Ancien directeur de l’Ecole normale de garçons d’Evreux, Serge Jouin a rassemblé des témoignages et des documents sur le plus célèbre des anciens élèves de celle-ci : Max Marchand (promotion 1927-1930), instituteur qui devint inspecteur d’académie, docteur ès-lettres, chef du Service des Centre sociaux d’Algérie, et périt assassiné le 15 mars 1962 par l’OAS avec cinq de ses collègues français et musulmans (Robert Aimard, Marcel Basset, Ali Hammoutene, Salah Ould Aoudia et Mouloud Feraoun).

Le recueil évoque fort bien sa jeunesse dans une famille modeste, ses brillantes études, ses débuts professionnels dans l’Eure, ses poèmes de captivité (1940-1945), ses travaux de critique littéraire sur la vie et l’œuvre d’André Gide, ses publications pédagogiques d’histoire et de géographie de l’Algérie adaptées aux particularités de ce pays. Mais le dernier chapitre, essai trop général sur les causes de la guerre d’Algérie et de son enchaînement de violences, n’explique pas assez clairement « la mort atroce et imbécile » de cet homme de bonne volonté, faute de retracer avec précision sa carrière et ses prises de position entre 1954 et 1962. L’abondance des citations de divers auteurs fait regretter la rareté de celles de Max Marchand (pp. 47 et 79), qui méritaient d’être mieux mises en valeur. Elles nous apprennent que celui-ci, homme de gauche connu depuis 1954 pour ses dénonciations du régime colonial, blessé en mai 1958 pour s’être opposé au sac du centre culturel américain d’Alger, menacé de mort dès juin 1961 et rescapé d’un premier attentat en octobre 1961, est resté jusqu’au bout à son poste en se sachant condamné. Pour en savoir plus, il faut se reporter au Journal de Mouloud Feraoun (le Seuil, 1962) et aux Réflexions sur la guerre d’Algérie (Alger, SNED, 1982) d’Ali Hammountene.

Guy Pervillé