Pierre Le Goyet, La guerre d’Algérie (1991)

samedi 21 juin 2008.
 
Ce compte-rendu du livre de Pierre Le Goyet, La guerre d’Algérie, Paris, Perrin, 1989, 502 pages, a été publié dans la Revue française d’histoire d’Outre-mer n° 291, 2ème trimestre 1991, pp. 279-280 ; ainsi que dans Historiens et Géographes n° 330, janvier-février 1991, pp. 422-423.

Le colonel Pierre Le Goyet est un militaire de carrière, qui a servi en Indochine jusqu’en 1956 et en Algérie, dans le secteur de Frenda, entre octobre 1956 et avril 1961. Mais il a aussi travaillé de longues années au Service historique de l’armée jusqu’en 1975, et publié de nombreux livres d’histoire militaire avant et après sa retraite. Dans celui-ci, il a tenté de prendre de la distance par rapport aux passions que la guerre d’Algérie a inspirées à tant de ses camarades, sans renoncer à faire comprendre leur point de vue. Il a bénéficié des archives privées de Jean Lamy, qui fut président de l’Union algérienne de la Confédération générale de l’agriculture, et président de l’Association de sauvegarde des Français en Algérie, créée par les accords d’Évian, jusqu’en 1965.

Son récit de la guerre d’Algérie est donc en même temps une tentative d’expliquer son déclenchement, son déroulement et son aboutissement pour répondre à toutes les interrogations qu’ils ont suscitées. Il se sépare de la version courante chez les militaires et les Français d’Algérie en admettant que l’indépendance était déjà inévitable à terme dès 1958, à cause de la démographie et de la prééminence de l’islam. Il explique également la politique du général de Gaulle par la crainte d’une guerre sans issue, le terrorisme permettant au FLN de perpétuer son action malgré son échec militaire. La thèse centrale du livre est le rôle décisif du terrorisme, que l’auteur présente comme une arme de guerre à part entière (en citant Clausewitz), et dans lequel il voit la vraie cause de la torture (dont on a, selon lui, exagéré l’importance en accordant trop de crédits aux accusations systématiques du FLN). Cette thèse est en partie vraie, et pourtant discutable, notamment parce que le terrorisme n’a jamais suffi à donner la victoire au plus faible s’il n’était pas en même temps le plus résolu (voir « Le terrorisme dans la guerre d’Algérie », L’Histoire, n° 119, février 1989).

On regrettera que l’auteur ait cité deux fois le même entretien entre le général De Gaulle et le député d’Oran Pierre Laffont, d’abord sous la forme d’un compte-rendu intégral mais faussement daté d’avril 1960 (pages 318-324), puis en le situant correctement au début de décembre 1960 (page 378), ce qui permet de mesurer la rapidité de l’évolution de la politique gaullienne après cette date. Le style est malheureusement plus oral que rédigé, abusant des verbes au futur, des guillemets, des points d’interrogation et de suspension. Enfin, trop de noms propres musulmans sont estropiés.

Guy Pervillé



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