Colloque « Enlèvements et disparitions pendant la guerre d’Algérie dus au FLN et à l’ALN », Paris, 16 février 2022
Les étapes des enlèvements à Oran et en Algérie en 1962 : une perspective inversée
Je dois commencer par modifier et préciser le titre que j’avais d’abord donné à ma communication. Il s’agit de retracer l’historique des enlèvements et disparitions d’Européens à Oran et en Algérie en 1962, mais en inversant l’ordre chronologique pour montrer que la recherche des causes de l’événement peut aboutir à des résultats différents suivant que l’on remonte plus ou moins loin dans le temps. Le 5 juillet à Oran, déjà bien connu grâce aux recherches de Jean Monneret et de Jean-Jacques Jordi, ne sera pas étudié en détail, mais il sera le point de départ de cette recherche, sans pour autant l’enfermer dans ce cadre étroitement délimité.
1°- Le 5 juillet à Oran, épisode de la lutte pour le pouvoir dans l’Algérie indépendante ?
La première interprétation à considérer est celle qui a été présentée depuis de nombreuses années, à la suite du journaliste Etienne Mallarde, par Jean-François Paya, natif d’Oranie, resté à Mers-el-Kébir durant les années 1962-1965, et ayant recueilli des témoignages d’Algériens qui ont voulu rester anonymes. Celui-ci l’interprète comme le résultat du conflit politique interne à l’Algérie déclenché par la rivalité entre le président du GPRA Ben Khedda et son rival Ben Bella, ayant abouti à la fin prématurée de la réunion du Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) à Tripoli de Libye le 7 juin 1962 puis à la destitution par Ben Khedda du colonel Boumedienne, chef de l’Etat-major général de l’ALN soutenu par Ben Bella, le 30 juin 1962. Le premier document qu’il a invoqué comme preuve d’un complot ourdi par l’Etat-major général pour justifier l’intervention de ses troupes à Oran était sa proclamation datée du 5 juillet 1962 qui ne prouvait rien, puisqu’elle appelait notamment à “veiller à la sécurité des populations et particulièrement sur celles (sic) de la minorité européenne” [1].
Plus tard, l’un des témoins algériens sur lesquels Jean-François Paya appuie son interprétation s’est fait connaître : Cheikh Benzaoui, ancien militant de l’UGTA et membre de l’organisation politique du FLN à Oran. Celui-ci a rapporté, en 2013, avoir organisé la manifestation populaire du 5 juillet à l’appel du GPRA : « nous organisons cette manifestation que nous voulions pacifique pour montrer la maturité de notre peuple à la presse internationale, et l’adhésion au gouvernement algérien, après des préparations houleuses avec les benbellistes et partisans de l’EMG du Maroc qui nous promirent les pires avatars ». Puis il constate qu’après le déchaînement de violence du 5 juillet, le capitaine Bakhti, chef de la Zone autonome d’Oran, « a disparu quelques heures. Le lendemain, l’ALN du Maroc, dont le gros n’arrive que le dimanche 8 juillet faute de transport, a un prétexte en or pour prendre le pouvoir et maintenir l’ordre en mettant en place son préfet (...). » Et il conclut : « Certains de nos frères de l’Organisation d’Oran durent se cacher quelques jours, craignant des exécutions sommaires et des règlements de comptes, et nous dûmes à contre cœur faire amende honorable aux putschistes d’Oujda (qui ne sont pas partisans de conserver une forte minorité européenne par idéologie mais aussi pour se partager le butin de guerre). Comme l’a dit Mohammed Harbi, naïfs comme les Européens avec de Gaulle, nous avons appris ce qui allait être la stratégie provocatrice et criminelle des services spéciaux de Boumediene, qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours avec la disparition de milliers d’Algériens et d’autres provocations par la suite, que les coupables se reconnaissent. Mais pardon pour cette naïveté tragique à nos frères oranais, Européens et juifs, qui ont vu trahir les idéaux de notre révolution d’une Algérie multiethnique et fraternelle qui devait effacer les combats légitimes de chacun » [2].
Ce témoignage est digne d’intérêt, et il confirme ce que l’archiviste du département d’Oran Fouad Soufi avait expliqué en 2002 : « Il est vrai qu’un conflit sourd opposait les responsables de l’Organisation Civile du FLN d’Oran (plus précisément la zone 3), qui avait choisi la légalité incarnée par le GPRA, et le commandement de la wilaya V qui avait pris fait et cause pour l’Etat-major général de l’ALN. Le commandant de la Zone Autonome d’Oran, le capitaine Bakhti, avait réussi à maintenir entre les deux une sorte de paix armée avant d’expédier, le 4 juillet, les premiers en terrain neutre, à Bouisseville, à leur retour d’Alger où ils avaient publiquement apporté leur soutien à Benyoussef Ben Khedda. Malgré les coups de bluff de l’OCFLN et les démonstrations de force de l’ALN, il n’y eut pas d’affrontements. Le déséquilibre des forces était trop important pour que les premiers, totalement isolés, puissent tenter de résister aux seconds » [3]. Mais ni l’un ni l’autre n’ont démontré que les premiers coups de feu tirés à Oran le 5 juillet l’avaient été par des provocateurs pour justifier l’intervention des troupes de la wilaya V. Assurément, il est très vraisemblable que l’Etat-major général de l’ALN et le commandement de la wilaya V ont suivi de près l’évolution de la situation à Oran pour l’exploiter au mieux de leurs intérêts, mais cela ne suffit pas à éliminer l’hypothèse d’une cause locale de l’événement du 5 juillet.
Du côté français, Jean-François Paya a expliqué la non-intervention des troupes du général Katz par l’idée que le général de Gaulle aurait voulu favoriser Ben Bella contre le président du GPRA Ben Khedda (parce que ce dernier aurait été considéré comme un révolutionnaire pro-chinois...), et qu’il aurait conclu un « deal » avec Ben Bella avant le 5 juillet pour lui abandonner le maintien de l’ordre à Oran parce qu’il voulait favoriser sa conquête du pouvoir. Ces affirmations reposent sur quelques articles de presse publiés à l’époque, mais elles sont démenties par de nombreux documents d’archives aujourd’hui connus. Il est pourtant vrai que le témoignage de l’ambassadeur Jeanneney au colloque « De Gaulle en son siècle » en 1970 donnait l’impression d’un choix rapide en faveur de Ben Bella contre Ben Khedda [4], mais la thèse d’Eric Kocher-Marboeuf sur Jean-Marcel Jeanneney a rétabli une chronologie précise, montrant que l’ambassadeur avait décalé sa première visite à Oran jusqu’au 15 juillet pour ne pas y rencontrer Ben Bella qui devait y venir le 14, et que c’est seulement le 15 août qu’il profita d’un dîner chez le président de l’Exécutif provisoire Abderrahmane Farès pour y faire sa connaissance et tomber sous son charme [5]. Cela confirme ce qu’avaient révélé les archives du Comité des affaires algériennes publiées par le général Maurice Faivre en 2000 : De Gaulle avait choisi de rester neutre dans le conflit qui était sur le point d’éclater entre les deux moitiés du FLN (le GPRA d’un côté, l’alliance Ben Bella-Boumedienne de l’autre) parce qu’il ne voulait pas risquer de recommencer la guerre d’Algérie à peine terminée. Les instructions données le 5 juillet à l’ambassadeur Jeanneney comportaient en premier lieu « le principe essentiel que la France, ayant reconnu l’indépendance du nouvel Etat et lui ayant transféré les compétences afférentes à la souveraineté, ne doit pas prendre parti dans les querelles qui divisent des factions politiques locales », mais aussi en deuxième lieu le devoir de « rappeler le cas échéant à l’Exécutif algérien sa responsabilité au regard de la sécurité des Européens » et de souligner « la nécessité où se trouverait le Gouvernement français, en cas de carence des autorités locales, de prendre lui-même les mesures de sauvegarde nécessaires par le regroupement provisoire des intéressés dans les régions portuaires et par leur embarquement » [6].
Ainsi, les instructions reçues par le général Katz pour le cas d’un incident grave après l’indépendance de l’Algérie étaient contradictoires. Il est vraisemblable que celui-ci a essayé en vain d’obtenir un ordre d’intervention des responsables civils et militaires d’Algérie, et même du général de Gaulle, dont il aurait peut-être obtenu un ordre de non-intervention à une heure inconnue [7], puis un ordre d’intervention trop tardif [8]. Mais pour apprécier cet échec flagrant, il faut tenir compte de deux faits : - que le ministre Louis Joxe avait obtenu le 14 juin de son homologue algérien Saad Dahlab la promesse que l’indépendance de l’Algérie (proclamée le 3 juillet par Abdderrahmane Farès et reconnue par Christian Fouchet) ne serait pas célébrée officiellement avant le 6 juillet [9] (promesse oubliée par les Algériens aussitôt après la fin de la souveraineté française) ; - et qu’en conséquence le 5 juillet le Conseil des affaires algériennes était réuni à l’Elysée à partir de 15 heures avec la participation de l’ancien responsable de l’Algérie Christian Fouchet et du nouveau, l’ambassadeur Jean-Marcel Jeanneney, qui rejoignit son poste le lendemain 6 juillet. Or le compte rendu officiel de cette séance et les notes du secrétaire général du gouvernement René Belin ne contiennent aucune mention de cet événement imprévu [10]. Ainsi, l’explication la plus simple est que Katz n’aurait pas trouvé d’interlocuteur compétent au bout du fil durant ces heures si tragiques.
Le ralliement de l’ambassadeur Jeanneney et du gouvernement français à la solution Ben Bella n’était donc pas acquis le 5 juillet, même s’il fut peut-être influencé par l’efficacité relative de l’ALN extérieure venue du Maroc pour le rétablissement d’un ordre gravement troublé. D’autre part, le général de Gaulle et son gouvernement croyaient à cette date que le conflit pour le pouvoir en Algérie ne remettait pas en cause les accords d’Evian dont se réclamaient publiquement les deux tendances opposées, car ils ignoraient que la réunion du CNRA à Tripoli, du 25 mai au 7 juin, avait commencé par adopter à l’unanimité le programme du FLN qui définissait les accords comme une « plateforme néo-colonialiste » à démanteler le plus vite possible. C’est seulement à la fin août qu’un exemplaire de ce « programme de Tripoli » tomba entre les mains de l’armée française et fut adressé à l’ambassade, qui en informa le gouvernement le 8 septembre.
Ainsi, quelle que soit la valeur de l’hypothèse défendue par Jean-Français Paya, elle reste une hypothèse, et malgré le soutien qui lui a été apporté par mes collègues Gilbert Meynier et Jean-Jacques Jordi, il n’est pas possible d’en tenir compte sans en avoir des preuves suffisantes. Son principal défaut est que Jean-François Paya, s’il reconnaît une "situation explosive", ne reconnaît pas un rôle directement décisif dans l’événement du 5 juillet à la violence qui s’était développée entre les quartiers européens et musulmans d’Oran durant les cinq mois précédents. Or il est invraisemblable que le massacre ait pu prendre de telles proportions démesurées sans avoir été une conséquence de ces cinq mois terribles.
2°- L’escalade des violences de l’OAS à Alger et Oran (février-juin 1962)
L’escalade de la violence à Oran le 5 juillet a suivi de quelques jours un cessez-le-feu très tardif, ayant mis fin à son action à la veille du référendum algérien du 1er juillet, après cinq mois de harcèlement ininterrompu des quartiers musulmans de la ville tenus par le FLN. L’OAS d’Alger avait cessé-le-feu quinze jours plus tôt, le 17 juin, après avoir elle aussi pratiqué la même tactique offensive dans l’intention de rendre inapplicable le cessez-le-feu ordonné le 19 mars par le gouvernement français et le GPRA en vertu des accords d’Evian. Mais il convient de rappeler les points communs et les différences entre les actions des deux principales organisations de l’OAS.
Aux yeux des Algériens mais aussi de nombreux militants de la gauche française, l’OAS reste une organisation fasciste, ennemie de la France démocratique autant que de l’Algérie. Et pourtant, la lecture des discours de ses chefs et de ses tracts prouve que sa propagande se référait surtout à l’exemple de la Résistance française contre l’occupant allemand, et même à celui de l’homme du 18 juin 1940 [11]. On peut également citer des références à la résistance victorieuse du nouvel Etat d’Israël contre les Etats de la Ligue arabe depuis 1948, et à la résistance désespérée des insurgés hongrois de Budapest contre la répression soviétique en 1956.
En tout cas, ces exemples de résistances ne tenaient pas lieu d’une analyse politique et d’une stratégie permettant d’espérer une victoire. Etant donné le rapport global des forces, on ne voit pas comment l’OAS aurait pu espérer vaincre à la fois l’Etat français et le FLN algérien, à moins de réussir à les opposer. Le seul moyen rationnel était de provoquer la rupture du cessez-le-feu par le FLN afin d’obliger l’armée française à intervenir pour protéger les populations civiles menacées par lui, et ce plan fut mis en œuvre dès que l’OAS fut informée de l’aboutissement de la conférence secrète des Rousses entre les émissaires du gouvernement français et ceux du GPRA le 18 février 1962. Ce calcul fut assumé par le chef des commandos de l’OAS d’Alger, Jean-Claude Pérez, partisan d’une escalade illimitée de la violence pour mettre en échec le prochain cessez-le-feu, et qui allait bien au-delà de l’instruction générale n° 29 édictée par le général Salan le 23 février 1962. Aussitôt après cette date, la plupart des chefs militaires de l’OAS d’Alger voulurent condamner la première vague d’attentats terroristes ayant visé des musulmans dans les quartiers européens, et démentir « avoir déclenché la moindre ratonnade à Alger ou à Oran », parce que l’OAS « respecte et défend les musulmans comme les Européens » et « ne se livre pas au terrorisme aveugle comme le FLN » [12] ; mais le chef civil des groupes armés, Jean-Claude Pérez, revendiqua hautement ses ordres le 3 mars 1962.
D’après lui, « le but de la manœuvre est en voie d’être atteint », à savoir : « mise en œuvre prématurée par les forces de l’ordre de leur plan de quadrillage, riposte FLN aux dépens des FSE (Français de souche européenne) et des FO (forces de l’ordre), clashs sanglants quotidiens entre FO et FLN, ’grincements’ dans les actuelles négociations par de nouvelles exigences du GPRA compte tenu de l’action terroriste de l’OAS, suppression de l’argument officiel ‘le cessez-le-feu, c’est la paix’ et son remplacement par cette autre vérité qui fait peur au gouvernement (et à vous-mêmes à ce qu’il me semble), ‘le cessez-le-feu, c’est le bain de sang’ ». Il exposait ainsi très clairement une véritable stratégie de provocation, et concluait en défiant les chefs militaires de l’OAS : « C’est une chose que de faire la guerre révolutionnaire quand on est du côté des forces de l’ordre légales avec de gros moyens et une autre que de la faire en position de rébellion et de faiblesse de moyens momentanée. Sans remonter très loin, le FLN est un exemple suffisant » [13]. Ainsi, le FLN était reconnu comme un modèle à suivre, et les chefs militaires de l’OAS d’Alger, qui n’allaient pas tarder à se diviser, durent accepter cette stratégie extrémiste. Elle ne put pourtant pas donner la victoire à l’OAS, et elle identifia sa mémoire en Algérie et en France à celle de ses victimes, symbolisées par le nom de Mouloud Feraoun [14], écrivain et témoin de la guerre d’Algérie, assassiné le 15 mars 1962 avec ses compagnons des Centres sociaux. La stratégie offensive et provocatrice de l’OAS d’Alger fut brisée par les forces de l’ordre le 23 mars 1962 à Bab-el-Oued et le 26 mars dans la rue d’Isly au centre d’Alger, mais elle continua sans faiblir contre la population musulmane jusqu’à ce que le conseiller politique du général Salan (arrêté le 20 avril), Jean-Jacques Susini, entame des négociations secrètes avec le chef de l’Exécutif provisoire Abderrahmane Farès puis avec le chef des représentants du FLN dans cet Exécutif, Chawki Mostefaï.
Quant à l’OAS d’Oran, qui était beaucoup plus unie que celle d’Alger sous le commandement du général oranais Edmond Jouhaud, elle persistait à faire appel au soutien des musulmans contre le FLN, et elle attendait du général Salan la définition d’une stratégie efficace. Celle de Jean-Claude Pérez n’y était pas reconnue, et l’idée même d’une stratégie de provocation a été très fermement démentie par les Mémoires de Claude Micheletti [15], fils du principal dirigeant civil de l’OAS d’Oran Charles Micheletti. On peut lire dans ses textes rassemblés par son ancien militant Guy Pujante [16], à la date du 14 février 1962, celui d’une émission de radio diffusée le 14 février sur les ondes de la télévision, dans laquelle un « Français musulmans » s’adressait à, ses coreligionnaires : « Ce matin, avec de nombreux camarades musulmans, combattant comme moi dans l’OAS, nous avons porté la guerre chez les fellaghas de la Ville Nouvelle, de Carteaux, Chollet, Médioni. Vous avez pu entendre une quarantaine d’explosions qui ont semé la terreur chez nos ennemis. TOUTES NOS ATTAQUES N’ONT VISE QUE DES MEMBRES DU FLN. Mais ce que je veux vous dire maintenant, c’est de ne plus suivre les consignes du FLN qui veut vous faire mourir de faim en vous empêchant d’aller travailler. Je vous le demande, nos frères européens de l’OAS vous le demandent aussi, REPRENEZ VOTRE TRAVAIL. Ceux qui ne sont pas fellaghas seront protégés par l’OAS. Vous ne courrez aucun risque, car l’OAS TUERA CEUX QUI VEULENT VOUS FAIRE DU MAL [17] ». Et le même jour le général Jouhaud, chef de l’OAS d’Oran, adressa ses félicitations « à ces commandos composés uniquement d’anciens combattants des campagnes de Tunisie, d’Italie et de France, d’Indochine et d’Algérie », confirma aux musulmans que « seuls les membres du FLN ont été visés », leur assura qu’ils seraient « protégés par les commandos européens et musulmans de l’OAS » et pourraient donc reprendre le travail qu’ils auraient éventuellement quitté, et que « les provocateurs gaullistes, communistes ou gouvernementaux qui se livreraient à des violences contre des musulmans ne figurant pas sur les listes d’objectifs OAS seraient impitoyablement châtiés » [18].
Puis le 1er mars à Mers-el-Kébir, une femme française et ses deux enfants ayant été massacrés , l’OAS avait d’abord réagi en diffusant un message annonçant que « de justes représailles ont été exercées contre les sympathisants du FLN habitant la commune », et ordonnant d’ « évacuer les familles européennes en danger dans les quartiers excentriques » pour les « recaser dans les logements musulmans qui ont été saccagés » ; puis un appel demandant à la population de garder son sang-froid [19]. Mais le 7 mars, elle changea de ton en diffusant sur les ondes de la radio et de la télévision une émission en langue arabe adressée aux musulmans, rendant hommage à « 2.000 de nos frères musulmans, portant fièrement le drapeau tricolore », qui avaient « défilé dans les rues de Mers-el-Kébir, ce matin, aux cris de « Vive l’Algérie française », et invitait tous les autres musulmans à les suivre en refusant la dictature du FLN.
Et pourtant, les textes de l’OAS d’Oran ne cachent pas que cette organisation a pratiqué, après avoir commis un sanglant attentat à la voiture piégée contre le FLN le 28 février 1962 dans le quartier de Ville Nouvelle, un harcèlement systématique des quartiers musulmans d’Oran tenus par celui-ci au moyen de mortiers fabriqués pour cet usage à partir du 1er mars. Même si l’OAS visait autant que possible les lieux de réunion du FLN et non la population civile, on ne peut nier que cette population algérienne ait subi de lourdes pertes [20]. Et c’est pourquoi il n’est pas possible d’entériner ce qu’a écrit dans ses souvenirs un ancien membre des commandos de l’OAS d’Oran sous le pseudonyme de Henri Martinez : « L’OAS rendra aux principaux quartiers pieds-noirs une sécurité réelle. Ce simple mot sécurité signifie qu’environ 1.500 Oranais ne sont pas morts, par la simple existence des Deltas et de leur détermination face au FLN. Mille cinq cents vies épargnées par la crainte salutaire que nous inspirons aux tueurs, devenus soudain moins acharnés quand ils se mirent à rencontrer autre chose que des victimes faciles... » [21] . Cet auteur, qui a quitté Oran le soir du 4 juillet 1962, a-t-il pu oublier que la tragique histoire de sa ville n’était pas terminée à cette date ? En réalité, l’OAS d’Oran, dont les chefs restaient nostalgiques de la fraternisation franco-musulmane de mai 1958, s’était enfermée dans une impasse en provoquant de futures vengeances du FLN.
Ce qui nous conduit à rechercher aussi les responsabilités du FLN, que certains auteurs préfèrent aujourd’hui encore passer sous silence, comme Malika Rahal dans son livre récent : Algérie 1962. Une histoire populaire [22], où elle évoque le 5 juillet d’Oran sans rappeler ce que fut le rôle du FLN dans l’escalade de la violence en 1961-1962.
3°- Les responsabilités du FLN
Pour prendre connaissance des responsabilités du FLN dans le déchaînement de la violence à Alger et à Oran, continuons à remonter le temps.
Premier constat : à partir du 17 avril 1962, c’est-à-dire quelques jours après la ratification des accords d’Evian en France métropolitaine par le référendum du 8 avril, et après l’installation à Rocher Noir de l’Exécutif provisoire franco-algérien, les organisations du FLN déclenchèrent dans les régions à fort peuplement européen une série d’enlèvements de civils français, souvent suivis de sévices ou d’assassinats, que Jean Monneret a qualifié dans sa thèse de « terrorisme silencieux », afin de lutter contre l’OAS sans rompre ouvertement le cessez-le-feu du 19 mars. Dans sa thèse intitulée La phase finale de la guerre d’Algérie, publiée par L’Harmattan en 2000, il a établi que le nombre de ces enlèvements s’était subitement élevé à partir du 17 avril 1962, et cela dans l’ensemble des régions où ils se concentraient pour l’essentiel, à savoir Alger et l’Algérois, mais aussi Oran et l’Oranie. A partir de ces faits incontestables, il conclut que cette unité d’action visait l’ensemble des points forts de l’OAS, qui étaient les régions où la population européenne était la plus importante, et ne pouvait résulter que d’une décision prise par le GPRA pour ne pas laisser au seul gouvernement français la mission de détruire ladite OAS. Mais il montra également que l’essentiel des victimes d’enlèvements, capturées à la limite des quartiers européens et musulmans des plus grandes villes, ou le long des routes, ou dans les campagnes colonisées, étaient de simples civils et non pas des « tueurs » de l’OAS, puisque que ceux-ci étaient armés et agissaient en groupes armés capables de se défendre. Ainsi, cette forme de lutte discrète ne pouvait que dégénérer plus ou moins rapidement en une sorte de banditisme incontrôlé, et elle fut la cause principale de la fuite massive de la population française d’Algérie vers la métropole ou vers d’autres pays, ruinant le fragile édifice des accords d’Evian, que les responsables du GPRA l’aient voulu ou non [23].
Sa thèse permet aussi de faire des comparaisons instructives entre le déroulement des événements à Alger et à Oran. A Alger, la Zone autonome, reprise en main par un envoyé du GPRA, Si Azzedine, franchit une étape supplémentaire en déclenchant une offensive terroriste visant l’OAS et la population européenne le 14 mai, rompant ainsi ouvertement le cessez-le-feu, accompagnée de l’exécution des otages enlevés auparavant. Le général de Gaulle finit par s’en émouvoir. Le 23 mai, dans les décisions du Comité des affaires algériennes, signées de sa main, on peut lire : « Le Haut-Commissaire interviendra afin que l’Exécutif Provisoire obtienne qu’il soit mis fin aux enlèvements et aux meurtres d’Européens actuellement perpétrés à Alger. Il appartient, en fait, à M. Farès de faire en sorte que Si Azzedine cesse son action dans ce domaine ou soit appréhendé » [24]. En réalité, Si Azzedine obtint ce qu’il voulait : l’installation d’« Auxiliaires temporaires occasionnels » (ATO) algériens choisis par la Zone autonome dans les quartiers européens d’Alger, et l’expulsion de policiers et de militaires français hostiles à sa cause [25] ; mais le gouvernement français n’obtint pas un désaveu clair et net des enlèvements de la part du GPRA, malgré deux entretiens entre Louis Joxe et Saad Dahlab les 11 mai et 14 juin [26]. Au contraire à Oran, le général Katz réussit à éviter que la Zone autonome d’Oran suive la même voie le 15 mai ; il obtint même, le 6 juin, un appel de la Zone Autonome d’Oran annonçant la création d’une commissionderéconciliation et désavouant clairement les violationsducessez-le-feu commises par une partie de sestroupes [27].
Le bilan des enlèvements à Alger et à Oran ne fut pas non plus égal, puisque selon un autre livre de Jean Monneret, La Tragédie dissimulée, Oran, 5 juillet 1962, Paris, Michalon, 2006, même si la vague d’enlèvements massifs a commencé à Oran comme à Alger le 17 avril 1962, « très vraisemblablement parce qu’un mot d’ordre de la direction centrale à Tunis fut lancé en ce sens », leur nombre atteignit 74 jusqu’au début juillet (en Oranie), ce qui était relativement peu par rapport aux 436 cas enregistrés dans la zone algéroise. Déséquilibre qui s’inversa soudainement le 5 juillet à Oran, quand les enlèvements et les massacres d’Européens firent, selon Jean-Jacques Jordi, un chiffre de 353 personnes disparues et 326 personnes décédées - dont les décès ont été constatés - [soit 679 personnes] du 26 juin au 10 juillet 1962 sur le grand Oran soit, à quelques unités près, l’évaluation de Jean-Marie Huille [en 1963]. Nous pouvons donc affirmer, et en tenant compte des cas dits incertains, que les journées tragiques d’Oran ont fait quelque 700 morts européens (décédés et disparus) auxquels il faut ajouter une centaine de morts musulmans. » Ces bilans régionaux s’inscrivent dans le bilan général reconnu par le secrétaire d’Etat aux rapatriés Jean de Broglie devant le Sénat en 1964 : sur les 3018 Français enlevés entre le 19 mars et le 31 décembre 1962, 1245 auraient été retrouvées, laissant 1773 disparus dont 1165 décès certains ».
Deuxième constat : si cette offensive du FLN avait attendu pour se déclencher que les autorités françaises se soient chargées de briser l’offensive de l’OAS et que les accords d’Evian aient été ratifiés par les électeurs français de France, son origine paraît néanmoins antérieure. En effet, le GPRA avait pris des décisions pour renforcer sa lutte contre l’OAS dès le début de l’année 1962, dans une réunion spéciale à Mohammedia (Maroc) qui fut annoncée ainsi dans El Moudjahid (n° 89, 16 janvier 1962 ) : « Le GPRA, à l’issue de sa dernière réunion et dans le cadre du renforcement des moyens de lutte du peuple algérien et de l’ALN, ‘a pris des décisions et arrêté des mesures en vue de briser l’action des groupes colonialistes et fascistes qui essaient d’entraîner les Européens d’Algérie dans la voie d’une aventure qui risque de mettre en cause leur avenir en Algérie et leurs intérêts légitimes’. L’application de ces mesures ne saurait tarder à briser les groupes colonialistes et fascistes et à déjouer les manoeuvres machiavéliques du gouvernement français ».
Mais elles sont restées inconnues, à l’exception de l’envoi clandestin d’une nouvelle direction de la Zone autonome d’Alger arrivée par avion via Paris le 26 janvier 1962. Cette nouvelle ZAA fut proclamée officiellement le 1er avril 1962 par son chef Si Azzedine [28]. D’autre part, une Zone autonome d’Oran est apparue semble-t-il au même moment, sous le commandement du capitaine Bakhti (Djelloul Nemmiche), militant nationaliste originaire d’Oran et frère du surveillant général du Lycée Ardaillon. On peut supposer qu’il avait été nommé par le GPRA, mais avec l’accord du colonel de la wilaya V Si Othmane puisque celui-ci avait dû accepter le détachement de cette zone. Si Bakhti était connu et apprécié par l’ancien président du GPRA Ferhat Abbas, mais on ne sait pas quelle était son autorité réelle sur les chefs des quartiers d’Oran, qui étaient divisés entre deux principaux leaders : Si Abdelhamid et Si Abdelbaki, dont le premier avait pris parti pour le GPRA et contre la wilaya V [29], et qui avait parmi ses subordonnés Attou Mouedden, très actif dans les enlèvements d’Européens depuis leur début. Il semble établi que le 5 juillet, Si Bakhti avait choisi de s’appuyer sur la wilaya V pour rétablir l’ordre, et qu’il a rendu responsable des enlèvements et des massacres le groupe d’Attou, réduit par la force entre le 8 et le 10 juillet.
Comme on le voit, les décisions prises par le GPRA et autres instances du FLN-ALN durant ces mois terribles de 1962 restent encore largement hypothétiques à cause de l’insuffisance des documents publiés jusqu’à aujourd’hui.
Troisième constat : le FLN, après deux ans d’accalmie due à l’efficacité de la répression française, avait pratiqué un terrorisme visant systématiquement la population civile européenne depuis le début de l’année 1961 et jusqu’en mars 1962, comme le prouve pour Oran la liste détaillée des « Actions héroïques des Fidayin de la ville d’Oran (1er janvier 1961-10 mars 1962) », publiée dans le livre de l’ancien moudjahid Mohammed Benaboura, OAS-Oran dans la tourmente, 1961-1962, sans la moindre trace d’autocritique. Ainsi, l’escalade du terrorisme avait commencé en 1961 par le fait du FLN avant d’être accélérée à partir de février 1962 par celui de l’OAS.
En fait, le terrorisme du FLN avait commencé à se manifester dès 1956 à Oran comme à Alger, mais c’est à Alger qu’il avait été le plus violent, à partir des premières exécutions de condamnés à mort en juin 1956, et au moyen d’attentats à la bombe à partir du 30 septembre. Puis, à partir de janvier 1957, le déclenchement de la « bataille d’Alger » par les parachutistes du général Massu démantela les réseaux de la Zone autonome d’Alger malgré quelques reprises du terrorisme entre janvier et octobre 1957. En Oranie, c’est seulement à partir de mai 1956 qu’une première offensive terroriste avait frappé les colons de l’arrondissement de Aïn Temouchent. Dans la ville d’Oran, où le responsable nommé par Ben M’hidi, Hadj Benalla, fut arrêté le 16 novembre 1956, le terrorisme se manifesta d’une manière presque continue de septembre 1956 à septembre 1958, et selon un témoin algérien, le chef de l’organisation ALN Abdelwahab et son adjoint Moulay étaient « à l’origine de plusieurs attentats perpétrés à la grenade en septembre 1956 à Oran, ainsi que de l’exécution d’une quinzaine de personnes par les hommes de ses groupes auxquels il avait donné l’ordre d’abattre tout Européen se trouvant à leur portée » [30]. Le plus grand nombre de morts fut atteint en janvier 1957 (33), mais après une diminution en 1957 et dans le premier semestre de 1958, le mois d’août fut marqué par une remontée soudaine (22 morts). Suivirent presque deux années de calme à peu près parfait, de novembre 1958 à juillet 1960 [31].
Mais c’est à partir des manifestations populaires de décembre 1960, qui agitèrent principalement Oran le 10 puis Alger le 11, que le terrorisme du FLN se reconstitua et se manifesta de nouveau avec continuité. A Alger, selon les archives du préfet de police d’Alger, Vitalis Cros, citées par le général Faivre, la trêve unilatérale ordonnée par la France le 20 mai 1961 n’a été suivie par aucune diminution des nombres des attentats FLN et de leurs victimes, bien au contraire. Dans le secteur Alger-Sahel, le nombre des attentats FLN a suivi en 1961 une courbe ascendante rappelant étonnamment celle de l’année 1956, mais l’a très largement dépassée dans les trois premiers mois de 1962. Cependant le nombre d’attentats OAS, qui restait largement en retrait jusqu’en novembre 1961, a égalé ceux du FLN à partir de janvier 1962 (153 attentats répertoriés de chaque côté), et l’a très largement dépassé à partir de mars 1962 (273 attentats FLN, 377 de l’OAS) [32].
De même à partir de janvier 1961, Oran s’enfonça dans une violence de plus en plus continue : les groupes du FLN s’efforcèrent de provoquer, par des attentats visant les civils européens, un cycle infernal de représailles, spontanées ou prises en charge par la nouvelle organisation contre-terroriste de l’OAS. Dès le 1er mars 1961, à la suite d’émeutes déclenchées par le FLN, deux femmes européennes furent brûlées vives dans une voiture avec un homme qui décéda quelques jours plus tard, et cet acte barbare déclencha des représailles aveugles. De même durant tout l’été et l’automne, des attentats particulièrement choquants [33] provoquèrent des réactions de violence indiscriminées que l’OAS - commandée depuis septembre par le général Jouhaud - désavoua en l’attribuant à des provocateurs communistes [34]. L’OAS s’en prenait aussi à ceux des Européens qu’elle considérait comme des « traîtres », communistes ou gaulliste. Mais pourtant, le terrorisme du FLN resta plus important par son nombre de victimes que celui de l’OAS jusqu’en janvier 1962.
En effet, les attentats du FLN se sont manifestés continument depuis le mois de janvier 1961, et leur nombre a fortement augmenté à partir de mai puis d’octobre. En 1961, sur un total de 2.044 attentats, 630 sont attribués au FLN, et 1.414 aux activistes de l’OAS, mais les premiers ont été beaucoup plus dangereux que les seconds (principalement des explosions de plastic). En effet, les attentats FLN ont fait en 1961 607 victimes, morts ou blessés (soit 383 Européens et 224 musulmans), et ceux de l’OAS 250 (soit 127 Européens et 123 musulmans). L’OAS a dépassé le FLN par le nombre de ses attentats à partir de mai 1961, mais le nombre des victimes de ces attentats n’a commencé à se rapprocher de celui des victimes dues au FLN qu’à partir d’octobre 1961. En janvier 1962, le nombre de victimes du terrorisme FLN (264, dont 155 Européens et 109 musulmans) est encore plus important que celui de l’OAS (155, dont 13 Européens et 142 musulmans), et c’est seulement à partir de février 1962 que ce dernier est devenu le plus important (382 victimes de l’OAS en février, dont 36 Européens et 346 musulmans, contre 201 victimes du FLN, dont 157 Européens et 44 musulmans) [35].
C’est donc seulement à partir de février - quand l’annonce du résultat positif de la conférence des Rousses entre les représentants du gouvernement français et ceux du GPRA le 18 février fit prévoir un prochain cessez-le feu entre les deux parties - que le rapport entre ces deux courbes s’inversa [36].
C’est pourquoi la désignation de l’OAS comme la seule responsable de la perpétuation de la violence et de l’échec du cessez-le feu du 19 mars n’est pas acceptable. Comme l’a bien dit Fouad Soufi, Oran a connu une « guerre de trois » opposant le FLN, l’OAS et les forces de l’ordre françaises jusqu’à la veille du 19 mars 1962. Et il faut rappeler sur ce point ce qu’a écrit dans ses Mémoires le conseiller du général de Gaulle Bernard Tricot : « Il ne faut pas parler seulement de l’OAS ! Le FLN a aussi commis et continué à commettre pendant toute la durée des négociations un nombre de crimes effroyable ! Sans cesse pendant que nous discutions de garanties, nous apprenions qu’un colon, qu’une famille venaient d’être massacrés : cela n’était guère encourageant pour l’avenir. Nous avons fait des efforts sincères pour réaliser une trêve : jamais nous n’avons eu la moindre contrepartie. Un jour que Joxe en avait demandé, Krim répondit : ‘C’est impossible, mais vous verrez, si la négociation avance, cela se fera tout seul, les crimes s’atténueront’. Ils ne se sont pas ‘atténués’, et ce fut très mauvais non seulement pour la négociation, mais aussi pour la manière dont les Européens pouvaient se représenter l’avenir » [37].
Entre la volonté de rassurer les Européens en leur promettant qu’ils auraient leur juste place dans l’Algérie indépendante, exprimée dans la première proclamation du FLN le 31 octobre 1954, et la sombre réalité des massacres de civils commis dans le Nord-Constantinois dès le 20 août 1955, les chefs du FLN-ALN n’ont pas su faire un choix clair. Mais en fin de compte les Français d’Algérie ont conclu de leur tragique expérience qu’ils n’auraient plus leur place dans l’Algérie nouvelle en dépit des promesses d’Evian.
Guy Pervillé
Programme du colloque, au siège de la MAFA et en distanciel :
9h30 à 9h45 : Ouverture par Colette Ducos-Ader et Jean-Félix Vallat. Georges-Marc Benamou animateur du colloque.
1ère Partie : Recherches et connaissances
9h45 - 10h 10 : Guy Pervillé, Professeur émérite d’histoire contemporaine : - Oran, 5 juillet 1962 : une approche « inversée ».
10h10 - 10h35 : Jean-Jacques Jordi, docteur en histoire :
Etat des recherches sur les disparus civils européens et Archives
10h35 -11h00 : Général Henry-Jean Fournier : - Le non-respect des Accords d’Evian : l’article 11 et les militaires portés disparus.
11h00 - 11h 25 : Jean Sevillia, journaliste et historien :
La disproportion du traitement médiatique des Disparus de la guerre d’Algérie.
11h25 12h 15 : changes avec la salle par Georges-Marc Benamou.
2ème Partie : Témoignages et projets :
13h45 - 14h45 : table ronde animée par Jean Monneret et Jean-Jacques Jordi avec des témoins.
14h45 - 15h10 : Marion Trousselard, Professeur agrégé de médecine, Institut de recherches biomédicales des armées :
Stress post-traumatique, deuil et non-deuil.
15h10 - 15h35 : présentation du projet : Graines de mémoire par Paul Malmassari, Directeur de la Fondation pour l’histoire et la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie, et par Colette Ducos-Ader.
15h35 - 16h00 : Olivier Dard, Professeur d’histoire contemporaine, Paris-Sorbonne IV : - La question des disparus dans la mémoire de la guerre d’Algérie.
16h00 - 16h40 : Echanges avec la salle. Animation Georges-Marc Benamou.
16h40 - 17h00 : Synthèse des travaux : Jacques Frémeaux, Professeur émérite Paris-Sorbonne IV.
17h00 : Georges-Marc Benamou : fin du colloque.
Les actes complets et définitifs ont été réalisés sur papier en 104 pages illustrées par Alain Perrot, le 25 avril 2022.
[1] L’Agonie d’Oran, t. III, pp. 157-161.
[2] Message reçu par Jean François Paya en 2009 de Cheikh Benzaoui, reproduit dans le dossier du 5 juillet 1962 d’Oran publié sur le site Calamaéo : http://www.calameo.com/books/0002846255ab594028a60 (pp 19-20).
[3] Fouad Soufi, dans sa contribution au colloque La Guerre d’Algérie dans la mémoire et l’imaginaire, réuni à Paris du 14 au 16 novembre 2002, La Guerre d’Algérie dans le mémoire et l’imaginaire, A. Dayan-Rosenman, L. Valensi (sd.), Saint-Denis, Bouchène, 2004, pp. 133-147 ( p 145).
[4] De Gaulle en son siècle, t. 6, Liberté et dignité des peuples, Paris, Plon, La documentation française et Institut Charles de Gaulle, 1992, pp. 226-229.
[5] E. Kocher-Marboeuf, Le Patricien et le Général. Jean-Marcel Jeanneney et Charles de Gaulle, 1958-1969. Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003, t. 1, pp. 487-509.
[6] Maurice Faivre, Les Archives inédites de la politique algérienne, 1958-1962, Paris, L’Harmattan, 2000, pp 300-301.
[7] Selon un témoignage du général Katz rapporté par le colonel Robert Fourcade : « Le 5 juillet 1962, j’ai été mis au courant des exactions dont étaient victimes un grand nombre de citoyens français à Oran. J’ai téléphoné personnellement au général de Gaulle pour lui rendre compte de ces assassinats, et pour lui demander si je pouvais faire intervenir les troupes placées sous mon commandement afin de rétablir l’ordre dans la ville. Le chef de l’Etat m’a répondu simplement : “Surtout, ne bougez pas !”. Et, une fois de plus, j’ai obéi ». L’Agonie d’Oran, t. 2, p.49.
[8] Note 3 p 312 du général Jouhaud dans son livre Ce que je n’ai pas dit (1977) : « Je commets probablement une erreur en disant que Katz a pris vers 17 heures l’initiative de faire intervenir l’armée. Si j’en crois l’éditorialiste de L’Echo de l’Oranie de juillet 1976, l’ordre de faire cesser le feu fut donné par Paris, message capté à la poste centrale vers 16 h 30. » Rappelons que le premier coup de feu avait été tiré à 11 h du matin.
[9] Jean-Jacques Jordi, Un Silence d’Etat. Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, Paris, SOTECA, 2011, 200 p (pp 48-49 et 73-74).
[10] Ibid., pp 320-321.
[11] Voir OAS parle, Julliard, collection archives, 1964, et les appels de l’OAS d’Oran cités plus loin.
[12] Colonel Vaudrey, chef du secteur du Grand-Alger, cité par Olivier Dard, Voyage au cœur de l’OAS, Paris, Perrin, 2005, et collection Tempus, 2011, p. 219.
[13] Ibid., pp. 219-220.
[14] Mouloud Feraoun (1913-1962), ami d’Albert Camus, a laissé son Journal 1955-1962, publié par les éditions du Seuil quelques jours après son assassinat. Sa mort injuste a laissé une tache indélébile, comme celle de Federico Garcia Lorca tué par les franquistes en Espagne en 1936.
[15] Claude Micheletti, Fors l’honneur.La guérilla OAS à Oran en 1961/1962. Editions Curutchet, 2002, et Jean-Louis Pons, 2003. p. 118
[16] OAS Zone III (Oran), messages, directives et commentaires, réunis en 2004 par Guy Pujante.
[17] OAS Zone III (Oran), T/568.
[18] Ibid., T/569.
[19] Deux « appels à la population de Mers-el-Kébir » non numérotés et non datés mais insérés dans le recueil cité de Guy Pujante (date du 1er mars 1962 rajoutée à la main).
[20] 859 victimes algériennes à Oran durant le premier semestre 1962 selon l’ancien maire d’Oran, Fouad Benkada. 1.500 morts et plus de 2.000 blessés selon le général Katz.
[21] Henri Martinez, Et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine, Oran 1962, Paris, Robert Laffont, 1982 ; cité par Edmond Jouhaud, Serons-nous enfin compris ? Paris, Albin Michel, 1983, pp. 139-140.
[22] Paris, La Découverte, 2022 (voir mes deux réponses sur mon site : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=485, et http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=487 ).
[23] Monneret, op. cit, pp. 118-149.
[24] Faivre (Maurice), Les archives inédites de la politique algérienne, 1958-1962, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 294.
[25] Monneret, op. cit., pp. 175-177.
[26] Chantal Morelle, Louis Joxe, diplomate dans l’âme, Bruxelles, André Versaille, 2010, pp. 798 et 804.
[27] Op. cit., pp. 206-221.
[28] Selon la thèse d’Amar Mohand Amer, La crise du Front de Libération nationale de l’été 1962, indépendance et enjeux de pouvoir, soutenue à Paris VII le 14 avril 2010, le colonel Sadek, arrivé peu après Azzedine pour réorganiser la wilaya IV, avait réorganisé cette wilaya sans refaire d’Alger une zone autonome le 3 avril, mais Azzedine avait aussitôt obtenu du GPRA sa confirmation à la tête de la nouvelle ZAA. En réponse, la direction de la wilaya IV avait destitué le colonnel Sadek le 12 avril (thèse Amar Mohand Amer, pp 90-91).
[29] Selon Emmanuel Alcaraz, Histoire de l’Algérie et de ses mémoires, des origines au Hirak, Paris, Karthala, 2021, pp 160-161.
[30] Tami Medjbeur, Face au mur, ou Le journal d’un condamné à mort (SNED 1981, 298 p, p 90.
[31] Voir les graphiques « Attentats terroristes Oran-ville, 1957-1958 », et « Attentats FLN dans le secteur d’Oran », années 1958 à 1961, SHAT 1 H 3130/d 1, chemise orange : Statistiques et graphiques 1960-1962, sous-chemise jaune sable.
[32] Document du 2ème bureau (tableau statistique et courbe), archives Vitalis Cros, consultées par Maurice Faivre. Le tableau comporte aussi une colonne pour les cas indéterminés, qui prend également de l’importance en 1962 (16 en janvier, 31 en février, 54 en mars).
[33] Exemple cité par Jean Monneret dans sa thèse La phase finale de la guerre d’Algérie ( L’Harmattan 2001, p. 208) : "Le 11 septembre 1961, un coiffeur juif, Monsieur Henri C., qui se rendait à la synagogue, fut tué par un Musulman alors qu’il avait un bébé de 9 mois dans les bras et que sa fillette de 4 ans lui donnait la main. Cet attentat eut d’énormes conséquences sur la transformation des esprits au sein de la communauté juive".
[34] Voir les nombreux tracts signés du général Jouhaud, condamnant les réactions de violence aveugle contre la population musulmane, dans OAS Zone III (Oran), messages, directives et commentaires diffusés par voie de tract et émissions pirates de radio et télévision, reproduits par Guy Pujante en 2004.
[35] « Le terrorisme sous toutes ses formes dans l’arrondissement d’Oran durant l’année 1961 », archives du SHAT (Vincennes), corps d’armée d’Oran, 1 H 3130 / D1. Cf la liste détaillée des « actions héroïques des Fidayin de la ville d’Oran (1er janvier 1961 au 10 mars 1962) dans le livre de Mohamed Benaboura, OAS-Oran dans la tourmente (1961-1962), Oran, Editions El Gharb, 2005, pp. 44-107.
[36] Voir SHAT, 1 H 3130/D 1 : entre janvier et février 1962, les victimes du terrorisme à Oran passent de 264 (164 européens et 109 musulmans) à 201 (157 et 44), celles du contre-terrorisme de 155 (13 et 142) à 382 (36 et 346).
[37] Bernard Tricot, Mémoires, Paris, Quai Voltaire, 1994, pp. 154-155.