Première réponse à Malika Rahal (2022)

mercredi 19 janvier 2022.
 

J’aurais préféré rendre compte avec sérénité du livre que mon ancienne étudiante de maîtrise Malika Rahal vient de publier en reprenant le texte de son mémoire d’habilitation à diriger des recherches, soutenu le 24 juin dernier sous le titre « Une histoire populaire de l’année 1962 en Algérie » et publié tout récemment (en janvier 2022) par les Editions La Découverte sous le titre « Algérie 1962. Une histoire populaire » [1]. Mais j’avais été alerté en écoutant la soutenance par une phrase de l’exposé d’un membre du jury, Raphaëlle Branche, qui félicitait l’auteur d’avoir « tordu le cou » à la « rumeur du sang » et mentionnait à ce propos la préface que j’avais accordée en 2014 au livre de mon doctorant Grégor Mathias intitulé d’une manière provocante « Les vampires à la fin de la guerre d’Algérie, mythe ou réalité ? » . Craignant d’avoir été mal compris, j’avais alors décidé d’envoyer à Malika Rahal non seulement le texte intégral de cette préface reproduit sur mon site internet, mais aussi les deux ensembles de mises au point sur ce sujet des prises de sang forcées que j’y avais publiés à deux reprises, en 2011 et en 2019-2020. Ces deux envois ont été faits par mails à la date du 27 juillet (par l’intermédiaire de Raphaëlle Branche) et du 9 septembre 2021, mais je n’ai reçu aucune réponse de sa part. Puis la lecture de ce qu’elle a écrit dans son livre m’a révélé qu’elle n’avait tenu aucun compte de ce complément d’information indispensable. Ainsi, la désinformation de ses lecteurs que j’avais souhaité lui permettre d’éviter n’a pas été prévenue, ce qui justifie ma réponse.

L’attaque de Malika Rahal

Dans son livre, Malika Rahal traite en moins d’une page (p 32) la question fondamentale de la réalité ou non des prises de sang forcées, et voici ce qu’elle en écrit (notes comprises) :

« Mais tout de même, est-on vraiment sûr que les rumeurs selon lesquelles on utiliserait des prisonniers ‘européens’ pour fournir le sang nécessaire aux blessés constitueraient de ‘fausses nouvelles’ [2] ? Il est toujours difficile de prouver de façon catégorique qu’un événement de cette nature (répété, honteux, secret) n’a jamais eu lieu. Toutefois, il faut bien préciser que les sources sont rares et extrêmement fragiles. L’une des sources parfois mentionnées est le rapport d’un commandant Thomas, responsable du sous-quartier de Beau Fraisier [3]. Selon ce rapport, le 18 mars, Thomas fait torturer trois ‘musulmans’ qui ‘avouent’ que des ‘Européens’ sont kidnappés, détenus à Beau-Fraisier avant d’être transférés dans l’Atlas blidéen et que certains sont gardés en vie pour les transfusions sanguines. Les recherches ont montré l’impossibilité de prendre des aveux extorqués sous la torture pour argent comptant [4] ; le faire met en cause la scientificité de la démonstration et pose des questions d’éthique qui sont aussi des questions politiques : se fait-on, malgré le décalage temporel, complice des perpétrateurs ? C’est pourtant le cas d’un ouvrage de 2014 qui soulève l’hypothèse que ces rumeurs puissent être fondées, mais révèle malgré lui que l’on n’a, jusqu’alors, aucune source permettant de les confirmer [5]. Dans une préface navrante, l’historien Guy Pervillé renverse d’ailleurs la charge de la preuve, reprochant aux historiens qui écartent ces rumeurs de ne pas prouver que le crime n’a pas eu lieu. Outre le témoignage de l’officier qui a recueilli des informations sous la torture, les sources mobilisées par l’auteur incluent des ‘témoignages’ extraits de tracts de l’OAS, car l’organisation accuse très tôt le FLN de voler le sang, contribuant à la psychose. Ces sources ne font jamais l’objet d’une analyse critique. Quant au manque de sang et de donneurs, il n’est pas expliqué, sinon par un supposé interdit religieux en islam, argument orientalisant de la démonstration. Or, répétons-le, les différentes sources indiquent qu’on ne manque pas de sang, mais des moyens de le transfuser et de le conserver ».

Premiers éléments de réponse

Ce fort paragraphe appelle les remarques suivantes. D’abord, l’autorité justement reconnue à l’article célèbre de Marc Bloch sur les rumeurs de guerre ne doit pas faire oublier la tragique réalité des fusillades d’otages civils belges et français commises par les troupes allemandes dans les territoires envahis en 1914 sous le prétexte de réprimer des attaques de francs-tireurs qui, quant à elles, sont une rumeur dont on se demande si les officiers allemands y ont vraiment cru. La distinction à observer entre les simples rumeurs et les faits réels est donc un vrai problème qui doit être pris très au sérieux par tous les historiens. C’est pourquoi j’ai accepté de préfacer en 2014 le livre de Grégor Mathias, dont je craignais que le titre tapageur suffise à provoquer un rejet instinctif de lecteurs potentiels, pour définir clairement le vrai problème. J’invite donc les lecteurs intéressés à lire attentivement cette préface, où je ne prétends pas « inverser la charge de la preuve », mais seulement inviter les historiens à ne pas supposer a priori l’impossibilité de certains faits trop dérangeants pour être admis d’un cœur léger : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=340 .

Grégor Mathias a passé en revue dans son livre plusieurs témoignages dont la valeur probante était très inégale, et sans pouvoir conclure dans la plupart des cas, comme Malika Rahal l’a justement remarqué. Mais celle-ci a négligé un fait essentiel : il existe au moins un cas d’enlèvement suivi de prises de sang forcé qui est attesté non par un seul témoignage tardif mais par un ensemble cohérent de documents écrits précisément datés et identifiés, celui du légionnaire espagnol Esteban Sanchez (à lire plus loin), et c’est ce qui justifie la tentative hasardeuse de réexamen de témoignages divers à laquelle Grégor Mathias s’est consacré dans ce livre. Durant un quart de siècle, il s’est efforcé, non pas d’inverser la charge de la preuve, mais d’établir la vraisemblance de ce cas précis, et c’est ce qu’il a récemment réussi à faire, comme on le verra plus loin.

Malika Rahal ne s’astreint pas à une étude systématique de tous les témoignages ayant fait état de prises de sang forcé, même si dans le chapitre suivant elle s’attache à critiquer celui du père de Laparre [6] à Oran. Pour ma part, j’ai ébauché un bilan des témoignages connus dans un courrier le 18 novembre 2016 - à partir de mes lectures antérieures, et du livre pionnier de Jean-Jacques Jordi [7] publié en 2011 après une large consultation par dérogation des archives publiques - et je le reprends ici.

Avant la publication par Jean-Jacques Jordi d’un document concernant Alger, je ne voyais pas de recoupement entre les publications qui faisaient état de prises de sang forcées à Alger et à Oran. Le document cité par le recueil de documents "OAS parle" en 1964 (pp 256-263) - à savoir le témoignage au tribunal d’un officier nommé Henri-Jean Thomas, lequel a publié un témoignage romancé sur sa collaboration avec l’OAS, sous le titre Le terrorisme urbain à Alger en 1962, Delta 7, en 1997 - ne donne pas de date précise quand il écrit à la page 258 de ce recueil : « A ce moment-là également, ont commencé à courir des bruits sur l’existence à Alger de cliniques FLN utilisant des jeunes gens enlevés comme donneurs de sang. Je n’ai jamais pu établir l’authenticité de ce fait, mais estime la chose possible » L’éditeur de ce recueil de documents, Pierre Nora, ajoutait en note : « Bruit tenace, qui n’a jamais reçu la moindre preuve ».

Donc il faut distinguer la date non précisée d’apparition de la rumeur, et celle du fait supposé qui justement n’est pas prouvé, selon ce même témoin. Contrairement à Grégor Mathias, qui a utilisé le livre de Henri-Jean Thomas pour tenter d’établir des faits datés, je ne crois pas pouvoir le faire, parce que l’auteur a choisi de mettre en forme ses souvenirs sous une forme romancée, en commettant des erreurs de date manifestes. Le Journal de Francine Dessaigne [8], quant à lui, atteste la même rumeur à la date du 9 mai, sans en fournir de preuves. La première mention de prises de sang par une émission de l’OAS d’Alger, également le 9 mai, est rapportée par un rapport des renseignements généraux daté du 10 mai qui se rapporte à ORAN et développé les thèmes suivants : "Un speaker a d’abord évoqué certains aspects de la situation à Oran et développé les thèmes suivants : ’collusion’ de l’armée avec le FLN ; ’découverte’ aux abattoirs d’ORAN de 30 cadavres d’européens enlevés par le FLN, puis abandonnés après avoir été vidés de leur sang". Mais le seul témoignage un peu précis sur les prises de sang forcées à Alger serait celui d’une femme enlevée en mai 1962 puis évadée grâce à l’aide d’une infirmière, qui avait été cité par Micheline Susini dans ses souvenirs [9], et qui était d’après celle-ci une voisine de sa mère. Enlèvement qui semble confirmé et daté apparemment par Jean Monneret dans sa thèse, mais sans qu’il parle de prises de sang. Il y avait donc peu de précisions sur les prises de sang à Alger avant la publication du livre de Jean-Jacques Jordi en 2011, qui leur a brusquement donné plus de crédibilité.

Au contraire, il y avait beaucoup plus de mentions de prises de sang forcées à Oran, et beaucoup plus concentrées dans le temps. La plus ancienne par sa date nous vient de Jean-Jacques Jordi, il s’agit du rapport de gendarmerie qui rapporte la découverte de quatre cadavres entièrement vidés de leur sang le 21 avril 1962 [10]. Viennent ensuite plusieurs mentions dans le Journal du père de Laparre, aux dates des 22 et 27 avril. Puis le rapport de la gendarmerie d’Arcole les 3-4 mai également cité par Jordi [11], puis le 9 mai l’article du Daily Telegraph affirmant la découverte par l’armée française d’un lieu de prise de sang forcée dans un abattoir d’Oran (répercuté à l’Assemblée nationale par le député Marc Lauriol le 14 mai), ainsi que l’enlèvement du légionnaire Sanchez sur la plage d’Arzew le 8 mai, suivant sa lettre publiée par Grégor Mathias. A quoi il faudrait ajouter l’enlèvement à Oran à la fin du mois de mai de J.F., ami aujourd’hui décédé de Roger Vétillard qui l’a interrogé sur ce sujet beaucoup plus tard. Et enfin l’enlèvement le 23 mai à Mostaganem par le FLN d’un sous-officier qui se serait évadé, et dont le témoignage faisant état de menaces de prises de sang a été publié dans le bulletin de l’OAS-Oran le 26 mai [12]. A toutes ces mentions, le général Katz a opposé dans ses Mémoires un démenti formel, mais il est à noter que l’OAS d’Oran a attendu jusqu’au 26 mai pour confirmer ce qui se répétait à Oran depuis plus d’un mois. Enfin, la comparaison entre le document publié par Grégor Mathias et celui cité récemment par Jean-Jacques Jordi [13] a mis en évidence une concordance frappante entre leurs contenus respectifs, qui suggère l’hypothèse d’une relation objective entre les événements d’Alger et d’Oran, au moins à partir du 20 mai 1962.

Les mentions des prises de sang forcés par l’OAS étaient beaucoup moins fréquentes qu’on aurait pu le croire, et l’explication la plus vraisemblable de leur rareté relative confirme celle du consul américain à Alger citée par Malika Rahal au début de son livre (p 38) : la peur de déclencher une panique irrépressible qui aurait privé l’OAS de sa base démographique en accélérant un exode massif. Ce qui n’empêcha pas ensuite l’ancien chef de l’organisation terroriste de l’OAS d’Alger, Jean-Claude Perez, d’affirmer la réalité de ces prises de sang forcées dans son livre Le sang d’Algérie [14].

Pendant très longtemps j’ai eu l’impression, comme Malika Rahal, que ces rumeurs n’étaient crues que par ceux qui leur trouvaient une vraisemblance idéologique, confortant leur haine du FLN, et refusées par tous les autres pour des raisons symétriques et opposées, le refus d’accuser le FLN ou tout simplement de croire au pire. Mais mon point de vue a changé à partir du moment où j’ai rencontré Grégor Mathias à Aix-en-Provence à l’occasion de sa soutenance de DEA le 19 juin 1998, à laquelle je participais dans le jury avec mes collègues Jean-Louis Triaud et Robert Ilbert. Grégor Mathias m’a fait lire un ensemble de documents originaux, en me demandant de ne pas les reproduire sans occulter tous les noms propres parce qu’il s’y était engagé auprès de celui qui les lui avait confiés à cette condition impérative.

Les documents conservés par Grégor Mathias

Ces documents se composaient de trois sous-ensembles :

Une lettre écrite en espagnol par le légionnaire Sanchez, porté déserteur depuis sa disparition à Arzew le 9 mai 1962, à son frère - lui aussi ancien de la Légion étrangère - , avec son enveloppe portant un cachet postal du 30 juin 1962 à moitié effacé [15], et réexpédiée par le destinataire le 12 juillet à la maison-mère de la Légion à Sidi-Bel-Abbès ;

La traduction de cette lettre en français par deux légionnaires (noms caviardés), datée du 13 juillet 1962 ;

Une analyse du colonel de la Sécurité militaire de la Légion, (nom caviardé), datée du 13 juillet 1962, attestant la valeur de cette lettre comme première preuve de ce qui était jusque-là considéré comme une simple rumeur :

« Tampon rouge : SECRET.

Objet : Lettre émanant d’un légionnaire porté déserteur et en réalité prisonnier de l’ALN.

Pièces jointes : Photocopie de la lettre de ce légionnaire à son frère

Traduction (Espagnol-français) de cette lettre

Le 9 mai 1962, le légionnaire (nom caviardé) Mat. 130.098 de (caviardé) en permission au centre d’hébergement de la Légion étrangère d’ARZEW jusqu’au 26 mai 1962 inclus, était porté manquant à l’appel des permissionnaires.

Porté déserteur le 9 juin 1962, son compte rendu particulier de désertion fut établi le 9 juillet 1962 sous le n° 12 592.

Or le 30 juin 1962, il réussissait à adresser une lettre à son frère (nom caviardé) et demeurant en France à l’adresse suivante (caviardée).

Dans cette lettre, document exceptionnel, il explique qu’il fut enlevé par l’ALN sur la plage des Sablettes à ARZEW, il donne des détails sur son état de prisonnier et il a l’élégance, bien légionnaire, de penser avant tout à faire prévenir la Légion afin qu’il ne soit pas considéré comme déserteur.

Cette lettre, comme le souligne le colonel (nom caviardé) dans son mot personnel à Monsieur le Général Commandant Supérieur Interarmées en Algérie, confirme la rumeur souvent évoquée dans l’Oranie, selon laquelle des Européens ont été saignés à blanc par l’ALN pour subvenir aux transfusions rendues difficiles par la précarité de leurs installations sanitaires clandestines.

Les notes méritées à la Légion par l’ex-légionnaires (nom caviardé), sa manière habituelle de servir, les conditions mystérieuses de sa disparition à ARZEW, l’étonnement manifesté par son frère et ses camarades lors de l’annonce de sa désertion, authentifient s’il en est besoin ce message parvenu le 12 juillet 1962 au (mot caviardé) par l’intermédiaire du frère de (nom caviardé)

Tout doit être mis en œuvre pour contraindre l’ALN à rendre ce légionnaire, ainsi d’ailleurs que les autres prisonniers, ou du moins ceux qui survivent encore aux prises de sang répétées dont ils sont l’objet ».

(Signature caviardée)

TRADUCTION d’une lettre écrite par le lég. (nom caviardé) Mle 130.098, prisonnier de l’ALN, à son frère, (nom caviardé)

TRADUCTEUR : nom caviardé.

CONTROLE DE TRADUCTION : nom caviardé.

Langue : Espagnol-Français

DATE DE TRAD. : 13.07.62.

IN EXTENSO

« Cher frère,

Si cette lettre t’arrive ça sera un vrai miracle...que tu puisses savoir que je suis encore en vie ! Mais je ne crois pas qu’il me reste encore longtemps à vivre, car ils nous tuent tous. Depuis que je suis ici, beaucoup « y sont passés », et deux légionnaires comme moi...L’autre que j’ai rencontré a été amené je ne sais pas où...Car je ne sais même pas où je me trouve...Je t’écris parce que j’ai obtenu ce papier et enveloppe qu’une femme m’a donné ici... on m’a dit de ne pas manger le matin. On m’a dit aussi qu’on va m’emmener au laboratoire pour une prise de sang. Ils ont fait ça déjà trois fois avec moi, depuis le jour qu’ils m’ont sequestré avec un autre légionnaire du 5e. Je ne sais pas ce qu’il est devenu.

(prénom du frère caviardé), par le cachet postal tu sauras où je suis... tu le diras aux autorités militaires pour qu’elles puissent effectuer les recherches nécessaires et me sauvent d’une mort certaine... Ils sont corrects avec nous, ils nous donnent bien à manger, mais c’est pour prendre notre sang, et après ils nous tueront... J’ai de la chance d’être étranger, les Français sont tués les premiers.

Ils m’ont pris tous mes papiers et vêtements militaires, j’ai pu seulement garder ma plaque d’identité.

Si j’ai la chance de pouvoir m’échapper, je me présenterai avec ma plaque dans un poste militaire ou à la Gendarmerie ; ils m’ont déjà changé plusieurs fois de lieu, et par le bruit de moteur qu’ils emploient, ce doit être une 4 ch. Renault. Si la Légion ne peut rien faire pour moi, au moins qu’ils ne croient pas que je suis déserteur.

Comme autres références je peux te dire seulement que j’entends très souvent parler de Médéa et de la casbah. Enfin, ne te fais pas de mauvais sang, car je suis croyant, et si Dieu le veut, je conserverai la vie. Mon œil va mal car les médicaments me manquent.

J’ai été rapté le 8 mai ‘aux Sablettes’ ARZEW. Je jetterai cette lettre demain quand ils me changeront de place, si j’en ai l’occasion. Ton frère qui t’aime bien t’embrasse. Pas un mot à maman, tu l’embrasseras de ma part.

Lég. (nom caviardé) »

La lente diffusion de ces documents

A la suite de cette rencontre, j’ai fait une première allusion très discrète à ces documents dans l’ouvrage collectif publié par Jean-Jacques Jordi et moi-même aux éditions Autrement en mars 1999, Alger 1940-1962, une ville en guerres, p. 235 note 61 : après avoir cité les pages du Journal de Francine Dessaigne parlant des enlèvements et des cadavres saignés à blanc, je fis le commentaire suivant : "On hésite, en effet, à croire de telles horreurs ; mais où sont les limites du possible dans l’enfer qu’est devenu Alger, où les deux camps justifient leurs atrocités par celles de l’autre ? ", et j’ajoute dans la note : "De nombreux auteurs ont estimé qu’il s’agissait de rumeurs sans fondement. Il existe pourtant au moins un document officiel, qui paraît attester la réalité de ces effroyables pratiques". A ma grande surprise, cette phrase inquiétante ne m’a valu qu’une seule demande de précisions. Puis je suis revenu sur le même sujet dans mon livre Pour une histoire de la guerre d’Algérie en 2002, à la page 214, note 3 : " Cette rumeur, diffusée par des tracts de l’OAS et répétée par ses chefs dans leurs souvenirs (cf. M. Susini, De soleil et de larmes, p. 226-227 ; J. C. Perez, Le sang d’Algérie, p. 35) n’est pas considérée comme suffisamment prouvée par les historiens (y compris l’Algérois Jean-Monneret dans sa thèse La phase finale de la guerre d’Algérie, Paris, L’Harmattan, 2000). Il existe pourtant un document qui prouve tout au moins qu’une autorité militaire l’a considérée comme démontrée par un cas précis."

J’ai encore signalé cette affaire lors de ma journée d’étude du 19 mai 2003 sur les exodes d’Algérie à deux de mes collègues, qui se sont montrés sceptiques. J’ai ensuite montré brièvement des photocopies des documents en question au général Faivre et à Jean Monneret le 27 septembre 2003 ; et je les ai rappelées de nouveau à Jean Monneret avant qu’il publie un nouveau livre, La tragédie dissimulée, Oran, 5 juillet 1962, en 2006. Historien très prudent - comme l’a remarqué Malika Rahal - il évoque les quelques indices signalant des prélèvements sanguins aux pp 62-67, et signale à la fin l’existence d’un document qui pourrait être plus probant (p. 66), ainsi qu’un autre fait sans rapport apparent avec ce qui précède : les accusation d’anciens prisonniers marocains du Front Polisario libérés après une très longue captivité en 2005, qui déclarent que les prisonniers étaient transformés en "vaches à sang" , certains étant pompés "dix fois par mois" [16], que je lui avais signalées.

Grégor Mathias ayant souhaité consacrer un article à ce sujet délicat, je l’ai aidé à publier dans la revue Outre-mers, revue d’histoire, à la fin 2007, « Le sang des disparus d’Algérie en mai-juin 1962. Un drame oublié de la guerre d’Algérie » [17], qui avait provoqué des réactions critiques de plusieurs collègues, non convaincus du bien-fondé de sa publication dans une revue historique. Je leur avais donc envoyé une première mise au point par mail le 15 février 2008, et peu après j’ai pu constater de nouveau en évoquant cette affaire dans une journée d’étude le 19 mars 2008 qu’elle provoquait de fortes réactions d’incrédulité ; mais à ma grande surprise le docteur Roger Vétillard m’a signalé ensuite qu’il venait de recueillir un témoignage direct, celui d’un ancien policier enlevé à Oran au printemps 1962 puis rapidement libéré par l’intervention des forces de l’ordre, et qui aurait été menacé de prises de sang forcées peu avant sa libération.

Puis j’ai aidé Grégor Mathias à publier un deuxième article intitulé « Les « vampires » à Alger, Oran et Tlemcen (avril-juillet 1962) : une rumeur de la guerre d’Algérie ? » dans la revue en ligne de Daniel Lefeuvre et Michel Renard, Etudes coloniales, le 22 mars 2011, et de nouveau j’ai dû défendre cette publication, sur mon site [18]. En effet, il m’est apparu à plusieurs reprises que les documents invoqués provoquaient des réactions de méfiance instinctive allant bien au-delà de la simple prudence scientifique, comme si l’hypothèse de leur véracité était a priori trop dérangeante pour être admissible. La publication de ma préface au livre de Grégor Mathias déjà cité en 2014 était la dernière étape de nos efforts - peu efficaces - pour provoquer une remise en question du refus de considérer une autre hypothèse que celle de la rumeur.

Des faits nouveaux de première importance

Et pourtant, des faits nouveaux se sont produits récemment, permettant de renforcer considérablement la crédibilité des documents conservés par Grégor Mathias.

D’abord, dès 2009, Grégor Mathias avait pu me révéler l’identité de l’informateur qui lui avait remis les documents qu’il m’avait montrés le jour de sa soutenance de DEA, après le décès de celui-ci. Il s’agit du père Jorge Saavedra (1930-2009), un personnage extraordinaire : chilien issu d’une très grande famille, intellectuel marxiste, ayant parcouru le monde avant de s’engager dans la Légion étrangère en décembre 1960, puis d’entrer au séminaire et de devenir prêtre catholique après la fin de son engagement. C’était lui qui avait traduit la lettre de l’espagnol au français, qui l’avait récupérée pour lui éviter d’être détruite au moment de l’évacuation par la Légion étrangère de son camp de Sidi-Bel-Abbès (24 octobre 1962), et qui avait confié les documents au jeune historien pour les sauvegarder. Quant à son supérieur qui avait contrôlé la traduction, le colonel Jean-Marie Selosse, il s’agit d’un autre ancien légionnaire qui a publié en 2002 et 2007 deux romans remarqués, et connu par mon collègue Jean-Charles Jauffret qui a pour lui le plus grand respect. Il y a donc deux transmetteurs identifiés, et leurs profils également remarquables ne correspondent pas à ceux de militants ou sympathisants de l’OAS prêts à tout pour discréditer le FLN. Enfin le colonel Vaillant, auteur du rapport concluant avec une franchise remarquable à l’authenticité du document permettant d’établir la réalité des prises de sang forcées, est également bien identifié par mon collègue, spécialiste incontesté de l’histoire militaire de la guerre d’Algérie.

Mais d’autres faits nouveaux se sont produits dix ans plus tard, et ont apporté de nouveaux documents qui semblent bien confirmer l’authenticité de ceux transmis par le père Jorge Saavedra. D’abord, Grégor Mathias m’a annoncé en 2019 la découverte d’une coupure de presse qui, en annonçant la libération du légionnaire espagnol en question, me paraissait confirmer le document précédent et toutes les conclusions que j’en avais tirés. Il s’était adressé à l’association Soldis que le général Henry-Jean Fournier a créée pour recenser tous les militaires français disparus pendant la guerre d’Algérie. Celui-ci ayant établi une liste provisoire de 312 noms en juillet 2017, Grégor Mathias luiafourniceluidu légionnaire Sanchez enlevé le 9 mai 1962 à Arzew, avec son numéro matricule, pour savoir s’il était dans la liste. Le général Fournier lui a répondu qu’il n’y était pas, mais que sa libération avait été annoncée le 11 août 1962, suivant une coupure de presse retrouvée collée avec d’autres sur une feuille au Service historique de la défense, sous la cote 1 H 1789. Voici le texte de cet article que Grégor Mathias m’a envoyé le 6 janvier 2019, malheureusement sans le titre ni le lieu de parutiondujournal(AlgerouOran ?) [19] :

Samedi 11 août 1962 Disparu depuis le 8 mai, le légionnaire Esteban SANCHEZvient d’être libéré « Le 21 juillet, nous annoncions la disparition depuis le 8 mai à Arzew du légionnaire Esteban Sanchez, âgé de 23 ans, alors qu’il était en tenue militaire. Cette nouvelle nous a avait été donnée par une personne amie du jeune militaire, Mme Pons d’Alger.

Une lettre écrite par le légionnaire Sanchez vient de nous parvenir nous disant sa joie d’être rendu à la liberté. Sa libération a eu lieu dans la banlieue d’Alger, au cours de la nuit du 1er au 2 août.

Je vous remercie de ce que vous faites pour les personnes disparues nous a écrit M. Sanchez ainsi qu’au nom de Mme Pons et du 3e REI, mon corps actuel, où j’espère reprendre mon service bientôt. »

Article illustré par une photographie du jeune légionnaire souriant.

Puis, le 14 octobre 2020, Grégor Mathias m’a retransmis la copie d’un document qu’il venait de recevoir du général Fournier, trouvé au Service historique de la défense sous la cote 1 H 3057 et qui confirme la libération du légionnaire Esteban Sanchez-Caceres [20].

Ce document émane de la Direction de la sécurité militaire, poste de sécurité militaire de la 20ème D.I., et il est daté du 24 août 1962. Son objet est l’enlèvement par l’ALN du légionnaire Sanchez-Caceres du 3ème R.E.I. Son point n° I rappelle les renseignements d’identité et de position de l’intéressé. Le point n° 2 indique les "renseignements détenus aux archives" : "NEANT". Le point n° III expose les "renseignements nouveaux :

Origine : Gendarmerie de ST-EUGENE ALGER.

Source : P. V. n° 2170.

Valeur : Non précisée.

Date des faits : 8 Mai 1962.

Date de recueil : AOUT 1962. « SANCHEZ-CACERES se trouvait, au début de mai 1962, en convalescence au Centre de repos à ARZEW. Le 8 Mai, vers 18 h 15, alors qu’il rentrait seul de la plage pour rejoindre le centre de repos, il était abordé par 5 Musulmans armés de P. A., qui l’obligeaient à monter à l’arrière d’une V. L. SIMCA. Attaché avec une corde et les yeux bandés, il était transporté jusqu’à un endroit qu’il ne peut déterminer, enfermé dans une cave et déshabillé. Après avoir subi deux prises de sang, il était battu par ses ravisseurs car ces derniers voulaient connaître les noms des membres de l’O.A.S. puis transporté une nouvelle fois à un autre endroit où il était astreint à des corvées de triage de munitions. Le 1er août, un Musulman qui paraissait être le chef donnait l’ordre de (le) libérer : après 3 heures de marche, les yeux bandés, il était relâché, au bord d’une route, à proximité d’une plage. Il était recueilli par un motocycliste et conduit à la Brigade de gendarmerie de SAINT-EUGENE. Au cours de sa détention, SANCHEZ a été en contact, une seule fois, avec un autre Européen nommé "SERGE", enlevé lui aussi, huit jours auparavant en même temps qu’une jeune fille et un camarade." Le point IV formule l’opinion du poste : " Déclarations vraisemblables qu’il sera cependant impossible de vérifier", puis il ajoute "un fait à souligner : capturé à ARZEW, il a été libéré à ALGER". Les mesures prises (point V) sont : "Commandement et chef de corps prévenus par Gendarmerie". Le rapport est signé par le Capitaine SUPRER, Chef du PS/M20° DI". » A la suite, une copie certifiée conforme est transmise depuis Oran, le 29 septembre 1962 (donc, plus d’un mois plus tard) à Monsieur le Général Commandant Supérieur des Forces armées françaises en ALGERIE, EMI/2ème bureau, LA REGHAIA, par le général de division DE BELENET, commandant le XXIVème C.A. (tampon et signature pour ordre du lieutenant- colonel DUMONET chef du 2° Bureau).

Ainsi, l’authenticité de l’enlèvement du légionnaire Sanchez-Caceres par l’ALN a été officiellement reconnue par la hiérarchie militaire dont il dépendait. Même si le rapport est extrêmement succinct et réduit à l’essentiel (l’enlèvement et la libération de l’intéressé), et même si l’établissement d’une preuve scientifique absolue des prélèvements sanguins forcés près de soixante ans après les faits paraît aujourd’hui impossible, on peut désormais admettre comme vraisemblable l’authenticité du message beaucoup plus angoissant que l’historien Grégor Mathias a sauvegardé.

Conclusion

Je suis d’accord avec Malika Rahal pour estimer que ce qui permet de reconnaître à coup sûr une rumeur, c’est l’impossibilité absolue d’identifier précisément les lieux, les dates, les acteurs et les témoins des faits allégués. Or les documents révélés par Grégor Mathias et par le général Fournier, comme on vient de le démontrer, sont tout le contraire d’une rumeur : ils établissent un fait historique fondé sur des archives, aussi crédible que la plupart des autres faits reconnus par les historiens. Il n’est donc plus possible de les récuser a priori comme c’était trop souvent le cas auparavant.

Il convient maintenant que les historiens reprennent leurs discussions, sereinement, sans anathème, pour tenter de situer ce fait nouveau par rapport aux autres. Cela implique le libre exercice de leurs jugements dans la confrontation avec ceux de leurs collègues. Malika Rahal a sans doute raison de penser que l’explication des prises de sang forcées par un préjugé religieux interdisant d’utiliser le sang des musulmans ne va pas de soi - même s’il faudrait distinguer suivant les mentalités propres à différents milieux, remarque Grégor Mathias [21] - mais on peut estimer plus vraisemblable un désir de vengeance contre des Européens et des militaires français après tant d’années de combats et de répressions (vengeance évidemment contraire au cessez-le-feu et aux accords d’Evian). On doit également s’interroger sur la participation éventuelle de soignants à des actes contraires à l’éthique médicale. On peut aussi chercher à distinguer la part des initiatives locales et celle des instructions générales dans de tels actes, mais il faut tenir compte du fait justement souligné par le rapport du 24 août 1962 de la Sécurité militaire : le légionnaire Esteban Sanchez, enlevé le 8 mai à Arzew (Oranie, wilaya V), a été libéré le 2 août près d’Alger [22], alors sous l’autorité de la wilaya IV (Algérois) qui avait enlevé le contrôle de la capitale à la Zone autonome d’Alger le 23 juillet. Cela veut dire que les enlèvements et les prises de sang auraient été organisés en collaboration par plusieurs organisations de l’ALN voulant coopérer contre l’OAS, mais en s’en prenant en fait à des cibles civiles et militaires beaucoup plus larges.

Il convient aussi de rappeler que si ces prises de sang forcées restent insuffisamment démontrées dans la plupart des cas allégués, elles s’inscrivent dans un phénomène beaucoup plus large et incontesté d’enlèvements de civils et de militaires européens, souvent suivis d’exécutions, qui se sont multipliés à partir de la mi-avril 1962, comme Jean Monneret l’a démontré dans sa thèse publiée en 2000, La phase finale de la guerre d’Algérie (apparemment en application d’instructions données en janvier 1962 par le GPRA pour détruire l’OAS [23]). Phénomène qui a pris une ampleur de plus en plus considérable un mois après le cessez-le-feu d’Evian, en interaction avec l’escalade terroriste de ladite OAS. Mais il faut aussi rappeler que les victimes des attentats du FLN visant la population européenne depuis au moins le 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois n’ont jamais été « peu nombreuses » (contrairement à ce qu’a écrit Malika Rahal p 27) en proportion, si on rapporte leur nombre non pas à la population musulmane dix fois plus grande qu’elle mais à la population métropolitaine (46,5 millions d’habitants recensés en 1962 pour moins d’un million de « pieds-noirs » restés en Algérie). Raphaëlle Branche elle-même, dans son livre Prisonniers du FLN paru en 2014, a reconnu que « faits pour servir les intérêts du FLN, les prisonniers étaient totalement à la merci de celui-ci. Leur vie comme leur mort lui appartenaient » (p. 136), et que les enlèvements de civils français, qui se sont multipliés un mois après le 19 mars 1962, visaient à « déraciner une présence présentée comme étrangère sur un sol que le FLN prétendait se charger de rendre à son propriétaire légitime » (p. 220), puisque « le projet du FLN visait précisément à chasser les Français d’Algérie » (p. 14).

En fin de compte, au-delà de l’inévitable diversité des points de vue, les historiens doivent pouvoir s’entendre parce que faire de l’histoire, ce n’est pas écrire ce qu’il nous plaît de croire, c’est écrire ce que nous sommes obligés de croire.

Guy Pervillé

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[1] Malika Rahal, « Algérie 1962. Une histoire populaire », Paris, Editions La Découverte, 2022, 493 p.

[2] Voir Marc Bloch, Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre, Allia, Paris, 2019.

[3] Cité dans Jean Monneret, La phase finale de la guerre d’Algérie, L’Harmattan, Paris, 2000. L’auteur dit lui-même n’avoir ‘jamais pu établir l’authenticité de ce fait’ ; cité aussi dans Henri-Jean Thomas, Le terrorisme urbain à Alger en 1962 : Delta 7, L’Harmattan, Paris-Montréal 1997, p 167.

[4] Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, L’Harmattan, Paris, 2000 : François Sironi et Raphaëlle Branche, « La torture aux frontières de l’humain », Revue internationale des sciences sociales, vol. 174, 2002, p 191 ; Malika Rahal, Ali Boumendjel, Belles Lettres, Paris, 2010 ; réed.en poche, La Découverte, Paris, 2022.

[5] Grégor Mathias, Les vampires à la fin de la guerre d’Algérie. Mythe ou réalité ? Michalon, Paris, 2014.

[6] Révérend père de Laparre, Oran 1961-1962, journal d’un prêtre en Algérie,

[7] Jean-Jacques Jordi, Un silence d’Etat, les disparus européens de la guerre d’Algérie, Paris, Soteca, 2011, p 107. Voir la citation plus loin.

[8] Francine Dessaigne, Journal d’une mère de famille pied-noir, L’esprit nouveau, 1963.

[9] Micheline Susini (première épouse du chef politique de l’OAS d’Alger, Jean-Jacques Susini), De soleil et de larmes, Paris, Robert Laffont, 1982, pp 226-227).

[10] Jordi p 107 : « Pour la première fois dans les archives, mais on peut légitimement penser que ce n’était pas la première fois, le 21 avril 1962, des gendarmes d’Oran en patrouille découvrent ‘quatre Européens entièrement dévêtus, la peau collée aux os et complétement vidés de leur sang’ ». Référence : CHAN-CARAN, section XXème siècle, 5 AG1 /Sol/788.

[11] Jordi, p 107 : « Analyse du renseignement : Dans le courant du mois d’avril, de nombreux européens ont été enlevés par des FNA travaillant pour le compte du FLN, tant dans l’agglomération d’Oran qu’à l’intérieur. Ces enlèvements auraient pour objet deux buts précis : 1°/ Vérifier si la personne enlevée appartient ou non à l’Organisation subversive (...). 2°/ Collecter du sang au profit des hôpitaux du FLN installés dans l’agglomération musulmane d’Oran ».

[12] Cité dans le recueil des appels de l’OAS d’Oran réuni par Guy Pujante. J’y rechercherai la citation exacte dès que possible.

[13] Note de renseignements du 16 juin 962, direction de la sécurité militaire du corps d’armée d’Alger. Objet : Hôpital FLN (Valeur : F.6) : « D’après un renseignement d’origine civil et privé recueilli le 22 mai à Alger, l’adjudant GAGNAIRE et le sergent TORRES du 21 ème RT, portés déserteurs à compter du 20 mai 1962 se trouveraient dans un hôpital FLN situé Rue de l’Usine à Alger en limite du quartier Belcourt. Cet hôpital grande bâtisse, disposant d’une cour intérieure, se situe à gauche dans la rue de l’Usine, et tournant le dos au boulevard BRU et près des escaliers terminant la rue de l’Usine à l’autre extrémité. Une quarantaine d’Européens seraient séquestrés au même endroit, jouant le rôle de donneurs de sang ». Jordi précise en note : « Ces deux militaires, enlevés le 3 mai 1962 et considérés comme déserteurs par l’armée, ont rapidement été rétablis dans leur honneur après ce témoignage et sont désormais inscrits sur la colonne « Morts pour la France » du Mémorial du Quai Branly ». Référence : SHD 1 H 1212.

[14] Jean-Claude Pérez, Le sang d’Algérie, histoire d’une trahison permanente, 1992, p 35.

[15] On pouvait lire « GER GARE », ce que j’interprétais comme « Alger-gare ».

[16] Mélanie Matarese, "Les survivants de l’enfer sahraoui", Le Monde, mardi 11 octobre 2005, p. 13.

[17] Grégor Mathias, « Le sang des disparus d’Algérie en mai-juin 1962. Un drame oublié de la guerre d’Algérie », Outre-mers, revue d’histoire, n° 356-357, 2ème semestre 2007, pp 265-280.

[18] Voir « Les prises de sang forcées en Algérie : mythe ou réalité ? » (2011) http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=261 .

[19] Voir sur mon site : « Du nouveau sur les prises de sang forcées : la libération du légionnaire Esteban Sanchez » (2019), http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3 ?id_article=434 .

[20] Ibid, rajouté en PS.

[21] Il s’appuie notamment sur le livre d’Albert Faucher, Quand les cigognes claquaient du bec dans les eucalyptus, correspondance d’un appelé d’Algérie, préface de Benjamin Stora, Paris, Fayard, 2012. Malika Rahal le cite également (pp 29-30 de son livre) mais n’en tire pas la même conclusion.

[22] Cela confirme mon intuition, contraire à celle de Grégor Mathias qui, après une longue discussion de toutes les hypothèses, penchait pour une détention près d’Oran.

[23] Voir El Moudjahid, n° 89, 16 janvier 1962.



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