Historiens et géographes n° 350 (1995)

mardi 8 juillet 2008.
 
Ce compte-rendu de l’ouvrage collectif intitulé Histoire d’Outre-Mer, Mélanges en l’honneur de Jean-Louis Miège. Publications de l’Université de Provence, Aix-en-Provence, 1992, deux tomes, 714 p., a été publié dans Historiens et Géographes n° 350, octobre 1995, pp. 509-510.

Ces deux tomes denses et riches ne sont pas seulement un exercice d’admiration et de reconnaissance rendu par ses disciples et par ses amis à l’un des plus grands maîtres de l’histoire coloniale, auteur d’une grande thèse sur Le Maroc et l’Europe au XIXème siècle et d’une impressionnante bibliographie scientifique (voir tome 1, pages 35-46), ainsi qu’au fondateur de l’Institut d’histoire des pays d’Outre-mer et à l’animateur de plusieurs institutions qui ont fait d’Aix-en-Provence l’un des grands pôles de la recherche française en ce domaine. Ils offrent aussi un échantillonnage de travaux représentatifs de la vitalité de cette école, à travers une trentaine d’articles aux sujets variés, de dimensions inégales mais également approfondis et dignes d’intérêt.

Il n’est pas possible de rendre compte ici de chacun, ni utile de les mentionner tous. Sans prétendre à un palmarès qui serait inévitablement injuste, il faut signaler l’intérêt particulier de quelques études synthétiques réunies dans la première partie intitulée « Réflexions sur l’histoire d’Outre-Mer ». Celle d’Henri L. Wesseling sur « Les guerres coloniales et la paix de 1871 à 1914 », esquissant une comparaison entre les méthodes britanniques, néerlandaises et françaises. Celle d’Yvan G. Paillard sur la nouvelle politique coloniale d’association dans le discours et la pratique, de 1905 à 1914. Celle de Romain Rainero sur les ambitions sahariennes de l’Italie dans la Deuxième Guerre mondiale (avec des cartes étonnantes en annexe). Celle de Charles Fourniau sur Paul Doumer et le Yunnan, politique coloniale ou politique mondiale, est une réflexion à partir d’une étude de cas, à propos d’une région qui n’est pas traitée dans les autres contributions.

En effet, le reste des deux volumes est consacré à des sujets géographiquement plus limités, répartis en trois grands ensembles régionaux : le Maghreb, l’Afrique noire, Mer rouge et Océan indien. Plusieurs de ces contributions auront pu rendre de grands services aux candidats aux agrégations d’histoire et de géographie en 1994 et 1995. Pour le Maghreb, celles de Pierre Guillen sur l’occupation d’Oujda en 1907, de Mohamed Bekraoui sur la genèse de l’émigration marocaine en France durant la Grande Guerre, d’Abderrahim Sekfali sur la question scolaire dans le département de Constantine de 1890 à 1940, de Mostefa Haddad sur l’association des Oulémas algériens. Au sud du Sahara, des réflexions d’Edmond Maestri sur « Histoire coloniale, histoire ferroviaire et histoire mythique » dans le cas de l’Afrique intertropicale française, et plusieurs études ethnologiques (de Marc Michel, sur les peuples et l’histoire de l’Afrique noire dans les manuels d’instruction militaire entre les deux guerres ; de Jean-Michel Delobeau, sur la colonisation française et les pygmées en AEF) ou sociologiques (mobilité et structures sociales dans le Moronou - région du centre-est ivoirien de 1908 à 1939 - par Simon-Pierre Ekanza). Mais les contributions les plus instructives sont celles d’Odette Guitard sur les rivalités et les ruptures dans le mouvement nationaliste de Rhodésie-Zimbabwe jusqu’à l’indépendance (1980), et celle de Jean Poirier sur la révolte de 1947 dans le pays Bezanozano du Sud-Est de Madagascar, à partir de témoignages inédits. Les amateurs de géopolitique ou de géostratégie s’intéresseront également à plusieurs études concernant l’Océan indien, comme celle de Jean Frémigacci sur la « relation impossible » entre Madagascar et l’Afrique du Sud, et l’éblouissante réflexion solidement argumentée d’Hubert Gerbeau sur « Mythe et stratégie, le Sud-Ouest de l’Océan indien du XVIIIème au XXème siècle, un espace français ».

Ce compte-rendu volontairement incomplet ne rend pas justice à toutes les contributions consacrées au XIXème siècle, ou à l’époque moderne, et notamment à celles qui concernent les Mascareignes et l’Inde. Il désire simplement inciter les lecteurs intéressés par les « Histoires d’Outre-Mer » à se reporter désormais à ces deux précieux volumes.

Guy Pervillé



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