L’Algérie de 1913 à 1931 dans la Revue de l’histoire des colonies françaises (2012)

samedi 26 janvier 2013.
 
Ce texte, rédigé en août 2012 pour le centenaire de la Société française d’histoire d’Outre-mer et de sa Revue, a été publié dans le volume publié sous la direction de Hubert Bonin, Bernard Droz et Josette Rivallain sous le titre Cent ans d’histoire des outre-mers, SFHOM, 1912-2012, en janvier 2013, pp. 473-492.

Au moment où furent créées la Société de l’histoire des colonies françaises et sa Revue, l’Algérie se trouvait à un moment décisif de son histoire coloniale. En effet, depuis le début de la pénétration militaire française au Maroc (1907), et depuis que l’Allemagne avait commencé de s’y opposer en menaçant la France d’une guerre (crises de Tanger, 1905, et d’Agadir, 1911), les gouvernements français avaient ressenti le besoin de renforcer les effectifs de l’armée française en rallongeant la durée du service militaire à trois ans (1913), mais aussi en imposant une forme de service militaire obligatoire pour les populations indigènes des colonies, qui auparavant n’y étaient pas soumises, et notamment pour l’Algérie. Avec le recul du temps, il apparaît clairement que tel était le problème le plus important de l’histoire de ce pays à la veille de la Grande Guerre.

Le service militaire obligatoire et la question du nationalisme algérien

C’est en effet ce problème de sécurité posé à la France par la menace allemande qui l’a obligée à remettre en question la situation des indigènes algériens. Jusque là, ceux-ci étaient considérés comme des sujets et non des citoyens français. En conséquence, ils pouvaient être recrutés comme engagés dans des régiments particuliers (spahis, tirailleurs), mais le service militaire obligatoire ne les concernait pas, puisqu’il était une obligation inséparable de la citoyenneté. Mais à partir du moment où la France jugeait avoir besoin de recruter des soldats "indigènes" plus nombreux que les engagés volontaires, en imposant une forme de service militaire obligatoire à la population dite indigène, elle posait elle-même la question de la contrepartie politique de cette nouvelle obligation.

Les débats politiques de l’avant-guerre et leurs prolongements

Le projet de loi, déposé par le ministre de la guerre Messimy en 1908 et finalement voté en 1912, suscita un vif débat en Algérie et en métropole. D’un côté, les partisans du projet y voyaient non seulement une mesure imposée par l’intérêt national de la France, mais aussi un moyen de commencer enfin à faire entrer les indigènes algériens dans la Cité française, puisque l’Algérie était censée être une terre française depuis 1848 ; et des diplômés musulmans algériens de culture française, connus sous le nom de “Jeunes Algériens” [1], soutenaient cette proposition. Mais à l’opposé se manifestaient deux oppositions d’inspirations contraires, quoique en partie convergentes. D’une part, des notables musulmans protestaient contre ce qui leur apparaissait comme une violation des promesses faites par la France depuis 1830, puisqu’elle voulait désormais imposer le service militaire obligatoire, considéré jusque-là comme la contrepartie légitime des droits du citoyen français, à de simples sujets. Cette opposition se manifesta surtout par un mouvement d’émigration volontaire vers les pays musulmans encore indépendants, principalement vers l’empire ottoman. L’exode de Tlemcen, qui déplaça des centaines de personnes en 1911, en fut la principale manifestation [2]. D’autre part, plusieurs observateurs crurent y voir la preuve de l’existence de ce qu’ils appelèrent “le péril de l’avenir, le nationalisme musulman”, suivant le titre du livre publié en 1913 par le journaliste de Constantine André Servier : Le péril de l’avenir, le nationalisme musulman en Égypte, en Tunisie, en Algérie, qui dénonçait dans les Jeunes Algériens de dangereux hypocrites, aspirant secrètement à l’indépendance d’un Etat musulman dont ils seraient les chefs, suivant l’exemple de leurs homologues les Jeunes Turcs (portés au pouvoir par la révolution de 1908, qui renversa le pouvoir absolu du sultan Abdulhamid), Jeunes Egyptiens et Jeunes Tunisiens. Un peu plus tard, le père Charles de Foucauld, installé en ermite au Sahara, soutenait encore dans ses lettres la même thèse : il jugeait sévèrement cette élite perdue entre deux cultures, « instruite à la française sans avoir l’esprit ni le cœur français », et ne gardant de l’Islam qu’une « étiquette » pour influencer et manipuler les masses ignorantes et fanatiques, afin de les soulever contre la France en profitant de ses difficultés pour réaliser leur ambition d’un empire africain musulman indépendant. [3]

Mais la plupart des Jeunes Algériens protestèrent de leur bonne foi, et soutinrent la proposition de service militaire obligatoire en recommandant de la faire accepter en contrepartie d’améliorations au sort des masses, et de droits politiques pour les élites. L’un d’eux, Chérif Benhabylès, avait répondu calmement aux accusations d’André Servier : “Les “rêves les plus insensés” ne trouvent un terrain favorable à leur développement que dans l’imagination moyenâgeuse du taleb demi-lettré qui, fanatisé par l’atmosphère spéciale des zaouias, s’enflamme aux récits légendaires qu’on y débite, aux poèmes guerriers que colportent les rhapsodes de carrefours ; ils ne peuvent nullement hanter l’esprit positif d’un jeune homme auquel un professeur d’histoire et de géographie a montré, avec documents à l’appui, la puissance politique et militaire de la France” [4]. Le programme “jeune algérien” de 1912 comportait notamment “une représentation sérieuse et suffisante dans les Assemblées de l’Algérie et de la métropole” [5], soit l’élargissement du corps électoral indigène, de sa représentation et de ses droits, et une représentation élue au Parlement français ou dans un conseil siégeant auprès de lui, ainsi que le droit pour les anciens conscrits d’opter par simple déclaration pour la citoyenneté française. L’idée d’une “naturalisation mixte” sans abandon du statut personnel musulman n’avait pas été adoptée, après avoir été discutée. Ainsi, le programme “Jeune Algérien” combinait deux orientations : la recherche d’une assimilation plus facile pour des individus culturellement francisés, et celle d’une association franco-musulmane censée être plus séduisante pour la masse de la population. Le seul point qui faisait l’unanimité était que l’Algérie coloniale, caractérisée par une inégalité totale entre entre une minorité de citoyens français et la masse des sujets indigènes musulmans, était condamnée à terme plus ou moins rapproché par cette réforme, et qu’il fallait donc repenser la politique algérienne de la France.

A court terme, cette querelle sur l’existence ou non d’un nationalisme algérien musulman sembla tranchée par l’absence de soulèvement important susceptible d’empêcher la mobilisation des ressources militaires et économiques de l’Algérie durant la Grande Guerre (1914-1918), malgré la participation de l’empire ottoman dirigé par les Jeunes Turcs du côté des Allemands depuis novembre 1914. C’est pourquoi le gouvernement de Clemenceau tint les promesses de la France en faisant voter la loi du 4 février 1919, qui accorda pour la première fois depuis le Second Empire des droits politiques non négligeables à de larges catégories de la population indigène musulmane (et pas seulement à ceux qui acceptaient de demander leur admission dans le collège des citoyens français à part entière, soumis au code civil). Mais celle-ci fut déçue de ne pas recevoir une représentation au Parlement français, contrairement aux citoyens français à part entière soumis à toutes les lois françaises, qui en bénéficiaient depuis 1848. Cette revendication d’une représentation parlementaire spéciale aux indigènes algériens fut reprise de 1920 à 1923 par le nouveau chef du mouvement “jeune algérien”, le capitaine Khaled, petit-fils de l’émir Abd-el-Kader. Cet officier de l’armée française, né à Damas mais éduqué à Paris aux frais de la France, fut alors accusé d’avoir profité de la conférence de la paix en 1919 pour envoyer au président américain Wilson un texte revendiquant l’indépendance de l’Algérie, mais il mit au défi ses détracteurs de prouver leurs accusations, et nul ne put le faire. Pourtant, un groupe de nationalistes tunisiens animé par les frères Ali et Mohammed Bach Hamba, réfugié en Suisse, avait profité de la Grande Guerre pour revendiquer le droit à l’indépendance d’une nation algéro-tunisienne en 1916, et tenté de remettre leur manifeste exprimant cette revendication au président Wilson [6] lors de sa visite en Italie en janvier 1919, mais les preuves de l’existence d’un tel mouvement en Algérie font défaut.

Peu à peu, la hantise d’un nationalisme musulman algérien recula, et lors des fêtes du centenaire de l’Algérie française, en 1930, le géographe algérois Emile-Félix Gautier écrivit dans sa brochure sur L’évolution de l’Algérie de 1830 à 1930, que la domination française en Algérie était “admirablement supportée”, et qu’il n’y existait aucun nationalisme, contrairement aux autres pays musulmans : “En Algérie, le parti indigène est un parti politique dans le cadre français, parfaitement loyaliste” [7]. Et pourtant, il existait depuis 1926 une organisation communiste appelée Etoile Nord-africaine, dont le représentant au Congrès anti-impérialiste de Bruxelles, Messali Hadj, avait réclamé en 1927 l’indépendance de toute l’Afrique du Nord. Celui-ci, qui fut à partir de cette date considéré à juste titre comme le premier nationaliste algérien, a laissé dans ses Mémoires inédits un précieux témoignage sur la formation du nationalisme algérien musulman à partir de sentiments anticolonialistes et religieux encore très confus durant la guerre, mais qui prirent forme durant les années 1920 sous l’influence de la propagande communiste systématisée à l’occasion de la guerre du Rif (1925-1926). C’est en prenant le contrôle de cette organisation que Messali Hadj - désavoué peu après par les communistes - prit la tête d’un véritable mouvement nationaliste algérien connu sous les noms d’Etoile Nord-Africaine jusqu’en 1937, puis de Parti du Peuple Algérien (PPA) jusqu’en 1946, et enfin de Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), d’où sortirent en 1954 le Front de Libération Nationale (FLN) et le Mouvement National Algérien (MNA), resté fidèle à sa personne [8]. En pratique, la revendication nationale devint centrale dans les débats politiques algériens à partir de l’implantation de l’Etoile Nord-Africaine en Algérie (1936 [9]) et du rassemblement de la majorité des anciens élus et des organisations politiques autour du Manifeste du peuple algérien dont Ferhat Abbas prit l’intiative en 1943 pour condamner la colonisation et réclamer le droit à l’indépendance [10].

L’apparition du nationalisme algérien vue par les historiens plus d’un demi-siècle plus tard

Beaucoup plus tard, après l’indépendance de l’Algérie, la question de la date d’apparition du nationalisme algérien musulman est devenue l’un des principaux thèmes de recherche des historiens, en France comme en Algérie. Charles-Robert Ageron a consacré la dernière partie de sa thèse de doctorat d’Etat, Les Algériens musulmans et la France, 1870-1919, soutenue en 1968, à cette Grande Guerre [11]. A partir des archives qui lui étaient accessibles, il a cherché les preuves d’une apparition précoce d’un nationalisme algérien que cherchait à exploiter la propagande germano-turque, mais il a conclu par la négative. Pourtant un historien plus jeune, Gilbert Meynier, en plaçant la même question au centre de sa propre thèse, publiée en 1981 sous le titre L’Algérie révélée, a repris l’enquête et abouti à des conclusions contraires. En effet il a trouvé trace dans les archives de drapeaux utilisés avant 1914 par des musulmans algériens : un emblème purement musulman lors d’une grève en 1910 (croissant blanc sur fond vert) ; et deux projets de drapeau franco-musulman pour les régiments indigènes joints à des pétitions en 1912 et 1914 (hampe surmontée du croissant de l’Islam ; partie supérieure rouge ou verte frappée du croissant et de l’étoile blanches comme le drapeau ottoman, partie inférieure tricolore) [12]. Mais était-ce la preuve d’un nationalisme musulman algérien, ou le symbole d’une association franco-musulmane ? Le témoignage des Mémoires de Messali Hadj, qui fut mobilisé en 1918, et démobilisé à Bordeaux en 1920, atteste que ses camarades et lui-même n’avaient pas encore une conscience nationale algérienne clairement distincte de leurs sentiments musulmans : “Nous ne nous rendions pas compte que nous étions animés de sentiments nationalistes. Dans nos conversations en France, on n’employait jamais le mot “nationalisme”. On disait seulement [...] : “L’amour de la Patrie, ou du pays, est un acte de Foi”.” (“Hobb el Ouatane mine el Imâne”) [13]. Ainsi, la cristallisation d’un nationalisme arabo-musulman faisant consciemment la synthèse des idées musulmanes traditionnelles et de l’idéologie nationaliste importée par l’enseignement français, nous paraît un phénomène postérieur à la fin de la guerre.

Pourtant un débat analogue aboutit à un résultat différent sur la question du nationalisme du capitaine Khaled, petit-fils de l’émir Abd-el-Kader. Charles-Robert Ageron avait posé la question : « L’émir Khaled, petit-fils d’Abd-el-Kader, fut-il le premier nationaliste algérien ? », dans un article publié en 1966, et conclu par la négative, en se fondant sur ses revendications publiques d’une représentation parlementaire à Paris [14]. Il fut contredit par l’historien algérien Mahfoud Kaddache, dans sa grande thèse Histoire du nationalisme algérien, 1919-1951, publiée à Alger en 1981 [15], et par Gilbert Meynier dans la sienne [16]. Mais entre temps, Charles-Robert Ageron avait reçu du grand journaliste Claude Paillat le texte authentique, retrouvé dans les archives de Washington, de la lettre du capitaine Khaled au président Wilson datée du 23 mai 1919, et en avait aussitôt publié le texte intégral dans la Revue d’histoire maghrébine (Tunis) n°19-20, juillet 1980 [17]. Ce texte avait bien la forme et le fond d’un réquisitoire anticolonialiste contre toute la politique suivie par la France en Algérie depuis 1830, et l’on peut donc le qualifier de nationaliste, même s’il concluait en réclamant non l’indépendance mais seulement la remise de l’Algérie à la tutelle de la Société des Nations. Il ne fut signé que par le capitaine Khaled, dont l’origine et le parcours exceptionnels ne permettent pas de le considérer avec certitude comme le représentant d’un authentique mouvement nationaliste algérien. L’absence de tout pouvoir politique proprement algérien depuis la reddition de l’émir Ab-del-Kader faisait obstacle à la formation d’une conscience nationale algérienne, comme le montre l’exemple célèbre de Ferhat Abbas, qui niait encore l’existence d’un nationalisme algérien et d’une nation algérienne en 1936 [18] - au point de provoquer la « déclaration nette » en sens inverse du cheikh Ben Badis, président de l’Association des Oulémas [19], avant de les revendiquer en 1943 dans le Manifeste du peuple algérien.

L’Algérie dans la Revue de l’histoire des colonies françaises

Mais avant de retracer l’évolution d’un thème de recherche plus de cinquante ans après la fondation de la Revue de l’histoire des colonies françaises, il convient logiquement de présenter le traitement qui lui était réservé lors de la fondation de cette revue [20]. Malheureusement la réponse est brève : il n’y a rien sur l’Algérie d’après le débarquement français de Sidi Ferruch dans les trois premières années (1913-1914-1915), le premier article datant de 1916. Et dans les dix premières années (1913-1922), pour lesquelles nous disposons heureusement d’un index [21], on ne compte que cinq articles dus à quatre auteurs (dont trois contemporains). Enfin, tous ces articles portent sur une même période très limitée, allant du débarquement de 1830 à la « conquête totale » des années 1840, comme si les deux tiers de siècle suivants n’appartenaient pas encore à l’histoire... Ces constats troublants méritent quelques explications.

La lente apparition de l’Algérie dans la première décennie de la Revue

La présentation du projet de la revue dans son premier numéro, par son président Alfred Martineau et par son secrétaire de rédaction Henri Froidevaux [22], révèle que la création de la Société et celle de sa revue étaient motivées avant tout par l’urgence de sauvegarder les archives de la colonisation française en empêchant leur destruction et leur dispersion, et en les rendant accessibles aux chercheurs. Ce projet devait être réalisé par les articles de fond de la revue, mais aussi par l’édition de livres et de collections d’ouvrages ; mais aucun projet d’étude proprement historique n’était explicitement défini. Par là, l’entreprise de la Société de l’histoire des colonisations françaises relevait plus de l’archivistique et de l’édition de sources - activités scientifiques très importantes au XIXème et au début du XXème siècles - que de l’histoire. Mais puisque la revue se réclamait pourtant de cette discipline, il s’agissait de l’histoire dite « méthodique » définie par Langlois et Seignobos, et censée se construire progressivement au moyen d’études de plus en plus larges dont le rassemblement des sources écrites était la condition préalable. Ne nous étonnons donc pas de ne pas y trouver les conceptions novatrices exprimées plus tard dans les Annales par Marc Bloch et Lucien Febvre, mettant au centre de toute recherche historique la définition d’une problématique, et admettant la possibilité de traiter historiquement toutes les périodes, de la plus éloignée à la plus proche.

D’autre part, le champ des sujets traités par les articles de la revue paraît bien exclure délibérément les deux derniers tiers de siècle, comme pour prendre le temps de laisser disparaître tous les acteurs et témoins directs des événements. Là encore, cette attitude correspond aux pratiques des historiens « méthodiques », qui dominaient dans les Facultés des Lettres fondées par la IIIème République, en réaction contre la politisation souvent flagrante des historiens engagés de la période antérieure. La liste des sujets de thèse sur l’Algérie soutenus de 1870 à 1962, établie par François Leimdorfer dans son livre intitulé Discours académique et colonisation, thèmes de recherche sur l’Algérie pendant la période coloniale [23]établit clairement que les sujets très contemporains étaient le monopole des thèses de droit, et que celles d’histoire ne s’aventuraient pas dans les deux derniers tiers de siècle ; ce que confirme Gérard Noiriel en observant qu’en Grande-Bretagne également, jusqu’en 1918, « aucun article n’est paru dans une revue scientifique sur la période postérieure à 1852 » [24]. Cette attitude prudente a d’ailleurs duré, à peine atténuée, au moins jusqu’à la fin des années 1960, puisque l’un des plus grands maîtres de la Sorbonne, Pierre Renouvin, avait toujours refusé de donner à ses doctorants des sujets de thèse de doctorat d’Etat portant sur des événements vieux de moins d’un demi-siècle, même s’il fut personnellement un des pionniers de l’histoire immédiate en se lançant dans l’histoire de la Grande Guerre aussitôt après sa fin.

Et pourtant, les rédacteurs de la revue n’étaient pas coupés de l’actualité, et il serait très exagéré, voir faux, de les qualifier d’apolitiques au vrai sens du mot. En réalité, ils situaient leurs articles dans le cadre de ce que l’on appelait le « Parti colonial » [25] ouvert à tous ceux qui voulaient étendre le champ d’action de la puissance française dans le monde par patriotisme, quelles que soient leurs préférences de politique intérieure. La liste des membres du comité de patronage de la revue contenait les noms de nombreux membres bien connus de ce « parti colonial », universitaires, militaires, politiques, entrepreneurs, et militants de la cause de l’expansion coloniale ; par exemple Auguste Terrier, secrétaire général du Comité de l’Afrique française. Henri Froidevaux, secrétaire de rédaction et auteur des principaux comptes rendus de livres sur l’Algérie dans la revue, était à la fois un géographe, bibliothécaire et archiviste de la Société française de géographie, un professeur de géographie coloniale à la Faculté des Lettres de Paris puis d’histoire moderne et contemporaine à l’Institut catholique de 1904 à 1938, qui publia Les études d’histoire coloniale en France en France et dans les pays de colonisation française (Paris, Champion et Larose) en 1913 ; après avoir laissé le secrétariat général de la société en 1924, il devint le directeur de la revue L’Asie française qui était l’un des principaux organes du parti colonial avec son aînée L’Afrique française. Le trésorier de la Société, Christian Schefer, qui écrivit le premier article publié sur l’Algérie dans la revue [26] en 1916, était professeur à l’Ecole libre des sciences politiques de Paris, chargé du classement des archives du ministère des colonies, et collaborait au Journal des débats ; il avait publié en 1907 La France moderne et le problème colonial (1815-1830) [27].

L’auteur des articles les plus nombreux, publiés dans la revue à partir de 1917, était Victor Demontès, professeur au lycée d’Alger et auteur de deux thèses de lettres soutenues à Alger en 1916, une thèse principale consacrée à La colonisation militaire sous Bugeaud, et une thèse secondaire consacrée aux papiers personnels du général Berthezène relatifs à la colonisation de l’Algérie, précédés d’un mémoire sur les préventions du général contre cette colonisation [28]. Il s’était déjà fait connaître en 1906 en publiant à Alger un livre intitulé « Le peuple algérien, essai de démographie algérienne » [29], et publia après la guerre de nombreux petits livres faisant le point sur l’économie algérienne. Enfin Gustave Gautherot, auteur d’un article sur le maréchal de Bourmont et l’amiral Duperré publié par la revue en 1922 [30], était à la fois auteur d’une thèse de lettres consacrée à la Révolution française dans l’évêché de Bâle, professeur d’histoire à l’Institut catholique, journaliste et homme politique, royaliste, catholique et farouchement anticommuniste.

On pourrait s’étonner aujourd’hui de cette double référence à l’apolitisme scientifique et à l’engagement patriotique et la juger contradictoire, mais il n’y avait sans doute pas de contradiction consciente entre l’activité professionnelle « méthodique » des historiens et les engagements politiques des citoyens, pourvu qu’ils restassent dans les limites d’un patriotisme consensuel, rassemblant tous les partisans de la grandeur nationale. C’est pourquoi les auteurs publiant habituellement dans la revue pouvaient parfois sortir de ses limites chronologiques pour traiter des sujets d’actualité, comme Christian Schefer, qui publia en 1920 D’un guerre à l’autre, essai sur la politique extérieure de la IIIème République (1871-1914), dont Henri Froidevaux rendit compte dans la revue [31], ou encore Victor Demontès, qui publia en 1916 deux brochures d’actualité : L’Algérie pendant ces 18 mois de guerre, et La Tunisie pendant la guerre.

Plutôt qu’une contradiction, il y avait donc une division du travail à l’intérieur du même milieu « colonial » ou pro-colonial. D’un côté les historiens, tout en restant foncièrement favorables à l’œuvre coloniale de leur patrie, s’efforçaient de respecter le plus rigoureusement possible les règles du travail historique « méthodique ». De l’autre, les militants de l’expansion et de la mise en valeur des colonies - qui pouvaient aussi être les mêmes personnes - écrivaient sur des sujets d’actualité et sur des projets d’avenir dans les diverses publications du parti colonial, telles que L’Afrique française [32]. Les réflexions sur l’évolution possible du statut des indigènes se trouvaient donc ailleurs que dans la Revue de l’histoire des colonies françaises, dans toute la presse d’information et d’opinion [33], et notamment dans celle du « parti colonial ».

Cependant, une étude plus précise, tenant compte de toutes les catégories d’articles, permet-elle de nuancer de tels constats ? Le contenu de chaque numéro comprenait aussi, en plus des volumineux articles de fond, des comptes rendus de publications et des notices bibliographiques, mais aussi un « bulletin historique » rendant compte des activités des sociétés et des revues savantes. Leur prise en compte permet de nuancer les grandes lignes que nous avons mises en évidence, mais dans une mesure limitée. On remarque par exemple que dès le premier volume, paru en 1913, Henri Froidevaux avait signalé trois articles publiés par Christian Schefer et souhaité qu’ils soient bientôt repris dans un livre plus large. [34] Dans le même numéro étaient signalés la prochaine publication d’une collection de documents inédits sur l’histoire de l’Algérie par les archivistes du Gouvernement général Gabriel Esquer et Georges Yver, en application d’un arrêté gubernatorial du 4 décembre 1910, et en 1919 une note regretta l’ajournement du livre de Gabriel Esquer, Une histoire de la prise d’Alger, qui attendit jusqu’en 1923 [35]. En 1919 et 1920, Henri Froidevaux salua par des comptes rendus aussi enthousiastes que développés les deux thèses soutenues par Victor Demontès sur La colonisation militaire sous Bugeaud et sur les papiers du général Berthezène [36]. Mais ces articles ne changent rien aux limites chronologiques de la période traitée par la revue.

Au contraire, les articles publiés sur la Tunisie et sur le Maroc paraissent couvrir un champ moins rigoureusement délimité. C’est particulièrement visible dans le cas de la Tunisie : on peut lire en 1917 un compte rendu du livre du juriste Rouard de Card sur La Turquie et le protectorat français de Tunisie (1881-1913) [37], puis en 1919 un autre très détaillé de celui d’Ernest Daudet sur La France et l’Allemagne après le Congrès de Berlin, t I, La mission du comte de Saint-Vallier (décembre 1877-décembre 1881) [38],et en 1921 on annonce avant sa publication « un travail de M. Gandolphe sur l’occupation française du Royaume de Tunis » [39]. Tous ces sujets beaucoup plus proches de l’actualité semblent s’expliquer par le fait que l’établissement du protectorat français sur la Tunisie était beaucoup plus récent que la conquête de l’Algérie, et par le contexte de la Grande Guerre. Quant au Maroc, l’établissement tout récent du protectorat français (1912) était illustré par de nombreux articles d’information sur « les conférences franco-marocaines de l’Exposition de Casablanca » en 1917 [40], sur « la création d’une section historique au Maroc » et sur « l’Institut des hautes études marocaines » en 1922 [41]. On trouva même, en 1917, une brève note sur la pacification du Maroc de 1907 à 1916, consacrée à une brochure du géographe Augustin Bernard (La France au Maroc, Armand Colin, 1917, 21 p. et une carte en couleurs) membre du comité de patronage de la revue, dont on s’excusait presque de rendre compte : en effet cet article « sort du cadre des préoccupations actuelles, mais avec le recul du temps, ne tardera guère à entrer dans le domaine de la Revue de l’histoire des colonies françaises » [42]. Par contraste, l’absence de tout sujet aussi récent dans les articles consacrés à l’Algérie n’en est que plus frappante.

Une présence renforcée au moment du Centenaire

Cependant, c’est dans la décennie suivante, entre 1923 et 1931, que l’on s’attend à voir les publications sur l’Algérie prendre leur essor, étant donné l’importance qui fut donnée au « Centenaire de l’Algérie » en 1930. Comme la revue l’annonça dès 1925 : « Il y aura dans cinq ans un siècle que la France se sera engagée dans la voie qui devait la faire la grande puissance qu’elle est en Afrique, et par l’Afrique dans le monde. Le Gouvernement Général de l’Algérie se prépare à célébrer comme il convient cet anniversaire, et il a institué une commission chargée d’étudier les modalités de cette manifestation. Mais en dehors des fêtes et des solennités à fracas, ne conviendra-t-il pas que la science française s’associe à cette commémoration en dressant le bilan de ce que fut cette œuvre d’un siècle ? Monsieur Esquer, dans ce numéro de L’Afrique française d’octobre, attire l’attention des travailleurs sur cet effort centenaire et indique le cadre dans lequel on pourrait l’ordonner :

« 1° Régence d’Alger en 1830 : sol, population, langage, religion, histoire, gouvernement, agriculture, commerce, industrie, mœurs, habitations, coûtumes ;

2° Le Bilan d’un Siècle (1830-1930) : Institutions politiques, administratives, financières de l’Algérie, historique et état actuel ;

Politique indigène : histoire, assistance, enseignement des indigènes, recrutement, statut personnel des indigènes, rapports des colons et des indigènes ;

Etude scientifique et mise en valeur du sol, météorologie, mines, agriculture, voies de communication, commerce, industrie, pathologie et hygiène ;

Etudes géographiques et cartographiques, albums photographiques des aspects de l’Algérie ;

Etudes archéologiques, historiques, économiques ;

Histoire de la colonisation ;

Vie intellectuelle et artistique : l’Algérie et ses écrivains ; l’Algérie et les arts ; l’enseignement ». [43]

Ce programme de travail très méthodique peut surprendre aujourd’hui par l’absence de la démographie, et par celle d’une interrogation sérieuse sur les expériences, les désirs et les volontés de la population dite « indigène », qui représentait et avait toujours représenté la grande majorité de la population du pays. Il fut en effet appliqué, et la revue donna à plusieurs reprises des informations sur l’avancement du programme des commémorations et des publications commémoratives [44]. Mais il annonçait aussi un élargissement considérable de la curiosité de la revue. En effet, cette information se trouvait publiée sans signature [45] ni commentaire dans la rubrique « Notes et nouvelles » du numéro du 1er trimestre de 1925. On pouvait donc supposer que la Société l’approuvait, et rechercher dans les numéros suivants dans quelle mesure le contenu de la revue aurait ou non appliqué cette conception. En tout cas, elle semblait annoncer un élargissement chronologique et thématique du champ couvert, devant aller désormais de la seule conquête au « bilan d’un siècle » de colonisation à travers toutes ses étapes.

Durant les années 1925 à 1931, la part de l’Algérie dans les articles de fond est restée relativement modeste, du fait de la concurrence de tous les autres territoires et de toutes les autres périodes de l’histoire de la colonisation française . On peut néanmoins citer, en 1930, « La conquête d’Alger d’après la correspondance de l’intendant Raynal », présentée par Augustin Bernard [46], qui en tira aussi un livre publié en 1930 [47] ; et en 1931 un article de Georges Weil : « Les Républicains français et l’Algérie », d’après les articles de La Tribune parus en juin et juillet 1831 [48]. Au contraire, le nombre de comptes rendus d’ouvrages n’a pas cessé d’augmenter, et surtout ceux portant sur la prise d’Alger et sur la conquête de l’Algérie, qui ont fait l’objet de recensions le plus souvent bien développées, en commençant par celle du livre de Gabriel Esquer, Les commencements d’un empire, la prise d’Alger (1830), paru en 1923 (et auquel Henry Froidevaux , ayant transmis ses fonctions à Joannès Tramond, consacra son dernier compte rendu paru dans la revue en 1925) [49], puis réédité en 1929. La liste de ces publications est longue, et rassemble notamment des livres de généraux alors célèbres comme les nombreuses publications du général Azan [50]. Et aussi des biographies de militaires par des hommes de lettres ou des journalistes [51]. Mais on trouve aussi des publications d’archives, comme la série des documents inédits sur l’histoire de l’Algérie après 1830, dirigée par Gabriel Esquer, notamment la correspondance du général Voirol (1833-1834) [52] , et celle du général Drouet d’Erlon (1834-1845) [53] ; et des travaux d’historiens, notamment les livres de Gustave Gautherot sur le maréchal Bourmont [54], publiés en 1926 et 1927, et celui de Christian Schefer, La politique coloniale de la monarchie de juillet. L’Algérie et l’évolution de la colonisation française, paru en 1928 [55]. Plus original par sa perspective est la thèse de lettres Jean Serres consacrée à La politique turque en Afrique du Nord sous la monarchie de juillet, soutenue et publiée à Paris en 1925 [56].

Mais d’autres publications sont remarquables par le fait qu’elles dépassent clairement les limites de la dite monarchie. Les publications d’ecclésiastiques sont présentées sans excès d’indulgence parce que, dit Joannès Tramond, : “Il y a eu sans doute une nouvelle église, toute européenne. Il n’y a pas eu une “conquête religieuse de l’Algérie” [57].

Parmi les publications relevant de l’histoire culturelle, il faut mentionner celle de Charles Taillard, L’Algérie dans la littérature française, soutenue et publiée à Paris en 1925, que le compte rendu d’Augustin Bernard qualifie comme « une excellente préface aux ouvrages qui seront publiés à l’occasion du centenaire de la conquête d’Alger » [58]. Et dans le domaine des sciences auxiliaires de l’histoire, les trois magnifiques volumes publiés par Gabriel Esquer en 1929, Iconographie historique de l’Algérie, depuis le XVIème siècle jusqu’à 1870 [59]. Mais aussi le livre de Victor Barrucand : L’Algérie et les peintres orientalistes [60] , et même celui de Georges Marçais sur Le costume musulman d’Alger, en voie de disparition [61].

Certains de ces livres sont des thèses de juristes, habitués à travailler sur des sujets plus proches du présent que ceux des historiens ; par exemple ceux de René Valet, L’Afrique du Nord devant le Parlement au XIXème siècle, qui compare les prises de positions au sujet des conquêtes de l’Algérie et de la Tunisie, trop sommairement selon Joannès Tramond [62] ; ou bien celui de Robert Moulis, Le Ministère de l’Algérie (24 juin 1858-24 novembre 1860), que le même recenseur apprécie davantage pour son « impartialité vraie », mais en faisant remarquer que le dit ministère était celui de l’Algérie et des colonies, ce qui aurait justifié une étude à la perspective beaucoup plus large [63]. Ou encore un important rapport parlementaire de M. de Peyerimhof, sur La colonisation officielle de 1871 à 1896, daté de 1908 et publié vingt ans plus tard [64].

Un autre trait remarquable est l’importance des travaux de géographes pour relier le passé au présent. Ainsi la thèse de René Lespès, Alger. Etude de géographie urbaine, publié à Alger en 1925 et à Paris en 1930 [65]. Ainsi celle de Julien Franc : La colonisation de la Mitidja, soutenue à Paris en 1928 et publiée en 1929, et le livre plus limité qu’il en a tiré pour le Centenaire : Un miracle colonial en Algérie : Boufarik, 1830-1930. Le premier fut loué dans la revue par André Reussner comme prouvant que « le démenti apporté par les faits à la déclaration d’un pessimisme outrancier (niant la possibilité d’un assainissement de ces marécages) doit convaincre les Français qu’ils ont une vocation coloniale aussi fortement chevillée que les autres peuples » [66] ; et le second par Joannès Tramond, concluant que « la colonisation de Boufarik a réussi avant tout par l’énergie des colons » [67]. Ainsi le recueil d’articles d’un autre géographe alors très réputé pour son ouverture d’esprit, Emile-Félix Gautier [68], Un siècle de colonisation, études au microscope, publié à Paris en 1930, qui fit l’objet d’un compte rendu enthousiaste par Joannès Tramond [69], mais son petit livre L’évolution de l’Algérie de 1830 à 1930, publié dans la collection du Centenaire, était plus brillant que profond [70]. Revenant au point de départ, le journaliste Maxime Rasteil fit connaître à partir du manuscrit laissé par un témoin Le calvaire des colons de 148 [71]. Victor Demontès publia aussi à Alger en 1930 deux livres de géographie humaine sur L’Algérie agricole et sur L’Algérie industrielle et commerciale [72].

Mais le centenaire exigeait aussi la publication d’ouvrages de synthèse sur l’histoire de l’Algérie. Dès 1927 parut à Paris une Histoire de l’Algérie écrite par trois grands maîtres, Stéphane Gsell, Georges Marçais et Georges Yver, dont la parution dans une collection intitulée « Les vieilles provinces françaises » suscita l’ironie du recenseur Joannès Tramond : « Il n’y a eu d’Algérie qu’après la conquête française et par elle », ce qui ne l’empêcha pas de conclure son compte rendu très favorablement [73]. Une autre synthèse, due à Victor Piquet, L’Algérie du centenaire, un siècle de colonisation (1830-1930), publiée en 1930, suscita l’enthousiasme du même recenseur, qui en tira la succession de politiques coloniales contradictoires (« assimilation » et « royaume arabe ») aboutissant à la bonne formule d’un certain degré d’autonomie [74] ; de même qu’un recueil de conférences prononcées à l’Ecole libre des sciences politiques par d’illustres auteurs, dont Emile-Félix Gautier qui se chargea d’une conclusion prudemment tournée vers l’avenir : « Les résultats que nous voyons ont toujours dépassé et contredit ce que les sages avaient prévu. N’en sera-t-il pas de même demain ? Il vaut du moins la peine de tenter l’aventure », concluait Joannès Tramond [75]. De même en 1930 encore, un autre ouvrage collectif dû aux juristes L. Milliot, M. Morand, F. Godin, M. Gaffiot, sur L’œuvre législative de la France en Algérie, fut très favorablement accueilli par André Reussner : « ainsi, explicites ou implicites, les conclusions de Mm. Milliot, Morand, Godin et Gaffiot rejoignent celles de la plupart des auteurs de la collection du Centenaire : rendons grâces à l’Algérie, non seulement de « payer », et de bien payer, après avoir tant coûté, mais d’avoir été pendant un douloureux demi-siècle et plus, pour le bien du reste de notre empire, le laboratoire où s’affina le sens colonial français » [76].

Mais les deux ouvrages les plus importants furent écrits par le grand géographe Augustin Bernard, d’abord L’Algérie publié en 1929 par les éditions Alcan, que le recenseur Georges Hardy qualifia de « chef d’œuvre d’intelligence et de mesure », dû à « un Algérien d’adoption » [77] ; puis en 1930, le tome II , L’Algérie, de la grande Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le monde, publiée sous la direction de Gabriel Hanoteau et d’Alfred Martineau. Ce livre suscita lui aussi un compte rendu enthousiaste de Joannès Tramond, dont voici la conclusion portant sur la période la plus récente : « M. Augustin Bernard, qui en fut un des acteurs [78], ne peut considérer qu’elle soit encore entrée dans l’histoire ; aussi bien à des hommes comme Laferrière, Jonnart, Revoil, doit-il, plus encore que l’hommage donné à l’œuvre accomplie, apporter cette aide de dire comment et pourquoi elle ne fut pas entièrement accomplie, ce qu’il faut faire pour leur donner cette ultime récompense qu’elle soit achevée. Cette dernière partie du volume que nous analysons présente donc par moment le caractère d’un programme d’avenir autant au moins que celui d’un inventaire du passé. Mais n’est-ce pas la plus belle démonstration que l’on puisse donner de l’utilité du travail historique que de prouver aussi comme il conduit à la sécurité dans l’action ? Tout comme le plus bel éloge que l’on puisse présenter de l’œuvre française en Afrique du Nord est celui qui se dégage de ces pages de M. Augustin Bernard : que d’une anarchie informe et mauvaise pour tous, elle a créé un pays qui, de toutes ses aspirations, ne peut jamais plus se concevoir ni confondu avec la masse française, ce qui serait une destruction, ni séparé d’elle, ce qui serait une destruction encore » [79].

Cette période vit ainsi une sorte d’apogée de la Société de l’histoire des colonies françaises, manifestée d’abord par la réception qu’elle offrit à son président Alfred Martineau pour fêter l’attribution à celui-ci du prix Gobert de l’Académie française, le 15 janvier 1929. Après le discours de son plus vieil ami Georges Teissier, membre de l’Institut, il appartint au secrétaire général, Joannès Tramond, de faire son éloge en tant qu’historien et que fondateur de la SHCF [80]. Puis Alfred Martineau répondit avec émotion, en rendant hommage à tous les membres importants de la Société, notamment Augustin Bernard, « l’homme le plus qualifié pour nous parler de l’Algérie » [81], Henri Froidevaux, « l’homme de France qui possède la connaissance la plus étendue et la plus sûre sur l’ensemble de notre domaine colonial » [82], Christian Schefer, « qui dans ses écrits a su mieux que personne dégager l’esprit de nos institutions coloniales » [83], et Johannès Tramond : « étant le plus jeune de l’équipe, c’est sur lui que se portent toutes nos espérances d’avenir et de succès » [84].

De même, en 1931, la Société d’histoire des colonies françaises manifesta sa dimension internationale en organisant le premier Congrès international d’histoire coloniale, réunissant une vingtaine d’associations, représentées par 140 délégués, du 22 au 25 septembre, à la Cité des informations de l’Exposition coloniale internationale de Vincennes, sous la présidencedumaréchalLyautey.CeCongrès, auquel la revue consacra un compte rendu très détaillé [85], fut l’occasion, pour les maîtres de l’histoire coloniale française, de débattre avec leurs collègues étrangers de l’orientation de cette histoire autant que de sujets précis. Ils se retrouvèrent à La Haye les 4 et 5 juillet 1932 pour prolonger leurs débats. Entre temps, la revue avait changé son titre pour celui de Revue d’histoire des colonies à partir de janvier 1932, sans doute pour exprimer sa volonté d’élargir ses perspectives.

La perception de l’histoire algérienne par la Société et la Revue

Ainsi, la SHCF avait bien commencé à exécuter l’ambitieux programme défini en 1925 par Gabriel Esquer. Et pourtant, avec le recul du temps, les historiens d’aujourd’hui ne peuvent relire tous ces numéros de la Revue sans malaise. Parce que la contradiction entre la conception « méthodique » d’une histoire coloniale cantonnée dans des époques relativement lointaines et une commémoration devant dresser le bilan du siècle n’avait pu être résolue que par le recours à des spécialistes d’autres disciplines que l’histoire, habitués à travailler sur des sujets beaucoup plus proches du présent. Mais aussi et surtout parce que la contradiction entre l’apolitisme supposé de l’histoire méthodique et la volonté militante d’une société engagée dans le cadre du « parti colonial » était flagrante. Alfred Martineau, dans sa réponse au discours de Joannès Tramond le 15 janvier 1929, avait inconsciemment exprimé cette contradiction d’une manière particulièrement frappante. D’une part, avait-il répété, « le rôle comme le devoir de l’historien est de soumettre à ses lecteurs, avec la plus grande impartialité, moins une opinion personnelle, toujours sujette à caution, qu’un ensemble de raisons et de faits qui peuvent permettre à chacun de se prononcer en toute indépendance. Tenir en éveil l’esprit plutôt que lui imposer une direction est de la simple prudence. C’est pourquoi l’histoire, toute histoire, quelle qu’elle soit, doit toujours être écrite d’une façon objective, sauf à jeter parfois un voile sur les débauches de Noë (sic) » [86]. Ce qui ne l’empêchait pas de conclure que « la Société de l’histoire des colonies françaises a la prétention de bien servir la France par la probité de son œuvre et de rendre cette œuvre plus attachante encore par la belle apparence de ses publications. Je ne doute pas que ce double hommage rendu à l’art et au pays rallie tous vos suffrages » [87], sans paraître conscient du risque que comportait le fait de faire de l’histoire la servante du patriotisme, c’est-à-dire en fin de compte celle de la politique. A plusieurs reprises, la revue avait exprimé avec discrétion des critiques envers les jugements trop abrupts à son avis exprimés par l’historien de gauche Charles-André Julien, socialiste et un moment communiste ; notamment à l’occasion de la publication de son Histoire de l’Afrique du Nord en 1931, qui avait inspiré à Joannès Tramond une recension partagée entre l’admiration pour une oeuvre très séduisante et des réserves sur des jugements parfois discutables : « Beaucoup de critiques, de réserves de la dernière partie du livre sonnent un peu comme des échos de politique, presque de polémique d’actualité » [88]. Mais la revue elle-même était également coutumière de jugements politiques ouvertement exprimés. Que dire par exemple de cette remarque d’Augustin Bernard concluant son compte rendu très élogieux du livre du général Azan sur l’émir Abdelkader, lequel « nous apprend notamment qu’il ne faut jamais pactiser avec un chef indigène avant de l’avoir réduit à notre merci et de lui avoir fait sentir notre force » [89] ? Ou de la conclusion de l’article de Georges Weil - célèbre historien républicain [90] - sur les Républicains français et l’Algérie : « Le Moyen-Age a fini en 1830 seulement, lorsque la prise d’Alger a rendu l’Afrique du Nord à la civilisation. Ce n’est pas un médiocre mérite pour les Républicains français d’avoir été parmi les premiers à comprendre l’importance de cet événement et la nécessité d’en faire le point de départ d’une conquête régulière et définitive. » [91] Le constat n’était peut-être pas faux, à l’exception du dernier mot.

La revue n’avait pas encore rendu compte en 1931 du livre L’Algérie vivra-t-elle [92], que l’ancien gouverneur général Maurice Viollette, devenu sénateur, avait publié pour défendre la proposition de loi qu’il avait déposée afin d’attacher davantage les élites indigènes à la France en réparant le « péché d’omission » du Centenaire à leur égard. Mais Augustin Bernard fit connaître plus tard ce qu’il en pensait dans L’Afrique française : « M. Viollette, ancien gouverneur général de l’Algérie, a écrit un livre : L’Algérie vivra-t-elle ? dont le titre seul nous paraît sinon blasphématoire, du moins bien fâcheux, c’est le moins qu’on en puisse dire. Si nous ne sommes pas bien persuadés que l’Algérie est immortelle comme la France elle-même dont elle fait partie intégrante, si le moindre doute vient à s’élever à ce sujet dans notre esprit ou dans celui des indigènes, la partie est perdue d’avance. Il y a des mots qu’il ne faut pas prononcer : Dii avertant omen, [93] disaient les anciens. Si la civilisation occidentale n’a plus confiance en elle-même, si elle doute de son avenir et de sa supériorité, rien d’étonnant à ce qu’elle perde son prestige aux yeux des indigènes » [94]. Ces considérations formulaient clairement les limites que la plupart des militants coloniaux croyaient devoir s’imposer à eux-mêmes. Elles formulent également la meilleure explication de l’échec de la revue à discerner les causes de l’échec imminent de la politique française en Algérie, vrai point aveugle de sa vision.

En effet, le reproche le plus grave que l’on pourrait lui faire, en tant que revue d’histoire puisqu’elle prétendait à cette qualité, serait son incapacité à prévoir le cours nouveau que l’histoire de l’Algérie allait prendre dans les années suivantes, sans que la République française trouvât le moyen de réagir d’une manière efficace pour éviter l’aggravation du conflit jusqu’à son issue finale. Nous pouvons sans doute lui trouver des circonstances atténuantes dans le fait que l’Etoile nord-africaine avait été dissoute en 1929, sans reconstitution visible avant 1933, et que l’Association des Oulémas, fondée en 1931, ne commença à se radicaliser qu’après l’exclusion par sa direction des chefs de confréries en 1932. Mais comment ne pas regretter l’absence en 1930 ou 1931 d’une « histoire immédiate » indépendante des contraintes politiques, qui eût été capable de repérer et de signaler presque instantanément le plus grand tournant de l’histoire de l’Algérie contemporaine ?

Guy Pervillé

Ce volume fait partie des publications de la Société française d’histoire des outre-mers, qui publie également la revue Outre-mers, revue d’histoire, dans laquelle il correspond au T. 100, n° 376-377 (2012). Dans ce très riche ensemble de 659 pages, les 39 communications dues à 42 auteurs présentent différents aspects du contenu de la revue à travers le siècle écoulé en cinq parties :

-  1- Le Centenaire de la SFOHM 1912-2012.

-  2- Les empires coloniaux au moment de la création de l’association.

-  3- De la Société de l’histoire des colonies françaises à la SFHOM. La création et la vie de l’Association, reflets des mentalités impériales ?

-  4- De la Revue de l’histoire des colonies françaises à Outre-mers, revue d’histoire. Analyse critique du contenu.

-  5- Commémorations et histoire : les enjeux critiques.

Sur l’histoire de la colonisation française en Afrique du Nord, on lira, en plus de ma communication sur l’Algérie, celles de Pierre Vermeren , "Lyautey au Maroc en 1912 : ambitions, jeux de pouvoir parisiens, environnement politique et enjeux géo-politiques" (pp. 81-92), et de Colette Zytnicki , "Transmettre l’histoire des colonies. l’enseignement du passé de l’Afrique du Nord à la Sorbonne (1900-1945)" (pp. 569-590).

[1] Cette nouvelle élite de formation française venait de faire l’objet d’un livre dû à l’un de ses membres, Ismaël Hamet, Les Musulmans français dans le Nord de l’Afrique, Paris, 1906. Son auteur était professeur à l’Institut des Hautes Etudes islamiques de Rabat (Revue de l’Histoire des Colonies Françaises, 1924, pp. 271-272, et 1931, p. 471).

[2] Voir les Mémoires de Messali Hadj, Paris, J.-C. Lattès 1982, pp. 59-65.

[3] Lettre à Hervé Bazin du 16 juillet 1916, citée par Hervé Bazin, Charles de Foucauld, Plon, 1925, pp. 210-211, et dans mon recueil de textes commentés, L’Europe et l’Afrique de 1914 à 1974, Paris et Gap, Ophrys, 1994, p. 13.

[4] Chérif Benhabylès, L’Algérie française, pp. 110-111.

[5] Programme de juin 1912, cité par C. Collot et J.R. Henry, Le mouvement national algérien, textes, 1912-1954, Paris L’Harmattan, et Alger, OPU, 1978, pp. 24-25.

[6] Mémoire adressé le 18 janvier 1919 au congrès de la paix par le “Comité algéro-tunisien” (7 signataires dont 4 Tunisiens et 3 Algériens), reproduit par Collot et Henry, op. cit., pp. 25-30.

[7] Emile-Félix Gautier, L’évolution de l’Algérie de 1830 à 1930, Cahiers du Centenaire de l’Algérie, pp. 31-34 et 38-39.

[8] Voir Benjamin Stora, Messali Hadj, (1898-1974) pionnier du nationalisme algérien, Le Sycomore, 1982, et L’Harmattan, 1986 ; Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens (1926-1954), L’Harmattan, 1989 ; Les sources du nationalisme algérien, parcours idéologiques, origines des acteurs, L’Harmattan, 1989 ; Nationalistes algériens et révolutionnaires français au temps du Front populaire, L’Harmattan, 1987.

[9] Voir le discours de Messali Hadj à Alger, 2 août 1936, in Collot et Henry, op. cit., pp. 82-85, d’après El Ouma, sept-oct. 1936.

[10] Voir le Manifeste du Peuple algérien in Collot et Henry, op. cit., pp. 155-165.

[11] Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 1870-1919, t. 2 pp. 1140-1189.

[12] Reproduit et commenté par Gilbert Meynier, L’Algérie révélée, la guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXème siècle, Genève, Droz, 1981, pp. 254-257.

[13] Les Mémoires de Messali Hadj, op. cit., pp. 91 et 108.

[14] Charles-Robert Ageron, « L’émir Khaled, petit-fils d’Abd-el-Kader, fut-il le premier nationaliste algérien ?”, Tunis, Revue d’histoire maghrébine, 1966 ; repris dans la réédition de ses oeuvres par Gilbert Meynier et les Editions Bouchène, Saint-Denis, 2005, Genèse de l’Algérie algérienne, pp. 131-164.

[15] Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme algérien, 1919-1951, Alger, SNED, 2 t., 1980 et 1981.

[16] Gilbert Meynier, L’Algérie révélée, Genève, Droz, 1981. Puis Gilbert Meynier reprit la question et lui consacra tout un livre, rédigé en collaboration avec Ahmed Koulakssis : L’émir Khaled, premier zaïm ? Identité algérienne et colonialisme français, Paris, L’Harmattan, 1987.

[17] “La pétition de l’émir Khaled au président Wilson”, texte publié et présenté par Charles-Robert Ageron dans la Revue d’histoire maghrébine n° 19-20, juillet 1980 ; réédité dans les oeuvres de Charles-Robert Ageron publiées par Gilbert Meynier aux Editions Bouchène, Genèse de l’Algérie algérienne, pp. 165-178. Reproduit et commenté dans mon recueil de textes l’Europe et l’Afrique de 1914 à 1974, Paris et Gap, Ophrys, 1994, pp. 25-35.

[18] “En marge du nationalisme. La France, c’est moi !” par Ferhat Abbas, L’Entente franco-musulmane n° 24, 27 février 1936. Reproduit par Claude Collot et Jean-Robert Henry, Le mouvement national algérien, Textes 1912-1954, Paris, L’Harmattan, et Alger, OPU, 1978, pp. 65-67.

[19] Abdelhamid Ben Badis, “Déclaration nette”, reproduit par Collot et Henry, op. cit., pp. 67-69.

[20] Nous avons consulté la Revue sur Internet dans la version reproduite par Gallica, allant de 1913 à 1931. Il y manque malheureusement les 2èmes semestres 1920 (n° 31-32) et 1923 (n° 43-44), ainsi que toute l’année 1928 (n° 61-62-63-64-65 et 66). La périodicité de la revue passe de 4 à 6 numéros par an à partir de cette année 1928.

[21] Index établi par le secrétaire général Henri Froidevaux.

[22] Revue de l’Histoire des colonies françaises, 1913, pp.1-38.

[23] François Leimdorfer, Discours académique et colonisation, thèmes de recherche sur l’Algérie pendant la période coloniale, Paris, Publisud, 1992, 320 p (liste des thèses soutenues de 1870 à 1962, pp. 287-299).

[24] Gérard Noiriel, Qu’est-ce que l’histoire contemporaine ?, Paris, Hachette, 1998, p. 14.

[25] Girardet (Raoul), L’idée coloniale en France, 1871-1962, Paris, La Table ronde, 1972 ; Ageron (Charles-Robert), France coloniale, ou parti colonial ?, Paris, PUF, 1978.

[26] Christian Schefer, “La conquête totale de l’Algérie, Valée, Bugeaud, et Soult”, RHCF, 1916, pp. 19-76.

[27] Christian Schefer, La France moderne et le problème colonial (1815-1830), Paris, Alcan, 1907, XX-460 p.

[28] Victor Demontès, La colonisation militaire sous Bugeaud, Paris, Larose, 1918, 632 p ; et Papiers personnels du général Berthezène relatifs à la colonisation de l’Algérie, précédés d’un mémoire sur les préventions du général Berthezène sur la colonisation de l’Algérie, Paris, Larose, 1918, 311 p. Le premier sujet avait déjà été traité par G. Ferrand à Paris en 1909 (Leimdorfer, op. cit., p. 290). Charles-Robert Ageron choisit de consacrer sa propre thèse secondaire au même général Berthezène pour le réhabiliter en réfutant les jugements sévères de Victor Demontès.

[29] Victor Demontès, Le peuple algérien, essai de démographie algérienne, Alger, imprimerie algérienne, 1906, 619 p.

[30] Gustave Gautherot, “Le maréchal de Bourmont et l’amiral Duperré”, RHCF, 1922, pp. 189-232.

[31] Compte rendu de Christian Schefer, D’un guerre à l’autre, essai sur la politique extérieure de la IIIème République (1871-1914), RHCF, 1920, pp. 309-316 (ce tome n’est pas reproduit par Gallica).

[32] Revue reproduite par Gallica de 1891 à 1908, et qui continua sa publication jusqu’en 1940.

[33] Voir notamment dans la Revue des deux mondes, les articles de XXX, 1er avril 1903, “Le régime de l’Algérie au début du XXème siècle”, de Paul Leroy-Beaulieu, 1er mai 1906, “La France dans l’Afrique du Nord, indigènes et colons”, et de Rouire, 1er avril 1909, “Les indigènes algériens, la nécessité d’un programme politique nouveau et l’avenir des races indigènes”, reproduits dans Les trésors retrouvés de la Revue des deux mondes, Algérie, 1830-1962, Paris, Maisonneuve et Larose, 1999, pp. 337-424.

[34] “Les études d’histoire algérienne de M. Christian Schefer”, RHCF, 1913, pp. 246-248.

[35] “Les Archives algériennes et l’histoire de la conquête”, RHCF, 1913, pp. 253-254.

[36] Sur les papiers du général Berthezène , RHCF, 1919, pp. 127-135 (“M. Victor Demontès a rendu un réel service à l’histoire de l’Algérie”) ; sur La colonisation militaire sous Bugeaud, RHCF, 1920, pp. 349-357 (“A tous égards, la thèse principale de M. Demontès est un ouvrage excellent” (...) il faut “souhaiter un plein succès à ce livre de conscience et de science à qui l’Académie des Sciences morales et politiques a déjà décerné une juste récompense”). La revue publia encore un autre article de cet auteur : “Un essai de protectorat tunisien à Oran”, RHCF 1923, pp. 252-288.

[37] Paris, Pedone et Gambier, RHCF, 1917, pp. 377-378.

[38] Paris, Plon, 1918, RHCF, 1919, p. 136.

[39] RHCF, 1921, p. 165.

[40] RHCF, 1917, p. 492.

[41] RHCF, 1922, pp. 361-362.

[42] RHCF, 1917, pp. 378-379.

[43] RHCF, 1925, p. 155.

[44] Notamment une collection de 12 brochures traitant les principaux aspects de l’oeuvre coloniale, les Cahiers du Centenaire de l’Algérie, qui fit l’objet d’un compte rendu dans la RHCF, 1931, pp. 312-313. Liste de ces brochures : I “L’Algérie jusqu’à la pénétration saharienne”, par J.M. Bourget ; II “La pacification du Sahara et la pénétration saharienne (1852-1930)” par le général O. Meynier ; III “L’évolution de l’Algérie de 1830 à 1930”, par E.F. Gautier ; IV “Les grands soldats de l’Algérie”, par le général Paul Azan ; V “Le gouvernement de l’Algérie”, par Louis-Milliot ; VI “Art antique et art musulman en Algérie”, par A. Berque ; VII “L’Algérie touristique”, par le général de Bonneval ; IX “Les productions algériennes”, par Jean Blottière ; X “La vie et les moeurs en Algérie”, par Pierre Deloncle ; XI “La France et les oeuvres indigènes en Algérie”, par Jean Mirante ; XII Cartes-index, glossaire, documents annexes, rapport général. Cahier complémentaire : “L’Algérie du Centenaire vue par l’Université de France”, par Raymond Ronze.

[45] Cette rubrique était vraisemblement due au nouveau secrétaire général, Joannès Tramond, avec qui Henri Froidevaud s’était partagé la tâche en 1924 avant de lui céder toutes ses responsabilités en 1925.

[46] RHCF, 1930, pp. 1-44.

[47] Paris, 1930, 154 p., RHCF, 1930, pp. 530-531. Dans le même genre, La prise d’Alger racontée par un témoin, Jean-Toussaint Merle, préface et notes par J. Almeras, Paris, Jonquière, 1930, 182 p, RHCF, 1930, p. 527.

[48] RHCF, 1931, pp. 285-292.

[49] Paris, Champion, et Alger, L’Afrique latine, 1923, 678 p, RHCF, 1925, pp. 126-131 ; réédition Paris, Larose, 1929, 570 p., RHCF, 1930, pp. 82-84.

[50] L’émir Abdelkader (1808-1883). Du fanatisme musulman au patriotisme français, Paris, Hachette, 1925, 212 p., RHCF, 1925, pp. 620-623 ;) L’expédition d’Alger, Paris, Plon, 1930, 230 p., RHCF 1930, pp. 313-314 ; Sidi-Brahim, Paris, Lavauzelle,1930, RHCF 1930, pp. 501-508 ; Bugeaud et l’Algérie, Paris, éditions du Petit Parisien, 1930, 172 p., RHCF 1930, pp. 643-645. Et d’autres auteurs, tels que le général Ibos, Le général Cavaignac, un dictateur républicain, Paris, Hachette, 1930, 236 p., RHCF 1931, pp. 325-327.

[51] Paul Raimbault, Alger 1830-1930, les grandes figures du Centenaire, Paris, Larose, 1929, 276 p., RHCF 1930, pp. 322-323 ; Henry d’Estre, Les conquérants de l’Algérie, Paris, Berger-Levrault, 1930, 244 p., RHCF 1931, pp. 429-431, ou encore Maurice Constantin Weyer, La vie de Yousouf, Paris, Gallimard 1930, 240 p., RHCF 1931, pp. 197-199, André Lichtenberger, Bugeaud, Paris, Plon, 1931, 261 p., et Lucas Debreton, Bugeaud, le soldat, le député, le colonisateur, Paris, Albin Michel, 1931, 328 p., RHCF 1931, pp. 662-663.

[52] Collection de documents inédits de l’histoire de l’Algérie après 1830, 1ère série, Correspondance générale, II, Correspondance du général Voirol, (1833-1834), Paris, Champion, 1924, 832 p., RHCF, 1925, pp. 294-297.

[53] III, Correspondance du général Drouet d’Erlon (1834-1835), Paris, Champion, 1926, 598 p., RHCF 1927, p. 462.

[54] Gustave Gautherot, Un gentilhomme de grand chemin, le maréchal de Bourmont, 1773-1846, d’après des papiers inédits, Paris, PUF, 1926, 478 p., RHCF 1926, pp. 269-270, et La conquête d’Alger (1830), préface de Louis Bertrand, Paris, Payot, 1929, 206 p., RHCF 1929, pp. 629-630 (livre “pas entièrement libéré de l’esprit de parti” selon Joannès Tramond).

[55] Paris, Champion, collection du Centenaire, 1928, 542 p. , RHCF, 1929, pp. 208-211.

[56] Paris, Geuthner, 1925, 391 p., RHCF 1926, pp. 126-130.

[57] Chanoine Jules Tournier (auteur d’une thèse de lettres soutenue en 1913 sur Le cardinal Lavigerie et son action politique, 1863-1892), La nouvelle église d’Afrique, la conquête religieuse de l’Algérie (1830-1845), préface de Mgr Baudrillard, RHCF 1930, pp. 535-536. Cf. Mgr Pons, La nouvelle église d’Afrique, ou le catholicisme en Algérie, en Tunisie, au Maroc depuis 1830, Tunis, 1930, 344 p., RHCF 1931, pp. 207-210 ; chanoine P. Repetici, L’Algérie chrétienne, esquisse historique, 1830-1930, Alger 1930, RHCF 1931,

[58] Paris, Champion, 1925, 2 t., 676 p. et 466 p. , RHCF 1927, pp. 142-147.

[59] Paris, Plon, 1929, 3 t. in folio, “luxueuse publication, la plus volumineuse de toutes les publications du Centenaire”, selon J. Tramond, RHCF 1931, pp. 319-322.

[60] Grenoble, Arthaud, 1930, 60 p. et 24 planches, RHCF 1930, pp. 508-511.

[61] Paris, Plon, 1930, 136 p. et XXXVIII planches. RHCF, 1930, pp. 205-207.

[62] Paris, Champion, 1924, 256 p. , RHCF 1925, pp. 138-140.

[63] Alger, J. Carbonnel, et Paris, Rousseau, 1926, 394 p. , RHCF 1926, pp. 279-281.

[64] Editions du Comité Bugeaud, Paris, 1928, XXXXVI-252 p., RHCF, 1929, pp. 205-206.

[65] René Lespès, Alger, étude de géographie urbaine, Alger, J. Carbonnel, 1925, 222 p, et Alger, étude de géographie et d’histoire urbaine, Paris, Alcan, 1930, 860 p. RHCF 1926, pp. 114-116, et 1931, pp. 202-205.

[66] Paris, Champion, 1929, 757 p., RHCF 1931, pp. 76-78.

[67] Alger, Heintz, 1930, 100 p., RHCF 1930, pp. 647-648.

[68] Il venait de publier L’islamisation de l’Afrique du Nord, Les siècles obscurs du Maghreb, Paris, Payot, 1927, 432 p.

[69] Paris, Alcan, 1930, 354 p., RHCF, 1931, pp. 78-80. E.F. Gautier était un chercheur et universitaire hors norme, spécialiste de Madagascar puis de l’Afrique du Nord et du Sahara, professeur à l’Université d’Alger de 1902 à 1935. Fernand Braudel, enseignant en poste à Constantine puis à Alger de 1924 à 1932, ne cessa pas de le citer avec éloge.

[70] Impression personnelle très nette. Mais son dernier livre, L’Afrique blanche, Paris, Fayard, 1939, 366 p., était beaucoup plus lucide et inquiet.

[71] Paris, E. Figuères, 1930, 220 p., RHCF, 1930, p. 531-532.

[72] L’Algérie agricole, Alger, Paris, Larose, 1930, 367 p. (RHCF, 1931, pp. 72-77, et L’Algérie industrielle et commerciale, Paris, Larose, 287 p.

[73] Paris, Boivin, 1927, 328 p., RHCF 1927, pp. 618-621.

[74] Paris, Armand Colin, 1930, 424 p. Lucien Febvre, dans les Annales, 1931, vol. 3, p. 126, lui consacra un compte rendu bref, mais enthousiaste.

[75] Une oeuvre française : L’Algérie, par Mm le Maréchal Franchet d’Esperey, M. Bompard, M. de Peyerimhof, de Fontenelle, P. Ernest Picard, Sabatier, général Paul Azan, B. de Saint-Quentin, A. Bernard, E. Philippar, J. Watteau, E. F. Gautier, conférences à l’Ecole des sciences politiques de Paris, RHCF 1930, pp. 325-327.

[76] Paris, Alcan, 1930, 526 p., RHCF 1931, pp. 573-576.

[77] Paris, Alcan, 1929, 523 p, RHCF 1929, pp. 312-313. Cf. le compte rendu favorable de Lucien Febvre dans les Annales, 1929, vol. 1, n° 3, pp. 477-478.

[78] Pour avoir été professeur à l’Ecole supérieure des Lettres d’Alger de 1894 à 1902, au moment des troubles autonomistes et anti-juifs.

[79] Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le monde, sous la direction de Gabriel Hanoteau et d’Alfred Martineau, t. 2, L’Algérie, par Augustin Bernard, Paris, Société de l’histoire nationale, Plon, 1930, 548 p. RHCF, 1931, pp. 81-84. Il publia encore sous le même titre, L’Algérie, Paris, Laurens, 1931, 250 p., une anthologie de texte présentés en 14 pages., RHCF, 1931, pp. 425-426.

[80] RHCF, 1929, n° 67, pp. I à XX (après la p. 112). Alfred Martineau (1859-1945) archiviste, puis député, haut fonctionnaire et gouverneur des colonies, notamment de l’Inde française, fut professeur d’histoire coloniale jusqu’en 1935 au Collège de France.

[81] Augustin Bernard (1865-1947), docteur ès lettres en 1895, enseigna à l’Ecole supérieure des Lettres d’Alger de 1894 à 1902, et fut professeur de géographie coloniale de l’Afrique du Nord à la Sorbonne de 1920 à 1935. Il fut un membre important du Comité de l’Afrique française, et fut élu à l’Académie des Sciences morales et politiques en 1938.

[82] Henri Froidevaux (1863-1954), géographe, professeur à la Faculté des lettres de Paris puis à l’Institut catholique, fut secrétaire général de la RHCF de 1913 à 1924, puis directeur de la revue L’Asie française.

[83] Christian Schefer (1866-1944), professeur à l’Ecole libre des sciences politiques, fut trésorier de la SHCF, puis membre de l’Académie des Sciences coloniales.

[84] Joannès Tramond (1882-1925), ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé et professeur à l’Ecole navale, publia un Manuel d’histoire maritime de la France (1916, réédité en 2010) puis avec son collègue André Reussner, des Eléments d’histoire maritime et coloniale contemporaine, 1815-1914 (RHCF 1925, pp. 135-138).

[85] RHCF, 1931, pp. 227-230, 454-456 et 457-516.

[86] RHCF, 1929, pp. XVI-XX.

[87] Ibid., p. XX.

[88] Histoire de l’Afrique du Nord, préface de S. Gsell, Paris, Payot, 1931, 866 p., RHCF, 1931, pp. 659-661.

[89] RHCF, 1925, p. 623. Augustin Bernard avait aussi rendu compte d’un livre de Charles Cockenpot, professeur à l’EPS d’Alger, Le traité Desmichels, publication de la Faculté des Lettres d’Alger, Paris, Ernest Leroux, 1924, 228 p. (avec photographie de l’original du premier traité signé par un général français avec l’émir Abd-el-Kader), RHCF 1925, pp. 123-125.

[90] Georges Weil (1865-1944) était connu pour de nombreux ouvrages d’histoire politique de la France contemporaine, notamment Histoire du parti républicain en France de 1814 à 1870, Paris, Alcan, 1930. Son article fut repris et confirmé par Philippe Darriulat, “La gauche républicaine et la conquête de l’Algérie, de la prise d’Alger à la reddition d’Abd-el-Kader”, Revue française d’histoire d’outre-mer, n° 307, juin 1995, pp. 129-147.

[91] RHCF, 1931, p. 292.

[92] Paris, Alcan, 1931, XXIV-503 p.

[93] « Que les Dieux écartent ce présage ».

[94] Augustin Bernard, « L’interpellation Viollette », Bulletin du Comité de l’Afrique française, n° 4, avril 1935, p. 4.



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