HISTORIOGRAPHIE DE LA GUERRE D’ALGÉRIE (1991 - 1992)
L’approche du trentième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie a suscité en France une nouvelle vague de publications, ainsi que des films ou émissions télévisées, des expositions et des colloques. L’ouverture de la plupart des documents des archives militaires de Vincennes à partir du 1er juillet 1992 a inauguré une nouvelle étape dans l’élaboration de son histoire, qui tarde à prendre la relève de l’historiographie. Mais en Algérie, depuis l’interruption du processus électoral en janvier 1992, le présent répète le passé : terrorisme et répression sont de nouveau à la une des journaux. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur l’avenir de l’histoire scientifique et critique dans ce pays.
Les publications effectuées en France ou dans les pays voisins en 1991 et 1992 semblent plus nombreuses que dans les deux années précédentes (voir AAN 1990, pp. 953-954) :
Paru en 1991 :
AMRANE, Djamila, Les femmes algériennes dans la guerre, préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Plon, 298 p. et photos hors-texte.
BERGOT, Erwan, La guerre des appelés en Algérie - 1956-1962, Paris, Presses de la Cité, réédition, 298 p, et photos hors-texte.
BOUALAM, Saïd, Mon pays, la France, Paris, Éditions France-Empire, réédition, p. ill.
EINAUDI, Jean-Luc, La ferme Améziane. Enquête sur un centre de torture pendant la guerre d’Algérie, Paris, L’Harmattan, 117 p.
EINAUDI, Jean-Luc, La bataille de Paris, 17 octobre 1961, Paris, Le Seuil, 330 p. et photos hors-texte.
JOLY, Danièle, The French Communist Party and the Algerian War, London, Macmillan, 199 p.
Le livre interdit, Plougrescant, Éditions Confrérie Castille, 196 p.
MAURIENNE, HURST Jean-Louis, Le déserteur, Levallois Perret, Éditions Manya, réédition, 96 p.
RIOUX, Jean-Pierre et SIRINELLI Jean-François et al., La guerre d’Algérie et les intellectuels français, Bruxelles, Complexe, 405 p.
ROUX, Michel, Les harkis. Les oubliés de l’histoire, 1954-1991, Paris, La Découverte, 420 p.
SCOTTO Jean, Curé pied-noir, évêque algérien. Souvenirs recueillis par Charles Ehlinger. Préface d’André Mandouze, Paris, Desclées de Brouwer, 282 p.
STORA, Benjamin, Histoire de l’Algérie coloniale 1830-1954, Paris, La Découverte, 123 p.
STORA, Benjamin, La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 369 p.
TITRAOUI, Taouès et COLL Bernard, Le livre des harkis, Préface d’Ali Boualam et de Jacques Soustelle, Bièvres, Éditions Jeune Pied Noir, 273 p, ill.
TRISTAN, Anne, Le silence du fleuve. Ce crime que nous n’avons toujours pas nommé, Paris, Au nom de la mémoire, 135 p., ill.
Paru en 1992 :
ANDRIEU, René, La guerre d’Algérie n’a pas eu lieu. 8 ans et 600.000 morts, Paris, Messidor - Éditions sociales, 189 p.
BUONO, Christian, L’olivier de Makouda, Préfaces de Gilles Perrault et Henri Alleg, Paris, Éditions Tirésias-Michel Reynaud.
CARRIÈRE, Jean-Claude et AZZEDINE, Commandant, C’était la guerre, Algérie, 1954-1962, Paris, Plan, 465 p.
DOLY-LINAUDIÈRE, Guy, L’imposture algérienne. Les lettres secrètes d’un sous-lieutenant de 1960 à 1962. Préface de Raoul Girardet, Paris, Éditions Filipacchi, 295 p.
DONEUX, Jean-Louis, et LE PAIGE, Hugues, Le Front du Nord. Des Belges dans la guerre d’Algérie. Bruxelles, Politis et RTBF Éditions, 262 p. et photos hors-texte.
DUPONT DE DINECHIN, Bertrand, Guerre et paix - Défense et illustration d’une victoire oubliée sur la Révolution. Préface de Gustave Thibon, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 290 p.
GOEAU BRISSONNIÈRE, Jean-Yves, Mission secrète. Pour la paix en Algérie, 1957, Paris, Lieu Commun, 249 p.
HARBI, Mohammed, L’Algérie et son destin. Croyants ou citoyens, Paris, Éditions Arcantère, 247 p.
HELIE Jérôme, Les accords d’Évian. Histoire de la paix ratée en Algérie, Paris, Olivier Orban, 246 p.
La France en guerre d’Algérie, ouvrage publié sous la direction de Laurent GERVEREAU, Jean-Pierre RIOUX et Benjamin STORA, Paris, Musée d’histoire contemporaine et BDIC, 320 p., ill.
LEMALET, Martine, Lettres d’Algérie, 1954-1962. La guerre des appelés, la mémoire d’une génération. Préface de Paul Nahon, Paris, Jean-Claude Lattes, 359 p.
MIMOUN, Mouloud, France-Algérie, images d’une guerre, Paris, Institut du Monde Arabe, 1992.
OULD-AOUDIA, Jean Philippe, L’assassinat de Château. Royal - Alger : 15 mars 1962. Introduction de Germaine Tillion. Préface d’Emmanuel Roblès, Paris, Éditions Tirésias-Michel Reynaud, 197 p.
PEREZ, Jean-Claude, Le sang d’Algérie - Histoire d’une trahison permanente, Éditions du Camelot.
PERVILLÉ, Guy, 1962 : La paix en Algérie, Paris, La Documentation française, 96 p., et 8 fac-similés de journaux (recto-verso).
ROTMAN, Patrick et TAVERNIER, Bertrand, La guerre sans nom. Les appelés d’Algérie - 1954-1962, Paris, Le Seuil, 301 p.
STORA, Benjamin, Ils venaient d’Algérie. L’immigration algérienne en France, 1912-1992. Paris, Fayard, 492 p.
STORA, Benjamin, Aide-mémoire de l’immigration algérienne. Chronologie. Bibliographie (1912-1962), Paris, CIEMT et l’Harmattan, 136 p.
VILLANUEVA, Michèle, L’écharde. Chronique d’une mémoire d’Algérie, Paris, Maurice Nadeau, 341 p.
Ces deux listes sont certainement incomplètes : chaque année, des livres publiés par de petits éditeurs ou à compte d’auteur échappent à notre recensement, ou ne sont pas connus en temps utile. Parmi les titres oubliés de 1990, nous pouvons citer :
ABALLAIN, Paul, Morts pour rien. Préface du colonel Argoud, Paris, Éditions Ordoforma, 233 p.
DESSAIGNE, Francine, La paix pour dix ans. (Sétif-Guelma, mai 1945). Préface de Jacques Soustelle, Calvisson, Éditions Jacques Gandini, 322 p.
FERRÉ, Lucien, Chroniques d’un sous-préfet converti à l’Islam. D’une insurrection à l’autre,1939-1945, 1954-1960, Paris, Académie européenne du livre, 221 p.
KERALY, Hugues de, Hervé de Blignières, un combattant dans les tourmentes du siècle, Paris, Albin Michel, 341 p. (dont 16 p. de photos).
Les publications faites en Algérie sont encore plus difficiles à suivre régulièrement et sans retard. Il faut rajouter :
pour 1990 :
DAHLAB, Saad, Mission accomplie, Alger, Éditions Dahlab, 364 p. (dont 14 p. de photos).
En 1991 :
BELKHODJA, Amar, L’affaire Hamdani Adda (1926-1962), Alger, Éditions Mekhloufi, 161 p.
BENATIA, Farouk, Si Mohamed Khettab, précurseur du Maghreb. Préface de Ferhat Abbas, Alger, OPU, 349 p. (avec photos et documents annexes).
ILLOUL, Mohammed Tayeb et AROUA, Ali, Le groupe Émir Khaled de Belcourt : un maillon des SMA (1946-1962), Alger, Éditions Dhalab, 345 p., ill.
KHATIB, Hafid, 1er juillet 1956. L’accord FLN-PCA, Alger, OPU, 148 p., dont 32 p. d’annexes.
En 1992 :
CHAID, Hamoud, dit Abderrahmane, Sans haine ni passion - Contribution à l’écriture de l’histoire de l’Algérie, Alger, Éditions Dahlab, 345 p., ill.
GUERFI, Azzedine et CHAIEB, Aissa Khaled, Boudiaf, l’homme des ruptures, Alger, Éditions Chihab, 429 p.
MAADAD, Messaoud, Guerre d’Algérie, chronologie et commentaires, Alger, ENAG, 324 p. (dont annexes et photos).
Bien que ce bilan quantitatif soit très vraisemblablement incomplet, il ne donne pas l’impression d’un dynamisme remarquable des éditions algériennes.
En France, les publications de travaux d’historiens tendent de plus en plus à équilibrer les témoignages. Après les actes du colloque organisé par l’IHTP en décembre 1988 sur « la France en guerre d’Algérie » (parus en 1990 chez Fayard sous le titre La guerre d’Algérie et les Français), sont parus à Bruxelles ceux de la table ronde préparatoire sur La guerre d’Algérie et les intellectuels français (déjà diffusés dans le n° 106 des Cahiers de l’IHTP en novembre 1988). Après deux rapports préliminaires des coordinateurs Jean-François Sirinelli et Jean-Pierre Rioux, onze contributions étudient des aspects particuliers de leurs engagements (six concernant les intellectuels de gauche, deux ceux de droite, et trois suivant des approches transversales). Puis la partie « interventions et témoignages » donne la parole à un intellectuel de droite (Raoul Girardet) pour cinq de gauche. Par là, ce recueil illustre involontairement cette « hémiplégie de la mémoire » qu’il signale, amplifiant la prépondérance idéologique des gauches dans les milieux intellectuels de l’époque, tout en cherchant à la dépasser en montrant le poids d’autres critères de classement, tels que l’âge et la culture politique.
Autre retombée du grand colloque de l’IHTP, le catalogue de l’exposition organisée à l’Hôtel des Invalides, du 4 avril au 28 juin 1992, par le Musée d’histoire contemporaine et la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, sur le thème La France en guerre d’Algérie. Il ne s’agit pas seulement d’un catalogue d’exposition, remarquable par la richesse et par l’originalité de son iconographie ; c’est aussi un véritable ouvrage de référence, rassemblant les contributions d’une trentaine d’auteurs, au premier rang desquels se détachent Benjamin Stora (avec 11 contributions), Jean-Pierre Rioux et Charles-Robert Ageron. Signalons tout particulièrement les deux importantes mises au point de ce dernier : sur les origines de la Toussaint 1954 (pp. 20-29) ; et sur les pertes humaines de la guerre d’Algérie (pp. 170-173), où il reprend avec d’autres données l’enquête pionnière de Xavier Yacono (« Les pertes algériennes de 1954 à 1962 », Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, n° 34, 1982-2), et conclut à un ordre de grandeur compris entre 200.000 et 250.000 morts. Après cette première partie qui retrace « le cours de la guerre », deux autres sont consacrées aux « images » qui en furent données à l’époque, puis aux « mémoires » qu’elle a laissées jusqu’à nos jours [1].
D’autres manifestations commémoratives du trentième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie furent organisées en mars 1992 par l’Institut du Monde Arabe. Deux expositions photographiques, « La libération de l’Algérie : arrêt sur images » (200 photos, de mai 1945 à juillet 1982), et « Actualités 1954-1962 : quand la guerre d’Algérie n’était pas encore une légende ». Séances de cinéma : « France-Algérie : images ». Rencontres-débats avec des historiens et des témoins, et un colloque. La mémoire et l’enseignement de la guerre d’Algérie ont fait l’objet de ce grand colloque franco-algérien organisé à la Sorbonne les 13 et 14 mars 1992, en collaboration avec la Ligue de l’enseignement. Ses travaux ont fourni une masse considérable de rapports, de débats et de documents qui ont été publiés en 1993, et qui seront donc étudiés dans un prochain Annuaire de l’Afrique du Nord. Leurs apports ont été remarquables sur les thèmes des six ateliers : 1 - les médias face à la guerre d’Algérie ; 2 - les étudiants français et algériens ; 3 - les valeurs en question : justice et droits ; 4 - nationalité, citoyenneté, identité ; 5 - l’enseignement de la guerre d’Algérie de l’école à l’Université ; 6 - cinéma et littérature sur la guerre d’Algérie. Pourtant, les nostalgiques de l’Algérie française (et même le maire de Paris Jacques Chirac) ont dénoncé ce « colloque honteux » de « faux témoins » parce qu’ils n’y avaient pas été invités. La lecture de ces travaux ne justifie pas une telle condamnation. Il est vrai que le ton militant de nombreuses interventions dans les séances plénières d’introduction et de conclusion donnaient l’impression que la guerre civile franco-française n’était pas terminée trente ans après. On peut se demander s’il était juste de confondre la cause de l’Algérie française avec celle de l’extrême-droite, et de dénoncer l’amnistie générale qui était une condition fondamentale des accords d’Évian. Mais le plus important est que ce colloque n’ait censuré aucun sujet embarrassant pour sa ligne générale anticolonialiste (violences du FLN, massacre des harkis, disparition d’Européens en Algérie) [2].
Il en fut de même pour un autre colloque franco-algérien, organisé du 19 au 21 mars 1992 à l’Université de Paris VIII-Saint Denis par l’Institut Maghreb-Europe et le Centre Jean Bouvier sur « le sens des accords d’Évian, conjoncture et longue durée ». Ce colloque d’histoire totale aborda en cinq tables rondes des sujets passionnants « 1 - le poids des intérêts dans la recherche d’une solution ; 2 - rupture ou réaménagement des relations économiques ? ; 3 - les rapatriés et l’option de la patrie française (Européens et Juifs d’Algérie, Français musulmans) ; 4 - enjeux de nationalité : l’immigration et le débat culturel dans l’espace mixte franco-algérien ; 5 - les accords d’Évian dans la longue durée : signification économique, politique et internationale ». Ce fut l’occasion de confronter les points de vue des acteurs et des témoins, des historiens et d’autres spécialistes. La liberté de parole des nombreux intervenants, à la tribune et dans la salle, ne fut limitée que par leur nombre même. On attend encore la publication des actes de ce riche colloque.
Le tome 6 de ceux des journées internationales tenues à l’UNESCO du 19 au 24 novembre 1990 sous le titre général De Gaulle en son siècle, a été opportunément publié en 1992. Seule une partie de ce volume, intitulé Liberté et dignité des peuples, concerne l’Algérie ou le Maghreb. Des rapports écrits et des communications orales ont confronté les approches d’historiens et de témoins, français, algériens, et autres, à propos de l’attitude du Général envers le nationalisme algérien et la négociation avec le FLN, puis la coopération avec l’Algérie indépendance et ses deux voisines. On remarquera particulièrement les contributions de Charles-Robert Ageron, Paul-Marie de la Gorce, Bernard Tricot, Jean-Marcel Jeanneney, de Mahfoud Kaddache, Redha Malek, Mohammed Bedjaoui et Djamaleddine Houhou, de Mohammed Masmoudi, Rémy Leveau, et Bouhout el Mellouki Riffi. Les participants se sont assez facilement accordés sur le fait que De Gaulle, malgré tous les facteurs qui le poussaient à vouloir conserver l’Empire, puis à ne traiter qu’en position de force, a eu le courage d’imposer la fin de la guerre, puis une coopération franco-algérienne qu’il voulut exemplaire pour le reste du Tiers-Monde, au point d’être beaucoup plus généreux et indulgent envers l’Algérie qu’envers les deux pays voisins. Jacques Frémeaux, professeur à l’Université de Nice, regretta en tant qu’historien et Français d’Algérie qu’il n’ait pas assez été question des conditions de leur exode, et du sort tragique des Algériens musulmans engagés du côté français (p. 182). Il est à noter que plusieurs communications présentées à ce colloque - notamment celles de Charles-Robert Ageron et de Jacques Delarue sur l’OAS en Algérie et en métropole - n’ont pas été publiées dans ses actes [3].
Le Service historique de l’armée de terre n’a pas saisi l’occasion de reprendre la publication de sa collection d’archives conservées à Vincennes, La guerre d’Algérie par les documents, suspendue en octobre 1990 après la sortie du tome 1er, L’avertissement, 1943-1946. Le tome 2, allant de 1946 à 1954, préparé comme le précédent sous la direction de Jean-Charles Jauffret, est resté bloqué par ce qu’il contiendrait certains documents relevant des délais spéciaux de 60 ans ou plus définis par le décret de décembre 1979 sur les archives militaires. Néanmoins, le ministre de la Défense Pierre Joxe a décidé d’ouvrir les archives de la campagne d’Algérie relevant du délai général de 30 ans à partir du 1er juillet 1982. Pour rendre effective cette ouverture, il a été décidé de procéder à un inventaire informatisé du contenu de chaque carton, et de le diviser en « unités documentaires », chacune relevant du délai de 30 ans ou d’un autre délai fixé par le décret. Ainsi deviendraient effectivement accessibles au moins 90 % de l’ensemble des documents. Mais il faut se garder de croire que tous deviendraient accessibles d’un seul coup. Une note du SHAT précise que « les renseignements sur la situation en Algérie, et notamment sur la situation politique, les mouvements nationalistes, la subversion, l’organisation, l’activité et l’état d’esprit du FLN et de l’ALN, l’aide qu’ils reçoivent de l’étranger ainsi que des dossiers sur l’OAS » ne seraient communicables que 60 ans après leur production, et que « le chercheur qui souhaiterait étudier ces questions devra donc différer son projet » [4]. Il ne faut pas en conclure que les historiens n’auront rien à faire avant l’an 2022 : outre les documents accessibles depuis le 1er juillet 1992, les ressources de l’historiographie et de la presse sont très loin d’être épuisées.
Parmi les historiens, Benjamin Stora s’est particulièrement signalé par le nombre et par l’intérêt de ses publications. Déjà connu par ses travaux d’histoire et de sociologie sur Messali Hadj et le nationalisme algérien radical, couronnés par une thèse de doctorat d’État sur l’histoire politique de l’immigration algérienne en France de 1922 à 1962 (soutenue en 1991 à l’Université de Paris XII), il s’est aventuré dans une entreprise beaucoup plus risquée : faire passer la guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire. Sa série télévisée : Les années algériennes, réalisée avec les journalistes Philippe Alfonsi, Bernard Favre, et Patrick Pesnot, et diffusée par Antenne 2 en septembre 1991, a suscité des réactions très diverses mais également passionnées. Par certaines images déclenchant de fortes émotions (notamment le sensationnel reportage à Melouza, avec exhumation des crânes des victimes du massacre). Mais aussi par le fait d’avoir donné la parole, sans exclusive, à des représentants de toutes les opinions ; et d’avoir tenu compte de leurs vérités contradictoires dans le commentaire des images d’actualités qui servaient de lien aux reportages et aux interviews. En tant qu’historien engagé à gauche, Benjamin Stora a été surtout critiqué dans son propre camp : il s’est vu reprocher, au mieux d’avoir confondu la mémoire et l’histoire, au pis d’avoir fait un film colonialiste (sans pour autant satisfaire les partisans intransigeants de l’Algérie française, qui lui font le reproche inverse). Il n’a pourtant pas prétendu faire une histoire de la guerre d’Algérie, mais présenter les diverses mémoires françaises de la guerre d’Algérie, ce qu’il a très bien réussi. La séquence sur le massacre de Melouza, trop rapide et spectaculaire pour être bien comprise, n’était pas indispensable à son propos. Il est vrai que les auteurs ont peut-être eu tort d’éliminer les interviews qu’ils avaient faites d’autres historiens - ou de les traiter comme les autres témoignages - et de laisser au seul Benjamin Stora la lourde charge d’exposer la vérité historique. Vrai encore que cette vérité n’est pas la simple juxtaposition des affirmations des uns et des autres, et qu’elle exige un long travail de réflexion critique à peine amorcé. Mais cette critique ne consiste pas à croire les témoins politiquement bien pensants et à ignorer les autres.
Le livre publié peu après par le même auteur : La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, aurait dû dissiper tous les malentendus. Appliquant les méthodes d’étude critique de la mémoire des conflits, développée par les chercheurs de l’IHTP à propos de la Deuxième Guerre Mondiale, Benjamin Stora démonte implacablement les occultations et les mystifications en confrontant les silences et les discours aux faits établis : d’abord en France de 1954 à 1962, puis dans le mouvement national algérien de 1926 à 1962, avant de mener en parallèle l’analyse des « désirs d’oubli » dans les deux pays. Il conclut en soulignant la nécessité d’« assumer l’histoire » si l’on veut éviter la « répétition du refoulé ». La démonstration, rigoureusement conduite, est solidement étayée par de nombreuses références à la bibliographie et à la filmographie du sujet : et le style est remarquablement éloquent et inspiré.
Cet essai courageux est donc un livre important, qui fera date. Après avoir donné la parole, à des représentants de tous les points de vue, Benjamin Stora fait table rase des mythes des uns et des autres. Il appelle de ses vœux la troisième étape : « mettre en chantier une « nouvelle histoire », de nouveaux livres sur la guerre d’Algérie : de ses commencements coloniaux à sa survivance dans les mémoires du présent ».
Ce programme, Benjamin Stora s’est efforcé d’y contribuer, en publiant coup sur coup plusieurs ouvrages de vulgarisation historique. Traiter L’Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954) dans les 125 pages de la petite collection « Repères » était une gageure, inégalement tenue. L’auteur a bien mis en valeur l’enracinement plus ou moins ancien et profond des diverses populations algériennes, y compris les Juifs et ceux que l’on n’appelait pas encore les « Pieds noirs », et l’ambiguïté de leurs relations, ainsi que l’instabilité fondamentale de l’ordre colonial et l’inéluctabilité de la formation d’un mouvement national algérien. Mais ses chapitres sur le XIXe siècle auraient pu être plus approfondis, comme tout ce qui concerne la politique algérienne de la France : on s’étonne de ne trouver ni le sénatus-consulte de 1865, ni les réformes de février-mars 1919 ; et l’ordonnance du 7 mars 1944 est mentionnée page 90 sans que sa nouveauté soit expliquée. La suite, intitulée Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), annoncée pour 1992 mais publiée en 1993, est une indéniable réussite grâce aux résultats des travaux déjà cités de l’auteur. De même, Ils venaient d’Algérie, résumé de sa thèse de doctorat d’État complétée par une dernière partie sur l’enracinement de l’émigration, devenue immigration, algérienne en France de 1962 à nos jours. Il y retrace avec concision les grands traits d’une évolution complexe et riche en paradoxes : que le nationalisme algérien s’éveilla et s’organisa dans la métropole coloniale, que l’organisation de l’émigration devint ensuite un enjeu essentiel des luttes de tendances à l’intérieur du PPA-MTLD puis d’une vraie guerre civile entre le MNA et le FLN, dont le vainqueur (la Fédération de France du FLN) fut à son tour écarté du pouvoir par les dirigeants de l’Algérie indépendante. Enfin et surtout, que cette population émigrée qui avait confondu les rêves de l’indépendance et du retour au pays dut, après 1962, se reconnaître durablement immigrée en France, et voir ses enfants revendiquer la citoyenneté française que certains Français leur contestent, comme ceux des « harkis ».
Le trentième anniversaire des accords d’Évian a inspiré deux publications. Le livre de Jérôme Hélie est à la fois séduisant et irritant. Ayant l’âge de son sujet, l’auteur est étranger à la nostalgie de l’Algérie française et à la passion anti-gaulliste (contrairement à ce que le sous-titre pourrait faire croire). Écrivant avec aisance quand il ne cède pas à la tentation du jargon abscons, il propose des réflexions très pertinentes sur les logiques nationales du général de Gaulle et du FLN et sur la signification de la décolonisation pour les deux pays. Il apporte également les résultats d’une enquête orale auprès de six personnalités françaises, qui lui permettent d’évoquer avec vivacité les acteurs de la négociation et ses péripéties. Cependant, il semble trop compter sur ses informateurs directs et ignorer certains épisodes signalés par des publications antérieures.
Le livret illustré de photos et de fac-similés réalisé par Guy Pervillé avec la collaboration de Michèle Rodière pour la collection « Les médias et l’événement » [5] est un travail de vulgarisation, destiné surtout aux enseignants d’histoire. Mais ce fut aussi l’occasion d’un nouveau travail de recherche sur le processus qui avait conduit aux accords d’Évian. Son principal résultat est la mise en évidence, grâce à la presse, du rôle des colloques juridiques organisés par la gauche universitaire, syndicale et politique à Royaumont (juin-juillet 1960), Aix-en-Provence (décembre 1960) et Grenoble (mars 1961) dans la définition d’une doctrine de l’autodétermination différente de celle que le général de Gaulle avait définie le 16 septembre 1959, et qu’il finit par adopter. Que celui-ci n’ait rien dit dans ses Mémoires, et que ses conseillers prétendent n’en avoir jamais rien su, ne change rien au constat du fait : « La procédure qui a été choisie est exactement celle que nous n’avons pas cessé de préconiser : accord sur le fond et ratification par le peuple algérien à la demande du gouvernement français et du GPRA » (Gaston Defferre, dans Le Provençal du 5 mars 1962). On peut regretter que l’analyse des responsabilités de l’OAS, du FLN et du gouvernement français dans la non-application des accords ait été excessivement comprimée pour des raisons de calibrage du texte. Au moins la conclusion est-elle conforme à la volonté de l’auteur : non partisane, mais opposée à tout triomphalisme.
Le témoignage de Jean-Yves Goëau-Brissonnière sur sa « mission secrète pour la paix en Algérie » se rattache à la préhistoire des négociations. Ce jeune haut fonctionnaire né en Algérie, socialiste et mendésiste, collaborateur du ministre des affaires étrangères Christian Pineau, fut envoyé à Tunis en juillet 1957 par son ministre afin de reprendre contact avec le FLN, avec l’accord du président du Conseil Bourgès-Maunoury et du ministre résidant Robert Lacoste. Mais sa mission fut torpillée par une machination des services secrets français, couverts par l’éminence grise du Président du Conseil, Abel Thomas. On reste perplexe devant l’incertitude qui subsiste quant au vrai but de la mission (renseignement, sondage, vraie tentative de négociations, ou alibi pour l’ONU ?), et devant l’incohérence gouvernementale que son échec révèle. Même si l’auteur fut le premier à bénéficier d’un ordre de mission signé par le directeur de cabinet du président du Conseil (p. 67), on ne peut voir dans ce ténébreux épisode une étape significative vers la paix en Algérie.
Les autres publications expriment ou étudient les mémoires de groupes particuliers. Deux livres, complétant des films, ont été consacrés à celle des appelés.
Patrick Rotman et Bertrand Tavernier ont jugé utile de publier une version écrite de leur enquête cinématographique sur la mémoire des trente anciens appelés et rappelés en Algérie qu’ils ont retrouvés dans la région de Grenoble. On connaît la force d’émotion et de conviction de ce film sorti en février 1992. Le livre en corrige certaines insuffisances, en utilisant des fragments d’interviews coupés au montage, en présentant plus complètement les témoins, en insérant des repères historiques dont l’absence pouvait gêner le spectateur peu informé [6]. Sous ces deux formes,l’enquête nousprésente« untableausans doute fidèle de la guerre des appelés », sans en négliger aucun aspect (notamment le fait que les « paras » se recrutaient en majorité dans le contingent). Mais les Français d’Algérie ou les soldats de l’Empire n’y retrouveront pas leur guerre.
Sur le même sujet, Martine Lemalet a réalisé une autre enquête qui a également fourni la matière d’une émission télévisée, pour le magazine « Envoyé spécial » de Paul Nahon. Il s’agissait d’étudier neuf correspondances d’appelés métropolitains avec leurs familles (totalisant plus de 2.000 lettres), un journal intime, et des lettres publiées dans les journaux locaux, afin de dépasser la simple expression a posteriori de mémoires brutes. L’auteur a donc découpé et regroupé des extraits de ses sources en fonction de plusieurs thèmes, et les a commentés en se référant aux faits acquis et à d’autres documents. Ce parti pris thématique était justifié, voire nécessaire. Mais on regrette parfois que l’ordre chronologique ne soit pas mieux respecté, ce qui n’aide pas à suivre l’enchaînement des faits (en particulier dans le remarquable journal tenu par Claude P. en Grande Kabylie de janvier 1961 à mars 1962). Défaut en partie corrigé par des tableaux récapitulatifs des itinéraires des dix principaux témoins. Dans l’ensemble, ce livre sérieux et honnête remplit bien son contrat.
Celui de René Andrieu, rédacteur en chef de L’Humanité, est une défense et illustration de l’action des communistes français et algériens pour la paix et l’indépendance de l’Algérie. À tous les hommes politiques qui ont fait la guerre (dont la liste complète figure en annexe), et à ceux, non nommés, qui reprochent aux communistes la timidité de leur action, l’auteur rappelle que le PCF a été le seul parti à se dresser dès le début contre la guerre et à défendre le droit à l’indépendance du peuple algérien. La démonstration n’est guère réfutable, sinon en remontant le temps jusqu’au 8 mai 1945, où le PCF et le PCA n’étaient pas moins hostiles au nationalisme algérien que les autres partis français (ce qui explique le « sentiment anti-communiste chez nombre de dirigeants nationalistes algériens »). Mais le plus nouveau dans ce livre est la révision en baisse du bilan des morts algériens : l’auteur renonce en million [7] pour adopter l’estimation de 600.000 morts proposée au privé depuis longtemps par les Algériens bien informés. Mais, contrairement à ce qu’il prétend à la page 55, c’est encore 2 ou 3 fois plus que « les estimations les plus mesurées des historiens ».
Le livre publié en Angleterre par Danièle Joly (chercheur à l’université de Warwick) fournit une réponse critique à l’apologie du PCF. S’appuyant sur une enquête orale complétée par des archives privées et diverses publications, il démontre après d’autres que celui-ci a subordonné sa politique algérienne à sa volonté de réintégration dans la vie politique française. D’où l’ambiguïté de son action pour la paix en Algérie, n’allant pas jusqu’à soutenir fermement ceux de ses militants qui risquaient de le compromettre en participant directement au combat du FLN. Ce qui a provoqué des oppositions internes, et des dissidences aspirant à former une nouvelle extrême-gauche.
En France, outre la réédition du Déserteur de Maurienne, la mémoire des « porteurs de valises » du FLN a été exprimée par un téléfilm de Richard Copans, « les frères des frères », diffusé en mars 1992. En Belgique, l’ethnolinguiste africaniste Jean-Louis Doneux et le journaliste de la RTBF Hugues Le Paige ont reconstitué Le Front du Nord - des Belges dans la guerre d’Algérie dans un petit livre bien écrit et abondamment illustré. Ils font connaître les motivations de l’engagement des sympathisants belges du FLN, venant des mêmes milieux qu’en France (chrétiens de gauche, marxistes, anarchistes), les formes de leur action, soit publique (comité pour la paix en Algérie, « collectif des avocats ») soit clandestines (filières d’acheminement et d’accueil...), et les réactions violentes des services secrets français camouflés sous le nom de « Main rouge » (attentats contre l’étudiant Akli Aissiou, contre les professeurs Laperche et Legrève). Ils montrent aussi l’existence de liens étroits entre les décolonisations de l’Algérie et du Congo, dans l’action de leurs partisans et de leurs adversaires : les comités d’action pour la défense des colons du Katanga furent à l’origine du « Mouvement d’action civique », branche belge de l’OAS. Ainsi la Belgique fut elle impliquée dans la guerre d’Algérie, contre la volonté de ses gouvernements [8].
Pour la première fois, à l’occasion de son trentième anniversaire, la commémoration de la manifestation et de la répression du 17 octobre 1961 à Paris a réussi à percer le mur d’ignorance et d’indifférence des médias. Un film de Mehdi Lallaoui et Agnès Denis, Le silence du fleuve, doublé par un album de photos commentées accompagné d’un texte continu d’Anne Tristan, a reconstitué « le crime que nous n’avons toujours pas nommé », rappelé ses origines et sa longue occultation. Sur le même sujet, Jean-Luc Einaudi a mené une enquête encore plus approfondie, à partir des archives de la Fédération de France du FLN, du Syndicat général de la police parisienne et d’avocats, des débats de l’Assemblée nationale et du Sénat, de la presse française ou étrangère, et de plus de cent témoignages. Son récit suit l’enchaînement des faits qui ont conduit à la décision de manifester contre le couvre-feu « conseillé » aux Algériens par le préfet Papon, son déroulement et celui de la répression, puis les étapes de l’étouffement de l’information et de la mémoire. La sobriété du commentaire, qui rehausse la brutalité et des témoignages, suscite des sentiments d’horreur, de honte, et d’étonnement que de tels faits aient pu se produire. Cependant, la contradiction entre les témoins qui portent des accusations de gazage et ceux qui proposent des explications beaucoup plus simples des mêmes faits peut donner à penser qu’un témoignage sincère n’est pas forcément exact. D’autre part, l’auteur fournit en annexe des listes nominatives de 74 personnes tuées de septembre à novembre 1961 (en partie avant le 17 octobre, ou à des dates indéterminées) et de 66 disparus (en majorité à partir des 17 et 18 octobre) ; mais il va au-delà de sa démonstration en proposant plus de 200 morts comme une « évaluation très vraisemblable ». On peut regretter que la dernière page de couverture accrédite cette hypothèse comme un fait établi sans preuve suffisante. Même remarque pour Anne Tristan, qui conclut à « 200 tués et 400 disparus selon le FLN » [9].
Jean-Luc Einaudi a aussi publié le récit de son enquête à Constantine auprès d’Algériens anciens détenus de la ferme Améziane, propriété du bachaga Salah Améziane, ouverte par son fils aux clandestins du FLN, puis saisie par l’armée française et transformée en centre de torture de mai 1958 au lendemain du putsch d’avril 1961. C’est un éclairage nouveau, et sinistre, sur la « bataille de Constantine », qui n’a presque pas été racontée ni étudiée.
Autre enquête, celle de Jean-Philippe Ould Aoudia sur l’assassinat de six inspecteurs des Centres sociaux (Robert Aimard, Marcel Basset, Mouloud Feraoun, Ali Hamoutène, Max Marchand, et son propre père Salah Ould Aoudia), commis par l’OAS d’Alger le 15 mars 1962. Avec une minutieuse rigueur, sous-tendue par une passion filiale et civique, il a reconstitué le déroulement du crime, tenté d’identifier ses auteurs vraisemblables, et rappelé les responsabilités de l’armée qui depuis 1956 avait dénoncé les Centres sociaux éducatifs comme complices du FLN parce qu’ils refusaient de participer à la mise en condition de la population algérienne. Il met aussi en évidence l’absence inexpliquée d’un septième homme recherché par les tueurs, le préfet René Petitbon, qui dirigeait un service de renseignement camouflé par le Service de formation de la jeunesse algérienne (distinct des Centres sociaux) et qui avait mené au nom du Premier ministre une tentative de négociation avec une tendance de l’OAS désavouée par sa direction. L’auteur en tire des conclusions sévères sur les responsabilités du pouvoir et sur son refus de punir les coupables.
D’autres témoignages de Français d’Algérie ne sont pas plus favorables à l’OAS. C’est naturellement le cas de la deuxième version des souvenirs de l’instituteur communiste Christian Buono, beau-frère de Maurice Audin, qui « persiste et signe » dans ses convictions, malgré l’effondrement du modèle soviétique. Michèle Villanueva raconte sa jeunesse à Oran, dans une famille modeste d’origine espagnole, puis sa conversion politique lors de ses études à Paris en 1957-58, où elle épousa un militant de l’UNEF et rencontra des étudiants algériens de l’UGEMA. Elle affronta la réprobation de sa mère et de son frère aîné (qui rejoignit plus tard l’OAS), mais revint à Oran pour son premier accouchement en décembre 1960, puis avec son mari professeur de philosophie en 1961-1962, et enfin de 1962 à 1965. Ce témoignage sur une ville déchirée par la folie meurtrière est sensible et passionné, mais un peu surchargé de prédications historico-politiques discutables (50.000 morts à Sétif en mai 1945, un million de morts et de disparus de 1954 à 1962). Marxiste, mais critique envers les positions du PCA et du PCF, l’auteur se crut algérienne avant de découvrir qu’elle n’était pas considérée comme telle (« les gens comme toi, vous avez trahi une fois, vous pouvez recommencer »), et se définit comme internationaliste.
Les souvenirs de Jean Scotto, recueillis par Charles Ehlinger, retracent l’itinéraire peu banal d’un fils de cafetier « pied noir » d’origine italienne, curé par vocation, patriote français décoré de la légion d’honneur pour sa brillante conduite en 1939-1940 et 1943-1945, devenu citoyen algérien en 1962 puis évêque de Constantine. En accord avec les directives de son évêque Monseigneur Duval et la doctrine du pape, il a pris position contre l’injustice et la violence, contre la confusion du spirituel et du temporel et pour le droit des Algériens à disposer d’eux-mêmes ; mais il est resté au service de tous ses paroissiens et n’a jamais été un militant du FLN. Les questions et les réponses sont sans complaisance, mais elles passent trop rapidement sur l’insécurité des Européens en 1962, ce qui affaiblit l’affirmation du père Scotto que c’est l’OAS (qu’il « hait » pour avoir violé l’âme de son peuple) qui a chassé les Français d’Algérie, et non les Algériens.
Le sous-préfet Lucien Ferré est un autre témoin peu banal. Né en Algérie en 1899, administrateur de commune mixte dans l’Aurès en 1939, sous-préfet de Batna puis de Tizi-Ouzou en 1945-46, il s’efforce de désamorcer les conflits, et se convertit à l’Islam au contact de ses administrés. Membre d’une commission d’enquête sur les crimes de guerre français auprès du gouverneur général puis du ministre résidant en 1955-1956, il en donne plusieurs exemples précis. Redevenu sous-préfet pour pacifier l’arrondissement d’Aïn-Taya en liaison avec le général de Bollardière, il se heurte comme lui au colonel Argoud, qu’il juge un personnage diabolique. Même mésaventure avec certains militaires de Palestro, qui le persécutent après le 13 mai 1958. Nommé à la direction de la Protection civile, il est involontairement compromis dans la semaine des barricades et mis à la retraite. Ce témoignage passé inaperçu en 1990 mérite d’être lu et médité.
Les partisans déclarés de l’Algérie française restent nombreux à s’exprimer. Francine Dessaigne, connue depuis 1962 pour son Journal d’une mère de famille pied-noir, ne l’était pas encore en 1945. Elle a recherché après coup les origines du "cataclysme qui devait s’abattre sur l’Algérie" en étudiant l’insurrection et la répression de mai 1945 autour de Sétif et de Guelma, à partir des documents des archives militaires (largement publiés depuis par l’équipe de Jean-Charles Jauffret au SHAT), du Journal officiel, de témoignages, et d’une bibliographie qui paraît ignorer les importantes mises au point publiées en 1984 et 1985 par Charles-Robert Ageron et par Annie Rey-Goldzeiguer. Sa démonstration vise à tirer de l’oubli les souffrances des Français d’Algérie, victimes d’une chasse à l’homme qu’elle estime préméditée, et en tout cas antérieure à la répression, dont elle met en doute le caractère disproportionné à la gravité de l’attaque. C’est une mise à jour de l’interprétation proposée dès 1948 par le livre d’Eugène Vallet, Un drame algérien. Autre contribution au martyrologe des Français d’Algérie, Le livre interdit, recueil de 150 témoignages sur la fusillade de la rue d’Isly, qui fit 61 morts (dont 4 musulmans) à Alger le 26 mars 1962. Du livre de Jean-Claude Perez, l’un des grands chefs de l’OAS d’Alger, nous n’avons pu connaître que le titre et le sous-titre, révélateurs d’un esprit vindicatif [10].
Les témoignages d’officiers, ou sur eux, continuent de paraître en grand nombre. Hugues Kéraly a raconté avec admiration la vie du colonel Hervé de Blignières, décédé en 1989. Aristocrate breton, militaire par tradition, il a combattu en 1940, subi cinq ans de captivité entrecoupée de tentatives d’évasion, puis vécu « l’épopée indochinoise » et le « drame algérien ». Mêlé aux complots militaires de Paris en mai 1958 et au printemps 1961, il fut arrêté en septembre 1961 comme chef d’état major de l’OAS métropole, et détenu jusqu’en 1965. Se voulant un « soldat chrétien » il ne cessa pas de vouloir défendre « l’Occident chrétien » contre « les machineries de mort physique et spirituelle que fabrique la Révolution ». Bertrand Dupont de Dinechin appartient à la même famille idéologique. Son livre propose un exposé de la stratégie de la guerre contre-révolutionnaire en Algérie assez convainquant, sauf quand il affirme que cette guerre était gagnée. Mais les considérations doctrinales qui l’encadrent ne le sont pas : non seulement parce qu’elles surestiment démesurément le rôle de la subversion communiste dans la révolution algérienne, mais parce que cette « révolution » qui se voulait en même temps la restauration de l’indépendance d’une partie de la Communauté musulmane par un Djihad ne correspond guère à la définition de la Révolution par les théoriciens contre-révolutionnaires catholiques (révolte de l’homme contre l’ordre naturel voulu par Dieu). Ajoutons que l’aspiration de l’auteur à restaurer une « nouvelle chrétienté », pareille à « cet âge d’or que fut le XIIe siècle en Europe » est une pure utopie, comparable à celle des islamistes algériens.
Guy Doly-Linaudière était issu de la même tradition. Jeune sous-lieutenant arrivant en Algérie en août 1960, imprégné de tous les préjugés d’extrême-droite hérités de son ascendance vendéenne, il fut de plus en plus révolté par le grand retournement de la politique gaullienne et métropolitaine. L’extrême violence des sentiments qu’il exprimait dans ses lettres à sa famille aurait dû le conduire à l’OAS, s’il n’en avait pas été détourné par la conviction que le vrai combat se livrait en France, par l’attente d’une reprise de la guerre contre le FLN en Algérie, et par le souci de protéger ses compatriotes abandonnés. Ce qu’il fit notamment à Oran après le massacre du 5 juillet 1962, en s’affranchissant d’une hiérarchie qu’il méprisait. C’est là qu’il rencontra pour la première fois « chez les chefs FLN ou ALN des gens très bien, très ouverts, très modérés » [...] mais « débordés par la populace, la pègre, les communistes et Ben Bella ». Trente ans plus tard, l’auteur est devenu un « démocrate convaincu », et ses jugements sur l’Algérie et les relations franco-algériennes sont pleins de sagesse et de générosité ; seul son anti-gaullisme n’a pas désarmé.
Paul Aballain appartenait à la promotion suivante de Saint-Cyr ; il a raconté sa brève carrière militaire, interrompue par le putsch d’Alger où il suivit le général Challe. Les principaux personnages de son récit s’efforcent d’être « dignes et exemplaires dans une guerre qui met à mal les corps et les âmes » [11].
Le triste sort des « harkis » et de leurs familles, de nouveau signalé à l’opinion française par la révolte de leurs enfants pendant l’été 1991, a inspiré deux nouveaux livres (outre la réédition de celui du Bachaga Boualam, Mon, pays, la France). L’album abondamment illustré publié par Taouès Titraoui (fille de harki) et son mari Bernard Coll, fondateur de l’association Jeune Pied Noir, est une défense et illustration de leur engagement envers la France, et un réquisitoire contre ceux qui les ont abandonnés. Il traduit une émouvante revendication de reconnaissance nationale, et une louable solidarité entre deux communautés victimes de la décolonisation. Il rassemble une riche documentation sous forme de témoignages, déjà publiés ou inédits, et de photographies parfois terribles, avant de conclure à la nécessité de démystifier le mythe gaulliste. Mais la démonstration ne convainc pas sur le plan historique. En mettant unilatéralement l’accent sur « l’engagement des Français musulmans de 1830 à 1962 », les auteurs rendent incompréhensible la tragédie qu’ils dénoncent, et le graphique de la page 25 montrant la supériorité numérique des musulmans armés par la France de 1954 à 1961 devrait être complété par un tableau des pertes des deux camps, lourdement déséquilibré en sens inverse jusqu’au 19 mars 1962, ce qui prouve que la population musulmane d’Algérie avait été déchirée par la guerre. Nier l’existence des accords bilatéraux d’Évian (signés 93 fois par Belkacem Krim) qui avaient garanti une amnistie générale, c’est décharger de toute responsabilité les auteurs des massacres. Accuser le général de Gaulle d’avoir délibérément organisé ce « génocide » en dictateur machiavélique, émule de Hitler, de Staline ou de Mao, c’est dépasser les limites de la vraisemblance et de la crédibilité.
Toute opposée est la tendance de Michel Roux. Enseignant les sciences sociales à l’Université de Bordeaux I, il travaille avec une association de jeunes « Français musulmans » qui se situent dans le mouvement des jeunes issus de l’immigration. Il juge nécessaire que la France prenne des sanctions, même symboliques, contre ses criminels de guerre (oubliant l’amnistie générale proclamée par les accords d’Évian). La majeure partie du livre est une bonne synthèse de tous les travaux antérieurs (publiés ou inédits), d’abord sur les facteurs et les modalités de l’engagement des harkis », jusqu’aux massacres de 1962, puis sur leur sort dans l’exil en France. Son apport essentiel est une interprétation sociologique, selon laquelle « dans la vraie tradition coloniale, les pouvoirs publics affirmèrent des années durant leur volonté d’assimiler les harkis et leurs familles, tout en procédant de sorte à ne jamais y parvenir », en les reléguant dans un statut d’indigénat. Ce livre aurait pu susciter un débat fondamental en attirant sur le problème des harkis l’attention de secteurs de l’opinion qui l’avaient longtemps ignoré. Il est très regrettable que la maladresse de l’auteur dans l’usage des guillemets et des références (pourtant nombreuses) l’ait exposé à une accusation de plagiat par deux chercheurs (M. Ahi Samra et J. Finas), et obligé de retirer son livre de la vente.
Décembre 1992, pour la première fois, a vu paraître à Paris une coédition franco-algérienne, juxtaposant La paix des braves de Jean-Claude Carrière (Plon, 1989), et une nouvelle version du récit du Commandant Azzedine, On nous appelait fellaghas (Stock, 1976), remanié et libérée de toute censure [12]. Un téléfilm commun est annoncé sous le même titre : C’était la guerre.
En Algérie, Saad Dahlab avait publié dès 1990 - dans ses propres Editions - des souvenirs datés de 1986. Ce compte-rendu de mission retrace tout ce que l’auteur a fait et vu depuis son recrutement au FLN par Abane (dont il oublie de préciser la date et les circonstances) jusqu’à son rôle déterminant dans la négociation des accords d’Évian, en qualité de ministre des Affaires étrangères du troisième GPRA. Comme son ami Ben Khedda, il défend son œuvre, et dresse un violent réquisitoire contre l’ambition personnelle d’Ahmed Ben Bella, ainsi qu’un sombre tableau de l’état moral de l’Algérie au bout de 25 ans d’indépendance, pendant lesquels le peuple n’a eu aucun choix dans la conduite de ses affaires.
Les Éditions Dahlab ont également publié (malheureusement sous une forme très défectueuse) le récit du militant Hamoud Chaïd, dit Abderrahmane. Né dans une famille pauvre et spontanément nationaliste de Belcourt, obligé de quitter l’école pour travailler à 14 ans, il adhéra très vite au PPA, et fonda en 1954 avec des Oulémas une section des Frères musulmans d’Égypte. Militant du FLN à Belcourt de 1955 à 1957, il dut prendre le maquis en wilaya IV, puis en wilaya VI, dont il vécut les débuts difficiles. Deux fois envoyé en mission au Maroc en 1957-1958, il y resta comme instructeur puis juge d’instruction au tribunal militaire, rentra à Alger et choisit sa démobilisation pendant la crise de l’été 1962. Ce récit d’un militant désintéressé et sans prétention mérite d’être lu.
Parmi les biographies, la plus importante est sans doute celle de Boudiaf, l’homme des ruptures, qu’Azzedine Guerfi et Aïssa Khaled Chaïb ont voulu faire connaître aux Algériens qui en ignoraient presque tout avant son bref et tragique retour aux affaires ; mais nous n’avons pas pu le consulter en temps utile. Farouk Benatia a tenté de rendre justice à Si Mohammed Khettab, grand colon algérien fixé au Maroc, qui mit sa fortune, ses propriétés et son influence au service du FLN ; mais son livre, à moitié composé de documents, est très désordonné. Le journaliste Amar Belkhodja a retracé la carrière de Adda Hamdani, dit Si Othmane, chef du FLN de Tiaret de 1957 à 1959, capturé au maquis, condamné à mort pour les attentats qu’il avait organisés, enlevé de la prison d’Oran et brûlé vif par l’OAS.
Mohammed Tayeb Illoul et Ali Aroua ont commémoré (avec la collaboration d’autres auteurs, dont Mahfoud Kaddache), le rôle des Scouts musulmans algériens (de tendance PPA-MTLD) dans la formation patriotique des jeunes de Belcourt, et dans la survie du sentiment national algérien depuis la bataille d’Alger jusqu’aux manifestations de décembre 1960. Ils fournissent un palmarès de 64 martyrs (dont le jeune Mohammed Tidjani, qui brandit un drapeau algérien dans le défilé du 14 juillet 1958 à Paris) ; et une liste de scouts arrêtés, parmi lesquels l’instructeur Abbassi Madani.
Le petit livre de Hafid Khatib, l’un des dirigeants du PAGS, sur l’accord FLN-PCA, est un recueil de textes et d’extraits d’interviews qui illustrent la ligne d’unité avec les autres partis nationalistes suivie par le PCA depuis 1946, en gommant ses sinuosités.
Ancienne militante du PCA, puis du FLN, enseignant à l’Université d’Alger, Djamila Amrane a tiré un beau livre de sa thèse de doctorat d’État soutenue à Reims en 1988, sur le rôle méconnu des femmes algériennes dans la guerre d’indépendance. À partir de sources très diverses (fichier de 10.949 militantes répertoriées au Ministère des Anciens Moudjahidine, 88 entretiens, archives privées, informations tirées de la presse française d’Algérie), elle montre que les femmes étaient presque absentes de la vie politique jusqu’en 1954, puis elle analyse les motivations et les modalités de leur participation, dresse un portrait de la combattante, et enfin un bilan de sa réinsertion sociale et de son désengagement politique. Elle donne l’impression d’un engagement plus patriotique et désintéressé qu’idéologique ; d’où sa discrétion sur les aspects de guerre civile, et sur le rôle de l’Islam. Cependant, son apport le plus important à l’histoire de la guerre est le tableau (p. 232) des combattants civils et militaires enregistrés en 1974 au ministère des Anciens Moudjahidine : 183.885 survivants et 152.883 tués (ordre de grandeur comparable aux 141.000 « rebelles » tués des bilans militaires français). Comment peut-on en déduire le million-et-demi de martyrs des discours officiels ?
Messaoud Maadad a publié un ouvrage utile pour le public algérien, sous une forme curieuse : la moitié se compose d’une chronologie commentée par d’abondantes notes, le reste de documents (textes, photos, fac-similés, en partie extraits de livres français non cités). L’auteur fustige « l’écriture de l’histoire qui ne se fait pas », pour des raisons obscures, mais il reprend à son compte le discours populiste réaffirmant l’engagement de la masse du peuple algérien autour des maquisards invaincus. Ses mises au point sur des faits précis sont néanmoins assez pertinentes, mais on est gêné par l’absence de références, si ce n’est aux auteurs dont il réfute les interprétations.
Cependant, la contribution la plus éclairante à la compréhension de la Révolution algérienne est le dernier livre de Mohammed Harbi, L’Algérie et son destin, croyants ou citoyens. Retraçant son itinéraire politique et intellectuel, il soumet à la critique ses analyses précédentes, à la lumière des événements postérieurs, et en même temps réévalue l’histoire du mouvement national et de la Révolution en fonction de leurs résultats. Un tel livre est tout entier à lire et à méditer. Signalons particulièrement le passage qui démontre les dangers de l’abus de la violence :
« L’idéalisation de la violence [...] requiert un travail de démystification. Parce que ce travail a été frappé d’interdit, que le culte de la violence en soi a été entretenu dans le cadre d’un régime arbitraire, l’Algérie voit resurgir avec l’islamisme les fantômes du passé » (p. 155) [13].
En effet, c’est en refusant de tirer des enseignements critiques de son histoire que l’Algérie s’est condamnée à la revivre. La quasi-guerre civile qui y sévit depuis janvier 1992 rend ce travail à la fois plus difficile [14] et plus nécessaire que jamais. Les Français, qui ont la chance de ne pas subir les mêmes contraintes, auraient tort de ne pas ressentir la même urgence.
Guy Pervillé
[1] À compléter par le n° 26 des Matériaux pour l’histoire de notre temps, édité par l’Association des Amis de la BDIC et du Musée (« La guerre d’Algérie : les humiliés et les oubliés », présenté par Jacques Delarue).
[2] Voir à ce sujet les articles de Jean Daniel, de Pierre Vidal-Naquet et de Mohand Hamoumou dans « La guerre d’Algérie 30 ans après », n° 9 des Dossiers du Nouvel Observateur.
[3] A signaler également la publication des actes du colloque de Chartres (novembre 1986) sous la direction de François Gaspard, De Dreux à Alger, Maurice Violette, 1870-1960, Paris, l’Harmattan, 1991, 206 p. Préface de François Mitterrand, introduction de René Rémond, et conclusion de Charles-Robert Ageron. On lira notamment la contribution de Gilbert Meynier sur Maurice Viollette face à la guerre d’Algérie.
[4] Cité par Charles Robert Ageron dans La guerre d’Algérie dans l’enseignement en France et en Algérie, Paris, Ligue de l’enseignement, IMA et CNDP, 1993, p. 156. cf. « Les archives des opérations en Algérie », par Philippe Schillinger, Revue historique des armées n° 2, 1992, pp. 8-14.
[5] Dans la même collection, voir L’attentat du Petit Clamart, par Jacques Delarue et Odile Rudelle, 1990.
[6] Pour combler cette lacune, j’ai été sollicité afin de rédiger une brochure, adressée à tous les membres de l’association des professeurs d’histoire et de géographie par la société productrice du film.
[7] Pourtant réaffirmé dans un article des Cahiers du Communisme, mars 1992, p. 62.
[8] Cf. Dominique Masset : Une affaire intérieure française. La Belgique et la guerre d’Algérie, Bruxelles-Louvain, CIACO, 1988.
[9] Ali Haroun, dans son livre La septième wilaya, p. 374, parle de 200 tués et 2.300 blessés.
[10] Cité d’après Enquête sur l’histoire, n° 2, 1992, dossier « L’OAS et la guerre d’Algérie ». Cf. Le Crapouillot, n° 109, « La guerre d’Algérie inconnue ».
[11] Cité d’après Parcours. L’Algérie, les hommes et l’histoire, n° 16-17, 1992, p. 170 (qui rend compte p. 174 du livre de Claude Charbonneau, Fors l’Honneur, ou le respect de la parole d’un Breton, Algérie 1954-1962, recueil de 22 témoignages, Plougrescant, Éditions Confrérie Castille, s. d., 208 p.).
[12] Mais la préface de Mourad Oussedik, tout en dénonçant l’occultation de la mémoire, fait de la désinformation en invoquant « le million-et-demi d’Algériens qui alors ont donné leur vie ».
[13] C’est ce que n’a pas compris Pierre Haudiquet, quand il me reproche de dénaturer la lutte du peuple algérien en employant le mot « terrorisme », dans son article « Regards d’aujourd’hui sur les événements d’hier », Cahiers du Communisme, mars 1992, p. 64.
[14] Une série télévisée de 18 épisodes sur les accords d’Évian a été suspendue après 15 émissions parce qu’elles avaient suscité des protestations (Le Monde, 31 juillet 1992). Deux des participants algériens aux colloques de la Sorbonne et de Paris VIII, Tahar Djaout et Mohammed Boukhobza, ont été assassinés par des islamistes.