu’un militant sans cause, puis un chef de groupuscule d’extrême droite à partir de 1972, et sa traversée du désert dura près de vingt ans [3].

Depuis les années 1980, le Front national de Jean-Marie Le Pen apparaît comme le seul parti important de l’extrême droite, et le seul parti important où le fait d’avoir combattu pour l’Algérie française, contre le FLN et même contre le pouvoir métropolitain, ne soit pas un handicap. C’est pourquoi on y trouve de nombreux anciens militants de l’Algérie française et de l’OAS : Jean-Marie Le Pen, qui a semblé admettre sans remords avoir torturé durant la bataille d’Alger, même s’il n’a pas vraiment participé à l’OAS ; Pierre Sergent, ancien chef de l’OAS-métropole passé au CNIP, puis au FN, Jean-Jacques Susini, ancien chef politique de l’OAS d’Alger, mais aussi d’anciens gaullistes restés fidèles à l’Algérie française comme Pascal Arrighi de 1984 à 1988, et Jean-Baptiste Biaggi. Le Front national apparaît ainsi comme le parti de la revanche des « Pieds-noirs », même s’il n’est pas le parti de tous les « Pieds-noirs » [4], et même si la très grande majorité de ses électeurs ne sont pas des « Pieds-noirs ».

Algérie française et attitudes envers l’immigration d’outre-mer

Il est généralement admis qu’un lien existe entre les attitudes françaises envers la décolonisation et celles envers l’immigration venue ensuite de ces ex-colonies vers l’ancienne métropole. La thèse d’Yvan Gastaut, L’opinion publique française et l’immigration sous la Vème République [5], a montré à quel point cette opinion était polarisée entre deux tendances antagonistes : un pôle universaliste, d’inspiration chrétienne ou marxiste, et un pôle raciste ou xénophobe.

Le pôle universaliste tend à identifier le racisme, le colonialisme, et le refus de l’immigration des ex-colonisés en France, et donc, à considérer la lutte antiraciste, le soutien au combat des colonisés pour leur indépendance et la défense des immigrés comme une seule et même cause. De même, les militants du Front ou du Mouvement national présentent leur lutte contre la «  colonisation  » de la France par ses anciens colonisés comme une suite de leur combat perdu contre la décolonisation.

Et pourtant, toutes ces identifications simplifient abusivement des réalités plus complexes, et doivent être fortement nuancées, voire corrigées. La preuve se trouve dans un sondage d’opinion rétrospectif [6] réalisé en 1989, qui cherchait à mettre en évidence une corrélation entre les attitudes envers l’Algérie française et l’indépendance de l’Algérie jusqu’en 1962, et les attitudes envers l’intégration des immigrés et l’engagement antiraciste en 1989. Il apparaît ainsi que les partisans de l’indépendance étaient deux fois plus antiracistes et favorables à l’intégration des immigrés que la moyenne, et que les anciens partisans de l’Algérie française étaient deux fois plus hostiles à leur intégration en métropole. Mais si la corrélation est bien vérifiée, elle ne doit pas masquer le fait que les anciens partisans de l’Algérie française ne sont pas tous hostiles aux immigrés, ni tous racistes. De même, il ne faut pas croire que tous ceux qui ont été pour l’indépendance de l’Algérie sont favorables à l’immigration et aux immigrés.

En effet, quatre attitudes sont théoriquement possibles [7] :

1- pour l’Algérie française, et contre la présence des Algériens en France ;

2- pour l’Algérie française, et pour l’intégration des Algériens immigrés dans la nation française ;

3- pour l’indépendance de l’Algérie, et pour le droit des Algériens à immigrer en France ;

4- pour l’indépendance de l’Algérie, et contre le droit d’immigrer sans contrôle ni limite.

Ces quatre attitudes existent réellement et nous obligent à remettre en question le bien-fondé des idées reçues en la matière.

1- L’attitude « colonialiste » consiste à établir un rapport simple entre la volonté de maintenir la souveraineté française sur l’Algérie et le refus d’admettre le droit d’immigrer en France de ceux qui ont chassé les Français de leur pays, notamment les Algériens. C’est la thèse exprimée schématiquement par Benjamin Stora dans son livre sur « le transfert d’une mémoire [8] », et suivie par Eric Savarese [9] : les rapatriés auraient emporté avec eux la « peur du fellagha » qui se surimposerait à leur perception des immigrés algériens d’aujourd’hui, ressortissants de l’Etat qui les avait expulsés de chez eux. Il y a dans cette hypothèse une grande part de vraisemblance, confirmée par le sondage de 1988 cité plus haut, et par le fait que les électeurs rapatriés d’Algérie pouvaient peser efficacement sur les résultats des élections dans les communes urbaines où ils sont particulièrement nombreux, au bord de la Méditerranée. Mais ce facteur est tout à fait marginal à l’échelle nationale (puisque les rapatriés d’Algérie n’étaient que 1 million en 1962, en face de 45 millions de métropolitains), et ne saurait expliquer les succès électoraux du Front national à partir de 1983 : on constate au contraire une correspondance entre le vote FN et la répartition de la population musulmane originaire d’Algérie et du Maghreb, présente surtout dans les principales régions industrielles et urbanisées. Ce constat prouve que le vote « pied-noir » ne suffit nullement à expliquer le succès du Front national. Et ce d’autant moins que les résultats du FN avaient atteint leur nadir deux ans seulement avant la percée de 1983 : Jean-Marie Le Pen avait obtenu beaucoup moins de 1% des voix lors des élections présidentielles de 1981 parce que son jeune rival Pascal Gauchon, candidat du Parti des forces nouvelles, lui avait âprement disputé les voix d’extrême droite [10].

Comment donc expliquer cette marginalité de l’extrême droite jusqu’en 1981, et cette percée spectaculaire deux ans plus tard ? On peut s’étonner de voir ces questions capitales si rarement posées, comme si le Front national avait toujours été une force politique majeure. Je peux seulement évoquer de mémoire quelques éléments de réponse.

Le parti socialiste avait fait élire François Mitterrand contre Valéry Giscard d’Estaing en mai 1981 sur l’idée que pour vaincre la crise économique, il suffisait de le vouloir. Il n’était donc pas question de confirmer les lois du gouvernement précédent qui prétendaient réduire l’immigration étrangère pour aider les Français à retrouver un emploi. Deux ans plus tard, cet optimisme volontariste s’était dissipé, et la politique économique française s’alignait sur le nouveau modèle de rigueur prôné par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, mais il n’était pourtant pas question de changer de politique sur l’immigration [11]. Dans ces conditions, ceux qui voyaient se dissiper leur rêve d’une fin rapide du chômage pouvaient logiquement en conclure qu’ils devaient prêter l’oreille aux propos anti-immigrationnistes du parti de Jean-Marie Le Pen. D’autant plus qu’entre temps, l’extrémisme politique s’était en quelque sorte banalisé. La gauche au pouvoir avait officiellement appliqué à ses adversaires le concept de « droite », jusque là banni, et la « droite » chassée du pouvoir l’avait à son tour accepté. De nombreux hommes de gauche employaient volontiers un langage révolutionnaire, provoquant ainsi un durcissement des discours de droite [12]. Mais l’on vit parfois aussi des hommes politiques de gauche culpabiliser des immigrés, comme un maire communiste de la banlieue parisienne, Robert Hue, qui se fit connaître alors par son usage du bulldozer [13]. Je regrette de n’avoir que ces souvenirs subjectifs à citer, mais les recherches récentes d’une jeune historienne ont fourni des éléments beaucoup plus précis [14].

2- Les partisans de l’intégration des Algériens dans la France pouvaient aussi expliquer que leur attitude avait changé, justement à cause de la livraison de l’Algérie au FLN ennemi de la France, qui avait transformé une migration interrégionale en invasion étrangère indésirable. C’était notamment la position de Jacques Soustelle, l’ancien gouverneur général de l’Algérie devenu l’apôtre de l’intégration avant de rejoindre l’OAS et de cautionner les tentatives d’assassinat de son ancien patron le général de Gaulle [15]. Ou celle d’un ancien militant d’extrême droite et de l’OAS, Dominique Venner, qui estime qu’il fallait justement tenir la rive sud de la Méditerranée pour maîtriser l’invasion [16]. Mais c’était aussi la position de Jean-Marie Le Pen, dont on a trop oublié qu’il avait prononcé à l’Assemblée nationale, le 28 janvier 1958, un remarquable discours en faveur de l’intégration [17] : « Ce qu’il faut dire aux Algériens, ce n’est pas qu’ils ont besoin de la France, mais que la France a besoin d’eux. C’est qu’ils ne sont pas un fardeau ou que, s’ils le sont pour l’instant, ils seront au contraire la partie dynamique et le sang jeune d’une nation française dans laquelle nous les aurons intégrés. J’affirme que dans la religion musulmane, rien ne s’oppose au point de vue moral à faire du croyant ou du pratiquant musulman un citoyen français complet. Bien au contraire, sur l’essentiel, ses préceptes sont les mêmes que ceux de la religion chrétienne, fondement de la civilisation occidentale. D’autre part, je ne crois pas qu’il existe plus de race algérienne que de race française. (...) Je conclus : offrons aux musulmans d’Algérie l’entrée et l’intégration dans une France dynamique. Au lieu de leur dire, comme nous le faisons maintenant : « Vous nous coûtez très cher, vous êtes un fardeau », disons-leur : « Nous avons besoin de vous. Vous êtes la jeunesse de la nation » [18]. Le changement de discours de Jean-Marie Le Pen était donc une conséquence du rejet des Algériens hors de la nation française, décidé par la grande majorité des électeurs français en suivant Charles de Gaulle.

Mais on peut trouver aussi d’anciens partisans de l’Algérie française qui considèrent encore les Algériens comme d’anciens compatriotes, et qui dans cet esprit sont prêts à les accueillir comme des concitoyens s’ils veulent devenir français, sans les confondre avec les nouveaux maîtres de l’Algérie qu’ils ont quittée à leur tour. L’existence de cette tendance est un fait facile à constater, même s’il est moins facile d’en trouver des exemples très connus pour leur passé politique. Par exemple, un ancien officier farouchement partisan de l’Algérie française, Guy Doly-Linaudière, déclare avoir dépassé son ressentiment (sauf envers De Gaulle) : « Aujourd’hui, c’est l’Algérie qui envahit doucement notre pays, qui le colonisera peut-être demain. Juste retour des choses ? Pourquoi pas ... Les Français conservateurs, de droite comme de gauche, ont tort de s’en inquiéter » [19].

3- Tout à l’opposé, les partisans du droit de tous les peuples à l’indépendance et à l’immigration illimitée ne voyaient aucune contradiction dans leur attitude. Pour ces intellectuels universalistes, adeptes de l’idéologie « sans frontières », tout homme avait droit à la fois à être maître chez lui et à s’installer ailleurs dans le monde suivant ses convenances. Ils n’étaient apparemment pas conscients d’une contradiction dans leur attitude, entre le fait d’aider à établir des frontières là où elles n’existaient pas, et celui de ne pas vouloir les considérer comme un obstacle aux migrations des hommes. Le comble du paradoxe étant atteint par les militants anarchistes qui avaient aidé le FLN à construire un Etat particulièrement autoritaire [20].

4- Mais les partisans du droit à l’indépendance hostiles à l’immigration illimitée étaient sans doute beaucoup plus nombreux. D’après les sondages d’opinion de l’IFOP, minutieusement étudiés par Charles-Robert Ageron [21], la majorité absolue des Français de France avait souhaité mettre fin à la guerre d’Algérie en négociant son indépendance avec le FLN dès le début de 1959. Tous les sondages réalisés jusqu’aux accords d’Évian du 18 mars 1962 (accueillis favorablement par 80% des personnes interrogées le 20 mars) permettaient de prévoir leur ratification par 90% des suffrages exprimés par les électeurs métropolitains le 8 avril 1962.

Or, les sondages effectués depuis les années 1960 prouvent qu’au moins les deux tiers des Français interrogés avaient conservé une image très défavorable des Algériens, des Nord-Africains ou des Arabes, et beaucoup plus défavorable que celle des Noirs ou des Jaunes [22]. Une conclusion s’impose donc : la grande majorité de ceux qui avaient voté pour les accords d’Évian l’avaient fait sans sympathie pour les Algériens [23], et vraisemblablement en croyant s’en débarrasser, chaque peuple devant vivre dans son propre pays quand il en serait maître.

Telle était, en tout cas, la motivation profonde et inavouée du refus de l’intégration par le général de Gaulle. En témoignent les confidences faites par celui-ci devant Alain Peyrefitte le 5 mars 1959 : « Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme des Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées » [24]. Et aussi ses menaces brandies plusieurs fois en privé ou en public de renvoyer en Algérie tous les Algériens qui ne voudraient pas rester Français si l’indépendance survenait sans accord entre la France et le FLN [25]. Elles avaient pu sembler caduques au moment de la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962, mais leur rapide érosion dans les mois qui ont suivi ont vite fait resurgir la crainte d’une immigration algérienne illimitée. Dans le Conseil des affaires algériennes du 16 novembre 1962, le premier ministre Georges Pompidou dit à propos de l’immigration : "il faut la limiter dans les plus brefs délais en instituant des contrats de travail, malgré les accords d’Evian", et le président de la République confirma : "Immigration, mettre un terme rapide malgré Evian, ça suffit comme ça". Lors du Conseil des ministres du 7 mai 1963, De Gaulle déclara : « J’attire votre attention sur un problème qui pourrait devenir sérieux. Il y a eu 40.000 immigrants d’Algérie en avril. C’est presque égal au nombre de bébés nés en France pendant le même mois. J’aimerais qu’il naisse plus de bébés en France et qu’il y vienne moins d’immigrés. Vraiment, point trop n’en faut ! Il devient urgent d’y mettre bon ordre ! » Et lors de son entrevue avec le président algérien Ben Bella au château de Champs, le 13 mars 1964, il lui déclara discrètement mais fermement : « Cessez de nous envoyer des travailleurs migrants, qui essaient encore de se faire passer pour des harkis. Nous n’en avons que trop. Vous avez voulu l’indépendance, vous l’avez. Ce n’est pas à nous d’en supporter les conséquences. Vous êtes devenu un pays étranger. Tous les Algériens disposaient d’un an pour opter pour la nationalité française. Ce délai est largement dépassé. Nous n’en admettrons plus. Débrouillez-vous pour les faire vivre sur votre sol. » Ce qu’il répéta devant Alain Peyrefitte sous une forme beaucoup plus brutale : « L’Algérie vit pour un tiers de ce que les travailleurs algériens gagnent en France. Si un beau jour ils nous emmerdent (sic) et que nous les foutions tous à la porte, eh bien l’Algérie crèverait, c’est évident. " En pratique, le Général n’alla jamais jusque là, parce que l’arrêt de l’immigration algérienne vers la France n’était pas le seul objectif de sa politique algérienne, et qu’il passait après la prolongation de l’exploitation du pétrole et du gaz et des essais d’armes atomiques au Sahara. Pourtant, durant les présidences de Charles de Gaulle et de ses deux premiers successeurs, les représentants de la France dans les discussions franco-algériennes tentèrent de limiter le plus possible l’immigration, jusqu’à l’accord de septembre 1980 qui prévoyait chaque année le retour au pays de 45.000 Algériens et de leurs familles. C’est la gauche arrivée au pouvoir en mai 1981 qui abrogea cet accord et qui accepta de fait une immigration définitive, au moment où les jeunes Algériens nés en France après 1962 commençaient à bénéficier de la naturalisation automatique à leur majorité (abaissée à 18 ans par Valéry Giscard d’Estaing) au nom du droit du sol.

On voit ainsi que l’idée d’une « lepénisation des esprits », souvent dénoncée depuis la percée électorale du Front national par ses adversaires, est une pure illusion, due à une vision sans profondeur historique. En réalité, les propos tenus en privé par Charles de Gaulle venaient à la suite d’une longue série, illustrée par le président de la IIIème République Albert Lebrun [26], par Edouard Herriot, par Marius Moutet, par René Pléven dans sa critique de l’ordonnance du 7 mars 1944 [27]... On ne peut éviter de se demander s’il existe une différence entre les positions de Charles de Gaulle et celles de Jean-Marie Le Pen au sujet de l’immigration venue d’Algérie après l’indépendance. La réponse est double : d’une part, il ne semble pas y avoir de différence majeure de fond - une fois la séparation de la France et de l’Algérie entrée dans les faits - ; mais d’autre part Charles de Gaulle n’a jamais jugé bon de répéter en public [28]ce qu’il disait en privé, alors que Jean-Marie Le Pen en a fait son fonds de commerce politique. Cependant, ce dernier fut longtemps réticent à utiliser ce thème, et il attendit les élections législatives de mars 1978 pour le placer au cœur de sa campagne électorale [29].

Cette importante réserve étant faite, il est troublant de constater la ressemblance entre les campagnes du Front national et celle qui a été lancée par le général de Boissieu [30], gendre du général de Gaulle, au nom du mouvement gaulliste « Initiative et Liberté », sur le thème « la France, aimez-la ou quittez-la ! ». Cette formule est une adaptation en français de la phrase de Ronald Reagan, « America, love it or leave it » ; la paternité de la version française est disputée entre le Front national, Philippe de Villiers, et le général de Boissieu, qui a lancé une campagne d’information sur ce thème en 1991 [31]. Invité à un banquet réunissant des centaines de personnes à Bordeaux, j’ai été stupéfié par les propos du général, et surtout par le tonnerre d’applaudissements qui les a salués.

Ainsi, Jean-Marie Le Pen n’est pas seulement le vengeur des « pieds-noirs », il cherche aussi à séduire l’électorat gaulliste, qui n’y est pas forcément insensible.

Jean-Marie Le Pen et Charles de Gaulle : une relation très paradoxale

La comparaison entre Jean-Marie Le Pen et Charles de Gaulle peut surprendre, voire choquer. En effet, elle va à contre-courant de l’image trouble du premier de ces personnages, qui paraît tout à l’opposé du second. Il n’est pas question de nier les propos plus que discutables souvent répétés par Jean-Marie Le Pen à partir de 1987, semblant chercher à franchir les limites de la liberté d’expression sur l’extermination des juifs par les nazis afin de se présenter en martyr de cette liberté [32]. Propos qui semblent traduire une obsession [33] irrationnelle et injustifiable [34], même en termes de politique réaliste, et le placer aux antipodes de Charles de Gaulle. Et pourtant, alors que l’anti-gaullisme est resté virulent chez un grand nombre de militants d’extrême droite appartenant à la même génération, encore nombreux parmi les cadres du Front national, Jean-Marie Le Pen s’est singularisé au contraire par une sorte de gaullisme très paradoxal, au moins dans les années les plus récentes (depuis 1995) [35].

En effet, depuis quelques années tout au moins, Jean-Marie Le Pen parlait souvent de Charles de Gaulle, mais jamais en mal, comme s’il était fasciné par ce personnage historique. Un éditorial de National hebdo (organe du Front national) vu dans une vitrine à Nice le 22 septembre 1995, revendiquait déjà une parenté entre le gaullisme authentique, nourri de Barrès, de La Tour du Pin, et de Péguy plus que de Marx et Blum, et le lepénisme.

Plus récemment, on l’a vu aussi publier un pastiche du style gaullien, visiblement inspiré par le discours présidentiel contre les généraux putschistes du 22 avril 1961, pour stigmatiser la « trahison » de son ancien lieutenant Bruno Mégret en décembre 1998 : « La France est en danger ! Oui, la France est en danger ! Or, c’est précisément dans ces circonstances graves, qu’au sein même du Front national, seul grand mouvement politique français sur lequel va reposer tout le poids de la bataille de France, un groupuscule appuyé par de très puissants capitalistes proches de l’Elysée multiplie, depuis des semaines et des mois, des manœuvres subversives (...). Comment ne pas voir, en effet, que sous des prétextes dérisoires d’intendance, de préséances et en fait de prébendes, cette poignée d’ambitieux fébriles, manipulés et alimentés de l’extérieur, n’hésite pas à détruire le grand mouvement de résistance (...). Ce congrès serait non seulement inutile et coûteux mais dangereux. Qui peut croire, en effet, qu’il pourrait en sortir une unité retrouvée ? Alors que ce sont ceux qui la proposent hypocritement qui l’ont saccagée. (...) Cette demande d’un congrès extraordinaire du Front national est un piège. Adhérents du Front national, je vous le demande avec force : ne signez pas, et si vous vous êtes laissé abuser de bonne foi, retirez votre signature en nous le signalant. Je ne vous ai jamais menti, jamais abandonnés, jamais trahis. Je suis un homme, non d’extrême droite, mais d’extrême droiture. Confirmez-moi votre confiance. (...) Je n’abandonnerai pas la barre du navire à une poignée de lieutenants et de quartiers-maîtres félons. Fort d’une minorité qu’eux-mêmes, en public, feignent encore aujourd’hui de reconnaître au président, j’ai décidé de les sanctionner en frappant la conjuration à la tête » [36].

Mais la preuve la plus explicite de cette fascination est l’étonnante interview de Jean-Marie Le Pen, datée du 7 mai 1998, publiée à la fin du livre de Christophe Nick sur le coup d’Etat du 13 mai 1958, Résurrection [37]. Le journaliste y obtient sans peine la confirmation de son hypothèse d’un parallélisme étroit entre la stratégie politique du général de Gaulle et celle de Jean-Marie Le Pen. Il lui fait qualifier de « génial », à deux reprises, le fait de ne pas avoir voulu arriver au pouvoir par un coup d’Etat militaire, et lui fait même dire : « je suis convaincu que de Gaulle a la passion de la France », même s’il ne partageait pas toutes ses vues : « mon Algérie française, pour moi, c’était une plateforme moderniste d’impérialisme moderne. Pour moi, l’Algérie française, c’était le redéploiement, par d’autres truchements que ceux de l’armée ou de la colonisation, de l’influence française sur l’Afrique à travers des peuples indigènes. (...) je voyais que le seul sursaut possible pour l’existence de la France, c’était d’intégrer, non pas sous la forme du métissage obligatoire, mais d’intégrer des populations qui se sentent françaises, qui ont un sentiment de la grandeur française dans un ensemble nouveau. Pour moi, l’idée n’était pas que les Algériens viendraient un jour dans le froid à Tourcoing ou à Roubaix en pays de mines, dans les corons ! » [38].

Ainsi Jean-Marie Le Pen était loin de se rallier purement et simplement à Charles de Gaulle, mais il admettait implicitement un accord sur le but ultime (préserver l’identité nationale), à défaut d’un accord sur les méthodes. Il prétendait en quelque sorte réussir là où De Gaulle avait échoué [39]. Cela ne l’empêchait pas de rêver à l’hypothèse d’un raz de marée électoral en sa faveur provoqué par une grande catastrophe, à l’exemple du 13 mai 1958, poussant la masse des électeurs à rejeter la « bande des quatre » et à se rassembler autour d’un sauveur : « Moi, je pense que ce peuple ne peut retrouver un sentiment populaire et national que confronté à un grand désastre. Autrement, il va disparaître » [40].

C’est dans ce contexte que se situa un fait à première vue extravagant : lors des élections européennes du 13 juin 1999, Jean-Marie Le Pen avait placé un Charles de Gaulle, petit-fils du Général, en deuxième position après lui-même sur sa liste. Revanche symbolique, exploitant l’incommensurable naïveté du nouveau porteur de ce grand nom [41] ? Sans doute, mais pas seulement : le N° 1 de la liste du Front national aurait profité de l’occasion pour s’afficher publiquement comme le digne successeur du Général...

Il serait très exagéré de conclure que Jean-Marie Le Pen était devenu gaulliste. Mais il en était venu, non seulement à tirer des leçons pratiques du comportement du Général pour la conquête du pouvoir, mais aussi à comprendre ses motivations profondes qui n’étaient pas, à son avis, fondamentalement opposées aux siennes. Dans son allocution du 21 avril 2002, répondant à son classement inattendu au deuxième rang des candidats au premier tour de l’élection présidentielle, derrière Jacques Chirac et juste devant Lionel Jospin, il adopta un ton élevé, empruntant au pape Jean-Paul II des exhortations comme "N’ayez pas peur" et "Entrez dans l’espérance". De même cinq ans plus tard, dans sa dernière proclamation de candidat à la présidence de la République, en mars 2007, intitulée « Appel à la France et à tous les Français », il prenait soin de ne laisser aucune prise à ses contradicteurs, en démentant soigneusement l’image péjorative qu’il s’était lui-même fabriquée auparavant. S’appuyant sur le succès du Non au référendum du 29 mai 2005 sur le projet de constitution européenne, il se présentait en vrai patriote républicain et rassembleur du peuple français, à l’exemple du chef du RPF (sans le citer pour autant) : « Ma vision de la France est réaliste et humaine car elle vise à assurer à chaque Français, quels que soient sa race, sa religion, ses choix personnels ou sa condition sociale, le choix de son avenir et la priorité dans son propre pays. Mon projet est avant tout populaire dans la mesure où les grands desseins de société ne peuvent se faire qu’avec le soutien du peuple souverain, par le référendum. Tout dans mon engagement politique témoigne de mon attachement aux libertés de chacun. C’est parce que j’ai une haute considération pour les valeurs de la République française, que j’ai toujours défendues, et un profond respect de la dignité humaine que je dirigerai la France en rassembleur de tous ses fils et filles » [42].

Par là, il se distinguait nettement d’un grand nombre de ceux qui l’avaient suivi depuis longtemps. Mais il ne faut pas oublier que l’ancien chef du Front national combinait plusieurs facettes très différentes, voire contradictoires, dans une personnalité particulièrement complexe, comme un grand acteur visant à démontrer sa capacité à jouer successivement les rôles les plus divers [43].

Guy Pervillé

Cet article a été publié plus de dix ans après sa première formulation, dans le Cahier d’histoire immédiate n° 43, octobre 2013, Toulouse, groupe de recherche en histoire immédiate, pp. 113-130.

Ce numéro comprend notamment un dossier sur "Les usages du passé", contenant les articles suivants :

-  Marylise Crivello : "Usages publics et mise en spectacle de l’histoire dans la France contemporaine : contrastes mémoriels".

-  Aurélie Rodes : "Les manuels scolaires et l’instrumentalisation du passé : l’exemple d’Alésia dans les manuels d’histoire de collèges".

-  Catherine Valenti : "L’extrème droite française aujourd’hui : entre références païennes et héritage chrétien".

-  Jean-Yves Le Naour : "Le Soldat inconnu : une histoire polémique".

-  Jean-Pierre Legendre et Laurent Olivier : "Les braises sous la cendre : la survie de l’archéologie nazie après 1945".

-  Guy Pervillé : La mémoire de la guerre d’Algérie dans l’extrême droite française : le cas particulier de Jean-Marie Le Pen".

-  Laurence De Cock et Françoise Lantheaume : "Les usages présidentiels du passé colonial, de François Mitterrand à François Hollande : des politiques du passé ?"

Les demandes d’abonnement (France : 30 euros, étudiant : 20 euros, bibliothèque : 40 euros, étranger : 45 euros, 2 numéros par an) sont à adresser à : FRAMESPA - Maison de la recherche, Université de Toulouse II-Le Mirail, 5 allées Antonio Machado, 31058 TOULOUSE CEDEX 9, accompagnées d’un chèque bancaire libellé à l’ordre de : Agent comptable de l’UTM. 

[1] Philippe Darriulat, « La gauche républicaine et la conquête de l’Algérie, de la prise d’Alger à la reddition d’ Abd-el-Kader », Revue française d’histoire d’Outre-mer, n° 307, juin 1995, pp. 129-147.

[2] Membre du groupe des Indépendants et paysans, qui rassemblait l’essentiel des droites parlementaires.

[3] Voir l’article de Grégoire Kauffmann, « D’où sort le Front national ? », L’Histoire n° 368, octobre 2011, pp. 94-99.

[4] D’après un sondage fait à la sortie des urnes, lors de l’élection présidentielle de 1988, le vote Le Pen dans l’électorat rapatrié aurait été le double de la moyenne nationale (déclaration de Jérôme Jaffré au colloque de l’IHTP sur La guerre d’Algérie et les Français).

[5] Soutenue à Nice le 21 novembre 1997, et publiée sous le titre L’immigration et l’opinion en France sous la Vème République, Paris, Le Seuil, 2000, 630 p.

[6] Cité par Y. Gastaut, op. cit., p. 187.

[7] Je reprends ici certains éléments de mon article publié en à Nice dans les Cahiers de la Méditerranée, n° 61, décembre 2000, pp. 121-130 : « Antiracisme, décolonisation de l’Algérie et immigration algérienne en France », également disponible sur mon site internet guy.perville@free.fr, http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=84.

[8] Benjamin Stora, Le transfert d’une mémoire, de l’Algérie française au racisme anti-arabe, Paris, La Découverte, 1999.

[9] Eric Savarese, Algérie, la guerre des mémoires, éditions Non-lieu, 2007.

[10] Résultats du FN : 1,3% des voix aux législatives de mars 1973, 0,74% aux présidentielles d’avril 1974, 0,29% aux législatives de 1979, 0,18% aux législatives du 14 juin 1981, 11% aux européennes du 17 juin 1984, près de 10% aux législatives du 16 mars 1986, 14 ,4% à la présidentielle du 24 avril 1988. Son pourcentage des voix a donc été multiplié par 50 en trois ans, entre juin 1981 et juin 1984.

[11] La marche pour l’égalité et contre le racisme, dite « marche des Beurs » (octobre-décembre 1983) obtint satisfaction pour l’une de ses revendications (carte de séjour de dix ans) mais pas pour la deuxième (droit de vote pour les étrangers).

[12] Pour les élections municipales de mars 1983, le RPR et l’UDF reprennent les thèmes de l’insécurité et de l’immigration. J.M. Le Pen obtient 11,3% des suffrages exprimés dans le XXème arrondissement de Paris, et Jean-Pierre Stirbois en obtient 16,7% à l’élection municipale partielle de Dreux en septembre.

[13] En février 1981 (donc trois mois avant l’élection de François Mitterrand) le maire de Montigny-lès-Cormeilles avait dénoncé à la vindicte populaire une famille d’immigrés comme trafiquants de drogue.

[14] Voir la thèse de Valérie Esclangon-Morin, Les rapatriés d’Afrique du Nord de 1956 à nos jours, 2007, et surtout son mémoire de maîtrise : "La question de l’immigration aux élections de 1983 et 1984", Université de Paris VII, 1992, sous la direction de Claude Liauzu.

[15] A la fin de sa vie, il aurait reconsidéré sa position en voyant dans l’intégration une dangereuse utopie.

[16] Dominique Venner, Le cœur rebelle, éditions Les belles lettres, 1994.

[17] JORF, débats de l’Assemblée nationale, 2ème séance du 28 janvier 1958, pp. 309-311.

[18] Cité dans le courrier des lecteurs du Monde, 9-10 mars 1997, par Pierre Guillaumin (se référant à Charles-Robert Ageron dans Le Monde, dossiers et documents, n° 15, octobre 1984, repris par Olivier Milza dans Les Français devant l’immigration, Bruxelles, Editions Complexe).

[19] Guy Doly-Linaudière, L’imposture algérienne, Les lettres secrètes d’un sous-lieutenant de 1960 à 1962, Paris, éditions Filipacchi, 1992, p. 21.

[20] Voir Sylvain Pattieu, Les camarades des frères, trotskystes et libertaires dans la guerre d’Algérie, préface de Mohammed Harbi, Paris, Syllepse, coll. Utopies critiques, 2002.

[21] « L’opinion française devant la guerre d’Algérie », Revue française d’histoire d’Outre-mer, n° 231, 2ème trimestre 1977, pp. 256-284.

[22] Sondages cités dans la thèse d’Yvan Gastaut, pp. 222, 224, 233, 235.

[23] Et sans plus de sympathie pour les Français d’Algérie, dont 53% des métropolitains ne se sentaient plus solidaires en janvier 1962, selon Ageron, article cité, pp. 277-278.

[24] Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, de Fallois et Fayard, t. 1, 1994, p. 53.

[25] Propos tenus à Pierre Laffont le 22 novembre 1960, dans Jean-Raymond Tournoux, La tragédie du général, Paris, Plon et Paris-Match, 1967, p. 599 ; et conférence de presse du 11 avril 1961, Discours et messages, t. 3, Paris, Plon, 1970, p.

[26] Son refus de voir un jour les indigènes des colonies dicter leur loi à la France fut souvent cité par Ferhat Abbas, rappelait Charles-Robert Ageron dans son article « Ferhat Abbas et l’évolution politique de l’Algérie » (1975) reproduit dans son recueil d’articles Genèse de l’Algérie algérienne, Paris, Editions Bouchène, 2005 (p. 266).

[27] Cf. mon article, « La commission des réformes de 1944 et l’élaboration d’une nouvelle politique algérienne de la France » (1984), dans les actes du colloque sous la direction de Charles-Robert Ageron, Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français,1936-1956, les 4 et 5 octobre 1984, publiée dans les actes de ce colloque par les Editions du CNRS, Paris, septembre 1986, pp. 357-365, et sur mon site http:/ :guy.perville.free.fr, rubrique Textes publiés.

[28] A la seule exception de sa conférence de presse du 11 avril 1961, la seule durant laquelle Charles de Gaulle a parlé cyniquement en termes d’intérêts nationaux bien compris,provoquantdesréactionstrès sévères non seulement de partisans de l’intégration, mais aussi de l’indépendance.

[29] Selon l’article cité de Grégoire Kauffmann, in L’Histoire n° 368, octobre 2011, pp. 98-99.

[30] Celui-ci, grand maître de l’ordre de la Libération en 1981, avait refusé de participer à l’investiture du président François Mitterrand.

[31] Campagne lancée en 1991, et approfondie en 1997 par Raoul Beteille, conseiller honoraire à la Cour de cassation et président du MIL.Voir le bulletin du MIL, Vigilance et action, « le journal de la droite civique, gaulliste et patriote », n° 245, novembre 2009, 4 p.

[32] Voir l’article de Mathias Bernard, « Le Pen, un provocateur en politique, 1984-2002 », Vingtième siècle, n° 93, janvier-mars 2007, pp. 37-45. Et dans Le Monde, supplément culture et idées du 22 septembre 2012, pp. 4 et 5, l’enquête d’Abel Mestre : « Le Front national n’est plus le même, mais a-t-il vraiment changé ? », estimant que Jean-Marie Le Pen aurait par sa déclarations sur les chambres à gaz, « point de détail » de l’histoire de la Deuxième guerre mondiale, faite en 1987, délibérément rompu avec toute possibilité de récupération de son mouvement par son entrée au gouvernement de Jacques Chirac, dont il était question en 1986. Cf le livre récent de Philippe Cohen et Pierre Péan, Le Pen, une histoire française, Paris, Robert Laffont, novembre 2012, où l’on voit que Jean-Marie Le Pen avait été invité au Congrès juif mondial à New-York, le 17 février 1987, et y avait prononcé un discours très pro-israélien, salué par une "standing ovation" (cité dans Le Point, n° 2096 du 15 novembre 2012, pp. 62-63).

[33] Obsession traduite par la réalisation d’un disque intitulé « Hommes et chants du IIIème Reich » par la « Société d’études et de relations publiques », créée par J.M. Le Pen en 1963.

[34] Marine Le Pen, arrivant en janvier 2011 à la présidence du Front national, a jugé préférable d’y renoncer clairement.

[35] Je ne peux dire à quand remonte le premier signe de ce « gaullisme » paradoxal. Rappelons à titre d’hypothèse que le premier tome du livre d’Alain Peyrefitte, C’était De Gaulle, (op.cit.) a été publié en 1994.

[36] Déclaration du 11 décembre 1998 (extraits) citée par Le Monde, 13-14 décembre 1998.

[37] Résurrection. Naissance de la Vème République, un coup d’Etat démocratique, Paris, Fayard, 1998, pp. 750-755.

[38] Ibid., pp. 752-754.

[39] Cf les analyses de Dominique Venner, op. cit., pp. 62-79 et 134-135, plus sévères, mais nuancées.

[40] Résurrection, op. cit., pp. 754-755.

[41] Voir la protestation indignée de 52 autres membres de la famille de Gaulle dans Le Monde du 19 mai 1999. Charles de Gaulle, né en 1948, fils de l’amiral et petit-fils du général de Gaulle, avait été élu député européen sur la liste UDF en 1989, puis MPF (villieriste) en 1994.

[42] PS : Mais l’histoire n’est jamais finie. En juillet 2008, Jean-Marie Le Pen a renoué avec son passé en acceptant d’être le parrain de la troisième fille de l’ex-humoriste Dieudonné (qui avait évolué en quelques années de la gauche à la droite la plus extrême sous l’influence d’Alain Soral). Le 9 octobre 2013 est parue sur Agoravox une photo montrant l’ancien chef du Front National et son lieutenant Bruno Gollnisch, hilares, faisant une démonstration de la fameuse "quenelle" inventée par Dieudonné. Pendant ce temps, sa fille Marine Le Pen a repris à son compte la récupération de l’héritage gaullien, selon Le Point n° 2150 du 28 novembre 2013, p. 52. Secondée par Paul-Marie Coûteaux et par Florian Philippot, qui se réclament l’un et l’autre du général de Gaulle, elle rivalise pour revendiquer son héritage politique avec Nicolas Dupont-Aignan et avec Henri Guaino. Le premier a déclaré, en octobre 2013, qu’il ne pourrait pas s’allier avec la présidente du Front national tant que son père en resterait le président d’honneur. Quant au second, après avoir débattu publiquement avec Marine Le Pen sur BFM TV le 24 novembre 2013, il a publié dans Le Monde du 16 décembre son opinion sur le FN, qui n’est pas un parti d’extrême droite, mais qui reste "monstrueusement inhumain" dans sa conception du pouvoir.

[43] Voir dans Le Monde, supplément culture et idées du 22 septembre 2012, pp. 4 et 5, l’enquête d’Abel Mestre : « Le Front national n’est plus le même, mais a-t-il vraiment changé ? » qui retrace l’évolution très complexe de son programme depuis sa fondation en 1973.



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