Historiens et géographes n° 351 (1995)

mercredi 9 juillet 2008.
 
Ce compte-rendu du livre de Claude Liauzu, L’Europe et l’Afrique méditerranéenne, de Suez (1869) à nos jours, Éditions Complexe, Bruxelles, 1994, 197 p., est paru dans Historiens et Géographes n° 351, décembre 1995, pp. 438-439.

« Avoir des idées sommaires, mais claires et justes, sur la société chinoise, sur l’Inde ou sur l’Islam, importe aujourd’hui davantage à un citoyen français que de connaître avec précision l’histoire diplomatique du XVIIIème siècle ou l’histoire parlementaire de la Restauration ». Cette opinion de Marc Bloch, publiée en novembre 1921 dans le Bulletin de la société des professeurs d’histoire et de géographie, est citée par Claude Liauzu en exergue de son livre, dont il illustre à merveille le propos. Professeur à l’université de Paris VII et spécialiste des sociétés maghrébines, l’auteur a voulu situer dans leur perspective historique les relations difficiles qu’entretiennent les États et les peuples des deux rives de la Méditerranée. Ses analyses, tout en suivant un ordre chronologique dans leurs grandes lignes, exposent les problèmes et leurs facteurs (démographiques, économiques, sociaux, culturels et politiques) sans prétendre raconter exhaustivement les événements, depuis l’accélération de la pénétration européenne consécutive à l’ouverture du canal de Suez, jusqu’aux crises et tensions actuelles qui troublent les pays arabo-musulmans de la rive sud et les pays d’accueil de leur émigration au nord. Il plaide contre l’enfermement des deux civilisations en présence dans leurs spécificités, et pour la reconnaissance de leur interdépendance, tout en admettant avec réalisme que la culture méditerranéenne reste à inventer.

Ce petit livre dense et riche de réflexions est en même temps un instrument de référence très utile par ses notes, ses notices bibliographiques bien choisies, ses cartes, son glossaire, sa chronologie et son index. Travail de commande, destiné semble-t-il à couvrir une partie du programme d’histoire contemporaine des concours de 1994 et 1995, il comble une lacune de l’historiographie scientifique française sur l’espace que les géographes appelaient naguère « l’Afrique blanche », et tend à corriger le déséquilibre opposant les nombreux ouvrages concernant le Maghreb proprement dit au petit nombre traitant de l’Égypte. En somme, c’est un bon et beau livre qui continuera de rendre service aux étudiants et aux enseignants aussi longtemps que son sujet restera d’une brûlante actualité.

Guy Pervillé



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