Interrogations sur la torture (2002)

samedi 30 décembre 2006.
 
Cet exposé à été prononcé lors du colloque Histoire, torture et politique, organisé à Nice par le Centre d’études pied-noir les 14 et 15 décembre 2002, et publié par le CEPN en octobre 2004.

La torture est un sujet très grave et difficile à traiter, parce qu’il n’est pas purement historique : il met en cause les fondements des notions de civilisation et de progrès moral sur lesquels notre société s’est construite depuis plus de deux siècles. Il est aussi un problème politique plus actuel que jamais. Parler à la fin de ce colloque consacré au thème « Torture, histoire et politique » me facilite la tâche, car plusieurs interventions au sujet de « Torture et justice », ont déjà bien éclairé nos débats. Je pourrai donc me contenter de poser une série d’interrogations à propos de la torture et de ce qui s’en dit, et de tenter d’y répondre en tant qu’historien.

- Qu’est-ce que la torture ?

Le dictionnaire de Paul Robert date l’apparition du mot du XIIème siècle et le fait venir du bas-latin « tortura », action de tordre. Il en distingue deux sens propres : « peine corporelle infligée pour arracher des aveux, voir Gêne, Question, Tourment », et « peine grave, punition corporelle pouvant entraîner la mort, autrefois infligée par la justice, voir Supplice » [1]. Se fondant sur l’histoire judiciaire et sur la jurisprudence actuelle de la Cour européenne des droits de l’homme, l‘un des participants à ce colloque a bien distingué les trois buts principaux longtemps invoqués pour la justifier : la recherche d’aveux ou de renseignements, la punition anticipée d’un coupable présumé, et la dissuasion d’éventuels imitateurs. Le champ d’application du mot torture va d’une limite inférieure confinant à la simple brutalité jusqu’à une limite supérieure correspondant à la notion de supplice : atteintes à l’intégrité physique du patient entraînant sa mort à travers des souffrances telles que la mort elle-même soit pour lui une délivrance. L’inclusion de cette limite supérieure aggrave la connotation péjorative du mot torture et a facilité son rejet absolu par la conscience morale et humanitaire moderne. Mais il ne faut pas oublier que la torture a été longtemps reconnue comme légitime, au temps où la justice estimait devoir proportionner l’horreur du châtiment à celle du crime.

- Depuis quand la torture a-t-elle existé, en France et en Algérie ?

De temps immémorial, dans les deux pays. La justice a publiquement affiché sa cruauté des deux côtés de la Méditerranée pour réprimer les déviations religieuses, les crimes et les révoltes jusqu’au XVIIème siècle. Mais ensuite se sont produites deux évolutions divergentes. En Europe occidentale, la légitimité de la torture judiciaire et des supplices a été remise en question au cours du XVIIIème siècle par la philosophie des Lumières et par les « âmes sensibles ». Le juriste milanais Beccaria a soutenu dans son traité Des délits et des peines (1764) que la loi devait limiter sa propre sévérité sans chercher à égaler l’horreur du crime, même à l’encontre des pires criminels. La torture fut abolie en Suède (1772), dans l’empire des Habsbourg (1776), en Russie (1776 et 1801), en Prusse sous Frédéric II, en France sous Louis XVI (1780 et 1789). La Constitution des Etats-Unis condamna les « cruel and unusual punishments », et l’Assemblée nationale française adopta la guillotine pour exécuter les condamnés à mort sans souffrance prolongée. Mais en Afrique du Nord comme dans le reste du monde musulman, aucun changement n’intervint à cette époque. La cruauté du pouvoir turc resta proverbiale en Europe [2], et les méthodes répressives de l’empire chérifien du Maroc ne valaient pas mieux [3]. Victor Hugo a rapporté dans ses Choses vues, d’après des témoins oculaires, que les premiers Français arrivés aux portes d’Alger en juillet 1830 avaient vu ses murailles ornées de têtes coupées. Peut-on croire que « la torture est arrivée en Algérie en 1830 dans les bagages de l’armée française », comme Henry Alleg l’a affirmé à la radio ? Et qu’elle serait « indissociable de la guerre coloniale » (comme l’a prétendu Francis Jeanson [4]), « propre à la logique colonialiste » [5], voire « un épiphénomène du colonialisme » [6] ?

En réalité, dès leurs premiers heurts, les deux camps ont rivalisé de violence. Comme l’explique l’historien Daniel Rivet, « inexpiable, la guerre l’est instantanément » : dès l’été 1830, les collaborateurs des Français sont brûlés vifs ou ont les yeux arrachés en châtiment de leur aide aux Infidèles, mais les dits collaborateurs « perpétuent l’usage, en vigueur sous les Turcs, de livrer des paires d’oreilles coupées sur leurs ennemis pour attester du caractère irréversible de leur prise de parti. Les combats tournent à l’atroce immédiatement. En novembre, des mujahîdîn mutilent une cinquantaine de canonniers surpris dans un combat d’arrière-garde en Mitidja. Une cantinière a les entrailles arrachées, le nez, les oreilles et les seins coupés et fourrés dans l’abdomen. La sauvagerie des indigènes rejaillit sur l’occupant, par effet de contagion mimétique », dont Daniel Rivet cite plusieurs exemples frappants. Et il conclut : « La violence colle au commencement de l’aventure algérienne de la France. Elle la poursuivra jusqu’à son terme, comme si le commencement était la moitié du tout, et elle constituera pour le pays des droits de l’homme une tentation permanente et un contre-exemple démoralisant » [7]. Mais les commandants en chef Savary duc de Rovigo, Clauzel, Bugeaud, n’ont rien inventé : ils n’ont fait que reprendre à leur compte les méthodes expéditives habituelles dans le pays (même si l’armée française arrivait avec ses propres traditions répressives héritées des guerres de Vendée et d’Espagne). On peut s’étonner et s’émouvoir (comme l’a fait Alexis de Tocqueville [8]) de la facilité avec laquelle des « civilisés » se sont alignés sur les mœurs des « barbares », sans renoncer pour autant à leur sentiment de supériorité morale. Le même constat s’est imposé après l’indépendance de l’Algérie, quand le nouvel Etat a condamné officiellement la torture « colonialiste » sans renoncer pour autant à la pratiquer pour son compte. La seule leçon que l’on puisse tirer, c’est la facilité avec laquelle les pires violences sont imitées, se transmettent d’un camp à l’autre, et se perpétuent à travers la succession des époques, des Etats et des régimes, quelles que soient leurs justifications idéologiques [9].

Après l’achèvement de la conquête et la fin des dernières grandes révoltes, la récurrence de brutalités policières allant jusqu’à la torture a été plus d’une fois dénoncée [10], depuis l’affaire Doineau [11] en 1858 jusqu’à l’enquête sur l’assassinat du mufti Kahoul [12] à Alger en 1936. On peut y voir à juste titre une conséquence du maintien d’une inégalité fondamentale entre les citoyens français et les « indigènes », sujets ou citoyens de seconde classe. Sans que la métropole ait ignoré toute forme de brutalité policière, on peut admettre que l’Algérie, comme l’ensemble des colonies, était un conservatoire d’archaïsmes, antérieurs et non conformes aux principes républicains, selon l’expression de l’historien Pierre Guillaume [13].

- Où et quand la torture moderne est-elle apparue ?

Nous ne le savons pas encore. Il serait logique de chercher du côté des régimes totalitaires, qui ont su employer toutes les techniques les plus récentes au service de leur volonté de domination idéologique. Pourtant, la coexistence de la torture à l’électricité avec la torture traditionnelle est attestée dès 1935 dans les commissariats de l’Indochine française par la journaliste Andrée Viollis [14]. En Algérie, l’abolition des libertés publiques par le régime dictatorial de Vichy en 1940 était particulièrement propice à la résurgence de pratiques arbitraires. Au printemps 1942, le capitaine Schoen, chef du CIE [15] du département d’Alger, enquêtant sur des incidents survenus à Berrouaghia, conclut que la torture a bien été utilisée à la fois par les services de la Sûreté de Médéa et par la gendarmerie de Berrouaghia. Un traitement électrique à l’aide de fils de fer enroulés autour du cou, des cuisses et de la verge des victimes a été appliqué à plusieurs reprises : « Ce nouveau supplice a été baptisé du nom de chitane parce que le supplicié ayant les yeux bandés et recevant dans le corps des secousses inconnues, il n’en voit l’explication que dans une invention du diable » [16]. Et le commandant Courtès, chef du CIE central, signale dans une note annexe au Gouvernement général que « cette quasi-impossibilité d’obtenir justice explique en particulier la désaffection des indigènes à notre égard. C’est malheureusement la répétition trop fréquente de faits de ce genre commentés un peu partout, même en France, qui finira par nous faire perdre l’Algérie ».

La recrudescence de la torture policière a été de nouveau dénoncée, à partir du soulèvement de mai 1945, puis après le démantèlement de l’Organisation spéciale du MTLD en 1950, par les nationalistes algériens [17]. Celle-ci a été indirectement et partiellement confirmée par la circulaire envoyée aux préfets le 21 octobre 1949 par le gouverneur général Marcel Edmond Naegelen, qui prohibait absolument « la violence en tant que méthode d’investigation en matière d’instruction criminelle », et réclamait des sanctions très rigoureuses contre les auteurs de tels faits et leurs supérieurs si l’enquête en démontrait la réalité [18]. La torture n’en a pas moins été mise en cause par Claude Bourdet dans France-Observateur, en décembre 1951 dans un article interrogatif : « Y-a-t-il une Gestapo en Algérie ? », et en janvier 1955 dans un autre article accusateur : « Votre Gestapo d’Algérie », qui faisait écho aux protestations de François Mauriac dans L’Express, du maire d’Alger Jacques Chevallier et de l’archevêque Monseigneur Duval.

La réalité de la torture policière en Algérie a été clairement établie dès le mois de mars 1955 par deux documents officiels : le rapport de l’inspecteur général Wuillaume [19], remis au gouverneur général Jacques Soustelle, et celui du directeur de la Sûreté nationale Jean Mairey, destiné au président du Conseil Edgar Faure. Le premier recommandait d’autoriser et de règlementer des pratiques ne portant pas atteinte à l’intégrité physique des patients et ne laissant pas de traces durables (l’eau et l’électricité), ce que le gouverneur général refusa. Le second condamnait également cette proposition, mais il dut constater dans deux rapports ultérieurs [20] (en décembre 1955 et janvier 1957) la diffusion et la banalisation de la torture dans la police et dans l’armée. Même si les plaintes des soi-disant victimes peuvent être soupçonnées d’être faussées par des consignes de leur organisation (ou par le souci de se justifier a posteriori d’avoir parlé), la diffusion générale de la torture est attestée par un trop grand nombre de témoignages et de documents de sources françaises pour que l’on puisse en contester la réalité. Les témoignages qui ont été exprimés ici par d’anciens membres ou sympathisants de l’OAS arrêtés à Alger en 1961 ou en France en 1962, ne peuvent s’expliquer sans une banalisation antérieure de la torture.

- La torture a-t-elle été pratiquée par toute l’armée française ?

Certainement non, et c’est pourquoi la campagne de dénonciation systématique relancée par Le Monde et par l’Humanité à partir de juin 2000 a suscité une émotion considérable parmi les Anciens combattants d’Algérie (même au sein de la FNACA, antimilitariste et favorable à la commémoration officielle du 19 mars). Le quotidien La Croix a proposé une vision beaucoup plus nuancée dans son numéro des 3 et 4 mars 2001, à partir des lettres reçues de plus de 300 lecteurs ayant participé à la guerre d’Algérie : un tiers en a gardé le souvenir positif d’une action désintéressée au service des populations, un autre tiers a vu dans la torture un mal souvent nécessaire pour sauver des vies menacées par le terrorisme, et un dernier tiers en a été moralement révolté sans lui trouver d’excuse. Ainsi, les réactions indignées provoquées par cette campagne peuvent s’expliquer différemment suivant les cas : les uns n’ont jamais torturé ni vu torturer ni entendu parler de la torture, d’autres connaissaient son existence mais en avaient une idée abstraite, une vision d’état-major, d’autres enfin la connaissaient très bien mais la considéraient comme un moindre mal et ne supportent pas de la voir présenter autrement.

Il n’en reste pas moins vrai que la torture s’est peu à peu répandue dans l’armée française, sous la pression de la guerre et du terrorisme pratiqués par le FLN. Si sa légalisation proposée par l’inspecteur général Wuillaume n’a jamais été officiellement proclamée, des directives draconiennes données à l’armée en juin 1955 ont favorisé tous les abus en ordonnant l’exécution sommaire des « rebelles pris les armes à la main » et l’ouverture du feu sur les « suspects tentant de s’enfuir » [21]. Les seules limites reconnues à la violence militaire restaient celles, très floues, définies par « nos consciences de soldats » et « les règles d’humanité en usage dans l’armée française », que le général Lorillot, nouveau commandant en chef, dut rappeler par de très nombreuses circulaires de juillet 1955 à décembre 1956 [22]. Mais à partir de janvier 1957, à Alger puis dans toute l’Algérie, l’ordre de rechercher le renseignement « par tous les moyens » fut donné oralement, et la torture fut tacitement reconnue comme un moyen légitime [23], a condition d’être limitée et contrôlée par des spécialistes : officiers de renseignement des unités, puis équipes spécialisées des « Détachements opérationnels de protection » (DOP) ou des « Centres de renseignement et d’action » (CRA), etc. Ce n’était pourtant pas le seul moyen : la dernière phase de la « bataille d’Alger », de la fin juin à la mi-octobre 1957, fut conduite par le colonel Godard en recourant davantage à la ruse qu’à la force brutale [24].

- L’armée française a-t-elle été la seule à torturer en Algérie ?

Non. Le FLN et son bras armé l’ALN ont ordonné dès le début de leur action le châtiment des « traîtres » et des réfractaires à leur autorité, par tous les moyens susceptibles de terroriser leurs proches : mutilation du nez, des lèvres ou des oreilles (pour le simple fait de fumer ou de boire de l’alcool), égorgement, mutilations sexuelles. Un rapport trouvé en février 1955 lors de l’arrestation du chef régional de l’Aurès, Mostefa Ben Boulaïd, fait état de l’exécution de deux « traîtres » le 5 janvier 1955 : « Après les avoir martyrisés, ils ont été abattus ». Plusieurs familles de civils français musulmans ou français ont été massacrées après le viol des femmes, jeunes filles et petites filles : s’il ne s’agissait pas de torture, c’était pire.

Jusqu’en août 1956, tous les chefs de l’ALN avaient pouvoir de vie ou de mort sur quiconque. Le Congrès de la Soummam décida pour la première fois de limiter la violence autorisée : « Aucun officier, quel que soit son grade, n’a plus le droit de prononcer une condamnation à mort. Les tribunaux à l’échelon secteur et zone seront chargés de juger les civils et les militaires. L’égorgement est formellement interdit ; à l’avenir, les condamnés à mort seront fusillés. L’accusé a le droit de choisir une défense. La mutilation est formellement interdite. » Mais le Comité de coordination et d’exécution (CCE) dut rappeler plusieurs fois ces directives, preuve qu’elles étaient mal appliquées. En février ou mars 1957, la wilaya III (Kabylie) ordonna de brûler un village « traître » et de tuer tous ses hommes et femmes, puis de brûler tous les villages qui demanderaient la protection française et de tuer tous leurs hommes âgés de plus de vingt ans. [25] A la fin de mai 1957, le garde-champêtre du village messaliste de Mechta Casbah eut les mains coupées et les yeux crevés avant d’être abattu au fusil avec ses enfants [26], puis plus de 300 hommes du village furent massacrés à coups de haches, de pioches ou de couteaux. Deux jours plus tard à Wagram, près de Saïda, 35 ouvriers agricoles furent tués et 21 blessés à la hache ou au couteau : « tous les blessés soignés à l’hôpital présentent des traces affreuses de mutilation, yeux arrachés ou crevés, mains coupées, corps lacérés de coups de poignard et de rasoir... » [27].

La torture judiciaire, visant à faire avouer les « traîtres », était courante, selon Gilbert Meynier : « Un très grand nombre de fiches d’arrêt de mort portent la mention « décédé au cours de l’interrogatoire » ou, plus crûment, « décédé au cours des tortures » [28]. Elle fut pratiquée sur une très grande échelle et avec des raffinements de cruauté qui ne copiaient pas forcément le modèle français lors des purges sanglantes qui décimèrent la wilaya III puis la IV (Algérois) en 1958 et 1959. L’aspirant politique Hocine Zahouane met en cause la responsabilité du colonel Amirouche, intoxiqué par les militaires français : « en confiant la direction de l’enquête, je veux dire des tortures, à un certain capitaine Ahcène, ancien collaborateur de la Gestapo, il déclencha le système de tortures le plus terrifiant qu’on ait jamais vu. Outre les méthodes de la baignoire, de la flagellation, la pendaison par les pieds, les coups de pieds et de poings, des systèmes incroyables allaient voir le jour : l’arrachage des ongles, l’insertion d’aiguilles entre ongles et chairs, l’induction (sic) d’essence et l’inflammation des parties sexuelles » [29]. Gilbert Meynier précise les principaux supplices en note : « L’hélicoptère (suspension par les pieds du supplicié ligoté par une corde passée sur une branche d’arbre et animée de mouvements ascendants et descendants au-desssus d’un brasier), la baignoire, dans les ruines de la maison forestière d’Agoulmène Aberkane (cette maison se trouvait à 150 m du P.C. d’Amirouche. Y fut retrouvé du matériel de torture - croix et lanières, palan, fouets, gibets...), les brûlures d’aisselles au tison ou des pointes en bois enfoncées sous les ongles, les croix de Lorraine taillées dans le dos, voire le supplice des entailles au couteau qu’on bourrait de sel...) » [30]. Et il ajoute : « Le paroxysme fut sans doute atteint le 5 août (1958) : exposés devant les katibas présentes, après un concours d’insultes lancées par les chefs, des condamnés auraient été livrés aux djounoud et lynchés sur ordre par lapidation. Les survivants des supplices auraient été égorgés avec une baïonnette aiguisée par un colosse du nom de Saf Saf, puis jetés dans un ravin voisin. Seules quelques tentatives d’évasion auraient été punies de fusillade » [31].

Des supplices du même type furent appliqués à d’anciens harkis et autres musulmans pro-français arrêtés après l’indépendance, contrairement aux clauses d’amnistie des accords d’Evian : « promenés habillés en femmes, nez, oreilles et lèvres coupés, émasculés, enterrés vivants dans la chaux ou même dans le ciment ou brûlés vifs à l’essence », ou bien « morts nus sous le fouet en traînant des charrues ou la musculature arrachée avec des tenailles », selon le rapport de l’ancien sous-préfet d’Akbou, M. Robert [32]. A ce propos, Mohand Hamoumou rappelle une analyse de Michel Foucauld : « Le supplice est destiné à rendre infâme celui qui en est la victime et à attester le triomphe de celui qui l’impose. Plus le doute est permis sur l’infamie de l’accusé, plus le supplice doit être démesuré pour persuader l’assistance de la culpabilité de la victime et, du même coup, de la légitimité de ceux qui l’ordonnent ou l’exécutent » [33].

- Les campagnes contre la torture ont-elles obéi à des motivations morales ou politiques ?

Durant la guerre, le FLN a systématisé et exploité la dénonciation de la torture comme une arme de guerre psychologique contre la France. Des directives ordonnant à ses militants de se plaindre d’avoir été torturés dans tous les cas ont été plusieurs fois citées [34]. Mais parallèlement, des intellectuels français ont protesté contre cette pratique indigne de la France de leur propre initiative, sans vouloir nécessairement rendre service aux « rebelles ». La plus grande partie des témoignages utilisés provenait d’anciens appelés et rappelés qui tenaient à faire savoir ce qu’ils avaient vus [35]. A peine plus de dix ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale, il était bien compréhensible que le fait de voir l’armée française reprendre à son compte des méthodes qu’on avait cru propres à la Gestapo suscitât une sincère indignation : « Sommes-nous les vaincus de Hitler ? » demandait Pierre-Henri Simon dans son livre Contre la torture en mars 1957, et l’éditorial de Sirius lui faisait écho : « Dès maintenant, les Français doivent savoir qu’ils n’ont plus tout à fait le droit de condamner dans les mêmes termes qu’il y a dix ans les destructeurs d’Oradour et les tortionnaires de la Gestapo [36] ». Comme l’a remarqué Jacques Frémeaux, « c’est la torture qui a motivé l’engagement contre la guerre d’Algérie d’une grande partie de l’opinion publique française ». Et il précise que les dénégations officielles ont contribué à ce résultat : « Face aux attaques, les responsables militaires sont incapables de prouver qu’une victoire puisse se passer de ces méthodes. Leurs silences ou leurs justifications poussent même à établir exactement le contraire, accréditant l’idée que torture et guerre d’Algérie sont inextricablement liées, et qu’on ne peut abolir le recours à l’une qu’en mettant fin à l’autre » [37].

On pourrait admettre le raisonnement suivant lequel une cause qui ne peut se passer de tels moyens illégaux et immoraux ne pourrait être juste, si le même raisonnement avait été appliqué dans tous les cas. Mais ceux qui en ont déduit la nécessité d’accepter l’indépendance de l’Algérie pour mettre fin aux horreurs de la guerre ont appliqué une argumentation inverse en faveur du FLN, dont la juste cause était censée à leurs yeux justifier ou excuser les moyens injustes. Pierre Vidal-Naquet, l’un des animateurs du Comité Audin, a classé les opposants à la guerre d’Algérie en trois grandes catégories : les « dreyfusards », parmi lesquels il se situait, motivés avant tout par le souci de l’honneur de la France, des « tiers-mondistes » qui s’interdisaient de juger les actes des victimes de notre injustice, et des « bolcheviks » pour lesquels la politique primait sur la morale [38]. Il a prouvé sa sincérité en protestant contre la torture infligée à des membres ou sympathisants de l’OAS [39], et contre les massacres de harkis [40], mais la cohérence de sa position morale avec son parti pris politique est problématique. Raoul Girardet a reconnusonhonnêteté, mais il a gardé l’impression que « pour un certain nombre d’intellectuels, il y a de mauvaises tortures, et il y a aussi de bonnes tortures » [41].

Quarante ans après la fin de la guerre d’Algérie, le débat public sur la torture se pose dans les mêmes termes : « La France face à ses crimes en Algérie » ou « Comment juger nos crimes en Algérie ? ». La doctrine pernicieuse suivant laquelle les combattants d’une juste cause ont le droit d’employer tous les moyens, même injustes, reste officielle en Algérie, et une partie des intellectuels français ne semble pas encore l’avoir désavouée. La relance de la campagne contre la torture par Le Monde puis par l’Humanité, une semaine après la visite officielle en France du président Bouteflika en juin 2000 et sa demande d’une déclaration de repentance de la France pour ses crimes en Algérie, semble répondre à une sollicitation algérienne [42], même si ceux qui ont participé à cette campagne l’ont fait pour leurs propres raisons. L’enjeu du débat est de relancer la guerre des mémoires, en contournant l’amnistie d’Evian, jusqu’à la victoire politique et morale définitive de l’un des deux camps.

- Quelle peut et doit être l’attitude des historiens dans ce débat ?

Les historiens sont de plus en plus sollicités de participer à ce débat en servant de caution scientifique à l’un des camps qui s’affrontent. Ceux d’entre eux qui ont vécu la guerre d’Algérie en tant qu’acteurs ou que témoins engagés ont du mal à la considérer comme un problème purement historique, en faisant abstraction de leurs anciens partis pris, qui les ont exposés au risque de la partialité. J’entends par ce mot, non pas une malhonnêteté intellectuelle délibérée, mais une tendance générale et spontanée à mettre au premier plan les faits qui justifient leur engagement et à reléguer à l’arrière-plan de leur conscience ceux qui sont susceptibles de le remettre en question. Et même les historiens qui appartiennent à des générations plus jeunes, enfants pendant la guerre ou nés après sa fin, ont trop souvent tendance à suivre les traces de leurs aînés. Or, la vocation propre des historiens est de lutter contre la partialité pour élaborer une vision des événements aussi objective que possible, au moyen d’une méthode impartiale.

Deux thèses soutenues par de jeunes historiennes, celles de Sylvie Thénault sur la justice [43], et surtout celle de Raphaëlle Branche sur la torture et l’armée [44], ont apporté de l’eau au moulin de la récente campagne contre la torture française durant la guerre d’Algérie. En conséquence, elles ont été portées au pinacle par les uns, et au pilori par les autres. La thèse de Raphaëlle Branche, tout particulièrement, a eu les honneurs du Monde [45], et a fait l’objet d’une réfutation systématique dans le Livre blanc de l’armée française en Algérie [46]. Etant donné le temps nécessaire à la préparation d’une thèse d’histoire, on ne peut pourtant pas les soupçonner de les avoir entreprises cinq ou six ans plus tôt dans l’intention de contribuer à cette campagne médiatique, ni leur reprocher d’avoir limité leurs sujets, très ambitieux pour une première recherche, au seul camp français. Ces historiennes situent clairement leurs thèses dans le prolongement des livres de Pierre Vidal-Naquet - historien de métier qui a le premier affronté le problème en tant que citoyen engagé - mais elles sont bien conscientes de la différence entre le point de vue des témoins et des politiques d’un côté, et celui des historiens qui cherchent à connaître et à comprendre le passé de l’autre côté.

Raphaëlle Branche a défini sa problématique en s’inspirant des recherches actuellement en vogue sur la violence de guerre dans les deux guerres mondiales. Elle s’est attachée à comprendre les violences illégales commises par l’armée française, en distinguant la torture et les exécutions sommaires à l’encontre des « hors la loi », qui relevaient de l’inavouable parce que le commandement les jugeait nécessaires sans pouvoir le proclamer, et celles qui n’ont jamais été autorisées parce que nuisibles à la « pacification », telles que les vols et les viols au détriment des civils. Elle en a recherché les traces dans les archives publiques et privées, qui ont le mérite de se démarquer des discours de propagande (même s’ils camouflent certains faits par un langage codé), et par des entretiens permettant d’approcher le vécu subjectif de témoins qu’elle a choisis parmi des soldats français ayant vécu la guerre sur le terrain (à l’exclusion des chefs et des états-majors). Cette entreprise était particulièrement difficile, et demandait beaucoup de courage intellectuel. Si la thèse est pénible à lire, cela tient à la dureté de la réalité qu’elle a choisi d’étudier, et qui ne doit pas se confondre avec l’ensemble des actions de l’armée française en Algérie.

La lecture attentive du livre tiré de la thèse ne donne pas la même impression que certains résumés publiés dans la presse. En le lisant, j’ai personnellement trouvé la démonstration convaincante à 95%. Certaines affirmations m’ont pourtant semblé faire preuve d’une confiance excessive en des idées reçues de l’anticolonialisme, au sujet des bilans chiffrés de la répression de mai 1945 [47], de celle d’août 1955 [48], ou de la « bataille d’Alger » [49]. Le passage le plus malencontreux est le paragraphe de la page 44 sur les mutilations sexuelles commises par des Algériens sur les cadavres de leurs ennemis, qui donne l’impression d’une pratique tout à fait normale et justifiable [50]. Les limites de la démonstration convaincante sont franchies quand l’analyse glisse du constat d’une suspicion généralisée envers les musulmans et d’une volonté de terroriser les « hors la loi » et leurs complices à l’affirmation que la torture visait, non seulement à arracher des renseignements, mais à « terroriser tout un peuple » [51]. Si les responsables militaires et politiques français avaient eu conscience d’avoir contre eux un peuple unanime, je ne crois pas qu’ils auraient pu persévérer si longtemps dans leur action. Et si le général Massu avait voulu « terroriser » tous les habitants musulmans d’Alger, il lui aurait suffi de bombarder la Casbah [52], comme les « contre-terroristes » étaient prêts à le faire (et l’ont fait en 1962 au nom de l’OAS), et comme cela s’est fait dans bien d’autres villes en guerre (Jérusalem en 1947-1948, plus tard Beyrouth, Sarajevo et Groznyi). Au contraire, le recours à la torture visait à éviter la répression aveugle en donnant la priorité à la recherche du renseignement par tous les moyens, et la dérive indéniable de la première période (janvier-juin 1957), sous le commandement effectif de Trinquier et d’Aussaresses, a été combattue à partir de juin 1957 par leur successeur le colonel Godard. Cette remarque n’a pas pour but de justifier la torture comme un moindre mal, mais de tenter de situer plus exactement la « grande répression d’Alger » [53] sur l’échelle des répressions connues.

En histoire comme en photographie, c’est le cadrage qui crée l’image et lui donne son sens. La thèse de Raphaëlle Branche a eu le mérite d’affronter une réalité particulièrement déplaisante ; mais elle a souffert de la limitation de son sujet et d’une polarisation excessive sur celui-ci, du manque d’une perspective comparative plus large tenant davantage compte de l’autre camp et des interactions et influences réciproques entre les deux. Or, le livre de Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, a montré qu’il était également possible d’étudier la torture dans l’autre camp, à partir de sources françaises et de sources algériennes saisies par l’armée française. Après La torture dans la République française, et La torture dans la Révolution algérienne, un ou plusieurs historiens des deux pays pourront enfin étudier La torture dans la guerre d’Algérie. En effet, le problème moral et politique de la torture ne concerne pas que notre pays : les deux nations ont également besoin de le regarder en face pour s’assurer d’un meilleur avenir, et pour s’acheminer vers une véritable réconciliation s’ils la désirent vraiment.

Guy Pervillé.

Pour rendre encore plus clair le sens de ces analyses, qu’on me permette d’en emprunter une autre à mon collègue Jacques Frémeaux, citant lui-même un intellectuel français non suspect d’hostilité envers l’indépendance de l’Algérie : « Au total, on ne peut que souscrire au jugement formulé par André Mandouze, grand intellectuel chrétien de gauche en faveur des nationalistes algériens s’il en fut. Celui-ci évoque « une guerre où le contre-terrorisme s’est nourri du terrorisme et où le terrorisme est la cause originelle de tout, même s’il faut reconnaître que le soulèvement de 54 était lui-même une réponse ponctuelle à la violence séculaire subie par les Algériens. Tout cela admis, il s’ensuit que, le conflit une fois déclenché, les deux camps se sont rendus coup pour coup et que les horreurs ont été partagées » [54]. C’est ce que j’ai tenté de démontrer moi aussi.

[1] Le Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Société du nouveau Littré, 1971, t. 6, p. 582.

[2] Cf. Don César de Bazan, dans Ruy Blas de Victor Hugo : « J’arrive de Tunis où l’on voit, tant ces Turcs ont des façons accortes, force gens empalés accrochés sur les portes ! »

[3] Voir les documents sur la répression des révoltes au Maroc en 1816, cités par Lucette Valensi, Le Maghreb avant la prise d’Alger, Flammarion, Questions d’histoire, 1969, p. 109.

[4] Propos de Francis Jeanson recueillis par Antoine Spire, Le Monde, 29 mai 2000.

[5] Amar Bentoumi, La Tribune, 24 mai 2001.

[6] Ahmed Cheniki , « Les lieux fantomatiques de l’Histoire », Le Quotidien d’Oran, 7 décembre 2000.

[7] Daniel Rivet, Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation, Hachette, 2002, pp. 113-114.

[8] « J’ai rapporté d’Afrique la notion affligeante qu’en ce moment nous faisons la guerre d’une façon beaucoup plus barbare que les Arabes eux-mêmes », écrit-il en 1841 dans son « Travail sur l’Algérie », in Alexis de Tocqueville, De la colonie en Algérie, textes présentés par Tzvetan Todorov, Bruxelles, Complexe, 1988, p. 76.

[9] Telle est la conclusion qui s’impose à la lecture de l’article de Sadek Sellam, « Algérie : des colons aux colonels. Camps, extermination, éradication », in Parler des camps, penser les génocides, textes réunis par Catherine Coquio, Albin Michel, pp. 322-348.

[10] Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Paris, Economica, 2002, p.230.

[11] Officier des bureaux arabes, condamné pour « un meurtre, d’innombrables exécutions sommaires et une infinité de brutalités », selon Jacques Frémeaux, op. cit., p. 303.

[12] Son assassin présumé aurait été « martyrisé par la police » pour lui faire mettre en cause le cheikh El Okbi, qui fut innocenté en 1939. Voir Charles-André Julien, L’Afrique du Nord en marche, réédition Julliard, 1972, p. 378 ; sur les articles d’Albert Camus contre la torture dans Alger républicain en 1939, voir Essais d’Albert Camus, présentés par Roger Quilliot, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1965, p. 1369.

[13] « La colonie est le conservatoire de formes d’exercice de l’autorité qui, en Europe, sont liées aux Anciens Régimes. Il est somme toute normal que l’administration de populations considérées comme arriérées, et en tout cas dépourvues de toute maturité politique reconnue, soit beaucoup plus proche de l’administration des sujets des monarchies traditionnelles que de celle des citoyens des régimes parlementaires contemporains », Pierre Guillaume, Le monde colonial, Armand Colin, collection U, réédition, 1993, p. 128 .

[14] Andrée Viollis, SOS Indochine, préface d’André Malraux, Gallimard, 1935. Cité par Alain Ruscio, « La torture routinière de la République », in Le Monde diplomatique, Manières de voir, n° 58, « Polémiques sur l’histoire coloniale », juillet-août 2001, pp. 38-39.

[15] Le Centre d’information et d’études, créé en 1935, était un service de renseignement spécialisé dans la vie politique et l’opinion publique indigènes.

[16] Rapport du capitaine Schoen, CAOM, GGA, 9 H 27. Cité dans la thèse de Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy, Université de Toulouse-Le Mirail, 2000, pp. 608-609.

[17] Voir l’article de Maître Amar Bentoumi, ancien avocat du MTLD, « La torture a commencé de façon massive après 1945 », in La Tribune, Alger, 24 mai 2001, pp. 12-13.

[18] Circulaire du 21 octobre 1949 aux préfets, SHAT, 1 H 1094, in La guerre d’Algérie par les documents, t. 2, Les portes de la guerre, s.dir. Jean-Charles Jauffret,Vincennes, SHAT, 1998, pp. 296-297.

[19] Rapport publié par Pierre Vidal-Naquet dans La raison d’Etat, Editions de Minuit, 1962, réédition La Découverte, 2002, pp. 63-76.

[20] Publiés par Pierre Vidal-Naquet, op. cit., pp. 80-100 et 105-113.

[21] Directive n° 11, 19 juin 1955, du général Allard commandant le Corps d’armée de Constantine, confirmée et généralisée par le gouvernement le 1er juillet, SHAT 1 H 1944/1, citée par Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie, La parole confisquée, Hachette, 1999, pp. 170-171.

[22] Voir Raphaëlle Branche, « Comment contrôler la guerre ? Des difficultés à faire respecter les ordres », et son débat avec Jacques Frémeaux sur « Pouvoirs publics, armée et maintien de l’ordre » dans Guerre d’Algérie-Magazine, n° 3, mai-juin 2002, pp. 8-15.

[23] Le général Massu l’a reconnu avec réticence, mais il l’a reconnu dans son livre La vraie bataille d’Alger, Plon, 1971, pp. 163-170.

[24] PS : ce qui ne veut pas dire que la torture ait disparu. Le livre du général Maurice Schmitt, Alger-été 1957. Une victoire sur le terrorisme, Paris, l’Harmattan, 2002, n’a pas fait taire ses acccusateurs algériens. Cf. Le Monde, 19 mars 2005, pp. 1, 8 et 9.

[25] SHAT 1 H 1241, cité par Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, Fayard, 2002, p. 283 et 446 (déjà cité par Claude Paillat, Deuxième dossier secret de l’Algérie, Presse de la Cité, 1962, p. 356).

[26] Philippe Tripier, Autopsie de la guerre d’Algérie, Editions France-Empire, 1972, p. 89.

[27] Réédition de La guerre d’Algérie d’Yves Courrière, SGED, 2001, t. 5, Dictionnaire et documents, pp. 2077-2078.

[28] Meynier, op. cit., p. 493.

[29] Meynier, op. cit., p. 434.

[30] Ibid., note 199.

[31] Ibid.

[32] Rapport reproduit par Ahmed Kaberseli, Le chagrin sans la pitié, Dieppe, Editions du Clin d’œil, 1988.

[33] Mohand Hamoumou, Et ils sont devenus harkis, Fayard, 1993, p. 250.

[34] Notamment une note de la Fédération de France du FLN, datée de septembre 1959, citée sans référence précise dans le Livre blanc de l’armée française en Algérie, Contretemps, 2001, p. 178. Dès 1949, la directive du gouverneur général Naegelen citée plus haut se référait à de telles consignes.

[35] Voir notamment la brochure Des rappelés témoignent, février 1957.

[36] Le Monde, 13 mars 1957.

[37] Frémeaux, op. cit., pp. 237-238.

[38] Pierre Vidal-Naquet, Face à la raison d’Etat, un historien dans la guerre d’Algérie, La Découverte, 1989, pp. 58-63.

[39] « L’OAS et la torture », documents publiés dans Esprit, mai 1962, pp. 825-839, et dans Face à la raison d’Etat, op. cit., pp. 170-186.

[40] « La guerre révolutionnaire et la tragédie des harkis », Le Monde, 11-12 novembre 1962, et Face à la raison d’Etat, op. cit., pp. 214-218.

[41] La guerre d’Algérie et les intellectuels français, s. dir. J.P. Rioux et J.F. Sirinelli, Bruxelles, Complexe, 1991, p. 341.

[42] Déjà en mai 1995, le quotidien algérien El Watan avait situé la répression du soulèvement de mai 1945 dans une longue série de répressions répétées depuis 1830, invité les intellectuels algériens à « travailler au corps » les démocrates français pour qu’ils diffusent dans leur société un sentiment de responsabilité et de culpabilité, et réclamé à l’Etat français des excuses officielles au peuple algérien « pour les centaines de milliers d’innocents assassinés au cours de 130 ans de domination coloniale ». « Des excuses officielles », El Watan, Alger, 9 mai 1995. Voir mon article sur « La revendication algérienne de repentance unilatérale de la France », paru dans Némésis, Presse universitaires de Perpignan, n° 5, 2004.

[43] Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, La Découverte, 2001.

[44] Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), Gallimard, 2001.

[45] Philippe Bernard, « Une thèse souligne la généralisation de la torture. La thèse de Raphaëlle Branche montre que la torture s’inscrit dans l’histoire de la colonisation », Le Monde, 7 décembre 2000.

[46] Louise Müller, « Une thèse à la question », Livre blanc..., op. cit., pp. 174-181.

[47] Branche, op. cit., p. 35 note 1 : la note de renseignement citée de juin 1945 n’hésite pas entre 15.000 et 20.000 victimes, mais s’interroge sur la possibilité d’admettre un ordre de grandeur aussi élevé.

[48] Le bilan de 12.000 victimes affirmé par le FLN n’a « jamais été infirmé », mais pas davantage confirmé à ce jour.

[49] Les 3.024 disparitions sur 24.000 assignations à résidence, affirmées par Paul Teitgen depuis la fin de 1957, sont fondées sur des preuves inconnues, et le document communiqué par celui-ci à Yves Courrière, présenté comme probant, ne prouve rien de tel (contrairement à ce qu’affirme Gilbert Meynier, op. cit., p. 327).

[50] Il a été commenté par Jacques Frémeaux, op. cit., p. 236, et par moi-même dans mon article « Albert Camus était-il raciste ? », in Histoire et littérature, Toulouse, Groupe de recherche en histoire immédiate, 2003, pp. 431-445.

[51] Notamment dans la conclusion, p. 425. Voir aussi la communication de Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault à la journée d’étude Apprendre et enseigner la guerre d’Algérie et le Maghreb contemporain, Paris, 29-31 août 2001, éditions du CRDP de Versailles, pp. 71-93.

[52] Les « contre-terroristes » projetaient de l’incendier en y déversant une citerne d’essence en feu (projet repris et tenté sans succès le 3 mai 1962 par l’OAS). Du côté du FLN, Frantz Fanon avait imaginé de prendre l’Amirauté pour en retourner les canons contre les quartiers européens (cité par Alice Cherki, Frantz Fanon, portrait, Le Seuil, 2000, p. 160, note 27).

[53] Meynier, op. cit., pp. 322-331.

[54] Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, op.cit., pp. 240-241 ; citant André Mandouze, Mémoires d’outre-siècle, t. 1, D‘une résistance à l’autre, Paris, Viviane Hamy, 1998, p. 351.



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